Note de lecture
Ce que le Coran ne dit pas. Mahmoud Hussein.
Voilà un petit livre qui vient à point pour remettre les idées en place. Les auteurs expliquent
de manière claire et percutante, que l’Islam ne peut se réduire à sa seule version intégriste ou pire
encore celle des djihadistes à l’œuvre dans le monde arabe et l’Afrique sub-saharienne. Poussant la
réflexion ils invitent le lecteur à réaliser que l’islam est précisément l’inverse : pour qui se donne la
peine de le lire le Coran impose la responsabilité de chacun pour ses actes et donc le libre arbitre.
Autant dire que ce livre constitue une lecture décapante.
Derrière le pseudonyme de Mahmoud Hussein, on trouve deux intellectuels respectés
d’origine égyptienne ; ils sont installés en France depuis de nombreuses années. Tous deux se
réclament de leur identité musulmane ; leur réflexion se situe donc à l’intérieur du cadre intellectuel
de l’Islam. Ils y gagnent en crédibilité puisqu’ils allient une connaissance vécue de la religion à une
démarche intellectuelle rigoureuse. Ils ont déjà démontré leur maîtrise dans ce domaine, en publiant
il y a quelques années une étude en profondeur des « Sira », qui sont les récits provenant des
compagnons du Prophète.
La démarche de leur nouveau livre consiste à démonter la construction doctrinale autoritaire
qui a fait de l’Islam un système purement autoritaire. C’est ainsi une lecture qui devrait ouvrir des
perspectives réconfortantes pour le lecteur musulman qui ne peut se résigner à l’image négative que
l’Occident a trop souvent de l’Islam. Pour le lecteur non-musulman, cet essai est tout aussi important
car il apporte une réponse affirmative à la question de savoir si l’Islam est compatible avec la
modernité occidentale ; il a aussi une portée plus large car il laisse entrevoir que rien ne s’oppose à
ce que l’Islam redevienne le partenaire de dialogue qu’il a été pour la pensée européenne au Moyen
Age.
La thèse de Mahmoud Hussein est défendue de manière claire et cohérente. Elle s’appuie
d’abord sur un constat historique: durant les premiers siècles de l’Hégire les Califes ont fait le choix, à
la suite des compagnons du Prophète, de retenir cette approche. Deux écoles ont alors dominé à
Bagdad : l’une avec les théologiens mu’tazilites pour lesquels « la volonté divine est rationnelle et
juste. Les hommes peuvent en saisir le sens » ; et l’autre qui retient une approche philosophique
celle des « Falasifa », pour lesquels il n’y a pas de différence ontologique entre les vérités auxquelles
parviennent les philosophes et celles que Dieu révèle à ses Prophètes ».
Ceci posé, nos auteurs s’attachent à vider de toute autorité la notion de « Coran incréé » qui
constitue l’affirmation doctrinale sur laquelle repose la lecture imposée du Coran depuis des siècles.
Sur la base des textes canoniques eux-mêmes, ils montrent que cette interprétation ne se trouve pas
dans les paroles du Prophète et qu’elle est même contraire aux textes. On aimerait pouvoir citer les
passages consacrés aux « versets abrogeants » et celui où Dieu invite le Prophète à réviser sa
position. Derrière l’ironie qui pointe, on sent une profonde humanité, tout autant qu’une grande
profondeur.
Le livre de Mahmoud Hussein s’inscrit dans un mouvement initié au XIX ème siècle et qui
invite le monde musulman à faire un chemin de relecture des textes identique à celui qu’a fait
l’Europe chrétienne à la Renaissance. Ce qui semble particulier ici c’est le courage intellectuel qui