
2310 Revue Médicale Suisse
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www.revmed.ch
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23 novembre 2011
afin de relever d’éventuelles ambiguïtés et
de lui permettre de les clarifier.
Nous les informons qu’ils peuvent chan-
ger d’avis à tout moment, qu’ils doivent garder
l’original aisément accessible et remettre
une copie à leur représentant thérapeutique.
Nous gardons une copie dans le dossier
médical de dialyse et une autre peut être
ajoutée au dossier patient intégré (DPI) de
notre hôpital. Le représentant thérapeutique
doit autant que possible être associé à la
démarche, et doit dans tous les cas con-
sentir à ce rôle.
quelques chiffres
Durant la période de décembre 2007 à
décembre 2010, 201 patients ont été dialy-
sés dans notre centre. Il y a eu 43 décès,
soit une mortalité de 7,2% par an inférieure
à ce que l’on retrouve dans la littérature.1
Quarante-cinq patients ont été évalués, soit
un peu moins d’un quart (22,3%) du collec-
tif. Parmi eux, un cinquième (20%) a rédigé
des directives anticipées, près de la moitié
a refusé ou s’est abstenue (51%), 16% sont
en attente d’entretien et 13% ont reçu l’in-
formation préalable (figure 1). La propor-
tion de patients qui ne sont pas intéressés
par les DA (refus ou abstention) est impor-
tante puisque cela représente un patient
sur deux. Nous pensons toutefois que le fait
de l’avoir proposé, et de le proposer en-
core dans le futur, suscitera une réflexion
chez ces patients. De plus, ils peuvent ainsi
identifier des personnes ressources qui se-
ront à leur disposition quand ils décideront
de rédiger des DA.
exemples
Cas clinique 1
Il s’agit d’une patiente de 72 ans, en
hémodialyse depuis quatre ans pour une
insuffisance rénale terminale sur hydro-
néphrose bilatérale secondaire à une ra-
diothérapie pour un carcinome de l’uté-
rus. Elle a bénéficié, neuf ans auparavant,
d’une importante opération chirurgicale
pour un carcinome utérin, suivie de chi-
miothérapie et de radiothérapie. Elle souf-
fre depuis de diarrhées chroniques inva-
lidantes sur colite radique. A l’âge de 71
ans, on lui découvre un carcinome du sein
pour lequel elle est également opérée.
Durant l’information préalable pour les
DA, elle nous signale qu’elle fait partie
d’EXIT, dans l’idée d’avoir la possibilité
éventuellement un jour de recourir à l’as-
sistance au suicide. Après discussion, il
nous apparaît clairement que cette dé-
marche n’est pas similaire aux DA. En ef-
fet, la patiente doit être consciente pour
avoir recours à l’assistance au suicide,
alors que les DA s’appliquent justement
dans le cas où la patiente deviendrait in-
capable de discernement.
Voici ses directives anticipées :
«Le jour où mon état de conscience ne
me permettra plus de prendre de dé-
cision pour moi-même, je soussignée
Mme… demande après mûres réflexions
et en pleine possession de mes moyens,
que soient respectées les dispositions
suivantes :
• être réanimée, ce qui permettra d’éva-
luer mon état physique et psychique. Si
mon état ne s’améliorait pas, et s’il y avait
souffrance cérébrale avec des lésions
irréversibles (tel un coma dépassé), je ne
souhaite pas être sous l’assistance d’un
respirateur et que l’on prolonge ma vie ;
• si toutefois mon état de dépendance
était tel que je doive être admise dans
une structure de long séjour où je n’au-
rais plus aucune autonomie (mobilité,
alimentation), je refuse que l’on prolonge
ma vie dans ces conditions ;
• je souhaite que l’on soulage mes dou-
leurs au maximum.
Mon représentant thérapeutique est
untel».
Ce document est conservé dans son
dossier médical et la patiente décédera
une année plus tard dans un autre hôpital.
Cas clinique 2
Il s’agit d’un patient de 80 ans en hé-
modialyse depuis quatre ans pour une
insuffisance rénale terminale sur néphro-
angiosclérose. Il est connu pour une
cardiopathie ischémique, hypertensive,
valvulaire et rythmique, différents épi-
sodes d’infections, un ulcère duodénal
et une goutte.
Il est de confession juive et fera ses
direc tives anticipées en présence de son
épouse.
«Le jour où je ne pourrai plus prendre
une décision moi-même, je soussigné
Mr… demande après mûres réflexions
et en pleine possession de mes facul-
tés, que soient respectées les disposi-
tions suivantes :
• bien que ma conviction religieuse m’in-
terdise d’abréger ma vie, je ne souhaite
pas que celle-ci soit prolongée par l’as-
sistance de machines, maintenant artifi-
ciellement mes fonctions vitales, en l’ab-
sence de tout espoir de réversibilité.
Mon représentant thérapeutique est
mon épouse».
Ce document est conservé dans son
dossier médical. Le patient fera quel ques
années plus tard de nombreuses com-
plications pour lesquelles il demandera
que l’on arrête la dialyse. Sa famille s’op-
posera à cette décision, principalement
pour des raisons religieuses, et il sera
dialysé jusqu’à la fin de sa vie.
Ces deux situations cliniques permettent
de constater que des confusions terminolo-
giques et des amalgames ont pu être mis
en lumière et élucidés par l’équipe soignante
grâce à la rédaction de DA. Premièrement,
la différence entre la notion d’autodélivrance,
terme employé par l’association EXIT pour
désigner l’assistance au suicide et les DA.
Le second point mis en évidence ici est
l’importance des croyances religieuses de
nos patients et la place que celles-ci peu-
vent prendre en fin de vie. Finalement, le
deuxième cas illustre également à quel point
un avis, même contraire, de membres de la
famille d’un patient peut peser lourd lors de
décisions de fin de vie.
discussion
L’accessibilité à l’information qui est ainsi
donnée aux patients pour faire des choix
thérapeutiques, ainsi que la réflexion susci-
tée par ces entretiens nous paraissent de
loin les aspects les plus importants de cette
démarche. La mise en place de DA dans
notre Service de dialyse chronique, nous a
permis d’aborder une dimension de la rela-
tion thérapeutique qui nous était largement
inconnue. La dialyse est un domaine très
Figure 1. Répartition des patients
évalués pour des directives anti-
cipées
13%
Directives anticipées
Refus
Réflexion
Attente
16% 20%
51%
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