29 MARS > 8 AVRIL 2016
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itinéraire bis
Berliner Mauer :
vestiges
JULIE BERTIN
JADE HERBULOT
LE BIRGIT ENSEMBLE L’Adversaire
EMMANUEL CARRÈRE
FRÉDÉRIC CHERBŒUF
COMPAGNIE LA PART DE L’OMBRE
Louise, elle est folle
et
Déplace le ciel
LESLIE KAPLAN
FRÉDÉRIQUE LOLIÉE - ELISE VIGIER
LE THÉÂTRE DES LUCIOLES
29 MARS > 8 AVRIL
10 > 20 MARS
12 > 17 AVRIL DIPTYQUE
STUDIO CASANOVA 69 av Danielle Casanova MAIRIE D’IVRY 01 43 90 11 11
L’Adversaire
EMMANUEL CARRÈRE - FRÉDÉRIC CHERBŒUF
COMPAGNIE LA PART DE L’OMBRE
Dossier pédagogique
SERVICE DES RELATIONS AVEC LES PUBLICS
Chloé Gillet - Jean-Baptiste Moreno - Marie Picgirard
01 43 90 49 45 / r.p@theatre-quartiers-ivry.com
L’Adversaire
d’après le roman d’Emmanuel Carrère
P.O.L Editeur, 2000
mise en scène
Frédéric Cherbœuf
adaptation
Vincent Berger et Frédéric Cherbœuf
scénographie et lumières
Jean-Claude Caillard
costumes
Nathalie Saulnier
administration de production
Ana Marillier
avec
Vincent Berger
Camille Blouet
Jean De Pange
Gretel Delattre
Alexandrine Serre
Maryse Ravera
et en alternance
Frédéric Cherbœuf / Volodia Serre
Coproduction Compagnie La Part de l’Ombre, Le Salmanazar
Scène de Création et de Diffusion d’Epernay et le Théâtre des
Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Val-de-Marne.
Avec le soutien du CENTQUATRE Paris, de l’ADAMI et
de la SPEDIDAM. En coréalisation avec le Théâtre Paris-Villette
Scène Contemporaine Jeunesse, établissement de la Ville
de Paris.
Quand il faisait son entrée sur la scène
domestique de sa vie, chacun pensait qu’il
venait d’une autre scène où il tenait un autre
rôle, celui de l’important qui court le monde…
et qu’il le reprendrait en sortant.
Mais il n’y avait pas d’autre scène, pas d’autre
public devant qui jouer l’autre rôle.
Dehors, il se retrouvait nu. Il retournait
à l’absence, au vide, au blanc, qui n’étaient
pas un accident de parcours mais l’unique
expérience de sa vie.
Emmanuel Carrère -
L’Adversaire
Romand et Roman
Certains faits divers dépassent de loin ce que la fiction tente
d’inventer depuis que l’homme s’est mis en tête de raconter des
histoires.
Comment un homme a-t-il pu mentir à son entourage pendant tant
d’années sans que celui-ci ne soit jamais alerté par le moindre
faux pas de l’imposteur ?
Pourquoi n’a-t-il pas trouvé d’autre issue que la mort des siens ?
Aucun romancier n’aurait pu inventer une telle histoire sans être
taxé d’invraisemblance. Et pourtant cela a eu lieu. Cette histoire,
inédite et inouïe dans la grande Histoire de l’Humanité, a eu lieu.
Roman et théâtre
Pourquoi le théâtre, qui est le lieu de la fiction par excellence
(même s’il se revêt parfois de simulacres de réalité), peut-il
s’emparer d’une histoire si terrible, née non pas d’une imagination
débridée, mais bien de la violence d’un monde réel ?
Parce que LAdversaire est un théâtre justement. Et Jean-Claude
Romand un acteur : un "héros" infiniment moderne, infiniment
coupable et pourtant "suspecté" d’innocence. Un Woyzeck
d’aujourd’hui.
Son costume ?
Le mensonge, ou le "mentir vrai", qui est l’outil de l’acteur.
Sa force ?
L’art de la mise en scène, le rythme, la distribution des rôles.
Son décor ?
La bourgeoisie de province, les aires d’autoroutes, les forêts du
Jura, la Cour d’Assises.
Son langage ?
L’improvisation permanente qui donne le vertige.
Sa faiblesse ?
La peur et sa manifestation physique : la sueur, qui colle, qui pue
et laisse sur chaque vêtement la trace du mensonge.
Explorer la frontière entre vérité et mensonge, entre document
et fiction : telle sera la ligne de force de notre projet. Le théâtre
peut-il se hisser à la hauteur du réel ? Doit-il s’en nourrir ? Ou au
contraire, doit-il s’en détacher et affirmer son autonomie ?
Un polar
Oui, un polar : haletant, étouffant, fascinant, rythmé, tendu.
Même si nous savons d’emblée qui est coupable et qui est victime.
Musique : cinématographique, hitchcockienne et religieuse à la
fois.
Espace : tour à tour domestique (l’appartement de Carrère),
mental ou réaliste (le procès). Tout doit concourir à cette plongée
au cœur du mystère de l’imposture, du mensonge, de l’irrationnel
et de l’"indécidable". Un espace léger et fluide, essentiellement
composé par la lumière et le paysage sonore, qui permettra de ne
jamais lâcher le spectateur. Pas de "quatrième mur" donc, car le
public est ici dans l’inconfortable position d’un jury populaire. A
lui de choisir, ou de ne pas choisir son camp. Car ce qui m’importe
avant tout, c‘est d’inclure le public dans l’élaboration du récit.
Une adaptation
Dans la lignée de mes spectacles précédents (Les Amnésiques
n’ont rien vécu d’inoubliable, d’après le texte d’Hervé Le Tellier
et Marcel Duchamp), nous tentons de mettre en mouvement une
matière qui n’est a priori pas faite pour le théâtre. Une adaptation
du texte de Carrère a donc été nécessaire. Adaptation fidèle et
libre à la fois, réalisée conjointement avec Vincent Berger (qui
jouera le rôle d’Emmanuel Carrère). Cette double appropriation du
texte est déjà de la mise en scène puisqu’elle impose des choix.
Dont un principal : le spectacle n’est pas la reconstitution du
fait divers mais bien celle de l’élaboration du livre et de cette
recherche obstinée et douloureuse du "point de vue". Elle est par
conséquent aussi l’histoire de la naissance de l’autofiction. Dans
notre adaptation, Jean-Claude Romand disparaît pour laisser la
place à l’auteur-narrateur qui est omniscient, "passe-murailles",
tour à tour observateur et acteur de l’enquête.
Notre adaptation s’appuie sur trois différentes formes d’écriture :
ÉCRITURE DOCUMENTAIRE (témoignages, scènes d’interrogatoires,
reconstitutions), RÉCIT (Emmanuel Carrère dans son rôle de maître
de cérémonie et de fil conducteur) et SÉQUENCES DIALOGUÉES.
Parce que Carrère est aussi un homme d’images, le texte s’écrit en
chapitres et séquences. Montage, découpage.
Le cinéma n’est jamais loin.
Frédéric Cherbœuf
La Vérité existe-t-elle ?
Sujet du Bac de philo de 1971.
Jean-Claude Romand obtient 16/20.
Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand tue sa femme, ses enfants,
ses parents, puis tente, mais en vain, de se tuer lui-même.
L’enquête révèle très vite qu’il n’était pas médecin comme il le
prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu’il n’était
rien d’autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne
recouvrait rien.
Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne
pouvait supporter le regard.
Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Fasciné par cette histoire, Emmanuel Carrère décide d’en faire le
sujet d’un récit qui mettra plus de cinq ans à aboutir : ce sera
LAdversaire, une enquête dans laquelle la dérangeante fascination
de l’auteur pour son sujet se mêle à son dégoût d’écrire sur le
‘‘monstre’’. La compassion pour le bourreau devient une forme de
complicité et Carrère nous entraîne avec lui dans cette plongée
en Enfer.
Vincent Berger dans L’Adversaire - mise en scène Frédéric Cherbœuf © DR
Les personnages
EC / Emmanuel Carrère. La quarantaine au moment du procès
Romand. Narrateur, témoin, enquêteur : l’incarnation du doute.
Personnage omniscient dans le ballet des ombres, il passe du
statut d’observateur à celui d’acteur de sa propre enquête.
FC. Le metteur en scène du spectacle. Son enthousiasme n’a d’égal
que sa maladresse devant l’auteur à qui il vient soumettre son
projet.
Luc. Meilleur ami du meurtrier.
Le confident à qui Romand n’a jamais rien confié.
Cécile. La femme de Luc.
Le Président de la Cour d’Assises de l’Ain. Une fonction bien sûr,
mais qui ne l’empêche pas d’être traversé par le doute, l’émotion
ou l’incompréhension.
Jean-Claude Romand. Le meurtrier. L’imposteur.
Diable ou damné selon les points de vue.
Marie-France. Pieuse. Mère de famille. Visiteuse de prison.
Romand est son "rayon de soleil".
Bernard. Visiteur de prison. Il décrit Romand comme un véritable
ami. Très croyant, il fait partie avec Marie-France d’un groupe de
prière dont Romand est aussi devenu un membre actif.
Corinne. La "rescapée". Ancienne maîtresse de Jean-Claude
Romand. Séduite et escroquée. Victime d’une tentative d’assassinat
par ce dernier.
Mlle Milo. L’institutrice d’Antoine, le fils de Romand.
Le procès révèlera une "liaison" avec le détenu.
Martine Servandoni. Journaliste.
Vive, elle accuse Carrère de compassion déplacée.
Camille. Elle pourrait être la femme de l’auteur, elle est en tous
cas celle qui l’accompagne.
Un journaliste.
L’Adversaire - mise en scène Frédéric Cherboeuf © DR
Extrait du spectacle
Première scène de l’adaptation de Vincent Berger et
Frédéric Cherbœuf
Prologue. 24 rue des petits hôtels. 28 mars 2014.
FC entre chez EC. Un appartement bourgeois du 9ème
arrondissement de Paris plein de cartons éparpillés. Il l’entraine
vers la cuisine.
FC : J’ai apporté des croissants.
EC : C’est gentil. Je viens de faire un café, vous en voulez ?
FC : Volontiers.
EC : Excusez-moi c’est le bazar. Les déménageurs arrivent dans
une heure. Je n’ai pas beaucoup de temps.
FC : Oui vous m’aviez prévenu. Vous partez loin ?
EC : Juste à côté. (un temps) Alors vous faites du théâtre ?
FC : Oui.
EC : Vous aussi vous vous intéressez à cette histoire ?
FC : Oui.
EC : Qu’est ce que vous attendez de moi ?
FC : Euh… votre bénédiction peut-être.
EC : Rien de plus ?
FC : Rien de plus.
EC : Vous l’avez.
FC : Mais… vous ne voulez pas que je vous en dise un peu plus ?
EC : Si bien sûr, allez-y. Je dois d’abord vous dire que je vais très
peu au théâtre ; en fait je ne m’y intéresse pas vraiment.
FC : Vous vous y ennuyez ?
EC : On peut dire ça.
FC : Je comprends, ça m’arrive aussi. Vous avez participé aux
adaptations cinématographiques du livre ?
EC : J’ai participé au scénario d’une des deux oui. Vous en pensez
quoi ?
FC : Je n’ai pas vu L’Emploi du Temps, mais le film de Garcia est
bien. Même si Auteuil est un peu trop connu pour incarner la
normalité de Romand qui est, à mon sens, essentielle.
EC : Peut-être oui. Café, donc ?
FC : Oui oui.
FC : Et puis vous disparaissez totalement derrière le film… je
veux dire, pour moi, ce ne sont pas des adaptations de votre
"Adversaire" , mais des films sur le fait divers. Votre récit vaut
autant pour son enquête sur le drame de Prévessin que pour la
quête du "point de vue juste", dans laquelle je vois une sorte de…
recherche subjective de l’objectivité… et c’est ce qui m’intéresse
au fond, plus que le drame en lui-même, c’est la façon dont vous
plongez, vous, et comment vous vous retrouvez sur le banc des
accusés… et par voie de conséquence nous aussi… avec vous…
enfin je vous ai écrit tout ça déjà…
EC : Ils sont très bons.
FC : Je les ai achetés juste en bas.
(Silence un peu gêné)
FC : Je vous demandais dans ma lettre si vous ne trouviez pas
indécent ou déplacé de monter ce texte en 2015, année probable
de sa libération.
EC : Non, je ne crois pas que ce soit indécent. Je ne sais pas.
FC : Vous êtes toujours en contact avec lui ?
EC : Non. Pas depuis quelques années.
FC : On raconte qu’il ne veut pas sortir. On dit aussi qu’il se fait
appeler "docteur" en prison… c’est troublant non ? Vous pensez
qu’il cherchera à vous joindre une fois sorti ?
EC : Je ne sais pas. Mais s‘il le fait, et qu’il a besoin de quelque
chose, je ne me défilerai pas.
FC : Vous croyez à sa conversion ?
EC : Ah… ?!
FC : Oui, pardon. C’est de l’histoire ancienne pour vous…
EC : Non, ça fait partie de ma vie. Mais je viens de finir un livre
qui m’a occupé pas mal de temps. C’est vrai que je suis un peu
ailleurs.
FC : Je comprends. En tout cas, votre texte est gravé dans mon
petit panthéon personnel depuis que je l’ai lu. Il met pour moi une
chose en évidence, c’est que Jean-Claude Romand est un acteur.
C’est une formulation un peu rapide, peut-être, mais je veux dire
par là que votre texte est un théâtre, il a tous les ingrédients du
théâtre : il y a un le "héros", infiniment coupable, et pourtant
suspecté d’innocence, une sorte de Woyzeck d’aujourd’hui ; il y
a l’art de mentir ; il y a l’art de la mise en scène (le rythme,
la distribution des rôles) ; il y a le décor, cette bourgeoisie
de province, les aires d’autoroutes, la cour d’assises ; il y a
l’improvisation permanente de ce type, et donc sa peur et sa sueur
surtout… Enfin je vous raconte tout ça parce que votre opinion
au delà de votre accord est pour moi primordiale.
EC : Vous avez des enfants ?
FC : Oui, j’ai une fille de 8 ans…Vous avez conservé les éléments
du dossier ?
EC : Ils sont oui. Des cartons dans un placard. Un placard
que ma femme appelle d’ailleurs la "chambre de Jean-Claude
Romand ". S’il veut les récupérer, ils sont à sa disposition. Mais je
ne crois pas qu’il le fera.
FC : Vous pensez qu’il pourra vivre une vie normale, après ?
EC : Je ne sais pas.
FC : Bien. Vous ne voyez donc rien qui puisse s’opposer à mon
projet ?
EC : Rien non. Je ne sais pas quoi vous dire de plus.
FC : Je ne veux rien de plus. Votre indifférence même me suffit.
EC : Vous l’avez.
(EC se lève)
FC : Bon. Et bien bon déménagement alors.
EC : Vous partez déjà ?
FC : Oui…
EC : Ah, bon. (EC lui tend un livre.) C’est un exemplaire de mon
prochain livre.
FC : Le Royaume… Merci.
EC : Tenez moi au courant quand même. Et merci pour les
croissants. (FC sort)
FEMME D’EC : Raconte
EC : Le matin du samedi 9 janvier 1993, pendant que Jean-Claude
Romand tuait sa femme et ses enfants, j’assistais avec les miens
à une réunion pédagogique à l’école de Gabriel, notre fils aîné.
Il avait cinq ans, l’âge d’Antoine Romand. Nous sommes allés
ensuite déjeuner chez mes parents et Romand chez les siens, qu’il
a tués après le repas.
L’Adversaire - mise en scène Frédéric Cherboeuf ©DR
Dire qu’il aura fallu tous ces mensonges, ces ha-
sards et ce terrible drame pour qu’il puisse au-
jourd’hui faire tout le bien qu’il fait autour de lui...
C’est une chose que j’ai toujours crue, et que je vois
à l’œuvre dans la vie de Jean-Claude : tout tourne
bien et finit par trouver son sens pour celui qui
aime Dieu.
Bernard
D’un côté s’ouvrait le chemin normal, que suivaient
ses amis et pour lequel il avait, tout le monde le
confirme, des aptitudes légèrement supérieures à la
moyenne. Sur ce chemin il vient de trébucher mais
il est encore temps de se rattraper, de rattraper les
autres : personne ne l’a vu. De l’autre, ce chemin
tortueux du mensonge dont on ne peut même pas
dire qu’il semble à son début semé de roses tandis
que l’autre serait encombré de ronces et rocailleux
comme le veulent les allégories. Il n’y a pas besoin
d’y engager le pied, d’aller jusqu’à un tournant
pour voir que c’est un cul-de-sac.
Emmanuel Carrère -
L’Adversaire
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