Si nous interprétons ceci de façon plus psychologique, c'est la répétition habituelle dans
nos esprits des pensées, des attachements, des émotions, des identifications. Le but du
bouddhisme, c'est de sortir de ce cercle. Et quand on sort d'un cercle, on trouve une voie,
un chemin. Le chemin est le contraire d'un cercle. Un cercle n'a pas de but, c'est une
continuation répétitive. Un chemin, c'est une ouverture vers d'autres possibilités qu'à
présent nous ne comprenons pas mais qui nous donnent le sentiment d'avoir vraiment un
but dans la vie. Et ce n'est pas simplement un but que le chemin nous donne mais aussi
une liberté de bouger, de vivre sans obstacle.
Une voie, un chemin
Nagarjuna dit aussi que la vacuité, c'est la voie médiane elle-même. Ca veut dire que la
vacuité est une voie. Ça n'a peut-être pas beaucoup de sens. Mais si on réfléchit un peu,
une voie, un chemin, un sentier, c'est une vacuité. Par exemple, si nous regardons une
colline et apercevons un chemin qui traverse cette colline, nous avons l'impression que le
chemin s'est surimposé sur le champ. En réalité le sentier, c'est simplement l'absence de
gazon, de plantes, de rochers qui nous permet de traverser le champ. Même chose avec
une forêt. Les voies qui nous permettent de traverser une forêt ne sont que des écarts entre
les arbres, les rochers, les buissons. Dans un sens littéral, un chemin, un sentier, c'est une
vacuité, une "emptiness", c'est un manque de quelque chose et c'est un manque qui nous
permet de bouger, de marcher sans obstacle.
Le bouddhisme parle beaucoup des obstacles et surtout des obstacles psychologiques
comme la haine, la paresse, etc. Ces obstacles sont les choses en nous-mêmes qui nous
empêchent de suivre le chemin. Ils nous bloquent. Et ces blocages sont des choses qui
nous forcent à tourner en rond. Quand on se sent bloqué par quelque chose, on se sent
incapable de sortir de ce dilemme. On ne peut pas bouger. On ne peut pas faire de progrès.
On se sent vraiment coincé, agrippé, crispé. Mais dès qu'on trouve une façon de sortir d'un
certain blocage, et ce pourrait être par exemple par une analyse psychanalytique, on
ressent tout de suite une libération. On voit encore une fois la connexion, le lien entre le
chemin, le lâcher prise et la vacuité.
Quand on médite, les moments les plus bénéfiques sont ceux où on sent une certaine
ouverture mais il ne s'agit pas d'une ouverture passive, ce n'est pas un état où on est
complètement à l'aise. On a l'impression qu'après une méditation qu'on considère comme
une "bonne" méditation, que quelque chose se débloque. Cette méditation nous a aidés à
nous ouvrir. Toutes ces métaphores d'ouverture, de vacuité ne sont que des métaphores
mais qu'il faut toujours lier avec l'expérience. Autrement, il reste des idées philosophiques,
bouddhistes qui sont peut-être très intéressantes et très profondes mais n'ont aucun effet
sur la qualité de notre vie ici et maintenant qui est la chose centrale. Les enseignements,
les pratiques doivent avoir un effet de transformation maintenant, et non dans un certain
avenir où on deviendra bouddha après plusieurs vies progressives. Ceci est peut-être un
contexte utile à avoir mais pour nous, la méditation doit agir sur ce que nous ressentons ici
et maintenant.
Le questionnement
Je voudrais terminer en parlant des liens entre la vacuité, cet emptying, ce processus de se
vider, et le questionnement dont Martine a parlé ce matin et la créativité.
Pour moi, une idée très centrale dans la méditation et c'est quelque chose que nous
trouvons surtout dans le Zen, c'est
le fait que nous-mêmes et le monde dans lequel nous
vivons ne sont pas quelque chose que nous pouvons
prendre pour acquis, mais plutôt un mystère, quelque
chose de profondément mystérieux.
Dans l'état de samsara, dans cet état de crainte et d'habitudes, le monde ne se présente pas
comme mystérieux mais comme quelque chose que l'on connait déjà. Et dès qu'on pense
qu'on connaît quelque chose, très rapidement ça commence à être un peu ennuyeux, pas
très intéressant, un peu terne, fade. La vacuité ou ce lâcher prise est une ouverture à un
sentiment assez vivant du mystère des choses et de soi-même. Le questionnement que
Martine a introduit ce matin : "Qu'est-ce que c'est ?" "Qu'est-ce que ceci ?" est une façon
d'exprimer cette impression de mystère. Effectivement, si on continuait une pratique Zen,