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HOMMAGE A VERDUN ET A SES « GUEULES CASSEES »
Le TROMMELFEUER, feu du diable, doit réduire à néant les positions françaises.
Les Allemands ont l’assurance après ce formidable pilonnage au 420 mm,
d’avancer debout sur des ruines, sans résistance afin de conquérir la place forte de
Verdun.
Cela se passe le 21 février 1916, l’armée française enterrée subit le choc du plus
gros bombardement de la guerre : 1225 pièces d’artillerie tirent durant 10 heures.
En quatre jours l’armée allemande ne progresse que de 6 Kms mais « ne passe
pas » à Verdun. Les corps et les âmes sont marqués à jamais.
De jeunes hommes de 20 ans sont mutilés pour toujours, ils n’ont plus de
mâchoire, un éclat d’obus leur a arraché le nez, leur face est broyée, ce sont les
« gueules cassées ».
Durant la Première Guerre mondiale, les progrès de la médecine permettent de
sauver les hommes broyés mais à la fin de la guerre rien n’est prévu pour eux, ils
s’enfoncent dans le désespoir.
A l’initiative de Bien-Aimé Jourdain, d’Albert Jugon et du colonel Picot, le 21 juin
1921 avec quarante mutilés se créé « l’union des blessés de la face ». Ils adoptent la
devise « sourire quand même » et grâce à leur solidarité s’entraident sans
subvention de l’Etat.
Ce combat se poursuit, mais il faut trouver de l’argent car le nombre d’adhérents
va croissant et il faut multiplier les galas, spectacles, tombolas…..
En 1926, l’association acquiert le Château de Moussy en Seine et Marne et compte
plus de 4 000 membres en 1930. La mémoire oublie la guerre, la solidarité s’étiole
et il faut trouver d’autres ressources.
En 1933 la création de la « Loterie Nationale » permet l’acquisition d’une maison des « Gueules cassées » au pied du Coudon près de Toulon dans le Var. Le premier centre
moderne de chirurgie maxillo-faciale y est ouvert.
A partir de 1935, le statut de « grand invalide » est reconnu et en 1940 une nouvelle génération des « gueules cassées » apparaît, renforcée des premiers blessés d’Indochine en 1948
suivit, en 1954, des premières victimes d’Algérie.
Mais pour soigner tous ces mutilés il faut des fonds et les « gueules cassées » créent en 1975 le LOTO avec en 1979 une reprise du jeu par l’Etat pour moitié actionnaire.
En 1988, la société devient « France Loto » puis « la Française des jeux » où les « gueules cassées » restent actionnaires à hauteur de 9,2 % ce qui permet de poursuivre son œuvre humanitaire.
Aujourd’hui plus de 4 000 membres font partie de cette association de blessés au visage dans une action de combat ou au service de l’Etat.
Cette entraide est de tous les domaines, allocations, bourses, obsèques, assistance juridique etc. et accueille, dans ses maisons de repos de soixante dix lits à Moussy et de cent trente
au Coudon, ses mutilés.
Une colonie de vacances, réservée aux enfants des « gueules cassées », reçoit chaque année garçons et filles en juillet. Sur place, il y a possibilité d’organiser dans un cadre agréable des séminaires.
Ce cadre est voulu par le colonel Picot qui rappelle en 1936 : « si le sacrifice fut accepté par tous, il comporta peut-être plus de grandeur d’abnégation de la part de ceux qui ne
possédaient rien. C’est pourquoi nous avons voulu pour nos camarades malheureux une demeure digne d’eux ».
L’action des « gueules cassées » s’étend du Cambodge au Kosovo, soutient « Médecins du monde », les populations sinistrées d’Amérique centrale, sauve des enfants en Asie avec sa
devise : « SOURIRE QUAND MEME ». ADC Richard Maisonnave
Adjoint du conservateur du musée de l’Artillerie
Le musée de l’Artillerie
Histoire, techniques et société
Inauguré en 1982, le musée de l’Artillerie est l’héritier du musée de Fontainebleau détruit en 1940 et, plus loin
encore, des collections des Grands Maîtres de l’Artillerie de l’Ancien régime. Initialement crée lors du transfert de
l’école de l’Artillerie à Draguignan en 1976 pour participer à la formation des artilleurs, il s’est depuis quelques
années largement ouvert vers l’extérieur.
Le musée de l’Artillerie présente un parcours dans le temps depuis les premiers âges de l’Artillerie avec des
catapultes et des trébuchets jusqu’à la période post coloniale en passant par un diaporama reconstituant une
bataille napoléonienne et l’utilisation du fameux canon de Gribeauval, l’Artillerie de la Grande Guerre ou encore le
débarquement de Provence en 1944.
Reconnu comme « Musée de France » depuis 2006 par le ministère de la Culture, il reçoit près de 20.000 visiteurs
attirés par la richesse de ses collections mais aussi par un programme vaste et diversifié d’expositions temporaires
et d’animations culturelles. Musée d’histoire, d’ethnographie, il croise les regards par des thématiques transverses
autour de l’histoire et de la société militaire.
►Suite de la page 1
Une nouvelle médecine de guerre.
Se fondant sur les résultats statistiques, les stratèges de
l’État-major pensaient que 70 à 90% de la totalité des
blessures de la guerre à venir seraient dues aux balles de
fusil de petit calibre. En frappant le soldat de plein fouet,
ces balles causeraient, dans la plupart des cas, très peu
d'infections. Le traitement chirurgical devait donc être très
succinctes à l'avant, les plaies seraient seulement
désinfectées à la teinture d'iode et pansées. Seuls les blessés
très graves mais certainement peu nombreux seraient gardés
sur le front. La majorité d'entre eux (85%) serait évacuée
rapidement vers les hôpitaux situés loin du front, où un
traitement chirurgical idéal serait réalisé par des équipes
expérimentées et dotées des derniers progrès de la
technique.
Le médecin inspecteur général Edmond Delorme avait
proposé, le 10 avril 1914, à l'Académie Nationale de
Médecine : « des opérations rares, retardées et pratiquées
hors du front, pour des blessures, de beaucoup les plus
fréquentes, dues aux balles de petit calibre. La pratique de la
conservation à outrance doit s'appliquer aux plaies des
membres, et même pour les blessures de l'abdomen, la
laparotomie [c'est à dire l'ouverture de la paroi abdominale] étant
en principe à rejeter (...) car les perforations sont minimes
et ont tendance à l'oblitération spontanée ». En effet, les
chirurgiens estiment que les nouvelles munitions de petit
calibre propulsé à très grande vitesse par les nouvelles
poudres ne feront que traverser les corps. Lorsque la guerre
éclate, on n’envisage que peu d'infections et pas de tétanos.
Dès le 4 août, les médecins sont dépassés par le grand
nombre et la gravité des blessures. Les ambulances
chirurgicales de l'avant, situées au niveau des divisions et
des corps d'armée, ne sont prévues que pour la mise en
condition d'évacuation des blessés, en dehors de tout
traitement. Les blessés sont souvent abandonnés à leur sort,
la lenteur des évacuations impose de trop nombreuses
amputations. A la fin août, 140.000 hommes sont perdus.
Dès le 13 octobre 1914 le fonctionnement du Service de
santé va s'adapter : accélération de la relève des blessés et de
leur évacuation (l'automobile remplace les chevaux) et
réorganisation des hospitalisations.
Le triage (ou catégorisation des blessés) devient
prépondérant au cours des années. Quatre groupes de
blessés sont définis : les « intransportables », traités dans
les hôpitaux de l'avant, les « inévacuables », gardés dans
les hôpitaux d'évacuation, les « évacuables sur la zone des
étapes », susceptibles de guérir en quatre à cinq semaines,
les « évacuables sur l'intérieur » dirigés, selon l'urgence,
vers des hôpitaux plus ou moins éloignés.
Ainsi, le Service de santé a su s'adapter rapidement et
passer d'une structure peu préparée et peu spécialisée à
une structure bien organisée et performante qui fait la
preuve de son efficacité lors de la dernière phase de la
guerre. Lorsque le front redevient mobile, au cours des
offensives de 1918, les formations sanitaires sont
échelonnées de façon plus régulière, de 10 à 200
kilomètres du front. Plus de 4000 voitures sanitaires
automobiles assurent les évacuations. Elles sont associées
à 200 trains sanitaires aménagés.
En quatre ans, la guerre a fait 3.593.000 blessés (dont
500.000 au visage), 1.100.000 invalides permanents,
36.000 amputés et 63.000 mutilés fonctionnels.
Lieutenant Xavier TABBAGH
Conservateur du Musée du Service de santé des armées – Val de Grace - Paris
Une nouvelle disposition des hôpitaux de l'avant va
rapidement être appliquée. Les chirurgiens les plus
expérimentés doivent se trouver au plus près du
front, afin de traiter le maximum de blessés, le plus
vite possible dans des structures hospitalières
correctes. Un effort particulier est consacré à
l’approvisionnement du front en matériels médico-
chirurgicaux performants. Les ambulances
chirurgicales de première ligne se spécialisent. Elles
opèrent les blessés présentant une extrême urgence
ou mettent les autres en condition d'évacuation.
Les ambulances de corps d'armée sont installées à
une distance de 13 à 30 kilomètres des premières
lignes, de manière à former de véritables hôpitaux
de 500 lits. On y adjoint des ambulances
spécialisées très mobiles, les ambulances
automobiles chirurgicales (« auto-chirs »). De
grands centres hospitaliers de 2000 à 3000 lits sont
déployés à proximité du front. Selon leur proximité
du front, ces centres portent le nom d'« hôpitaux
d'évacuation primaire », « hôpitaux d'évacuation
secondaire » (situés dans les gares ferroviaires
importantes), « hôpitaux d'évacuation de troisième
ligne » (installés à la limite de la zone des armées et
de la zone de l'arrière).