L`évolution des animaux domestiques

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L’évolution des animaux domestiques
Quelques aspects tirés d’une conférence de Manfred Klett,
revus et complétés par ce dernier et Markus Hurter
La toute première origine des animaux remonte à « l’ancien Soleil ». Toute
évolution se déclenche toujours dans la tension polaire d’un élément progressant et d’un
élément stagnant. C’est en ces temps planétaires les plus reculés, et donc bien avant la
toute première apparition d’un phénomène physique, que débuta l’amputation, le
détachement de l’animalité (élément stagnant) hors de l’être humain (élément
progressant).
Dans l’évolution de la Terre qui suivit, l’étape évolutive de l’ancienne Lune,
l’apparition physique des animaux débuta à l’époque de la Lémurie. L’être humain, qui
n’existait encore à cette époque que sous une forme purement astrale, traversa alors une
évolution qui, ultérieurement - pareille à une projection du microcosmos reflet du
macrocosmos - eut comme conséquence la formation de la tête. Tout ce qui s’opposait
alors à une évolution se réalisant dans cette existence astrale vers la formation de la tête
humaine, fut excrété. Et c’est ainsi que dans la progression de l’évolution physique
apparut un premier groupe quadruple d’embranchements animaux : Protozoaires,
Cœlentérés, Échinodermes et Mantelés, les fameux animaux céphaloïdes. Chez eux,
domine la formation d’une fonction céphalique qui inclut les fonctions métaboliques et de
locomotion (exemple typique: les Céphalopodes eux-même, phylum de la seiche. ndt). Ces
formes animales primitives sont principalement rondes et possèdent un squelette externe
partiel. Au plan géologique, leur avènement essentiel se situe à l’ère Paléozoïque.
Une seconde phase évolutive s’y rattacha pendant laquelle l’être humain
macrocosmique édifia une organisation rythmique s’émancipant fonctionnellement de son
organisation céphalique. Cette phase évolutive laissa derrière elle des traces nettes dans
l’apparition d’une seconde tétrade animale, les Mollusques, les Vers, les Articulés et les
Poissons et marqua de son empreinte ensuite l’ère Mésozoïque ou ère secondaire. Cette
série d’animaux est caractérisée par un élément structurel de répétition, la segmentation,
qui apparaît par la suite chez l’être humain dans la colonne vertébrale.
Alors que l’homme se rapproche de plus en plus de l’existence physique, tout en
préparant à cette occasion son système métabolique et des membres, une troisième tétrade
animale apparaît sur la Terre: les Amphibiens, les Reptiles, les Oiseaux et finalement les
Mammifères. Vue au plan géologique, cette évolution s’accomplit de la fin du
Paléozoïque, sur le Mésozoïque (Secondaire) jusque dans la première moitié du Tertiaire.
Douze embranchements du règne animal en résultent donc dans lesquels est exposé ce qui
apparaît corporellement - et se trouve corporellement engagé avec la vie de l’âme - au sein
de l’être humain considéré comme un tout. Ce qui représente chez l’être humain l’unité
(structurelle) équilibrée dans une triade (fonctionnelle), cela se retrouve individualisé dans
le règne animal sous une spéciation (au sens de formation d’espèces, ndt) à peu près
infinie. L’être humain est le compendium du règne animal, et fut la source de l’évolution
animale avant que lui-même n’apparaisse physiquement.
L’ère Atlantéenne, qui succède à l’ère Lémurienne et correspond
approximativement aux ères géologiques Tertiaire et Quaternaire, voit la grande
progression évolutive animale s’achever peu à peu vers le milieu des temps atlantéens.
L’apparition des singes humanoïdes, les Hominidés, en forme la dernière note. Les étapes
évolutives antérieures et postérieures sont accompagnées de disparitions d’espèces. Ne
suivront plus que des modifications, pour préciser, de ce qui a pris naissance
antérieurement. Au sein de l’évolution humaine, se produit la dotation du Je vers le milieu
de l’époque Atlantéenne et ce n’est qu’à la suite de celle-ci que l’être humain entre
finalement sur la Terre dans un corps physique [en effet, R. Steiner explique que le « Je »
est lié à une forme corporelle, mais il faut distinguer cette dotation du « Je » de la
conscience du « Je » qui est un phénomène se développant ultérieurement à cette dotation.
ndt]. Cela se réalise dans la seconde moitié de l’époque atlantéenne. C’est donc en tant
qu’être encore totalement imprégné du cosmos que l’être humain va à la rencontre du
monde terrestre et qu’il trouve donc à son arrivée sur la Terre des règnes naturels achevés,
les animaux, les végétaux et les minéraux. Vis-à-vis de ce monde et vis-à-vis du monde de
son origine cosmique, il se ressent alors dans une relation de type magique et cosmique
(souvenir lointain de l’état paradisiaque originel, dont on peut encore pressentir la
lointaine harmonie nostalgique dans un jardin bio-dynamique... ndt).
Vers la fin de la période atlantéenne, les glaciations survinrent et parallèlement à ce
phénomène, la relation magico-cosmique se transforma en une relation de type sacré et
cosmique. L’évolution psycho-corporelle de l’être humain ne se reflète plus dans
l’évolution d’une forme animale à une autre mais l’être humain, qui s’éveillait alors au
microcosmos, se plaça dans une relation immédiate, sacramentellement fondée, avec des
espèces animales particulières et commença à se charger de leur conduite. C’est le
moment de la naissance de l’animal domestique. Par l’intervention humaine, des
modifications caractéristiques survinrent dans l’édification du squelette, dans le
métabolisme et le comportement psychique d’espèces animales particulières.
Cette progression gigantesque vers la domesticité est le reflet de l’activité du « Je »
humain, qui était encore en train de réaliser des expériences dans les vastes espaces
cosmiques, et qui avait auparavant entrepris d’élaborer, dans son essence propre, le corps
physique - pendant les temps atlantéens et post-atlantéens - le corps éthérique - pendant
l’Ancienne Inde - l’âme de sensibilité pendant l’époque de civilisation de l’Ancienne
Perse. Ce travail du « Je » sur les composantes de la nature humaine ne resta pas limitée à
celles-ci. Il s’étendit à une influence sur la vie des végétaux et sur le psychisme des
animaux sur lesquels l’être humain orienta désormais son activité. En restant de ce fait un
être humain encore apte à élaborer des images au sein même des composantes de son
essence, il fut en situation de prendre soin des animaux et de les préserver de retomber
dans l’état sauvage, en les ramenant, et en les stabilisant, à un degré quasiment
embryonnaire de malléabilité des formes corporelles et psychiques. Cette relation
entretenue par l’être humain, préservant et stabilisant la jeunesse de la forme et du
psychisme animal, ouvrit l’âme animale vis-à-vis du Je humain la dirigeant. Le champ
d’expérience de l’animal devint, au lieu de la simple nature, l’environnement social de
l’être humain lui-même. Le chemin menant à une vie s’épuisant dans la création naturelle
fut corrigé et dirigé vers la domesticité. Cette perspective permet d’éclairer la question,
propagée du côté de l’écologie, d’un l’élevage animal conforme à l’espèce animale par
rapport au problème de rechercher le point de référence de cet élevage dans la fonction
directrice de l’être humain lui-même. [Autrement dit, pas d’élevage conforme à l’espèce
domestique, sans référence d’abord à l’action dirigeante de l’être humain sur l’élevage
animal ; seul l’être humain a en effet la capacité psycho-spirituelle « d’élever » l’animal,
et non la nature, qui en épuise plutôt la vie au travers des formes naturelles de l’espèce
« sauvage ». ndt]
Cette conservation dans un stade de juvénilité malléable contribue à la plasticité
dans le déploiement de l’espèce, à la plénitude des formes et des couleurs des robes des
races domestiques - chose qui était caractéristique dans une ampleur bien plus gigantesque
aux degrés d’évolution antérieurs, alors que l’être humain ne séjournait pas encore sur la
Terre. Ce qui, surtout au début de l’époque atlantéenne, surgit d’un seul coup en tant
qu’expression d’une plénitude de créatures, en culminant dans les plantes à fleurs d’une
part, et, d’autre part, dans les Mammifères - à l’extrémité desquels se situe le bovin - se
répète désormais dans les plantes cultivées et la domestication animale, mais cette fois
sous la main modelante d’un être humain collaborant à leur création.
Si on recherche dans les fossiles des restes des époques Atlantéenne/Tertiaire en
fonction des débuts de la domestication, on ne trouve rien qui puisse permettre de l’établir
nettement. On ne trouve que des restes osseux de la faune sauvage. (À l’occasion de quoi,
on doit prendre garde à l’utilisation du concept « sauvage », puisque jusqu’à la fin du
Tertiaire, les peintures rupestres témoignent combien l’être humain entretenait une
relation fortement magique avec les animaux.) Ce n’est qu’aux commencements du
Paléolithique, donc à peu près au 15ème millénaire avant le Christ, vers la fin des temps
glaciaires, qu’on en découvre les premières traces. En fouillant un habitat de chasseurs en
Ukraine, du temps des glaciations, on a trouvé, à côté des os de mammouth, de nombreux
crânes de loups et parmi eux un crâne possédant un os frontal plus court - une première
indication indubitable du cheminement évolutif du loup au chien. Mais cette trace se perd
à nouveau. Et ce n’est que deux millénaires plus tard, au Mésolithique (du 13ème au 9ème
millénaires avant le Christ), avec le franchissement du seuil des temps glaciaires, que le
chien apparaît dans une multitude de découvertes, comme le plus ancien des animaux
domestiqués, et d’une manière surprenante, dans toute la diversité de ses espèces grandes
et petites, hautes ou courtes sur pattes, etc., dans toutes les formes que nous connaissons
aujourd’hui et pendant un si court espace de temps ! Et cela bien que toutes les races de
chien remontent en définitive à la forme originelle du loup. Ce phénomène ne se laisse pas
expliquer par la sélection ni par les croisements et ne se ramène même pas à une simple
adaptation. L’être humain de l’époque a dû disposer encore de facultés, au travers de sa
relation cosmique sacrée avec les êtres naturels et les mondes planétaires, par lesquelles il
avait la capacité d’agir au sein des forces formatrices de la configuration animale.
Suit alors cette évolution que l’on désigne comme la Révolution néolithique. Tout
d’un coup, surgissent au 8ème millénaire avant le Christ, dans leurs formes définitives
d’animaux domestiques, le mouton, la chèvre, le bovin et le porc et à nouveau dans une
grande diversité de variétés. Le centre géographique de cette évolution se situe dans le
fameux « Croissant fertile », qui en Asie mineure, s’étend de la Palestine jusqu’au-delà de
la Perse, et dans la région de l’Indus, en englobant la Syrie, l’Anatolie, le pays des deux
fleuves. Dans cet arc en forme de croissant de Lune, on dispose non seulement
d’évidences fossiles prouvant une évolution de la domesticité animale sous la main de
l’être humain, mais établissant aussi celle des plantes cultivées. Les porteurs de cette
impulsion civilisatrice furent les deux premières civilisations post-atlantéennes,
l’Ancienne Inde et l’Ancienne Perse, qui progressèrent d’Est en Ouest. C’est surtout dans
cette dernière qu’existaient des Mystères fondés par Zarathoustra, par lesquels les
hommes furent éduqués à se tourner vers la Terre et vers ses créatures afin de prendre ces
dernières sous leur protection.
Les mythes des peuples décrivent cette révolution fondamentale des temps
atlantéens aux temps post-atlantéens, qui caractérise la fin de l’époque glaciaire avec le
déluge, par exemple l’épopée de Gilgamesh, dans laquelle ce revirement est lié au terme
de Uta-Napischtim. Dans l’Ancien Testament, c’est Noé, qui sauve du déluge le monde
végétal et animal en les faisant passer de l’atlantéen au post-atlantéen, et qui avec cette
Création préservée, entre dans la citoyenneté terrestre. Noé et son arche sont l’une des
images illustrant le fait que désormais l’être humain, en tant que microcosmos, fait
progresser les animaux et leur existence sur Terre, après avoir suivi l’exemple de leur
devenir depuis l’époque de la Lémurie. D’abord lui-même Créature, le voilà qui
commence à présent à orienter la Création.
L’individualité du Noé biblique est appelée Manu, dans la science spirituelle de
Rudolf Steiner. C’est elle qui conduisit les peuples de l’Atlantide s’effondrant vers l’Est,
et qui, dans la région ou s’étend aujourd’hui le désert de Gobi, fonda des lieux d’oracle
solaire, à partir desquels s’initièrent ou furent inaugurées les civilisations postatlantéennes. Dans ces époques de culture le Je humain s’éveille progressivement en
s’emparant de ses composantes corporelles. Dans la première civilisation de l’Ancienne
Inde, le Je s’éveille dans l’élaboration du corps éthérique. Le corps de l’Ancien Hindou se
développa en une sorte d’instrument de résonance par le truchement duquel une
conscience cosmique se faisait entendre, une conscience qui le laissait encore
complètement enchâssé dans son origine spirituelle. Il vivait encore totalement dans une
conscience céleste, qui ressentait le monde terrestre comme irréel, comme une apparence,
une maya. À en croire les découvertes archéologiques, c’est la progression la plus vaste de
la domestication qui s’accomplit alors. À partir de cette conscience céleste, l’être humain
de l’époque fut effectivement capable d’agir d’une manière telle - sur ce qui du cosmos se
trouvait dans l’animal au sein du corps astral de celui-ci - que, dans un accord instinctif
avec l’âme groupe de celle-ci, il façonnât l’âme et le corps d’espèces animales
particulières afin de pouvoir les placer à son service. Le fait d’exercer cette suppléance
pour l’âme groupe animale sur terre constitue justement la constitution psychique
caractéristique faisant d’un animal un animal domestique! - À l’époque de la civilisation
de l’Ancienne Inde, il est peu probable que les « animaux domestiques » aient déjà été
maintenus dans des étables. La conscience cosmique de ces temps-là et l’omniprésente
richesse de la nature, ne regroupaient pas encore les êtres humains sur des colonies
sédentaires. Les êtres humains éprouvaient une sympathie pure vis-à-vis de l’animal,
encore du style de celle d’Abel. En tant que berger, on se situait alors au centre du
troupeau avec lequel on circulait en nomadisant dans le pays.
La formation d’une « confiance » psychique à l’égard de l’homme, inhérente à
cette fameuse domestication des animaux, comme on l’a déjà mentionné, entraîna
également pour conséquences des modifications anatomiques et physiologiques. Ainsi,
outre la diminution de la grosseur du corps, le raccourcissement et l’arrondissement
imprimés aux os de la face, une plus grande fécondité que chez les espèces sauvages ; le
cycle sexuel fut moins lié au cours des saisons ; les poils de fourrure firent place à une
disposition plus drue et une coloration plus intense de la robe et ne changèrent plus en
fonction du rythme annuel, mais se renouvellèrent de manière constante pendant toute
l’année. On peut finalement constater un phénomène, a priori étonnant, à savoir que les
animaux domestiques possèdent un cerveau considérablement rapetissé et moins organisé.
La plus grande partie de cette réduction concerne le cerveau antérieur, là où se situent les
centres sensoriels. Conformément à cela, les animaux domestiques souffrent d’un net
amoindrissement de leurs capacités sensorielles par rapport à leurs congénères sauvages.
Le chien sent moins bien que le loup, le porc entend moins bien que le sanglier etc. Mais
ce phénomène est compréhensible quand on réfléchit que la progression vers la
domesticité, consiste précisément aussi, et entre autres, dans le fait que la productivité
sensorielle recule au profit de la productivité métabolique. C’est pour ainsi dire par une
sorte de renoncement que l’animal domestiques accomplit des performances pour l’être
humain, pour l’alimentation, l’habillement, l’habitation et services de toutes sortes rendus
à celui-ci. Aujourd’hui, dans le train de la commercialisation de l’agriculture, ce trop plein
de performances produites sur la base du renoncement de l’animal est encore utilisé
comme une fonction d’exploitation et de rentabilité. L’animal domestique devient animal
à exploiter. Toutes ces modifications citées existaient chez les plus importantes espèces
d’animaux domestiques vers la fin de la civilisation de l’Ancienne Inde, et donc vers le
début du 6ème millénaire avant le Christ.
Au passage dans la civilisation de l’Ancienne Perse, au début du 6ème millénaire
avant le Christ, s’accomplit la sédentarisation des hommes en liaison avec l’avènement de
l’agriculture et la sélection des plantes cultivées. Le « Je » s’éveille à présent par
l’élaboration d’un corps de sentiments qui ne s’appréhendent encore totalement que dans
l’environnement. La sensibilité, et avec cela la perception sensible, commencent à faire
l’objet d’une expérience individuelle. La nature caïnite dans l’être humain, devient un
élément porteur de civilisation sous la direction des Mystères assurée par Zarathoustra.
Avec l’établissement sédentaire, la terre est ouverte par la charrue pour accueillir la
semence. L’animal, qui a dirigé son attention sur l’homme, entre dans une relation étroite
avec l’agriculture, il se rapproche ainsi de l’état d’animal domestique en se sédentarisant
également avec l’être humain.
L’homme de la civilisation de l’Ancienne Perse vivait encore dans les échos d’une
conscience céleste. Par l’ouverture de ses sens au monde physique, c’est une conscience
terrestre qui commence à s’établir. C’est vers les 5ème et 4ème millénaires que le cheval et
l’âne, le dromadaire et le lama surgissent parmi les animaux domestiques, ainsi que
quelques oiseaux de basse-cour, par exemple la poule (on conjecture à son sujet une
époque de domestication remontant beaucoup plus loin), le canard et l’oie et, uniques
parmi les insectes, l’abeille et le ver à soie (bombyx du mûrier). À la fin de la civilisation
de l’Ancienne Perse, les animaux domestiques et les plantes de culture, en tant que
productions artistiques de deux civilisations préchrétiennes, existaient déjà pratiquement
au complet.
Qu’en est-il à présent de l’évolution à l’époque de la civilisation de l’Ancienne
Égypte, comme des civilisations sumérienne, chaldaïque et babylonienne, qui peuplaient
le pays de deux fleuves depuis le 3ème millénaire ? Le Je humain s’éveille à lui-même sur
un plan supérieur, en élaborant l’âme de sensibilité à partir du corps de sensibilité [à notre
époque la différence entre ces deux composantes de l’entité humaine est devenue si mince
que Rudolf Steiner les rassemble dans une seule composante : l’âme de sensibilité ellemême, voir Théosophie. ndt]. La vieille conscience céleste s’estompe et les souvenirs la
concernant continuent de vivre dans la conscience mythologique qui point désormais.
« L’âge sombre », le Kali Yuga (3101 av. J.-C.) a commencé. Le monde physique
sensible, ce qui est mort, devient de plus en plus la pierre de touche de l’individualisation
du sentiment. Tout comme les deux grandes étapes de la domestication des diverses
espèces animales tombent dans l’époque de civilisation de l’Ancienne Inde, et que
s’attestent les performances de la civilisation de l’Ancienne Perse, principalement dans la
création des plantes cultivées, des productions puissantes s’accomplissent désormais dans
et avec le règne minéral. Cela trouve une expression grandiose dans les pyramides
géantes, qui furent érigées dès les premiers temps de la civilisation égyptienne. Dans les
soins prodigués aux plantes et aux animaux, outre un certain progrès dans l’élevage et la
sélection, il est à peine question de nouvelles conquêtes. Ces soins deviennent l’objet d’un
métier artisanal au service des dieux. C’est de cela que nous prenons connaissance et de
belle manière dans les innombrables représentations en reliefs des temples et surtout des
mastabas [tombeaux destinés aux princes, alors que les tombeaux des pharaons étaient
décorés de sujets religieux. ndt]. L’utilisation pratique, en tant que bêtes de boucherie ou
de somme, est encore indissociablement liée à la grandiose signification religio-cultuelle
de l’animal domestique. On voit dans les animaux des êtres qui relient les hommes aux
dieux. En effet, on vénère au travers des animaux les divinités qui se manifestent en eux
[d’où la momification employée également pour des animaux comme pour le chat ou, plus
tardivement, le crocodile au Temple de Kom Ombo, ndt]. Les divinités les plus sublimes,
par exemple la déesse céleste Hathor est représentée comme naissant de l’essence du
bovin [Dans le temple de Dendérah, ou le temple de Hatshepsout à Deir el Bahari ;
Hathor, également déesse de l’Amour, devient Aphrodite chez les Grecs. ndt].
La conscience mythologique, à partir de laquelle la relation étroite entre les dieux
et les animaux fut encore longtemps cultivée dans les cultes animaliers nous saute aux
yeux dans les images merveilleuses de la Mythologie grecque, au début de la période de
culture gréco-romaine (747 av. J.-C. - 1413 ap. J.-C.). Pourtant, même ces souvenirs issus
de la plus haute antiquité divine finirent pas s’estomper. Un nouveau pas dans le
développement de la conscience humaine prépare sa voie : le « Je » commence à élaborer
le corps éthérique, qu’il avait saisi pour la première fois à l’époque de l’Ancienne Inde, en
le transformant en âme d’entendement et de cœur. La conscience mythologique fait place
à la conscience d’images dans les idées. L’intelligence humaine individuelle s’éveille, la
philosophie grecque s’épanouit. L’idée, en tant que contenu conceptuel vivant est
substantiellement vécue, c’est-à-dire tout aussi objectivement vécue dans la connaissance
qu’est vécue la perception sensible dans la conscience. Pour les Grecs, dans l’activité de
penser les idées s’illumine un élément de liberté; dans l’expérience des idées
l’appartenance aux mondes spirituels divins est encore ressentie.
Quasiment telle une image illustrant les processus historiques d’évolution de la
conscience au début de cette quatrième époque post-atlantéenne, surgit d’une manière
toute nouvelle la relation entretenue avec le cheval. Pendant les époques glaciaires, il était
chassé, dans l’époque de la Perse Ancienne - d’après les indices extérieurs - il fut
domestiqué, mais à vrai dire la forme de son utilisation reste peu claire, et en tout cas pas
comme monture. Dans l’Ancienne Égypte, le cheval n’était pas connu au début. Ce n’est
qu’à partir de l’invasion des rois Hyksos, vers 1550 avant le Christ, qu’il apparaît pour la
première fois, attelé au char de combat. Même lors de la guerre de Troie, les premiers
Grecs de la civilisation de transition que fut Mycènes, n’intervenaient pas au combat à
cheval, mais en tant que conducteurs de chars de guerre attelés de chevaux. Le cheval, qui
relève la tête au-dessus de l’horizontal de sa colonne vertébrale, a de tout temps été
considéré en relation avec l’intelligence humaine qui se développe en même temps que
lui. Dans le mythe grec de Persée, Pégase, le cheval ailé, bondit hors du tronc sanglant de
la Gorgone, une image de la manière dont l’intelligence s’est libérée de l’ancienne
voyance liée au sang. Le cheval de Troie est pareillement une image de cette intelligence
en germe, comme l’Aurige delphique, qui se dresse là, parfaitement droit sur le char,
tenant calmement les rênes. Lorsque l’homme monte directement le cheval, c’est une
seconde étape qui se produit ensuite au début de la civilisation grecque. Il le domine
parfaitement désormais. Alexandre le Grand chevauche son cheval Bucéphale dans la
bataille. Le cheval porte l’homme dans la confrontation qu’il mène avec son semblable.
Coursier et chevalier grandissent ensemble. Le cheval transpose, orienté vers leur objectif,
les idées de l’être humain en mouvement. Dans l’Apocalypse de Jean, ils sont quatre
Cavaliers, blanc, rouge, noir et livide, à représenter les quatre civilisations postatlantéennes. Le cheval blanc symbolise l’intelligence cosmique, le cheval blafard ou
livide, l’intelligence qui s’est totalement séparé du cosmos [la nôtre, donc ! ndt].
Dans la quatrième époque post-atlantéenne, tombe le Mystère du Golgotha, le
Grand Tournant des Âges. Dans cette expérience de l’avènement christique, la conscience
d’images de l’âme de cœur s’est intériorisée. C’est à partir de cette intériorisation que le
peintre du Moyen Âge représente l’événement de la naissance à Bethlehem, comme une
prospective s’ouvrant sur l’avenir : l’Enfant Jésus est né dans une étable ou une grotte
[servant d’étable, chose merveilleusement confirmée par les Visions d’Anne Catherine
Emmerich! ndt] et le Bœuf et l’Âne participent à cette naissance en tant que représentants
de l’animalité. L’enfant gît dans la mangeoire, là où s’alimentent autrement les bêtes,
allongé sur le foin, le représentant de la nature végétale. Cette image est le grand message
que cet événement de la naissance ne s’est pas seulement produit pour l’homme, mais
« pour toutes les créatures qui attendent impatiemment la rédemption » (Paul).
Comme représentants du monde végétal, on a souvent représenté encore, outre le foin, la
rose et le lys.
Avec l’accueil du Christianisme, le Je s’éveille dans la chaleur de sa propre
essence. Cela fonde un nouveau rapport entre l’être humain et les animaux qui sont
tournés vers lui. Dès les environs du 8ème et 9ème siècle, ces derniers deviennent des
animaux domestiques au sens littéral du terme. L’homme accueille les animaux dans sa
maison - et parmi eux avant tout en particulier le bovin, la vache -, une progression qui
s’était déjà effectué chez les Celtes et les Germains. Cela se produit à présent au sein de la
communauté villageoise, à proximité de l’église, le cœur de l’ensemble de la vie sociale
d’alors. C’est la constellation qui a fait naître l’agriculture occidentale. C’est l’instant de
la naissance de la nouvelle agriculture au sens propre, inspirée par le Christ. C’est de cette
agriculture chrétienne que sont nées les races animales liées au terroir, comme une sorte
de degré répétitif du processus de domestication. Les races domestiques portèrent
progressivement le cachet de ce que l’être humain faisait à partir de lui-même. Cela
s’exprime aussi dans la légende de saint Colomban, le disciple qui ne pouvait souffrir que
l’âme purifiée par le christianisme ne soit pas entourée d’une nature dans laquelle la
sauvagerie de l’animal soit bannie. Et l’on peut s’interroger dans ce contexte s’il ne faut
pas y voir une image pour la totalité de l’évolution à venir des rapports Homme-Animal :
l’animal sauvage ne de doit-il pas disparaître peu à peu de la Terre, quand nous l’aurons
définitivement surmonté en nous ?
La question se pose ainsi de savoir comment l’évolution de l’animal peut-elle se
poursuivre sous la responsabilité de l’être humain. Depuis le 15ème siècle, un nouveau
changement aggravant est en cours dans l’évolution de l’humanité. Dans la formation de
l’âme de conscience, le « Je » transforme le corps physique, avec lequel il est entré pour la
première fois en contact à l’époque atlantéenne, en une composante de l’âme. La
conscience des images des époque de civilisation antérieures est remplacée par la
conscience des objets. L’animal, en tant qu’entité cosmique douée d’âme, disparaît au
regard. Il devient une formation de substance quelconque, comme toutes les autres dans le
monde, y compris l’être humain. Cette situation dissimule de grands dangers, justement
ceux qui ont provoqué la détresse de nos animaux domestiques. Nous ne pourrons aller au
devant de ces dangers que si nous regardons l’âme animale, non seulement en la
ressentant psychiquement, mais en la concevant spirituellement dans son essence. La
science spirituelle anthroposophique aide à cela. Elle déchiffre l’origine de l’être humain
dans l’esprit, les étapes historiques de la conscience qui a cheminé en descendant jusqu’à
la forme de conscience actuelle. Elle décode le cheminement de la destinée du monde
animal, qui s’achève dans une formation corporelle prématurément isolée, une chute dans
la totalité de la sujétion corporelle. À partir de la recherche spirituelle, nous apprenons
comment, sous l’action des hiérarchies, la série des animaux nous a précédés dans
l’existence terrestre. Nous apprenons, en puisant à la force du don du Je et en portant le
principe d’évolution dans le monde, que nous avons cheminé au travers de la série des
animaux et que nous ne pouvons pas les abandonner là où ils sont parvenus. Nous
apprenons que nous sommes désormais appelés à les faire progresser et à les prendre avec
nous sur notre propre cheminement évolutif. Ce cheminement d’avenir est préfiguré par
l’idéal qui repose à la base de la notion d’organisme et des idées d’individualité agricole
au sein de l’agriculture biologique-biodynamique. L’unité de l’organisme agricole, à
laquelle on s’est efforcé, et son évolution vers une sorte d’individualité, forme le
réceptacle, dans lequel, non pas l’essence individuelle, l’espèce végétale isolée ou
l’espèce animale isolée, mais bien la totalité continuera d’évoluer dans l’esprit connaissant
sous la main directrice de l’être humain.
Littérature sur le thème de l’année:
R. Steiner : Directives anthroposophiques (GA 26): Avenir de l’humanité et activité de l’Archange Michel.
R. Steiner : Cours aux Agriculteurs (GA 327), 2ème et 8ème conférences.
R. Steiner : Der Mensch als Zusammenhang des schaffenden, bildenden, und gestaltenden Weltenwortes (L’homme
en tant que cohérence du Logos universel créant, façonnant et structurant) (GA 230)
R. Steiner : GA 60 : Âme humaine et âme animale (conférence du 10-11-1910) ; Esprit de l’homme et esprit animal
(conférence du 24-11-1910)
H. Poppelbaum : L’homme et l’animal, cinq manières de les distinguer (aux Trois Arches dans une magnifique
traduction française du Pr. Pierre Feschotte)
K. König : Frères Animal (Editions Triades).
Annales du Congrès d’Agriculture 2002 :
Vers la mi-juin paraîtront les annales (en allemand) du Congrès d’agriculture de 2002 sur le thème Rapport avec la
technique - Travailler avec le vivant. Ce document contiendra diverses conférences, de nombreux compte rendus de
travail et une vaste documentation sur l’exposition: « Techniques pour la confection et l’utilisation des préparations
bio-dynamiques ».
Environ 240 pages, nombreuses illustrations.
Prix 16 € - 25 FS, plus port.
À commander à: Landwirtschaftliche Abteilung am Goetheanum, Tel. +41 (0) 61 706 42 12, Fax +41 (0) 61 706 42
15, Courriel: [email protected].
Avec les meilleurs souhaits pour une année enthousiaste et féconde dans les fermes
Nicolai Fuschs, Directeur de la section d’agriculture au Goetheanum (ayant succédé dans cette fonction à Manfred
Klett).
Goetheanum- Section Agriculture - Circulaire N° 78 Printemps 2002
(Traduction: Daniel Kmiécik)
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