Vipassana Paris - Comment méditer ? Introduction à la méditation

08/07/07 16:02Vipassana Paris - Comment méditer ? Introduction à la méditation - Méditation France - Zen - Bouddhisme
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Association Terre d'Eveil Méditation Vipassana à Paris
Textes choisis
Les 5 aspects de la conscience (suite) - par Stephen Batchelor
Transcription d'un enseignement donné le 30 mai 2004 au Forum 104 (Suite des 5
aspects de la conscience). Transcription Sabine Frix. Lire la première partie.
Ce qui est important à mon avis, c'est d'essayer d'abandonner l'idée que la conscience,
l'esprit ou l'âme sont des choses, évidemment pas des choses matérielles mais ayant tout
de même une identité propre. On a le sentiment que l'esprit, l'âme, la conscience se trouve
à l'intérieur de nous, peut-être dans le cerveau, peut-être dans le cœur ; on a cette intuition
très profondément enracinée en nous-même d'avoir un esprit, une âme, une conscience
qui regarde autour de nous et à l'intérieur de nous. Je crois que cette image est
probablement illusoire. Ce point de vue est d'ailleurs commun au bouddhisme (surtout le
bouddhisme du canon pali) et à la science moderne : ce fantôme " esprit " sensé nous
animer n'existe pas. Cette façon de penser est certainement une relique animiste, certes
très séduisante, mais qui, par l'investigation n'est pas vérifiable. A chaque fois que le
Bouddha parlait de quelque chose, il essayait de le déconstruire plutôt que d'affirmer
quelque chose et d'essayer de le définir. Il est très rare, dans les textes anciens, qu'il
introduise des termes privilégiés comme " l'esprit ". On trouve très rarement ce mot "
esprit " dans les textes pali. Evidemment, au fil du temps, dans l'histoire du bouddhisme,
cette idée de " l'esprit ", " le vrai esprit ", " le seul esprit " a commencé à avoir une
importance, ce qui n'était pas le cas au temps du Bouddha. Pour lui, la conscience apparaît
quand certaines conditions sont présentes dans le monde et en nous-même.
Il y a d'abord le contact avec quelque chose qui n'est pas nous (les autres personnes, le
monde autour de nous, mais aussi les pulsions, les pensées, les émotions, les sensations
qu'on a dans le corps) et ce contact provoque deux choses presque immédiatement. Il est
très difficile de les distinguer parce que l'expérience est quelque chose qui n'est pas, au
premier instant, divisée. Ce sont les concepts et les mots qui font ces divisions, ces
compartiments : contact, sentiment, perception. En fait, dans l'expérience de chaque
moment, il est impossible de couper l'ensemble de ce que nous expérimentons. Ces parties
comme le contact, le sentiment, la perception forment un ensemble. Mais il est très utile et
inévitable pour nous " êtres humains " qui communiquons entre nous au travers des mots
et des concepts, de parler, de distinguer, ça nous donne de la clarté et de la compréhension
mais il ne faut pas confondre les idées, les mots et les concepts avec l'expérience même.
L'expérience qui est dans un sens pré conceptuelle, pré linguistique. Dans la méditation,
c'est on essaye de rester, avant l'apparition des concepts. Le contact provoque les
sentiments heureux ou malheureux et les perceptions, c'est-à-dire un monde
(intérieurement ou extérieurement) qui a un sens et qui n'est pas seulement un chaos
d'image et de sons mais des arbres, des chênes, des êtres… On a l'impression que le monde
arrive déjà avec un sens. Si j'écrivais quelque chose sur le mur en français ou en anglais
tout le monde le comprendrait tout de suite, sans avoir besoin de réfléchir, c'est évident, ça
c'est la perception. Elle est définie dans les textes bouddhistes comme la faculté qui
distingue les choses, on trouve aussi dans certaines traductions le terme de "
reconnaissance ". Pourtant l'esprit, la conscience ne sont pas des choses passives qui
attendent que les choses arrivent. La conscience est aussi un champ d'activité : elle pense,
elle réagit, elle nous mène à la parole, à des actes. Alors le monde qui apparaît n'est pas un
monde fixe mais un monde qui est plein de possibilités, actions, choix. C'est toujours le
cas, à chaque moment. Par exemple, dans la méditation, si on a choisi d'être attentif à la
respiration, on a le choix à chaque instant, soit de suivre une pensée distraite et séduisante
ou de ne pas la suivre, de rester et de revenir à la respiration, on a le choix et on choisi
tout le temps. Quand on se concentre, on est conscient d'avoir choisi une tâche et on reste
avec cette tâche, c'est le " cetanâ ", l'intention qui est la base, la substance presque du
karma (ce mot compliqué qui veut dire simplement " l'activité "). De plus, ce n'est pas
simplement les actions et réactions qui arrivent, c'est aussi la capacité que nous avons avec
cette conscience à nous focaliser, à nous concentrer, à réfléchir de façon continue avec des
raisonnements. Pour nous qui pratiquons la méditation, c'est un entraînement de
l'attention que de créer, de cultiver une attention sage, habile, appropriée " yoniso manasik
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ra " comme le Bouddha disait, au lieu d'une attention confuse, distraite qui arrive avec
difficulté à rester sur une seule chose (surtout les choses qui ne nous plaisent pas car on
cherche toujours les choses intéressantes). Avec la méditation, on reste avec les choses
comme elles sont. Si elles sont douloureuses alors on accepte que les choses soient
douloureuses, si on se sent déprimé alors on se dit, voilà, je me sens déprimé, mais on
n'exagère pas les choses et on les accepte, on les regarde avec clarté, comme elle
apparaissent. Le Bouddha disait quand il enseignait le " anapana-sati ", l'attention sur la
respiration :
"Quand un moine respire de façon courte, il connaît qu'il a une respiration courte,
quand il a une respiration longue, il connaît qu'il a une respiration longue ",
Je crois que cet enseignement est assez profond. C'est vraiment l'idée de base : rester avec
les choses comme elles sont dans l'ici et maintenant, ne pas essayer de les fuir ni de s'y
accrocher. Bien entendu elles changent tout le temps, elles ne sont pas fixes. Quand cet
ensemble de facteurs est présent : contact, sentiment, perception, intention, attention, on
peut parler de la conscience. On connaît, on sait quelque chose et cette connaissance est
d'une complexité qui n'est pas simplement le fait de la perception mais toujours d'un
contact avec quelque chose d'autre. On ressent les choses et on est toujours appelé à y
répondre avec l'attention. Mais la conscience n'est pas une chose qui peut exister en
dehors de tout ça, dans un royaume mystique car lorsque ces conditions ne sont plus là, la
conscience n'est plus non plus.
Ce mot " vipassana " n'a jamais été utilisé par le Bouddha, il parlait du "satipatthana",
c'est-à-dire le placement de l'attention proche (ça n'est pas le même mot que " manasikara
" que j'ai traduit comme " attention ") " sati ", c'est " mindfullness " en anglais, ça veut dire
cette capacité à être présent, à rester avec les choses, dans l'ici et maintenant. Quand le
Bouddha a enseigné le " satipatthana ", le placement de l'attention proche, il l'a présenté
en 4 étapes.
1) L'attention au corps :
Il a commencé avec le corps, pas avec l'esprit. La fondation de cette pratique est de
recouvrir une intimité avec le corps, pas dans le sens objectif mais le corps en tant que le
corps vécu, le corps qu'on connaît à travers l'organe du corps, ses sentiments, ses
sensations (la respiration qui traverse les narines, le cœur qui bat etc.). On commence avec
la respiration puis quand on se trouve assez tranquille avec la respiration, on commence à
étendre le champ de l'attention d'abord dans le corps lui-même en devenant plus conscient
de toutes les sensations qui arrivent et qui passent. Dans les retraites avec M. Goenka, on
fait une espèce de " balayage " : on commence ici, au sommet de la tête et très lentement
on descend dans le corps, partie après partie, jusqu'au bout des pieds et on remonte. On
fait ceci pendant des heures et c'est très intéressant, fascinant. Cela permet de déconstruire
cette idée que le corps est une seule chose, isolée des autres choses. Dès qu'on commence à
pénétrer dans l'expérience elle-même, être dans un corps, être incarné, on découvre que
cette incarnation est quelque chose d'évanescent, de très subtil, toujours en processus de
devenir autre chose, pas quelque chose de solide et fixe comme nous avons l'habitude de le
ressentir. Puis, après avoir découvert cette intimité avec le corps, on va au sentiment.
2) L'attention aux sentiments :
Ca ne veut pas dire toutes les émotions. Cela fait référence à cette gamme de sentiments
qui s'étend de l'extase à l'agonie, agréable ou désagréable, qui caractérise un moment
donné de l'expérience, ici et maintenant. On ressent l'expérience. Même si on s'ennuie,
l'ennuie est aussi une sorte de sentiment, pas très agréable et très difficile à préciser. On
parle de sentiment de plaisir, de douleur mais quand on essaye de méditer, de mettre
l'attention sur ces sentiments, il est très difficile de les trouver, c'est assez bizarre. Il y a
une subtilité qu'on trouve dans les sentiments qu'on ne trouve pas dans le corps. On
pourrait dire que ce processus de la méditation commence avec quelque chose d'assez
évident et grossier et qui procède à des choses beaucoup plus subtiles et beaucoup moins
évidentes.
3) L'attention sur l'esprit
La troisième étape est " cittanupassana ", l'attention sur l'esprit (citta) c'est-à-dire les
perceptions, les pensées, les émotions, toute notre vie intérieure, toutes les choses qui
surgissent en nous-même. C'est encore plus subtil d'être attentif, présent, clair avec tout ce
flot d'intériorité, de subjectivité.
4) L'attention sur les choses
Dhamma (ici, ne veut pas dire " la voie ") signifie " les choses ", c'est à dire la totalité de ce
que nous expérimentons à chaque moment. C'est l'attention la plus subtile de toutes. Etre
capable d'être présent avec la totalité, l'ensemble de notre expérience, ici et maintenant.
On pourrait dire qu'ici, on est pleinement conscient, présent avec tout ce qui arrive à
chaque moment.
En fait, le but de cette pratique de " vipassana " n'est pas de devenir un expert en
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respiration. La respiration n'est que la base car ensuite on commence à s'étendre (du corps,
on va aux sentiments, à l'esprit et à toutes les choses). C'est un processus d'expansion.
Evidemment, il est beaucoup plus difficile de rester concentré sur les choses dans leur
totalité alors si on se trouve distrait, on revient à la respiration, aux sensations dans le
corps pour encore une fois trouver un équilibre, une tranquillité, un calme et on
recommence. C'est le flux de cette pratique. On voit très clairement ici qu'on a des
correspondances entre les 4 étapes de " satipatthana " et les 5 facteurs de la conscience : le
contact, c'est avec le corps et les autres choses, c'est la base, et puis les sentiments, les
perceptions, les pulsions, les intentions, les idées et puis finalement la totalité, l'ensemble,
qui nous permet de dire " je suis conscient, je suis présent à la totalité de ce monde. ".
Pour la vie quotidienne, c'est cette dernière étape qui est la plus importante. Ici, dans le
silence de cette salle, c'est assez facile de rester bien concentré dans le corps, sur la
respiration mais dès qu'on sort du bâtiment, qu'on rentre chez soi, la totalité des choses
(enfants, parents âgés, téléphone, télévision…) constitue un bombardement massif
d'impressions et il est très difficile de garder cette concentration, ce calme… mais c'est
vraiment le but de cette pratique : devenir de plus en plus capable de rester avec ce calme
et cette clarté même dans le tourbillon, la confusion qui règne souvent autour de nous.
C'est difficile... Ce qui est important n'est pas simplement de remarquer que lorsqu'on est
attentif, on entend un son, on a une sensation dans le genou, ça c'est vraiment très basique
(ça ne veut pas dire que ça n'est pas important) mais la conscience est toujours sur le point
d'agir et je crois que ce point est la source, l'origine de nos paroles, de nos actes. Etre
capable de rester sur ce point avant de réagir, avant de se trouver piégé par les habitudes,
c'est peut-être la chose la plus difficile mais c'est aussi la plus libératrice. C'est ici qu'on
trouve le goût de la libération dont le Bouddha parlait. La libération qui imprégnait ses
enseignements comme le sel imprègne la mer. Cette libération n'est pas quelque chose de
très haut niveau que seuls les arhats, les rinpochés et les maîtres zen ont atteint, cette
libération se trouve dans chaque moment quand on trouve cette capacité à être alerte,
présent et calme au milieu des choses qui surgissent autour de nous.
Stephen Batchelor
Stephen Batchelor, en Ecosse, n'a que 19 ans lorsqu'en 1972 il arrive
à Dharamsala en Inde pour y étudier le bouddhisme auprès du Dalaï
Lama. En 1981 il se rend en Corée pour approfondir sa pratique sous
l'égide d'un maître zen renommé. En 1985, il est invité en Angleterre
pour fonder une communauté bouddhiste qui aura un grand
rayonnement. C'est à cette époque qu'il commence à diriger des
retraites au centre vipassana de Gaia House, puis dans le monde entier.
Stephen est écrivain et l'auteur de nombreux ouvrages, dont Le
bouddhisme libéré des croyances, un essai qui a permis de faire
connaître ses écrits dans le monde entier.
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