Entretien avec l'imam Cheik Mamoud Bell (redifusion)
Écrit par litenlibassa
Lundi, 24 Janvier 2011 23:45
Bell Mahmoud : les motivations ici sont d’ordre spirituel et intellectuel. La transmission dumessage divin incombe à tout homme soumis à la volonté du Maitre Créateur et Gouverneur del’Univers, qui nous informe dans le Coran qu’il n’a jamais châtié un peuple sans lui avoir envoyéun messager, qu’il n’y a pas de peuple chez lequel un avertisseur n’est passé, et qu’il n’envoiede messager à un peuple qu’avec la langue de ce peuple, pour les éclairer… Et l’Apôtre d’Allahde nous interpeler en disant «transmettez de moi ne serait ce qu’un verset». Par ailleurslorsque les connaissances fleurissent, les esprits s’éveillent; et l’éveil de conscience a souventété à l’origine des grandes révolutions dans le monde. Toute œuvre humaine étant perfectible,nous sommes encore en route, mais la 1 ère monture complète du Coran enlangue basaa a vu le jour après sept années de travail. A propos de l’énergie et des dépensesconsenties, Allah est le Meilleur Savant. Sur le plan financier croyez-moi, les dépenses ont ététrès insignifiants; ce qui ne donne aucunement raison à ceux qui, sous le prétexte de défaut demoyens, n’arrivent pas, ou ne prennent pas l’initiative de traduire la parole de Dieu en leurlangue.
Litenlibassa : Avez-vous dans le groupe des spécialistes de la langue arabe ?
Bell Mahmoud : Bien entendu.
Litenlibassa : Avez-vous bénéficié du soutien de quelques patriarches ou élites fidèles ànotre langue et tradition ?
Bell Mahmoud : Oui! surtout sur le plan moral et linguistique. Je citerai ici des hommescomme: mbombog Baemble Pierre (Ñwanda – Eséka), mbombog Ntamack Rigobert et samajesté Baye Soulemane Dieudonné (Ngodi-si – Dibang), sa majesté Mbock Minlénd EtienneEric (Malmiñañ – Matomb), Dr Manjack Albert (vice doyen FJSP – université de Douala), samajesté Bikoko Djibril et Mang Rudolphe (Mbanda – Dibang), Bôm Ismaïl (Ngompém - Pouma)…etc.
Litenlibassa : Quels sont vos rapports avec la confrérie des Ba Mbombok ?
Bell Mahmoud : de bons rapports, d’autant plus que nous avons reçu et continuons à recevoirde la part des Bambombock par rapport à ce travail, des messages de félicitation etd’encouragement.
Litenlibassa : Quelles étaient vos connaissance en langue Bassa et surtout quel apportlinguistique cela a apporté à notre langue? Je suppose qu'il fallait inventer des mots quin'existaient pas.
Bell Mahmoud : Elles n’étaient pas parfaites, mais assises. Des termes nouveaux ontsubitement surgis dans notre langue tels que: Allah (le nom propre de Dieu), islâma, zakat,mahfûz, kalifa … ce qui participe de la richesse linguistique qu’apporte la traduction du Corandans la langue Basaa.
Litenlibassa : Peut-on savoir quelle autorité a validé votre travail ? Qui s'occupe del'authenticité de notre langue au Cameroun ?
Bell Mahmoud : Oui! la même autorité qui a validé la traduction des Bibles en Bassa.
Litenlibassa : La traduction Pour les bassanautes, il est important de savoir à quelniveau le Coran peut il aider dans l'apprentissage de notre langue ?
Bell Mahmoud : La traduction des livres religieux en langues locales a toujours contribué àla sauvegarde de ces langues; tel est le cas des Bamouns chrétiens qui ont traduit la Bible enleur langue, et pas les Bamouns musulmans; les chrétiens Bamouns sont le meilleurs quiparlent, lisent et écrivent, les meilleurs manipulateurs de leur langue. Le Coran en langueBassa plus que toutes autres traductions, va contribuer espérons le à la maîtrise, à l’utilisation,à la sauvegarde, à l’apprentissage et même à l’auto-apprentissage de notre langue, du fait del’existence bientôt des deux formes du Coran Basaa (Ecrit et Audio).
Litenlibassa : Certains bassa puristes véhiculent l'idée selon laquelle un bassa ne peutou ne devrait pas pratiquer les religions venues d'ailleurs. Que répondez-vous à cela ?
Bell Mahmoud : c’est une prise de position qui découle de la méconnaissance de l’Islamvéritable, qui est la soumission à la volonté de Dieu; l’Islam est une ordonnance de DieuLui-même qui, en conclusion de sa révélation adressée aux hommes, affirme positivement dansson livre saint (sourate 5: 3) «…en ce jour, j’ai parachevé pour vous votre religion, et je vous aicomblés de mon bienfait, et il m’a plu de vous donner l’Islam pour religion»… On est d’abordsoumis à la volonté de Dieu avant d’être une créature, avant d’être un homme, avant d’être unBasaa. L’Islam est la nature qu’Allah a originellement donnée aux hommes; ils n’ont ni le droit,ni la possibilité de s’en écarter … (sourate 30: 30).
Litenlibassa : Selon vous, y a t-il des aspects de la culture bassa avec lesquels on doitprendre ses distances quand on est croyant (Chrétiens ou musulmans) ?
Bell Mahmoud : Oui! Nous parlerons ici du NDANDI par exemple, l’invocation adressée à Lilañ li Ndandi
en sollicitation de la longévité, de la richesse matérielle et humaine, ne cadre pas avec lesprincipes du Tawhid qui est l’adoration d’un Dieu Unique sans associés. Il en est de même du
BIKUS
(le veuvage) et autres.
Litenlibassa : Avez-vous les chiffres de la proportion des bassa de confessionmusulmane ? Dans quels villages bassa trouve-t-on déjà des mosquées ?
Bell Mahmoud : De par leur appréciation de la chose islamique, nous n’avons pas des chiffresexacts; mais de façon inconsciente, ils le sont à 100%. Les mosquées sont déjà visibles dansle pays basaa au Cameroun, d’abord dans les grandes villes comme Edéa, Eséka, puis leslocalités comme Pouma, Boumyébel, Mbanda, Ndom, Song Mbengue, Makak, Bot-Makak etc…
Bell Mahmoud : Que ce soit dans le cadre de la construction de l’unité nationale au Camerounou celle de l’union des peuples Bassa, la religion est un facteur, un agent de rapprochement etde rassemblement des hommes. Bien appliquée, elle contrôle et dompte les passionsexcessives. Sur le plan moral, elle règlemente la conduite de l’homme. La collecte et laredistribution de la Zakat aux nécessiteux par exemple réduit les disparités existantes entre lescouches sociales, et participe par ailleurs à la lutte contre les fléaux sociaux tels que laprostitution, la délinquance, le banditisme et autres. Voilà sur le plan social certains aspectspositifs de la religion dans le but de l’assainissement de notre société.
Litenlibassa : Cheik Bell, les cd audio du coran sont déjà disponible... Quand le livre serat-il à la portée du grand public ? Et combien coûtera t-il ?
Bell Mahmoud : Le Coran en CD n’est disponible pour le moment qu’en partie, et nousespérons le compléter d’ici peu inchâ-Allah. Pour ce qui est des délais de publication du livre etdu coût, Allah reste Le Seul parfaitement informé.
Litenlibassa : kene ni bes Ngeni Bassa
Bell Mahmoud : HILOLOÑA HITITGI HI NJÔL GWÉT’ LIKENGE
Litenlibassa : Votre dernier mot pour les bassanautes
Bell Mahmoud : La parole d’Allah en langue basaa n’est pas qu’un honneur pour vous,mais aussi et surtout une interpellation. A bon entendeur salut! Je voudrais par ailleurs faireremarquer que les langues nationales font parti du patrimoine culturel des nos peuples,patrimoine qu’il nous appartient de préserver; alors par l’utilisation et la promotion des œuvresécrites et orales, redynamisons notre langue qui par le temps, titube aujourd’hui et s’avancetout droit vers le cimetière des langues mortes, vers le cimetière de l’acculturation.
Litenlibassa : Nous vous remercions pour votre disponibilité.
Bell Mahmoud : Merci! Et que l’Être Suprême soit loué! Qu’il soit avec nous, et qu’il ne soitpas contre nous!
Réalisée par Aude Aïcha GOUETH
Douala
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