La Méguila d`Esther et le Bet Hamikdach

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Université Marc BLOCH
Strasbourg
Institut d'Hébreu
Master D’HEBREU (2° Année)
La Méguila d'Esther et le Bet Hamikdach
PEREZ Robert
(Septembre 06)
Professeur Joseph ELKOUBY
Professeur David BANON
1
La Méguila d'Esther et le Bet Hamikdach :
PLAN
Introduction
Importance de la Méguila d'Esther
p.9
Situation de Pourim historiquement
p.20
Les différentes interprétations de 70 ans
p.21
Cyrus et le retour des exilés
le retour en Israël et l'arrêt de la construction
du temple
Assuérus et le temple de Jérusalem
Le festin d'Assuérus
La mort de Vachti
Haman et le Bet Hamikdach
Le peuple juif et le Bet Hamikdach
Le jeûne d'Esther et son rapport avec le temple
Mordekhaï et le temple
Esther et le temple
Le temple dans la Méguila d'Esther
Quelques dates du calendrier juif
Durée du règne d’Assuèrus
Les 6 obligations de Pourim
Méguila en hébreu
Méguila en français
Les noms des personnages du livre d’Esther
Les quatres parachiot
Conclusion
p.23
p.27
p.29
p.31
p.34
p.35
p.40
p.44
p.48
p.50
p.56
p.58
p.59
p.61
p.63
p.71
p.82
p.87
p.88
Bibliographie
p.89
Conclusion bis
p.90
2
3
LA MEGUILA D’ESTHER ET LE BETH-HAMIKDACH.
Si on demande quelle est la relation entre le Beth-Hamikdach,( le
Temple de Jérusalem), et l’histoire de Pourim relatée dans le Livre
d’Esther, la plupart répondront qu’à priori, il n’y en a pas.
Et, si on affirme que le sujet principal est le Beth-Hamikdach, cela
paraît incroyable, pour au moins une raison, évidente :
Il n’est mentionné nulle part.
Si la raison est évidente, elle n'est pas suffisante. En effet, le nom
de D’ieu ne figure pas dans la Méguila d’Esther :
est-ce une raison pour Lui refuser le rôle principal ?
Quand j'ai découvert, émerveillé, cet éclairage original à mes
yeux de la Méguila d'Esther, j'ai pensé que ça intéresserait
d'autres personnes.
Cette étude n'est que le reflet de ce que j'ai appris dans le Sidour
Hamikdach.
Autres titres possibles :
L'enjeu véritable de Pourim : le Beth-Hamikdach
La lutte pour la construction du deuxième temple
La véritable histoire de Pourim
Derrière les masques de Pourim.
Pourim : vérité officielle et vérité tout court.
L'Histoire derrière l'histoire.
Dans les coulisses de Pourim.
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Petites remarques génèrales :
ll faut prendre conscience de cette conception vitale : l'étude de
l'Histoire ayant toujours été considérée comme peu importante
dans le monde de la Torah, elle a été abandonnée aux
historiens qui l'ont trop souvent déformée.
(...cette étude) jette un jour nouveau sur un aspect de cette
période que l'on ne retrouve pas dans les livres d'Histoire.
La plupart d'entre nous avons été endoctrinés avec une version
non juive, anti-thoraïque de l'histoire.
L'histoire authentique de cette période vue à travers l'optique de
la Torah est complètement différente
(Artscroll/Méguila d’Esther)
Pour la géographie, voici une carte sur laquelle on voit la terre
d’Israel, Babylone et Suse.
5
Tout le monde connaît l’histoire de la Reine Esther !
Résumons - la néanmoins:
Le roi de l’empire perse Assuérus, fait un festin la troisième
année de son règne, et invite ses sujets. Il y fait étalage de ses
richesses. Sous l’emprise du vin, il commande à sa reine,
Vachti, de venir montrer sa beauté devant ses invités.
Elle refuse de s’exécuter et il l’exécute.
Dans tout le royaume, on cherche celle qui remplacera Vachti :
ce sera Esther, parente de Mardochée, juif exilé de Judée par
Nabuchodonosor, roi de Babylone.
Mardochée, préoccupé par le sort d'Esther, vient souvent près
du palais. Un jour, il surprend des comploteurs, en avise
Esther, qui en fait part au roi : le complot est déjoué. Ceci est
consigné dans les annales du royaume. Consigné, mais non
récompensé.
Haman, l'un des conseillers du roi, est promu premier ministre
: tous se prosternent devant lui, mais pas Mardochée. Haman
décide de se venger en exterminant le peuple juif, à une date
tirée au sort -Pour-, d’où le nom Pourim.
Mardochée demande à Esther d’intercéder auprès du roi. Elle
commence par hésiter, puis elle réclame de son peuple un
jeûne de trois jours, enfin elle invite le roi et Haman à deux
reprises.
Le roi découvre que Mardochée n’a jamais été récompensé, et
il en charge Haman.
Esther demande au roi de la sauver elle et son peuple de la
mort programmée par Haman. Celui-ci est pendu, ainsi que ses
enfants, et ses partisans sont livrés à la vengeance des juifs
partout dans le royaume. Mardochée est anobli, Il institue la
commémoration de ces événements chaque année : c’est
l’objet de la fête de Pourim.
(Le texte original en hébreu et sa traduction sont en annexe.)
6
A quelques détails près, l’histoire est ainsi racontée et lue en public
dans toutes les synagogues du monde, depuis près de 2500 ans.
Mieux encore que mon résumé, voici celui que les rabbins ont
introduit dans la prière le jour de Pourim :
Nous remarquons tout de suite qu'il n'y a aucune indication de date
qui puisse nous aider à situer cette histoire dans l'Histoire. Ceci
confirme les petites remarques extraites d’Artscroll.
De même, il n'y a aucune allusion au Bet Hamikdach.
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La tradition juive rapporte qu'il y a quatre manières de lire un texte
biblique, c'est-à-dire quatre manières de découvrir le sens : le
pchatt, le drash, de remez et le sod.
Le pchatt et le sens « simple ».
Le drach est un sens au-delà du pchatt : la tradition orale vient
orienter la lecture du texte (c'est ce que fait le midrash).
Le remez est un sens allusif. Un sens entièrement différent du
pchatt est proposé.
Enfin le sod, c'est le sens caché le sens secret que l'on ne dévoile
pas aisément et encore qu'à moitié : il se termine parfois par ces
mots : « et le lecteur intelligent comprendra ». Bien souvent, le sod
est relié à la Kabbale.
(L-G Benguigui : Racine et les sources juives d'Esther et Athalie).
Le Sidour Hamikdach qui a donné l'idée de cette étude, et qui a
fourni l'essentiel des références, utilise très certainement ces quatre
niveaux de compréhension, même s’il privilégie bien évidemment
les sens qui vont au-delà du pchatt, et qui n'ont pour objet que le
Bet Hamikdach.
Quand nous aurons cité les lois relatives à Pourim, on ne
pourra plus se satisfaire du sens premier, du pchatt, du sens
« commun », nous serons bien obligés d'admettre le sens audelà du pchatt.
En effet, si on considère certaines lois relatives à la Méguila
d’Esther, elles paraissent disproportionnées par rapport à l’histoire
racontée. Et même l’histoire de la sortie d’Egypte, n’est pas mise
sur le même plan par les décisionnaires rabbiniques.
Question saugrenue : « si Pourim tombe à Pessah, quelle sera la
priorité : lire la Méguila ou lire la Haggada? Et s’il faut lire les
deux, laquelle la première ? ».
8
Importance de la Méguila d'Esther
La méguila d’Esther (rouleau) a une importance unique par
rapport aux autres méguilot.
Elle doit être écrite sur du parchemin par un sofer
(calligraphe spécialisé), comme la Torah, le Pentateuque. Et
c'est la seule des 5 Méguilot qui comporte une telle
obligation, du moins quand elle lue en public, alors que les
autres sont lues à partir d'un texte banalement imprimé comme
n'importe quel livre.
Traduction : la Méguila d'Esther doit être lue à partir d'une
Méguila kashère, écrite par un soffer kasher, comme un Séfer
Torah -sur du parchemin, en écriture assyrienne et à l'encre
noire.
Cette loi est déduite de la Méguila elle-même, comme l'indique
Rachi :
Trad. : selon leur écriture : que la Méguila doit être écrite en
caractères assyriens.
9
Autre aspect qui montre l'importance extrême accordée à cet
écrit biblique : Maïmonide, dans les lois sur les Rois, dit :
-- la lecture publique de la Méguila d'Esther ne sera pas
abolie même aux temps messianiques.
-- tous les autres livres des Prophètes et des Hagiographes
ne seront pas maintenus, sauf la Méguila d'Esther , le
Pentateuque et le Talmud.
Quand d’autres fêtes ne seront plus célébrées, la fête de
Pourim ne sera pas supprimée.
Maïmonide encore dans les lois sur la Méguila (premier
chapitre, première loi) :
10
« la lecture de la Méguila en son temps est une loi positive
(mitsvat 'assé) instituée par les rabbins ; c'est une chose
connue qu'elle a été instituée par les prophètes, (comme
c'est mentionné dans le texte de la fin de la Méguila).
« Tous ont l'obligation de l'écouter, hommes, femmes,
étrangers et esclaves affranchis ;
« et même les prêtres délaissent leur service et viennent
pour écouter la lecture de la Méguila.
« De même les autres lois obligations (Mitsvot) instituées
par la Torah ne sont pas prioritaires devant la lecture de la
Méguila. »
Les paroles de Maïmonide sont étonnantes : il ressort de ces
paroles que les autres mitsvot de la Torah telles que les téfilines
et la mila, seront différées face à l'obligation de l'écoute de la
Méguila qui a donc le pouvoir de repousser toutes les autres
mitsvot. Pourquoi ?
Comment est-ce possible qu'une loi instituée par les
rabbins passe devant une loi instituée par la Torah ?
Cette première loi semble ahurissante.
En effet, c'est une règle (quasi) absolue : en termes d’importance et
de priorité, les commandements énoncés dans la Tora prévalent
sur ceux des Rabbins.
Or ici, bien que la lecture de la Méguila soit une institution des
Rabbins, laquelle devrait être moins importante que les
commandements institués par la Tora, cette lecture est prioritaire
et peut même repousser toute autre loi, même une loi de la Tora .
Mieux encore, on ne fait pas jouer la règle bien connue :
11
(Quand ce sont deux lois de la Torah), celui qui est occupé à
l’accomplissement d’une mitsva, d’un commandement, est
dispensé d’accomplir un autre commandement en même
temps »
Or ici, cette dispense ne joue pas : la loi énoncée par
Maïmonide dit clairement que le prêtre doit laisser le service
divin au temple de Jérusalem sans le terminer, et ceci, pour
aller écouter la lecture de la Méguila.
Le prêtre aurait pu se prévaloir d’être déjà occupé à
l’accomplissement d’une mitsva, -et quelle mitsva !- le service
du Temple ! -pour se dispenser d’aller écouter la Méguila.
Et Maïmonide a choisi la loi la plus perpétuelle (celle du
service au temple, sur laquelle le monde repose), pour
énoncer la super priorité de la lecture de la Méguila.
Bien que Maïmonide soit très explicite, le Rama (entre autres
décisionnaires), nuance en disant que si l’on a deux choses à faire,
dont l’écoute de la Méguila, on donne la priorité à cette dernière
(même en abandonnant sa précédente occupation);
le Rama ajoute que si on ne peut pas faire les deux, aucune
obligation toraïque n'est repoussée par la lecture de la Méguila.
Pourtant, les Sages du Talmud sont bien clairs : « tous
abandonnent leur occupation, leur avoda, pour venir écouter la
lecture de la Méguila.
On peut également citer Rabbi Yéhouda Hanassi (qui ne dormait
pas plus de 60 respirations par nuit - tant était grande son assiduité
à l'étude de la Tora) qui a enseigné : « on abandonne l'étude de la
Tora et on vient écouter la lecture de la Méguila ».
Il justifiait cela par le fait que si la Avoda -qui est importanteest abandonnée au profit de la lecture de la Méguila, a fortiori
l’étude de la Tora.
12
C'est donc que la lecture de la Méguila et son écoute doivent donner un
enseignement essentiel.
Pourquoi la Méguila d’Esther a une telle importance ?
QUE RACONTE LA MEGUILA D’ESTHER POUR JUSTIFIER
D’UNE TELLE PRIORITE ?
Ce n'est évidemment pas pour nous apprendre l'histoire d'une
fille d'Israël devenue reine d'un peuple étranger, ni même du
sauvetage du peuple juif de l'extermination.
Dans l'histoire du peuple juif, il y a eu tant d'autres sauvetages,
tant d'autres menaces, tant d'événements merveilleux ou
tragiques.
D’ailleurs, nous fêtons durant toute une semaine, à Pessah, le
plus représentatif, et donc il les inclut tous.
Ne lit-on pas durant cette fête, notamment, le passage :
« à chaque génération, « bekhol dor vador », on se
lève contre nous pour nous exterminer, et D’ieu nous sauve
d’entre leurs mains ! »
Donc, la lecture de la Haggada à Pessah englobe tous les
sauvetages !
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Ici sont rapportés quelques uns des miraculeux sauvetages de telle ou
telle communauté, évidemment ce n’est pas exhaustif !
Ceci pour illustrer l’argument selon lequel l’enjeu de la Méguila est la
construction du second Temple, le sauvetage en soi n’étant pas inhabituel
dans l’histoire du peuple juif !
14
15
L'histoire superficielle contée par la Méguila n'a rien d'extraordinaire qui
puisse justifier la place primordiale que lui accorde Maïmonide.
Il faut donc une raison qui n'apparaît qu'à travers les
commentaires de nos rabbins : une raison cachée mais
essentielle tout comme la présence divine omniprésente du
début à la fin de cette histoire (comme de toutes les histoires),
mais où le nom de Dieu n'apparaît pas.
Pour tenter de trouver cette trame cachée mais indispensable,
nous allons citer un commentaire de Rachi, commentaire
inhabituel chez ce grand exégète:
En effet, Rachi dit plusieurs fois dans son commentaire de la
Méguila : « et nos Maîtres ont commenté ce qu'ils ont
commenté, ou bien nos rabbins ont commenté autrement »,
comme si Rachi se satisfaisait du sens premier (et peut- être
banal) : il nous dit qu’il y a un autre éclairage, mais sans le
rapporter.
POURQUOI ?
Mais sur un verset en particulier (le verset trois du chapitre
cinq), Rachi fait un commentaire extra-ordinaire.
„ « jusqu'à la moitié du royaume, et ce sera fait ». Traduction
du rabbinat : « quand ce serait la moitié du royaume, elle te
serait accordée ».
Cette phrase qui paraît généreuse en soi, devient banale dans
une discussion entre époux de sang royal : c'est une bonne
réplique dans un conte de fées, mais la Bible n'est pas un conte
de fées. Nos Rabbins disent même : « Comment ? que la
moitié ? »
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Commentaire de Rachi :
« la moitié du royaume : une chose qui se trouve au milieu
et au centre du royaume c'est le temple de Jérusalem, c'est
le Beth Hamikdach qu'ils (les juifs retournés en Israël) qu'ils
ont commencé à reconstruire au temps de Cyrus qui a
changé d'avis et qui a ordonné l'arrêt des travaux, et
Assuèrus qui lui a succédé, a fait arrêter les travaux même
lui ; »
et ce n’est qu’après qu’il ajoute :
« et le sens simple du texte signifie: même si tu me
demandes la moitié du royaume, je te la donnerais ».
Rachi est ( on ne peut plus) explicite : il
met en premier ce qui lui semble très important : et là, il est
très clair, sans ambiguïté :
Assuèrus qui ne sait pas encore qu'Esther est juive, lui
déclare d'emblée qu'il y a un sujet tabou sur lequel il est
intransigeant et c'est le Beth Hamikdach .
Citons encore Rachi sur le premier verset de la Méguila ; il nous
dit qui est Assuèrus :
« c'était un roi de Perse qui a régné après Cyrus vers la fin
de 70 ans d'exil de Babylone . »
Simplement avec deux commentaires de Rachi, nous avons
situé historiquement la date de ces événements, et nous avons
17
appris que le Beth Hamikdach est au centre des préoccupations
d'Assuèrus.
On peut également préciser que l'histoire de Pourim s'est
déroulée environ 250 ans avant celle de Hanoucca. Le poème
bien connu qui est chanté pendant cette dernière, Maoz Tsour,
respecte bien cette chronologie.
Le premier paragraphe parle de l'exil de Babel et des 70 ans.
Le deuxième paragraphe parle de Pourim et de la fin de Haman.
Le troisième paragraphe parle de l'histoire de Hanoucca.
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Si nous racontons l'histoire d'Esther sans cet arrière plan
(volontairement ?) caché, il semble difficile de comprendre
l'importance que lui attribue Maïmonide.
Nous avons raconté l'histoire au-début. Résumons-la encore
plus :il y a 2500 ans,un roi en Perse fit exécuter sa femme Vachti
et prit à sa place Esther. Mordékhaï déjoua un complot contre le
roi. Haman le premier ministre qui détestait les juifs en décréta
l'extermination. Mordékhaï , Esther et la population juive de
Suse, par le jêune et la prière, vont faire annuler le décret.
Haman sera pendu et les ennemis des juifs châtiés.
Comment peut-on instituer pour toutes les générations à
venir un jour de jeûne (Jeûne d'Esther), suivi d'un jour de
réjouissances (fête de Pourim), où l'on lit et écoute le
rouleau d'Esther (entre autres obligations) ?
Juste pour cela ?
Si l’enjeu n’est pas extraordinaire, ces « péripéties », malgré
tout le respect dû à Mordékhaï et Esther, ne justifient pas
l’institution de tant d’obligations religieuses.
C’est donc que l’enjeu et l’enseignement à tirer de cette
histoire sont d’une importance capitale qui seule peut
justifier cette prééminence sur toutes les autres lois de la
Torah : c’est la relation du peuple juif avec sa terre et
surtout avec le temple de Jérusalem (comme nous allons le
voir).
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Situation de Pourim dans le calendrier historique.
Nous allons essayer de situer dans le temps, la période durant
laquelle se déroulent les faits relatés dans la Méguila d’Esther.
Nous savons que l’un des personnages principaux, Mordékhaï, a
fait partie des gens qui ont été exilés par Nabuchodonosor,roi de
Babylone,le destructeur du premier temple de Jérusalem (3338).
En 3390, Cyrus, roi Perse, met fin au royaume de Babylone.
Assuèrus a succédé à Cyrus sur le trône de l’empire perse. Il a
régné de 3392 à 3406 (14 ans). Notre histoire se situe donc
entre ces deux dates.
Comme notre sujet est le Bet Hamikdach dans la Méguila
d’Esther, rappelons-nous que la construction du deuxième
temple de Jérusalem a eu lieu en 3408 , soit deux ans après le
règne d’Assuèrus.
Soixante-dix ans séparent la destruction du premier temple
et la construction du deuxième temple (3338 -3408).
Nous pouvons déjà nous étonner du fait que Mordékhaï, exilé
de Jérusalem à Babylone, se retrouve à Suse. Quel a été son
cheminement ?
Pourquoi le récit commence par le festin organisé par le roi
Assuérus ? Est-ce si important ?
Nous allons voir que ce festin qui se termine tragiquement
rappelle un autre festin tout aussi tragique.
20
Les différentes interprétations des 70 ans.
Il est une prophétie de Jérémie(29 ,10) qui dit : « quand
Babylone sera au terme de 70 ans pleinement révolus, Je
prendrai soin de vous et J’accomplirai en votre faveur ma
bienveillante promesse de vous ramener en ces lieux ».
Nous allons voir que l’interprétation de cette prophétie n’a pas
été facile : au moins deux personnages se sont trompés dans ce
calcul : Balthazar et Assuérus.
Même le prophète Daniel en a cherché l’explication : « moi
Daniel, lisant dans les livres, je cherchais à comprendre le
compte des années qui, suivant la parole de Dieu adressé au
prophète Jérémie, devaient passer sur les ruines de Jérusalem,
à savoir 70 années ».
Il est vrai que pour nous qui savons que 70 ans séparent la
destruction de la reconstruction du temple, il est aisé
d’interpréter cette prophétie. Cela n’est pas toujours le cas. En
effet, il est une autre prophétie, essentielle dans l’histoire du
peuple juif, qui est restée mystérieuse jusqu’à son dénouement :
c’est celle dont parle Dieu à Abraham : « ta descendance sera
opprimée durant 400 ans ». On s’est interrogé sur la durée réelle
de cet esclavage : est-ce que l’on compterait 400 ans à partir du
début de l’esclavage en Égypte, ou bien à partir de la descente
en Égypte ou même peut-être avant ?
Ce n’est qu’à la libération, à la sortie d’Égypte, quand on a fait le
décompte, que l’on a compris que Dieu dans sa miséricorde a
compté les 400 ans à partir de la naissance d’Isaac.
21
Revenons à nos 70 ans.
Nabuchodonosor a régné 45 ans et son fils Evil-Merodac durant
23 ans. Son petit-fils Balthazar organisa un festin la troisième
année de son règne, pensant que les 70 ans (45+23+2) dont
parle la prophétie de Jérémie s’étaient écoulés, sans aucune
manifestation divine. Il a cru pouvoir faire ce que son grand-père
Nabuchodonosor n’avait pas osé faire :
il a fait sortir des salles du trésor les objets du temple et les
a profanées durant son festin orgiaque. Il voulait ainsi
montrer son mépris envers ce Dieu qu’il ne craignait plus.
Son calcul s’est révélé faux, car il a pris comme date de
départ le début du règne de Nabuchodonosor.
Cette même nuit, Balthazar paye le prix de cette profanation :il
est assassiné par Cyrus le Perse et Darius le Mède : c’est la fin
du royaume de Babylone.
Nous verrons plus loin qu’ Assuérus fera la même tragique
erreur de calcul, et la même profanation des objets du temple.
La Méguila d’Esther montre le succès qui couronne ceux qui
soutiennent l’idée de la construction du temple, et la défaite pour
ceux qui complotent contre sa réalisation.
Ainsi les ministres de Perse et de Médie qui sont au service
d’Assuérus, étaient déjà au service de Balthazar, petit-fils de
Nabuchodonosor. Et pourtant Assuérus les a gardés à son
service ! Ils n’ont pas été une déchus car, au festin de Balthazar,
ils ne se sont pas servis des ustensiles du temple.
22
Cyrus et le retour des exilés.
Ainsi que le rapporte Ezra, Cyrus, dès le début de son règne
(3390), fit proclamer dans tout son empire : « s’il est parmi
vous quelqu’un qui appartienne à son peuple, que son Dieu
soit avec lui, pour qu’il monte à Jérusalem, qui est en Judée,
et bâtisse le temple de l’Eternel, Dieu d’Israël, de ce Dieu qui
réside à Jérusalem ».
23
Une cinquantaine d’années s’était écoulées depuis le début de
l’exil, et les juifs avaient commencé à s’établir confortablement
en Babylonie.
Sur les bords de l’Euphrate, la vie s’écoulait comme un long
fleuve tranquille.
Seuls 42 000 juifs écoutèrent son appel et rentrèrent en terre
d’Israël.
On peut estimer que ce nombre était décevant. Le geste de
Cyrus aurait dû être un signal pour retourner à Jérusalem
reconstruire le temple détruit par Nabuchodonosor.
Ce sont bien ces gens qui ont accroché –définitivement ?- leurs
instruments de musique, et ont clamé :
« sur les fleuves de Babylone,…
si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie… »
D’ailleurs, la Bible n’est pas tendre envers le peuple resté à
Babylone !
Mais elle n’est pas tendre non plus envers Cyrus : le qualificatif
de Messie lui a été retiré car il n’a pas fait ce qu’on attendait de
lui.
« D.ieu dit : J’ai dit : Cyrus construira Ma maison, et il
rassemblera mes exilés, et lui a proclamé : que celui d’entre
vous , que son Dieu soit avec lui et qu’il monte ».
Il aurait dû rassembler les foules en grand et les aider par tous
les moyens à retourner.
Mieux encore, c’était à lui de reconstruire ! Au lieu de cela, il a
laissé le choix aux individus : « celui qui veut monter, qu’il monte
par ses propres moyens ».
24
Le midrash du Cantique des Cantiques dit :
« Cyrus
se promenant dans la cité et la voyant déserte en demanda la
raison. On lui dit qu’il avait autorisé les juifs à partir, ce qu’ils
avaient fait.
Il changea d’avis et dit : « celui qui a traversé l’Euphrate, a
traversé ; et celui qui ne l’a pas encore traversé,ne le traversera
pas. »
On peut ici trouver des circonstances atténuantes à la partie
du peuple juif qui n’est pas montée immédiatement : Cyrus
lui-même les en a empêché !
Le roi David supérieur à l’empereur Cyrus :
-D.ieu avait dit à David : « ce n’est pas toi qui construiras ma
demeure … » , et David a néanmoins effectué tous les
préparatifs !
-Cyrus a reçu l’ordre de construire, et il ne l’a pas fait !
25
La victoire et la richesse ont été attribuées à Cyrus parce qu’il avait reçu
l’ordre de construire le Temple de Jérusalem. Mais, n’ayant pas
fait ce que Dieu attendait de lui, son règne pris fin au bout de
deux ans (3392) : c’est le début du règne d’Assuérus.
Néanmoins, il faut signaler , parce que c’est exceptionnel, la
répétition de l’appel de Cyrus : cet appel est la conclusion de la
Bible (Chroniques) !
26
Le retour en Israël et l’arrêt de la construction du Temple.
La vie n’était pas facile pour le petit nombre de juifs qui ont
écouté Cyrus et qui sont revenus dans leur patrie.
Aux difficultés habituelles de subsistance et de reconstruction du
pays, ils devaient faire face à l’opposition de ceux qui avaient
entre-temps occupé les lieux en leur absence. Ces étrangers
venus occuper une région vidée de ses habitants, voyaient d’un
mauvais oeil le retour des juifs sur leur terre. La lutte s’est
cristallisée sur Jérusalem et sur le temple : l’autel des
sacrifices ayant à peine été érigé que la construction a été
stoppée. Les ennemis des juifs (dont Haman et ses 10 enfants)
ont écrit des lettres malveillantes aux autorités perses qui ont
ordonné l’interruption des travaux de reconstruction du temple.
Commentaire de Rachi sur les 10 enfants de Haman :
27
Le midrash met dans la bouche de Haman les allégations
suivantes : « Salomon a construit une maison, et l’a nommée
Beth Hamikdach. Et je ne sais pas ce qui s’y trouvait. Avant
d’aller en guerre, les juifs y entraient, il faisait de la sorcellerie, et
quand ils en sortaient, ils tuaient et détruisaient le monde ».
Autre type d’allégation mensongère : « s’ils le reconstruisent, il y
aura rebellion, et l’empire perse sera coupé en son milieu ».
C’est une éventualité envisageable car Israël se trouve
effectivement à la charnière entre les deux parties de l’empire
perse. Ordre est donc donné de tout arrêter !
Assuérus, parce qu’il a empêché la reconstruction du temple, est
comparé à Nabuchodonosor qui l’a détruit.
Les juifs envoient donc Mordékhaï à Suse, et leurs ennemis
envoient Haman.
28
Assuèrus et le temple de Jérusalem.
A tout seigneur tout honneur, commençons par l’empereur
Assuérus. Il a succédé à Cyrus qui venait d’autoriser le peuple
juif à retourner en terre d’Israël et à recommencer la
reconstruction du temple de Jérusalem. Celle-ci ayant été
interrompue suite aux lettres envoyées d’Israël par les ennemis
des juifs, deux personnages sont envoyés de Jérusalem à Suse :
ce sont Mordékhaï et Haman.
Ezra 4,6 : « sous le règne d’Assuérus, dès le début de son
règne, ils envoyèrent une accusation écrite contre les habitants
de Juda et de Jérusalem. »
Assuérus, roi versatile et influençable, suit l’avis de Vachti (« tu
ne vas pas reconstruire ce que mes ancêtres ont détruit »)
et n’autorise pas la reconstruction (Haman est son conseiller en
ce domaine). Vachti paiera de sa vie son opposition au temple.
Assuérus épousera Esther dont il ignore l’origine juive. Il élèvera
Haman au grade de premier ministre, révélant ainsi sa pensée
secrète : pas de reconstruction.
29
Ceci est un exemple du nombre de questions que l’on peut poser
sur un texte :
-les redites, qui semblent inutiles, mais qui viennent toujours
préciser quelque chose de plus.
-pourquoi un festin ? pourquoi tant de détails sur cette fête ?
-l’ordre dans lequel sont annoncés les invités semble illogique !
-pourquoi dit-on règne, royauté ou royaume ?
-pourquoi fait-il étalage de ses richesses ?
-pourquoi tant de jours ?
30
Le festin d’Assuérus.
Craignant comme les autres monarques la prophétie de
Jérémie, Assuérus ne fit rien, tant qu’à ses yeux, les 70 ans ne
s’étaient pas écoulés. Se trompant tout comme Balthazar (qui
avait calculé à partir du début du règne de son grand-père
Nabuchodonosor), il crut cette durée écoulée à la troisième
année de son règne, en prenant comme point de départ le
premier des exils, celui du roi Iekhonia.
« Moi Assuérus j’ai fait mon compte et je ne vais pas me tromper
comme Balthazar ».
Assuérus est un aussi farouche opposant au Temple que
Haman.
Mais il cache son jeu :
se réfère à Haman, qui ne se cache pas.
se rapporte à Assuérus !
Croyant donc que les 70 ans prédits s’étaient écoulés, il organisa
ce fameux festin durant lequel il va exposer les objets en
provenance du temple de Jérusalem.
La signification de ce festin dans l’esprit d’Assuérus était que,la
prophétie ne s’étant pas réalisée , elle était donc fausse : le
temple ne serait jamais reconstruit, et il pouvait user à sa guise
de tout le trésor ramené de Jérusalem.
Il fête en réalité la ruine définitive du temple et de
Jérusalem.
Et tous ceux qui assistent à ce festin vont vite le comprendre.
31
En réalité, en « étalant la richesse de son faste royal et la rare
magnificence de sa grandeur », Il profane les objets du temple !
La richesse évoque les objets en or du temple : la boisson était
servie aux invités dans de la vaisselle en or, Et la magnificence
renvoie vos habits du grand prêtre.
sur ce verset il est intéressant de citer Rachi : il feint d’ignorer
totalement la deuxième signification des objets en or ; quant à la
particularité de ces objets si variés, il commence par dire qu’ils
sont juste différents les uns des autres, mais il précise aussitôt
qu’il y a une autre explication donnée par les Rabbins.
32
Voici l’explication dont Rachi parle, mais sans la rapporter :
L’exposition des objets du temple est déduite du verset : chapitre
1, verset 7 : les boissons étaient offertes dans de la vaisselle en
or qui était d’une grande variété (chonim) : les ustensiles du roi
paraissaient comme du plomb à côté des ustensiles en or
provenant du temple. Autre explication : «mikélim » les objets
du temple éclipsaient (makhlim) les ustensiles alentour.
Quant aux vêtements des prêtres, c’est par analogie des termes
employés dans le rouleau d’Esther et dans la Bible : «kavod » et
«tif’éret ». On retrouve les mêmes termes , ici dans la
description des festivités, et aussi dans la description des
vêtements du grand prêtre Aharon.
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La mort de Vachti
Vachti n’est pas une victime innocente de l’ivrogne Assuérus.
Elle est la descendante de Nabuchodonosor, et elle avait usé de
son influence pour empêcher toute reconstruction du temple de
Jérusalem. Elle disait à Assuérus : « tu ne vas pas reconstruire
ce que mes ancêtres ont détruit ».
Elle a même voulu ridiculiser les serviteurs du temple en se
pavanant avec le costume du grand prêtre. Sa punition fut de
mourir toute nue.
Ainsi se trouve réalisée la prophétie d’Isaïe :
« Je retrancherai de Babel le nom et la trace, et le petit-fils et
l’arrière petit-fils (14-22) ». Le nom, c’est Nabuchodonosor qui
a incendié le temple, qui a exilé le peuple d’Israël, qui a détruit
Jérusalem et crevé les yeux deTsidkyahou. Nous avons signalé
comment Balthazar avait sorti orgueilleusement des objets du
temple, il y avait bu lors de son festin et était mort le soir même.
La trace, c’est Evil-Mérodac, son fils. Le petit-fils c’est
Balthazar.
Vachti, l’arrière petite fille de Nabuchodonosor, a subi le sort
réservé à ceux qui se sont opposés à la reconstruction du temple
de Dieu.
Et si Assuérus ne subit pas le même châtiment que Vachti, c’est
que Dieu projetait que le fils qu’il aurait d’Esther, c’est-à-dire
Darius, reconstruirait le temple.
34
Haman et le Beth Hamikdach
Nous avons vu que Haman était de ceux qui ont écrit les lettres
malveillantes au roi de perse provoquant l’interruption de la
construction du temple. Il est même l’envoyé spécial à Suse des
étrangers établis en Israël. Haman va plaider auprès d’Assuérus
la cause des ennemis d’Israël qui ne voient pas d’un bon oeil le
retour du peuple juif sur sa terre.
Le midrash raconte qu’ «une vieille inimitié existait entre
Mordékhaï et Haman » .
On comrend mieux ainsi pourquoi Mordékhaï n’acceptera jamais
de se prosterner devant Haman : il connaît son origine, tout
premier ministre qu’il soit devenu.
Et même s’il s’était prosterné devant lui, rien n’aurait empêché
Haman de profiter de sa position politique pour exterminer le
peuple juif : ainsi il aurait pleinement rempli sa mission : pas de
temple, et mieux encore, plus du tout de peuple juif nulle part.
Haman est un descendant de Amalek : « le roi Assuérus éleva
Haman fils de Hamédata l’Agaghite»(Esther chapitre 3, verset 1).
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Dans Samuel(I,15/9), on raconte que Saül, qui avait reçu l’ordre
de Dieu d’exterminer Amalek, tout le peuple et même le bétail,
avait eu pitié de leur roi Agag. Une nuit de répit suffit à celui-ci
pour s’assurer une descendance. Samuel se chargea lui-même
de le décapiter le lendemain.
La Torah n’est pas tendre envers Saül : à cause de la
miséricorde mal placée de Saül , un descendant du roi Agag,
des générations plus tard, Haman menaça d’extermination tout
le peuple juif.
Nous verrons dans leur chapitre que Mordékhaï et Esther sont
aussi les descendants d’une personne dont David a eu pitié.
Mais, il y a deux sortes de miséricorde — la vraie qui
engendra Mordékhaï et Esther, et la fausse miséricorde qui
engendra Haman.
L’autre nom de Haman dans le rouleau d’Esther est
Mémoukhan. Dans le chapitre 1, verset 14, on cite « ceux qui
l’approchaient de près : (ils étaient au nombre de sept ) et le
dernier nommé est Mémoukhan ». Il est nommé ainsi car il était
prédestiné (moukhan) à la défaite, c’est-à-dire à la pendaison,
car là-bas on parle de l’arbre qu’il a préparé (hékhin).
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Nos maîtres disent que c’est Haman qui conseilla d’organiser le
festin qui allait piéger les juifs.
Haman, le dernier des conseillers :
Bien qu’il fût le dernier cité, c’est-à-dire qu’il était le moins
important de ces sept conseillers, il n’hésite pas à prendre la
parole en premier (verset 16) :
« alors Mémoukhan s’exprima ainsi devant le roi et les
ministres »,
-(lifné signifie également avant). C’est le moins sage qui se
permet de donner son avis avant tous les autres.
-autre endroit avec le mot « lifné »chapitre 3, verset 7 :
« on consulta le Pour, c’est-à-dire le sort, devant (lifné)
Haman ». Le sort était donc pour Haman et non pour les juifs.
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Cette méchanceté (que révèle son impatience) est là pour attiser la
haine du roi contre le Beth Hamikdach et contre les juifs.
Quant à le laisser arriver au faîte de la gloire avant de le
précipiter vers la mort lui et sa famille, c’est pour en faire un
exemple : un simple inconnu venu d’une contrée lointaine aurait
pu mourir dès son arrivée à Suse et personne n’en aurait rien su.
L’exemplarité est plus grande et l’enseignement à en tirer plus
évident quand Dieu se venge d’un personnage très haut placé.
Sa chute continue à montrer que ceux qui sont contre le
temple ne sont pas seulement contre le peuple juif mais
aussi contre Dieu.
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Haman est le continuateur de Amalek.
Amalek s’était attaqué au peuple juif,
considéré par lui comme l’armée de D.ieu.
Haman, en s’opposant à la reconstruction du Temple, est dans la droite
ligne de l’agression de son ancêtre contre le peuple juif, et contre D.ieu.
Dans ce commentaire , Elie Munk nous apprend que le Temple est le trône
Divin sur terre, nommé ici Kess (incomplet tant que Amalek existe), au lieu
de Kissé(Trône-Temple écrit pleinement, quand le souvenir d’Amalek sera
effacé).
La victoire sur Amalek et la construction du Temple sont liés.
Cette étude a justement pour objet de montrer que Pourim est, au-delà des
Juifs, la guerre contre D.ieu.
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Le peuple juif et le Beth Hamikdach
Le décret d’extermination que Haman a fait promulguer par
Assuérus concernait les juifs des 127 provinces de l’empire
perse. Ils ont couru ce danger pour différentes raisons.
1°)
Les juifs de Suse.
Nous savons que les juifs de Suse ont participé au festin
(calculé) d’Assuérus, et pour cette raison, D.ieu a permis à un
descendant de Amalek de les persécuter, et même de tenter de
les exterminer dans tout l’empire perse.
Cela aurait été une punition tellement disproportionnée, s’il ne
s’était agi que de se montrer « citoyens » ! Comme tout bon sujet
du royaume, leur intention n’était que d’honorer le roi Assuérus.
Mais D.ieu leur en tient rigueur, car ils ont vu les objets du
temple profanés, et ils sont restés.
On fêtait le raffermissement du trône d’Assuérus et le maintien
en ruines du temple de Dieu.
Leur présence était un acquiescement à la raison du festin :
c’est comme s’ils approuvaient Assuérus !
Ils s’accommodaient d’une vie loin de leur patrie, d’une vie
sans le temple.
Il leur était interdit d’y assister ,étant donné qu’on célébrait
l’arrêt définitif de la construction du deuxième temple.
Le midrash dit que les bné Israël ont pleuré quand ils ont vu les
objets du temple ! Mais ils sont restés. Ils ont continué
à assister au festin, alors que les grands d’Israël avaient quitté
les lieux.
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2°) Les juifs des autres provinces de l’empire.
Pourquoi le comportement des juifs de Suse condamne-t-il
également les juifs des autres provinces de l’empire ?
Le peu d’empressement montré par les juifs à répondre à l’appel
de Cyrus montre qu’ils étaient davantage préoccupés par leur
situation matérielle, qu’ils commençaient à s’accommoder d’une
vie en exil, et l’absence de temple ne leur pesait pas. Leur
grande majorité est restée là où elle a été déportée.
On dit souvent qu’ils s’étaient prosternés devant les idoles, et
que c’est cela qui avait entrainé le décret d’extermination.
Si c’est cela la faute principale, pourquoi le texte n’y fait pas
allusion ?
Et donc, en commençant le récit par le festin, la Méguila nous
montre que c’est là, la vraie cause !
Ici on peut faire le rapprochement avec l’autre agression gratuite
de Amalek, l’ancêtre de Haman, contre le peuple juif à sa sortie
d’Egypte. Le peuple venait de camper à Refidim, ce que les
commentateurs comprennent comme un relâchement (=Rafé).
D.ieu envoie immédiatement le châtiment (Exode 17,9-16).
3°) Les Juifs en Israel :
Quant aux juifs en terre d’Israël, ils n’étaient pas totalement
innocents : Néhémie (13, 15) leur fait ce reproche : «Bayamim
hahéma, à la même époque, je vis en Judée des gens qui
foulaient des pressoirs le jour du sabbat et qui
transportaient, à dos d’âne, des charges de blé et aussi du
vin, des raisins, des figues et toute autre denrée pour les
introduire à Jérusalem le jour du sabbat ». Cette
interprétation est due à l’analogie des termes bibliques
identiques utilisés dans la Méguila d’Esther bayamim hahem et
bayamim hahema.
Le dénouement se fera à Suse car là se trouvent leur pire
ennemi (Haman), mais aussi leur meilleur défenseur
(Mordékhaï).
41
Pour obtenir l’annulation du décret, le peuple juif devra corriger
les erreurs qu’il ont mis dans cette situation.
Ils ont festoyé, ils vont jeûner.
Ils ont oublié le Bet Hamikdach, ils vont le réétudier.
Les efforts conjugués de Mordékhaï et Esther et du peuple qui
vont prier et jeûner pendant trois jours : le décret a été pris le
13 Nissan, le jeûne a duré les 14,15 et 16 Nissan, date habituelle
de la fête de Pessah, alors qu’il est interdit de jeûner un jour de
fête.
Même si la date d’exécution du décret est presque un an plus
tard (Adar suivant), on ne perd pas de temps.
Rachi explique ainsi le mot «vaya’avor Mordékhaï » (chapitre 4,
verset 17) : Mordékhaï transgressa la loi en jeûnant Yom Tov,
car les trois jours de fête incluaient le premier jour de Pessah.
Durant ces jours de jeûne, ils ont étudié avec Mordékhaï les lois
relatives à cette période quand le temple existait.
Le deuxième Targoum d’Esther rapporte qu’ilsont mis à leur tête
22 000 cohanim qui ont sonné du chofar : par cela ils montraient
leur attachement à la position première des prêtres comme
serviteurs de Dieu au temple.
42
Conséquence du fait que seulement 42000 Juifs sont retournés
en Israel :
Ce passage du Talmud (Traité Yoma), faisant référence à un passage du
Cantique des Cantiques, dit que si le peuple était monté « comme une
muraille », il aurait été comparé à l’argent qui est insensible à la pourriture,
mais le peuple est monté « comme une porte », alors il est comparé au
cèdre qui peut pourrir.
Autrement dit, le second Temple aurait été éternel si le peuple, dans sa
grande majorité, était remonté en Terre Sainte !
43
Le jeûne d’Esther et son rapport avec le temple.
Si nous examinons tous les jeûnes institués par les rabbins,
nous trouvons un rapport avec le temple de Jérusalem.
-- le 10 Tevet : c’est le début du siège de Jérusalem.
-- le 17 Tammouz : c’est la première brèche dans la muraille de
Jérusalem.
-- le 9 Av : c’est la destruction des deux temples de Jérusalem.
-- le 3 Tichri : l’assassinat de Guédalia (dernier gouverneur juif
d’ Israël) aggrava la situation durant cette même période de
ruine et d’exil.
Durant les jeûnes du 10 Tévet et de Guédalia, nous récitons le
même psaume (psaume 83) qui parle d’une situation critique
d’Israël, car ces deux instants sont le début du malheur et son
aboutissement (Brami/ Hérev pifiot).
Le jeûne d’Esther, qui a lieu la veille de Pourim, c’est-à-dire de
14 Adar, serait, si on suivait superficiellement l’histoire racontée,
le seul jeûne qui n’ait pas de relation directe avec le temple.
Il semble difficile d’imaginer que les rabbins instituent un jeûne
pour toutes les générations depuis plus de 2000 ans, parce
qu’une reine juive a jeûné avant de demander audience à son
époux, roi d’un peuple étranger.
Il est vrai que l’enjeu était d’importance et que tous les juifs de la
capitale avaient jeûné en même temps qu’elle.
Mais il y a eu dans l’histoire juive tant de périodes difficiles avec
des assassinats à plus ou moins grande échelle, avec
certainement des jeûnes décidés à ces moments-là : pour
commémorer chacun de ces malheurs, on n’a pas institué des
jeûnes (l’année entière n’y suffirait pas), mais on a pu écrire
parfois des poèmes racontant ces événements tragiques, et en
général, on les lit le 9Av en même temps qu’on pleure la
destruction des deux temples.
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Notre étude, Méguila d’Esther et Beth Hamikdach, montre que
durant ce jeûne, pendant que la reine Esther essayait d’obtenir
l’annulation du décret fatal, Mordékhaï et le peuple ne se sont
pas contentés de jeûner et de prier, ils ont rectifié par où ils ont
fauté : ils avaient festoyé au banquet d’un méchant, à présent ils
se mortifient triplement ; ils avaient commencé à renoncer au
temple, à présent ils en étudient les rites.
Mordékhaï leur a enseigné les lois du Omer, car à cette date
là, quand le temple existait, on y faisait l’offrande du Omer.
C’était une quantité relativement faible d’orge que l’on récoltait
en grande pompe dans un champ près de Jérusalem. Les
prêtres après avoir grillé et moulu cet orge, en faisaient une
offrande sur l’autel. À partir de ce moment-là, la nouvelle récolte
était permise à tout un chacun.
Le midrash raconte que Haman (envoyé par le roi Assuèrus pour
faire parader Mordékhaï dans Suse) est arrivé juste au moment
où Mordékhaï leur faisait la démonstration du prélèvement du
Omer, prenant une poignée d’orge. Haman demanda aux
assistants : « quelle est la valeur de ce Omer ? (…) Allons, les
dix piècettes avec lesquelles nous achetez l’orge du Omer ont
réussi à surpasser mes 10 000 kikars d’argent » (que Haman
avait promis de donner à Assuèrus).
Selon un commentaire de Rech Lakish, pour renverser le projet
de Haman, Dieu ordonna aux juifs de donner des demi-sicles
d’argent dans un but sacré, bien avant que Haman ne donne les
siens dans un but profane.
Du temps où le Bet Hamikdach existait, cet argent servait à
l’achat des sacrifices quotidiens qui étaient offerts au nom de
tout le peuple.
A présent, on continue à donner un équivalent de demi-sicle
d’argent durant la fête de Pourim, et l’appel en ce sens est fait le
premier Adar. Ceci est fait en souvenir du temple. Si celui-ci
venait à être reconstruit, l’habitude du don du demi-sicle est déjà
ancrée dans tout le peuple.
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Voilà un aspect de la fête de Pourim qui montre un lien
direct avec le Bet Hamikdach , et qui est concrétisé par un
don en argent.
Nous avons rappelé plus haut qu’ils avaient mis à leur tête les
cohanim sonnant du Chofar. La hiérarchie qui avait cours au
temple est remise à l’honneur.
Quand Haman l’a fait parader, Mordékhaï a mis sur sa tête un
couvre-chef orné d’une représentation de Jérusalem. Ils ont ainsi
fait la démonstration de leur attachement au Beth Hamikdach et
à la capitale de leur pays.
46
Petite remarque concernant le jeûne d’Esther :
Nous avons vu que dans la méguila, le jeûne a duré trois jours,
du mois de Nissan, les 14,15 et 16, qui sont la veille et les deux
premiers jours de la fête de Pessah.
Ceci en contradiction absolue avec l’esprit de la fête et du mois
de la délivrance :Nissan !
Il fallait jeûner ce Pessah –là pour pouvoir fêter d’autres Pessah !
Or, nous commémorons ce fait en jeûnant, non pas un 14, ou un
15, ou un 16 Nissan –inenvisageable !-, mais le 14 Adar , de
façon à le relier à la festivité de Pourim !
C’est donc un jeûne particulier car on ne le fait pas à la date
anniversaire de l’évènement qui lui a donné naissance !
47
Mordékhaï et le Bet Hamikdach
ne signifie pas ici « de la tribu de Juda »,
mais simplement juif.
En nous disant quelle est son ascendance, le texte veut surtout
nous dire qu’il est de la tribu de Benjamin.
Nous avions vu que Haman était le résultat d’une miséricorde
mal placée, celle du roi Saül vis-à-vis de Agag roi de Amalek.
Mordékhaï et Esther sont le résultat d’une miséricorde
authentique.
David fuyant devant Absalon, fut injurié par Séméï, descendant
du roi Saül. Les fidèles partisans de David sollicitèrent la
permission de le tuer .
David, à qui la construction du temple avait été refusée car il
avait un passé de guerrier, refusa : ainsi,SéméÏ, de la tribu de
Benjamin (comme le roi Saül), vécut et eut des enfants grâce à
la compassion de David .Mordékhaï est l’un de ses descendants.
Ainsi l’erreur d’un descendant de Benjamin (Saül) fut corrigée
des siècles plus tard par un autre descendant de Benjamin
(Mordékhaï).
La Méguila d’Esther nous apprend qu’il fut parmi les premiers
exilés d’Israël, avant la destruction du temple.
On peut retracer son itinéraire :
Il a quitté Jérusalem au temps de sa splendeur, déporté avec le
roi Iékhonia, bien avant la destruction du Temple !
Il est resté à Babylone jusqu’à l’appel de Cyrus : il a très
certainement fait partie des 42000 juifs qui ont quitté Babylone !
Il est alors monté en Israël, pensant que l’exil était fini.
Mais l’arrêt de la construction du Temple le renvoie en exil à
Suse.
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Arrivé au palais d’Assuérus comme délégué du peuple juif en
Israël ( il est le meilleur ambassadeur, car, on le sait, le Temple
est construit sur le territoire de la tribu de Benjamin , dont il fait
partie), il doit subir la versatilité d’un roi secrètement opposé au
temple, et qui élève Haman, le plus farouche opposant à la
reconstruction du Temple (après le roi !).
Quand le funeste décret est porté à sa connaissance, il met tout
en oeuvre pour le faire annuler. Il a compris pourquoi Esther et
lui sont à Suse : D.ieu les a mis là pour cette mission de
sauvetage !
C’est lui qui réapprend au peuple juif les enseignements
concernant le Temple. Il met sur sa tête une représentation de
Jérusalem. Il fait mettre les cohanim au devant de tous.
Le décret est annulé, mais la reconstruction n’est toujours pas
autorisée. Deux ans plus tard Assuérus meure, et son fils Darius,
qu’il a eu avec qu’Esther, monte sur le trône. À la deuxième
année de son règne, Darius autorise enfin la reconstruction du
temple à Jérusalem.
Après deux exils, Mordékhaï retourne définitivement dans son
pays, assiste à la reconstruction, et devient membre du
Sanhédrin (talmud, Méguila 13)
il est même compté parmi les derniers prophètes (Méguila 15).
Ainsi, Mordékhaï est le personnage qui traverse cette période
tragique et merveilleuse. Il a vu Jérusalem détruite, mais aussi
reconstruite.
Pourquoi Mordékhaî ne se prosterne pas ?
Il est le descendant
de Benjamin ( l’un des douze fils du patriarche Jacob), qui n’était
pas encore né quand Jacob a retrouvé Esaü ; c’est donc le seul
qui ne se soit pas prosterné devant Esaü !
49
Esther et le Bet Hamikdach
Esther, comme MordékhaÏ, est une descendante du roi Saül,
donc de la tribu de Benjamin.
Nous savons que Benjamin est le fils de Rachel . Celle-ci avait
observé le mutisme le plus complet la nuit du mariage de Jacob
avec Léa, sa soeur.
Ses descendants héritèrent de cette qualité :
-Benjamin garda le secret de la vente de son frère Joseph par
les dix autres frères.
Sur le Pectoral du Grand-prêtre, la pierre qui représente
Benjamin est un jaspe (Exode 39,13) : en hébreu, cela signifie
« yesh pé » : il y a une bouche, mais elle est sous contrôle !
(Esther Rabba 6,12).
-Le roi Saül sut également garder le secret : « apprends-moi
donc, reprit l’oncle de Saül, ce que Samuel vous a dit. Il nous a
annoncé, dit Saül à son oncle, que les ânesses étaient
retrouvées. Mais quant à l’affaire de la royauté, il ne lui raconta
point ce qu’avait dit Samuel ».
-Esther, également, « ne révéla ni son peuple ni son origine,
comme le lui avait recommandé Mordékhaï ».
Quand elle a été emmenée au Palais parmi toutes les autres
jeunes filles, après la chute de Vachti, elle n’a pas dit qu’elle était
d’ascendance royale, pour ne pas influencer le choix du roi.
Une fois choisie, elle n’a pas révélé son origine, selon la
recommandation de Mordékhaï : Ce mutisme dura cinq ans !
Beaucoup plus tard, lors du dénouement, « vayomer » est
répété :
50
Rachi nous apprend alors que cette répétition oblige au Midrach :
maintenant qu’il sait qu’Esther est d’ascendance royale, il ne
s’adresse plus à elle indirectement !
Esther a oeuvré pour la reconstruction du temple. Nous avions
cité la réplique d’Assuérus qui ne voulait pas entendre parler du
Bet Hamikdach.
Assuérus est prêt à tout accorder sauf ce qui risque de diviser le
royaume, de le couper en deux ( hatsi, hotsets).
Quand Esther se rend chez le roi, elle prie auparavant devant le
vrai Roi, en se tenant « dans la cour intérieure ».
C’est une allusion au Bet Hamikdach qui avait également deux
cours : la ‘Azara et le Hékhal.
Le deuxième Targoum sur la Méguila dit même que cette cour
intérieure était orientée vers le Bet Hamikdach.
51
D’Assuérus, elle n’obtiendra que l’annulation du décret
promulgué par Haman, c’est-à-dire que la menace contre le
peuple juif est annulée, mais la reconstruction du Temple n’est
pas pour autant autorisée.
Elle attendra que son fils Darius (sept ans) monte sur le trône
pour qu’enfin elle obtienne la reconstruction du Bet Hamikdach.
Ce commentaire, qui souligne que partout ailleurs dans la Méguila
Assuérus est cité comme « le roi Assuérus », au point que certains
Scribes font débuter chaque colonne par le mot «le roi », (et c’est
le signe distinctif), sauf ici, au début de la Méguila. Pourquoi ?
On répond qu’ « il ne régnait pas encore» : c’est une réponse
étonnante, sauf si on l’explique par le calcul des 70 ans !
Sa royauté n’était totalement établie, et il appréhendait la réalisation de la
prophétie de Jérèmie !
52
De même, la crainte d’Esther d’être mise à mort si elle se présente chez le
roi son époux, sans qu’il lui tende le sceptre royal semble incroyable ! On
l’explique par le commentaire ci-dessus qui affirme que sa royauté n’était
pas assurée, et rappeler l’ambiance de complot dont il est aussi question
dans la Méguila. Donc, quiconque s’approche du roi sans autorisation peut
être éliminé : le risque pour Esther était donc bien réel !
Le jeûne associé à la fête de Pourim porte son nom.
53
Le temple dans la Méguila d’Esther .
Il est indéniable que le Bet Hamikdach n’est cité nulle part dans
la Méguila d’Esther de manière explicite.
Nous avons tenté de montrer qu’il en était le sujet principal.
Précautionneusement, et en relativisant l’échelle de
comparaison, le nom de Dieu n’apparaît pas non plus en toutes
lettres dans le livre d’Esther.
Voici le seul passage qui donne une indication « historique » et
qui parle de la déportation qui a précédé la destruction du temple
de Jérusalem.
On apprend que Mordékhaï est exilé de Jérusalem à Babylone :
par notre histoire se déroule à Suse , en Perse.
Nous allons citer, parfois en nous répétant, les passages qui
évoquent le Bet Hamikdach.
Nous avions dit que cette cour intérieure évoquait la cour du
temple : ce passage pourrait être traduit ainsi : « tous les
serviteurs du roi (les juifs) savent qu’on ne peut entrer dans la
cour intérieure (kodech hakodachim) excepté celui qui est
appelé (le grand prêtre à Kippour, avec l’encens dans un
récipient en or).
54
Ce passage repris encore ici car il évoque par les mots « cour
intérieure » et « face à la maison du roi », LA DEMEURE DU
ROI :LE BET HAMIKDACH !
Voici un commentaire (de Talélé orot) qui décrit les lieux du
festin d’Assuérus :
Tout comme le Bet Hamikdach avait trois zones sacrées, de
même Assuérus leur a fait le festin dans trois endroits différents,
ceci correspondant à cela.
Habituellement le passage suivant est compris comme une
deuxième acceptation de la Torah : au Sinaï, le peuple juif avait
dit : nous ferons et nous écouterons. Ici, le peuple réaccepte le
joug de la loi de Moïse.
Quand on le lit dans le sens de notre étude, cela signifie que les
juifs de Suse ont accepté de continuer ce que les autres, en
Israël, avaient commencé, c’est-à-dire la construction du Bet
Hamikdach
55
Le verset suivant est de ceux que Rachi élude. D’autres commentateurs
comprennent de manière évidente que les objets en or, « différents des
autres », ne peuvent être que les objets pris par Nabuchodonosor lors de la
destruction du temple.
Tout comme Balthazar avant lui, Assuérus a fait étalage du contenu de ses
salles de trésor. Même faux calcul, même profanation.
Ici il s’agit des vêtements du grand prêtre dont Vachti s’était affublée pour
s’en moquer.
Enfin, sans avoir été exhaustif probablement, voici un passage dont
l’interprétation, par les mots qui sont communs ici et dans le psaume cité,
font également référence au Bet Hamikdach.
Le psaume veut dire que, quand il ne s’agit que d’amis, que de frères, on
peut se satisfaire d’arrangements pour préserver la paix sociale.
Mais quand il s’agit de la maison de D.ieu, on ne peut demander que ce qui
est bon, sans aucun calcul, même si on y perd la paix.
56
Enfin , je ne peux m’empêcher de citer Jean Racine qui, dans sa
tragédie Esther, est brillant et enthousiasmant,( même s’il se trompe en
mettant dans la bouche d’Assuérus les paroles de Cyrus ou de Darius ) :
«Je romps le joug funeste où les juifs sont soumis
Je leur livre le sang de tous leurs ennemis
A l’égal des persans je veux qu’on les honore
Et que tout tremble au nom du D.ieu qu’Esther adore
Rebâtissez son temple et peuplez vos cités
Que vos heureux enfants dans leurs solennités
Consacrent de ce jour le triomphe et la gloire.
« Relevez, relevez les superbes portiques
Du temple où notre Dieu se plait d’être adoré.
Que de l’or le plus pur son autel soit paré.
Prêtres sacrés, préparez vos cantiques ».
On a pensé que Racine s’inspirait des parties du Livre d’Esther
qui existent dans la version de la Bible Chrétienne, pour avoir
ces paroles réellement « inspirées » ; il n’en est rien ! Nulle
allusion au Temple dans les rajouts chrétiens (on aurait pu les
rajouter en annexe pour le prouver, mais…).
Racine, connaisseur du Midrach, voilà une information ! Et
son « happy-end » avec le Temple, prouve que l’enjeu de
toute la pièce est bien le Temple.
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Quelques dates du calendrier juif.
70 ans entre les deux Temples :
3338------------------(70 ans)----------------------------3408
Destruction
Construction
1° Temple
2° Temple
Durée d’interruption de la reconstruction : 18 ans (3390-3408).
3390—(Cyrus)—3392---(Assuérus)-----3406—
(Darius)…..../3408…
2 ans
14 ans
après 2 ans
de règne
de règne
de règne,reprise de
la reconstruction.
Fin de Babylone (mort de Balthazar)
Appel de Cyrus
Retour des Juifs ; début/arrêt de la reconstruction
Pendant le règne d’Assuérus (3392-3406) :
3392+3 = 3395 Festin (erreur d’Assuèrus des 70 ans)
3392+7 = 3399 Esther règne (3400 : naissance de Darius)
3392+12=3404 Haman 1°ministre/décret/sauvetage
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Durée du règne d’Assuérus
On sait que la durée totale d’interruption de la construction était
de 18 ans.
Cyrus a régné deux ans.
« Dès lors, les travaux du temple de Dieu à Jérusalem, furent
arrêtés jusqu’à la deuxième année du règne de Darius roi de
Perse » (Ezra chapitre 4 , verset 24).
Si l’on enlève des18 ans d’interruption les deux années du règne
de Cyrus et les deux premières années du règne de Darius, il
reste les 14 ans du règne d’Assuérus
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Les 6 obligations de Pourim :
1) Dire « al hanissim » : signifie qu’on reconnaît la présence de D.ieu qui
accomplit les miracles (même si Son Nom est absent de la Méguila).
2) Lire la méguila le soir et le jour : Nous avons vu combien c’ est
important, au point que presque toutes les autres obligations religieuses
peuvent être reportées jusqu’après la lecture (excepté le met mitsva).
3) La lecture dans la thora , le matin, du passage relatif à Amalek. Se
rappeler que Haman est un descendant de Amalek.
4) Envoyer des mets à des amis : on s’assure ainsi que tous peuvent faire
un festin.
5) Cadeaux aux pauvres : générosité , solidarité, inité du peuple.
6) Festin de pourim : Historiquement, tout avait commencé par un festin…
-deuxièmement, le sauvetage eut lieu grâce aux
réceptions d’Esther.
Particularité du repas de Pourim : il s’appelle « michté », car le vin prime :
et nous avons même l’obligation de boire jusqu’à confondre Haman et
Mordékhaï !
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Les Noms des personnages du Livre d’Esther
CYRUS
Son nom est universellement connu, contrairement à celui
d’Assuérus !
En persan et en hébreu, c’est Koresh.
C’est le premier des Empereurs perses, de la dynastie des Achéménides,
successeur de l’empire mède.
DARIUS
Cet empereur est également universellement connu.
En persan et en hébreu, c’est Darayawush (encyclop.Wikipédia).
HAMAN
Il est encore moins connu qu’Assuérus !
Citons le Vicomte E.de Marsay : « quant à la chute d’Haman, ce ne
dut pas être un fait isolé et bien des favoris durent succomber à des
disgrâces plus ou moins méritées sans que (…) les historiens aient cru
devoir nous en informer. »
ESTHER
Dans la Méguila, elle a deux noms :Hadassa et Esther (chap.2,
verset 7).
-Hadassa : est à rapprocher du hadass, myrte, dont l’odeur est agréable.
-Esther : ce nom a permis d’expliquer le voilement de D.ieu dans cet écrit
(haster astir panaî= cacher, je cacherai Ma face).
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Deuxième similitude : « Si on rapproche Esther de ICHTAR,
déesse de la Lune, c’est comme si aujourd’hui une juive s’appelait
Christine. »
ASSUERUS
Il semble n’avoir existé que dans le Livre d’Esther !
Les auteurs qui éclairent le lecteur de Racine disent qu’il s’agit
de Cambyse ou d’Artaxerxes, avec des questionnements sur les dates
réelles du règne de ce roi.
Résultat de recherche internet : deux exemples :
-Assuérus=Cambyse / ou avec Xerxes :
l’identification d’Ahasuerus avec Cambyses (529-522 B.c.), fils de Cyrus. Le Khshaydrshd
nommé, cependant, a été trouvé dans des inscriptions persanes, et pensé pour être équivalent au
Xerxes (485-465 B.c.) des Grecs. Sur des comprimés de Babylonien les formes Khishiarshu et
Akkashiarshi se produisent entre autres. Les disciples modernes identifient, donc, l’Ahasuerus
d’Ezra avec Xerxes.
-Assuérus=Artaxerxes :
le roi de Perse s’appelle Ahasuerus (rendu dans LXX.
« Artaxerxes » partout). L’identification d’Ahasuerus avec Artaxerxes I. Longimanus, le fils et
successeur de Xerxes
Seul Le Vicomte E. de MARSAY démontre que Ahasveros est un nom
composé qui signifie « le grand roi ».
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Ici, on le dit descendant de Darius 1° (le Mède), et de la fille de Cyrus.
La précision concernant le fait qu’il a été roi, quoique n’étant pas l’aîné,
confirme les commentaires de nos rabbins qui disent qu’il a usurpé la
royauté, ou que son règne était précaire, du moins à ses débuts.
Dans l’encyclopédie hébraïque, nous avons trouvé des illustrations de
monuments se trouvant à Persépolis, et relatifs à Assuérus ;
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MARDOCHEE-MORDEKHAI
Nous avons vu qu’Esther pouvait être
rapproché du nom d’une divinité babylonienne (Isthar).
Surprise,Mordékhaï également !
Mordékhai évoquait le nom de l’un des descendants de Nabuchodonosor,
Evil Merodach ; mais que ce nom –Mérodach- soit celui d’une divinité
babylonienne !!!
Extrait de l’encyclopédie hébraïque, parlant de Cyrus :
A d’autres endroits, nos sages expliquent le nom Mordékhaï, en le
décomposant : « mor » est l’un des constituants de l’encens qui était offert
sur l’autel en or à l’intérieur du Temple.
Ainsi est également décrit Abraham : « de même que ce composant –morest le premier parmi les les parfums que la Thora cite, de même Abraham
est le premier des Justes ; et aussi, de même que le « mor » ne donne son
odeur que dans le feu , de même Abraham n’a révélé ses bonnes actions
que dans la fournaise ardente (Nimrod).
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Les quatre parachiot ; chekalim, zakhor, para, hahodech.
Très brièvement, les lectures spéciales des quatre chabatot qui encadrent
Pourim sont également une confirmation de notre perspective :
Chekalim : au début du mois, on fait l’appel pour le don au profit du Temple.
Actuellement, on continue à collecter symboliquement, mais c’est
destiné aux pauvres.
Zakhor :
le chabbat précédent Pourim, on rappelle l’obligation d’effacer le
souvenir d’Amalek , l’opposant au Temple par excellence.
POURIM
Para :
Dans cette section, on rappelle les préparatifs de purification
(en vue d’aller au Temple).
Hahodech :On y parle de l’agneau pascal, sacrifié dans le Temple, en état
de pureté, bien sûr.
Le Temple est omniprésent.
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CONCLUSION
Vue sous cet angle, la Méguila d’Esther est la narration de la lutte pour
la construction du second Temple.
Etant donné le grand nombre de références qui évoquent ce point de
vue, et même Rachi, on se demande pourquoi on n’a jamais privilégié cet
éclairage.
Le lecteur simple ne sait jamais que Le Temple est au centre de
l’intrigue !
Quelle est la raison pour laquelle la mémoire collective a occulté cette
lecture ?
Pourquoi Rachi dit à plusieurs reprises « et nos maîtres ont
commenté ce qu’ils ont commenté » ? Il aurait pu ne rien dire ! C’est peutêtre pour nous inciter à chercher le sens vrai : le second Temple !
En citant ceux les commentateurs qui privilègient
cet éclairage, et qui trouvent dans le texte même du rouleau
d’Esther les mots qui évoquent le Temple, nous avons essayé
de rendre cette vision incontournable :
Nous fêtons à Pourim l’attachement du peuple au
Temple, et la victoire de ceux qui ont œuvré pour la reprise
de sa reconstruction .
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BIBLIOGRAPHIE
- Le SIDDOUR DU MIKDACH (Chabbat).
-La méguila d’Esther ou Livre d’Esther ou Rouleau d’Esther (La BIBLE)
-Le Livre d’Esther selon La Bible Chrétienne (idem, avec des rajouts tels
que la prière d’Esther avant de renter chez le roi).
-Le Talmud :Traité Méguila.
-Midrach Esther Rabba ( Mémoire de Déborah DERHY).
-TALELEI OROT AL MOADE HACHANA
-Ephemerides de l’année juive :tome 2 :Mar’Hechvan à Adar.
-Esther de ARTSCROLL.
- Histoire complète de Pourim : éditions Merkos le’inyonei chinuch
-Rav Chimchon Raphael Hirsch : bémaagalé hachana.
-Rav Elie Munk : La VOIX de la THORA.
-Racine : Esther , tragédie.
-Lucien-Gilles Benguigui :Racine et les sources juives d’Esther et d’Athalie.
- Le Vicomte de MARSAY : de l’authenticité des livres d’Esther et de Judith
Paris 1911,Libr. Paul Geuthner/études bibliques(merci à Gaby ATTIAS).
-Rabbin Brami : Les prières journalières, hérev pifiot.
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Conclusion bis
Le Rav Chimchon Raphael Hirsch parle beaucoup de la
centalité du Beth –Hamikdach dans la vie de chacun
« si le passé que vous fêtez n’est pas le générateur du présent et le pilier
de votre avenir,
même si vous êtes généreux envers vos frères nécessiteux en Israel,
si la source de votre vie n’est pas là-bas,
c’est pourquoi on ouvre d’abord la page des Chékalim pour toutes les
communautés d’Israel où qu’elles se trouvent,
pour qu’elles ne se considèrent que comme les descendants et envoyés de
ce Michkan de D.ieu, dont le passé et le futur se trouvent au Mont Moriah !
Ce n’est qu’en se consacrant avec le cœur et l’âme à ce centre Divin,
que l’homme trouve la justification de son existence
personnelle, « kofer nafcho lachem ».
Dans une étude de ki-tetsé, le Rabbi de Loubavitch dit
sur « vechavita chivio » :
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