LE PLAISIR EST DANS LA SAUCE Par Geneviève Dufour, administratrice FQTA Diane Simoneau a mis en scène Sauce Brune, pièce de Simon Boudreault. Cette production s’est mérité trois prix lors des derniers festivals amateurs. Madame Simoneau est d’abord comédienne et l’un des membres fondateurs de la troupe les Exclamateurs de Montréal. Retraitée de l’enseignement depuis trois ans Diane a décidée de mettre en scène ce texte audacieux et irrévérentieux. Quatre cantinières d’une école secondaire brassent la sauce, ponctuent et conjuguent leurs propos en sacrant. Pourquoi Sauce Brune? Parce que c’est une oeuvre fluide et captivante du début à la fin. Le rythme y est soutenu. C’est un beau défi de mise en scène. Mais encore? Comment expliquer autant de sacres? Le sacre, c’est un langage émotif qui se manifeste parce qu’on n’a pas d’autres mots pour exprimer ce qui vient de se passer, que ce soit de la colère, de l’enthousiasme, de la peur, du refus ou du plaisir. Heureusement, la religion nous a donné toute une boite à outil formidable pour nous exprimer. On est un des rare peuple à jurer avec autant d’enthousiasme avec des mots pris du vocabulaire religieux. En plus, c’est drôle et au Québec, on a une façon de rire qui est différente. La Petite Vie. L’absurde. Rire franchement de nous, de l’un et de l’autre. C’est très sain. « On est tous capable de montrer notre p’tit côté Sauce Brune » ­ Diane Simoneau Sacrer ça libère. Ça fait moins mal quand on dit sacramant! C’est une échappatoire et ça rassemble aussi. Les spectateurs se permettent de sacrer allègrement et par plaisir avec l’équipe après le spectacle. Ça a un effet d’entraînement et ça nous fais du bien. 1 Une langue tissée très serrée Diane aime les auteurs qui ont de la verve et selon elle, Simon Boudreault écrit finement à un point tel où l’on ne peut pas enlever un seul mot du texte. C’est tissé très serré, dit­elle. Il fallait se mettre le texte en bouche, bien l’articuler, respecter le rythme et aussi le mémoriser. Le défi était de faire comme si c’était facile quand on est presque sur le point de se faire une tandinite de la langue. Une languinite. (rires) De la poésie populaire à l’opéra québécois! La répétition constante des sacres révèlent toute la musicalité du texte. Ça sonne comme un opéra. Un opéra québécois où, pendant les cinq premières minutes, on trouve le tout étrange. Après, on est captivé et on se calle dans notre fauteuil parce que l’on ne peut pas s’imaginer qu’on va entendre des choses comme ça pendant 1 h 30. Et puis rapidement, on se laisse entraîner par leur rythme. L’esprit d’équipe dans la cuisine Chaque cantinière assume un rôle important, il était donc essentiel de développer l’esprit d’équipe et la confiance entre les filles. Le travail colossal s’est accompli dans le plaisir. Elles ont fait preuve de tenacité et de vaillance. Diane est très fière d’elles. Dans cette pièce, il fallait dire des grossièreté et il fallait être capable d’en recevoir. Il faut se faire dire des trucs comme « Heille, l'ostie de touffe, j't'ai pas sonnée » pour réaliser ce que ça fait, dit­elle. Le respect mutuel leur a permis vivre cette expérience entièrement. Les effets thérapeutiques du théâtre sur la vie Ses débuts au théâtre se sont passés en 1999, année où Diane a décidé de revenir vivre en ville parce qu’il n’y avait pas de cours de théâtre dans son coin de campagne. Cet art la passionnait réellement et elle désirait avoir une activité où elle pourrait continuer à s’exprimer à sa retraite de l'enseignement. « La vie m’a donné l’opportunité d’expérimenter un art vivant et j’ai la conviction que tant que je vais pouvoir pratiquer cet art, c’est ça qui va me garder Vivante » ­ Diane Simoneau 2 Une pause de soi, un regard de l’autre À travers les différents personnages qu’elle interprête ou met en scène, elle se regénère de vie intérieure active et belle. « On se repose de soi­même en travaillant sur un personnage. On se laisse tranquille et on s’intéresse à l’autre, ce qu’il est, ce qu’il aime, ce qu’il veut ». De l’actrice à la metteur en scène Madame Simoneau a été attirée par la mise en scène parce que ça rappelle son travail de prof : le travail de table, le plan des répétitions et le contact avec les gens. Toutefois, ça lui a pris plusieurs années avant de se décider à faire de la mise en scène et elle avoue de pas regretter avoir attendu. Plusieurs expériences s’avèrent nécessaires avant de pouvoir assumer la direction des acteurs et la gestion du projet. Il faut savoir mobiliser les ressources en usant de patience et surtout il faut générer une foi inébranlable dans le projet. De plus, ça prend une grande énergie positive pour favoriser toute la créativité chez les membres de l’équipe, ainsi que de soi­même, dit­elle. Simon Boudreault, l’auteur de Sauce Brune, a été impressioné d’apprendre que Les Exclamateurs, une troupe amateur, montaient la pièce en entier vu son niveau de difficulté. Il est très fier du succès de cette production. « Mettre en scène est exigeant, surtout que l’on a des moyens limités, mais j’aime ça. Ça oblige à être créatif. On doit faire des choix et viser l’excellence même si on est amateur » ­ Diane Simoneau Le bonheur est vraiment dans la sauce Cette pièce a été du bonheur à l’état pur. Du bonheur pour les cantinières, pour Diane, pour public et pour Les Exclamateurs. Une tournée organisée en peu de temps. Un public conquis partout dans la province et des récompenses dans les différents festivals : le FTAAN d’ArtNeuf (Prix interprétation), Victoriaville (Prix coup de coeur du public), les Molières de Laval (Prix décors et costumes). En juin 2014, Diane et les Exclamateurs resteront dans l’alimentaire en produisant la pièce Soupers de Simon Boudreault. www.exclamateurs.org 3