Energie libre d’un diélectrique Etablir les relations qui gouvernent la thermodynamique d’un diélectrique mérite quelque soin dans la définition des états et dans les transformations qu’ils subissent . On exploitera ici les notions vues dans le cours de thermodynamique de licence ; ce paragraphe en est une application . On partira des relations classiques : dU = δW + TdS = δ W + TdS dF = d ( U-TS ) = δ W -- SdT Comme toujours , reste à exprimer le travail effectué . Dans ce chapitre on opérera à température constante , de sorte que l’on exprimera l’énergie libre par la formule : dF = δW = expression de l’énergie libre totale d’un diélectrique On considère le système suivant : dans un volume fermé (V) de surface extérieure (S) coexistent, une électrode placée au potentiel V constant par rapport à une référence située à l’infini , de surface (S’) et de volume (V’) et un morceau de diélectrique , entourant l’électrode et remplissant complètement ( V ) . Le diélectrique est parfait : il ne contient pas de charge libre ; il est en position fixe entre les électrodes . La charge libre totale de l’électrode est Q = ∫ σ ds (S') Supposons que l’on impose une variation δσ de la charge en chacun des points de l’électrode métallique. Pour parvenir à ce nouvel état le seul travail effectué est celui qui consiste à prendre ces charges à l’infini en les amenant au potentiel V , constant , de l’électrode ; c’est pourquoi on peut sortir V de l’intégrale qui exprime ce même travail : δW = V ∫ δσ ds = VδQ (S' ) Pour un système clos , c’est à dire pour un système qui comprend dans son volume tous les points où la charge est modifiée ( ici , les électrodes ) ce travail est égal à l’accroissement d’énergie interne ( température constante , pas d’échange de chaleur , transformation quasi statique ) Or , à l’interface électrode-diélectrique la discontinuité de D est reliée à la charge superficielle libre ; pour une normale orientée du métal vers le diélectrique : δ( D. n ) = δσ δW = ∫ δ ( D. n V ) ds = flux entrant dans S' ( V δD ) (S' ) 21 et parce que c’est le flux entrant , en utilisant le théorème sur la divergence : ∫ δW = − div( V δD ) dv (V−V') div ( D ) étant nul dans le diélectrique quel soit l’état ( pas de charge libre ) on aboutit à : ∫ δW = − δD . ∇V dv (V−V') ∫ δF = δD . E dv (V−V') C’est la variation infinitésimale d’énergie libre totale du diélectrique ; c’est aussi le travail infinitésimal effectué par la pile pour parvenir à cet état ; c’est enfin la variation infinitésimale d’énergie interne du diélectrique , y compris celle du champ dans lequel il est plongé . Par unité de volume on aurait : δf = δD . E Ce résultat est sans ambiguïté ; la difficulté survient lorsque l’on essaye de séparer cette énergie en contributions distinctes attribuées à telle ou telle partie du système : le champ électrique , le diélectrique .... - travail à « charges constantes » Supposons que l’état de référence précédent étant atteint les charges libres sur les électrodes soient fixes : les électrodes sont isolées . On considère maintenant un deuxième état : celui où en l’absence de diélectrique , ces mêmes charges produiraient un champ E ; pour 0 parvenir à cet état en prenant les charges à l’infini , il aurait fallut fournir un travail : δF = 0 ∫ (V−V' ) δD . E 0 0 dv Il est interessant de comparer cette énergie avec celle de l’état de référence où il aurait fallu amener ces mêmes charges de l’infini , mais en présence du diélectrique; c’est justement δF . Il est donc naturel de séparer la partie attribuée au champ sans diélectrique : δF0 de l’autre attribuée au diélectrique en interaction avec le champ ; on écrit : δF = δF0 + δF diel 22 δF diel ∫ = (V−V' ) = ∫ (V−V' ) ( δD . E − δD . E ) dv 0 0 [( δD - δD ). E − (D - D ) . δE − P . δE ] dv 0 0 0 0 Or les deux premiers termes du crochet s’annulent puisque l’on travaille à charge totale constante ; finalement : ∫ δFdiel = (V−V' ) [ − P . δE ] dv 0 Cette quantité est bien le travail mécanique fourni au diélectrique lorsqu’on l’amène depuis l’infini , où le champ est nul , jusque dans la région où le champ valait E en son absence . Mais ce résultat algébrique est 0 compliqué dans la mesure où il faut d’abord exprimer E puis E en présence du diélectrique et 0 enfin P et relier les deux quantités définies dans des états différents ! . L’énergie libre du diélectrique est donc : E0 F diel ( E 0 )= E0 ∫ dFdiel = − 0 ∫ 0 [ P . dE ] dv 0 - énergie libre d’un diélectrique à « potentiel constant » Même raisonnement : en l’absence de diélectrique , les potentiels fixés créent un champ ce champ n’a rien à voir avec E E ; 1 puisque , lorsque l’on retire le diélectrique , cette fois ci les 0 piles débitent du courant pour modifier la répartition des charges sur les électrodes en fournissant un travail électrique . L’énergie du champ sans diélectrique est ici : ∫ (V−V' ) δD . E 1 1 dv le travail reçu par le seul diélectrique est donc δFdiel = ∫ (V−V' ) δD . E dv - ∫ (V−V' ) δD . E 1 1 dv 23 = ∫ [ δD .( E − E ) + D .( δE - δE ) + δP . E ] dv 1 1 1 1 ∫ [ δP . E ] dv 1 (V−V' ) = (V−V' ) L’énergie libre correspondante est : P P F diel ( P ) = ∫ 0 ∫ ∫ dFdiel = 0 (V−V' ) [ dP . E (P)] dv 1 En réalité il y a une différence qualitative entre les deux manières d’évaluer l’énergie du diélectrique car dans le deuxième cas ( potentiel fixe ) , pour amener le diélectrique depuis l’infini , là où la polarisation était nulle , les piles ont dû travailler ; ce travail est : δW = V(δQ − δQ1 ) = ∫ (V−V' ) ( δD − δD ) . E = 1 1 ∫ (V−V' ) δP . E 1 dv P W = ∫ dW = P . E 1 0 dans ces conditions la « vraie » énergie libre du diélectrique est : E 1 -W +F diel ( P ) = - ∫ ∫ 0 (V − V' ) [ P . dE ( P)] dv 1 C’est formellement le même résultat qu’à charge constante , mais le calcul n’est pas semblable ; on va appliquer ces raisonnements au cas d’un condensateur . = énergie du diélectrique dans un condensateur - calcul à V= constante Si le diélectrique occupe tout le volume entre les deux électrodes , les diverses grandeurs E ,D , P , seront identiques en tous les points ; on exprimera donc toutes les quantités en densité par unité de volume . Soit à calculer : 24 E1 - ∫ ∫ [ P . dE (P)] dv 1 0 (V−V' ) Pour V =constante : P + εE 1 = D P = ε 1 0 χ E 1 E1 v F diel ( P ) = W - ( V-V’) ∫ ε 0 χ E . dE 1 1 0 E12 W - (V-V’) ε χ 0 2 v F diel ( P ) = - à charge constante : D 0 = D =ε 0 ( χ + 1) E =ε χ E P = ε χ E =ε 0 0 0 1+χ F Q F E 0 E0 diel ( P ) = - ( V-V’) ∫ 0 Q 0 dE . P 0 2 E0 χ V' ) P = −(V − ε ( ) diel 0 1+ χ 2 Thermodynamique d’un diélectrique L’énergie libre que l’on vient de calculer est bien la différence d’énergie libre du seul corps diélectrique en présence du champ par rapport à celle en l’absence du champ ( ou , ce qui est identique , l’énergie libre du diélectrique loin de la zone où règne un champ électrique ) ; Loin du champ l’énergie libre ne dépend que des variables thermodynamiques T ( température ) et V ( volume ) 0 δF = δF (T,V) Pour un diélectrique inséré entre des électrodes son énergie libre et les coefficients thermodynamiques dépendront d’une troisième grandeur d’état : E ; δF = -S(T, V,E) δT - p(T, V, E) δV - P(T,V, E). δE A ce stade on peut procéder à plusieurs expériences . 25 = forces mécaniques agissant sur un diélectrique indéformable Pour calculer ces forces on fait un déplacement virtuel quasi statique du morceau de diélectrique dans le champ E(M) , à température et à volume constant ; comme en électrostatique ( voir le déplacement du dipôle dans un champ extérieur , premier chapitre du cours ) la variation d’énergie libre est égale au travail d’une « force appliquée » dans le déplacement ∆M correspondant ; on écrira : E ∆F = -∆ ( ∫ P(T, V,E). δE dv ) = f appliquée .∆M = - fexercée .∆M 0 Sans approfondir ce calcul , on voit bien par exemple que si on introduit un volume plus grand de diélectrique dans le champ , puique ∆F est négatif ( P et E parallèles ) , cela implique que la « force exercée » par le champ sur le diélectrique a pour effet de l’attirer dans le champ . C’est un comportement général . Exercice : on considère un liquide diélectrique incompressible ( l’eau ) ; sa surface libre est placée dans un champ dont la composante horizontale parallèle à la surface vaut E // ; la composante perpendiculaire du même champ vaut E per ; on demande de montrer que la pression p qui s’exerce à la surface du liquide est : −p = 1 2 ε0 (ε − ε O ) 1 2 E + E // (ε − ε 0 ) 2 per 2 ε - électrostriction ( voir aussi le TD correspondant associé au cours de thermodynamique ) On part de l’expression connue : δF = -S(T, V,D) δT - p(T, V,D) δV + E(T, V,D) .δD Comme souvent en thermodynamique , on peut toujours ajouter une quantité une différentielle totale au potentiel précédent pour obtenir un nouveau potentiel qui représente mieux les conditions d’une expérience ( pour les étudiants plus « formalistes » cela correspond à une transformation dite de Legendre ) ; ici on écrit : G=F +PV-E.D soit : δG = - S(T, p,E) δT + V(T,p,E) δp - D(T, p,E) .δE On appelle coefficient d’électrostriction le coefficient : ∂V ∂ε ∂ε =− = −E ∂E T,p ∂p T,E ∂p T,E ∂ε est positif : cela vient de ce qu’en comprimant un ∂p T,E corps on augmente le nombre de systèmes polarisables par unités de volume ; le coefficient de manière très générale , le coefficient 26 d’électrostriction est donc négatif : le volume du diélectrique diminue lorsqu’il est placé dans un champ ; sa variation de volume est : 1 1 ∂ε r 2 ∆V = − ∆( ε 0E ) 2 ε r ∂p T,E Dissipation d’énergie dans un diélectrique On appelle diélectrique parfait , un corps où la partie imaginaire de la constante diélectrique est nulle ; ce n’est en général pas le cas , et on voudrait ici montrer que χ' ' (ω) gouverne les pertes irréversibles d’énergie dans le diélectrique imparfait . Comme on vient de le voir dans le paragraphe précédent , l’énergie libre par unité de volume est : δf = E . δD Lorsque ces deux champs varient on aura : ∂D ∂f = E. ∂t ∂t ∂f > est le travail moyen effectué par la ∂t source de champ pour parvenir à cet état ; si cette quantité varie dans le temps , la pile doit procurer la même puissance pour préserver cet état . Examinons le cas de champs sinusoïdaux . 1 E = E 0 [ exp(iωt) + exp(− iωt )] 2 En conséquence : 1 ∗ D = ε 0 E 0 { [1 + χ(ω)] exp(iωt ) + [1 + χ (ω)] exp(−iωt)} 2 Il en résulte que : La valeur moyenne dans le temps de cette quantité < < ∂f 1 2 > = ε 0 E 0 ω χ " (ω ) ∂t 2 La partie imaginaire de la susceptibilité donne le « coefficient de pertes diélectriques » par unité de temps et volume ; l’usage veut que l’on mesure ces pertes par rapport à l’énergie moyenne dans le temps 1 2 <f> = ε 0 E 0 χ' (ω) 2 27 On nomme Q , comme en électronique , le « facteur de qualité » du diélectrique : Q=ω <f > /< ∂f > ∂t = χ' (ω) χ" (ω) Les étudiants pourront faire l’analogie avec le cas d’un circuit résonnant . 28