Sorsok, frontok, eszmék. Tanulmányok az első világháború 100. évfordulójára, Főszerkesztő: Majoros István
Szerkesztők: Antal Gábor, Hevő Péter, M. Madarász Anita, ELTE, BTK, Budapest, 2015.
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de conquêtes et d'expansion ».
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Dès lors, « comme l'impérialisme existe à l'échelle
mondiale, la guerre qu'il porte en lui est, par nature, mondiale » ; idée exprimée
dans une phrase célèbre par Jean Jaurès comme une consubstantialité : « Le
capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage ».
Depuis, de nombreuses recherches empiriques ont mis à jour
l'interdépendance du politique et de l'économique, l'action du capital
financier à travers l'activité des groupes, en liaison avec l'appareil d'État.
Ainsi l'historien Jacques Thobie souligne que « le plein accomplissement de
l'impérialisme suppose à la fois l'action de groupes représentant les intérêts du
capitalisme financier, et l'intervention politique de l'État à travers (ou conjointement
avec) l'action de ces groupes en direction des pays et régions destinataires de ce
capital ». C'est pourquoi « l'exportation des capitaux se situe au centre de toute
réflexion sur l'impérialisme », de même que la « cordiale connivence » entre les
représentants de l'État et des groupes d'intérêts privés.
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Concrètement, les zones de conflits et d'instabilité où, à la veille de la
Grande Guerre, s'observe l'action conjointe de la finance, de l'économie
(production et échanges des marchandises) et de la diplomatie des
puissances rivales, piliers de la Triplice et de l'Entente, se localisent pour
l'essentiel en dehors des empires coloniaux, dans des régions disposant d'un
Etat et pouvant donc répondre des engagements contractés.
L'affaire du Maroc retient d'autant plus l'attention qu'elle débouche sur
deux alertes graves dont le cheminement permet de circonscrire, dans ses
grandes lignes, un complexe impérialiste historiquement avéré : ampleur et
virulence des groupes rivaux industriels et financiers, conjonction étroite
entre les « grandes affaires » et la diplomatie française, rapprochement
franco-britannique dans l'Entente cordiale et consolidation par là-même de
l'alliance franco-russe, mise à l'épreuve de ces amitiés par les dirigeants
allemands qui cherchent à faire capoter le rapprochement franco-
britannique par des offres répétées d'une « alliance continentale »
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Jean BOUVIER : Initiation au vocabulaire et aux mécanismes économiques contemporains (XIX
e
-
XX
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s.), Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'Histoire », 1972, 352-353. En 1913, la presse allemande
salue le vote de la loi militaire en ces termes : « La force que le Gouvernement impérial aura désormais
entre les mains lui permettra de nous assurer les débouchés qui nous sont nécessaires », et l'ambassadeur
de France à Berlin estime que les ambitions allemandes « ne sont pas l'effet arbitraire d'un
impérialisme jaloux ; elles naissent de la force des choses []. » Jules Cambon à Pichon, D. n° 398.
Berlin, 8 juillet 1913. Ministère des Affaires étrangères (MAE). Commission de publication des
documents relatifs aux origines de la guerre de 1914. Documents diplomatiques français (1871-
1914). 3
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Série (1911-1914). Tome VII (31 mai 10 août 1913). Paris, Imprimerie Nationale,
MCMXXXIV. Source Gallica.bnf.fr / Bibliothèque du Ministère des Affaires étrangères.
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Jean BOUVIER, René GIRAULT, Jacques THOBIE : La France impériale 1880-1914, Paris,
Mégrelis, coll. « Chemins d'aujourd'hui », 1982, 57. « Hier encore, écrit par exemple l'ambassadeur de
France en Russie, le représentant de Saint-Chamond [Forges et Aciéries de marine] repartait avec une
commande de tourelles pour seize millions. Il en espère, avec notre concours, une autre plus considérable
encore, si la marine russe, à notre exemple, adopte la tourelle quadruple. » Delcassé à Pichon, T. n° 533.
Confidentiel. Saint-Pétersbourg, 8 août 1913. MAE, Tome VII.