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en favorisant une rééducation plus complète et enrichie,
étendue à plusieurs domaines cognitifs habituellement alté-
rés dans la schizophrénie. Ces domaines sont les suivants.
Mémoire verbale
La mémoire verbale est une des fonctions cognitives dont
les déficits sont susceptibles d’avoir des répercussions fonc-
tionnelles importantes. Green [9] souligne, à ce propos, que
des déficits de mémoire verbale rendent plus aléatoires les
bénéfices espérés par l’entraînement aux habiletés sociales.
Mémoire et attention visuospatiales
Un trouble de la mémoire et/ou de l’attention visuospa-
tiale peut altérer la perception de notre propre corps dans
l’espace, rendre problématique le choix d’un itinéraire,
empêcher que l’on se souvienne de l’emplacement d’un
objet ou encore mettre en péril nos déplacements dans
notre environnement. Alors que certaines études montrent
des performances préservées à la tâche des blocs de Corsi
[11], d’autres montrent un empan spatial réduit chez les
patients souffrant de schizophrénie [17].
Mémoire de travail
La mémoire de travail intervient dans le traitement et
le maintien temporaire des informations nécessaires à
la réalisation d’activités cognitives aussi diverses que la
compréhension, l’apprentissage et le raisonnement. Fré-
quemment observés dans la schizophrénie [7,19], les
troubles de la mémoire de travail traduisent probablement
un dysfonctionnement du cortex préfrontal [8]. Les déficits
de mémoire de travail ont des répercussions importantes sur
la vie quotidienne du patient, notamment dans ses interac-
tions sociales.
Attention sélective
Les troubles d’attention sélective font partie des déficits
cognitifs majeurs de la schizophrénie. Chez ces patients,
les difficultés à rester focalisés sur une tâche ou une source
d’information sont importantes et entravent souvent le
fonctionnement social et professionnel.
Raisonnement
Dans le contexte de ce programme, le «raisonnement »fait
référence aux fonctions exécutives et comprend les capaci-
tés d’organisation, de planification, de flexibilité cognitive
et de logique1. Dans la vie quotidienne, les déficits ren-
contrés se traduisent par des difficultés à s’adapter à une
situation nouvelle, à modifier son comportement lorsque
1Comme l’attention sélective et la mémoire de travail font par-
tie des fonctions exécutives et que ces deux fonctions sont évaluées
séparément et font l’objet d’un module spécifique, nous avons pré-
féré le terme de raisonnement à celui de fonctions exécutives.
celui-ci n’est plus adapté, à planifier le déroulement d’une
action.
Les fonctions exécutives, dont le déficit est central dans
la schizophrénie, jouent précisément un rôle essentiel dans
la coordination des processus cognitifs dans leur ensemble et
sont probablement nécessaires pour favoriser une meilleure
connexion entre les structures neurocognitives impliquées
dans les différentes activités de la vie quotidienne. Par
conséquent, notre démarche vise à cibler les déficits rencon-
trés lors de l’évaluation tout en privilégiant les techniques
généralement utilisées pour l’entraînement des fonctions
exécutives. Nous avons ainsi privilégié les techniques de
résolution de problèmes [6] et de verbalisation ou de média-
tion verbale, connues pour la rééducation des syndromes
dysexécutifs.
Notre étude vise à évaluer les progrès cognitifs rencon-
trés chez 28 patients souffrant d’un trouble du spectre de
la schizophrénie, après participation au programme Recos.
Nous avons inclus dans notre programme des patients souf-
frant d’un trouble schizotypique en raison de la présence
dans cette population de déficits cognitifs de moindre
ampleur mais qualitativement similaires à ceux de patients
souffrant de schizophrénie. Ces déficits concernent, en
effet, aussi bien les tâches exécutives [13], les tâches de
mémoire verbale [27] et les épreuves attentionnelles [20].
Notre objectif principal vise ainsi à mesurer l’efficacité
d’un programme qui tient compte de manière spécifique
des troubles cognitifs observés chez chacun des partici-
pants (participation à différents modules d’entraînement
en fonction des déficits observés). Ce travail préliminaire
est une étude de faisabilité basée sur la comparaison des
résultats aux tests neuropsychologiques effectués avant et
après la participation au programme Recos. Une étude de
validation multicentrique, impliquant des centres psychia-
triques en Suisse Romande et en France, est actuellement
en cours et permettra de comparer les effets du programme
Recos à ceux d’un programme largement pratiqué dans les
pays anglosaxons, le programme CRT [5,30]. Ce programme
constituera la technique de contrôle.
Dans notre étude, nous faisons les hypothèses suivantes :
•après participation à un module d’entraînement tenant
compte du profil cognitif du patient, les progrès mesurés
pour le domaine concerné sont plus importants que ceux
mesurés pour les domaines non entraînés ;
•nous attendons aussi une amélioration des fonctions non
entraînées. Nous pensons, en effet, que les techniques
souvent appliquées dans la rééducation des syndromes
dysexécutifs permettront non seulement d’améliorer sen-
siblement les performances cognitives en lien avec les
modules proposés, mais favoriseront également indirec-
tement de meilleures performances pour les fonctions non
entraînées.
Méthode
Sujets
Les 28 sujets de l’étude répondent aux critères diag-
nostiques (DSM-IV-TR [1]) de schizophrénie, de trouble
schizoaffectif, de personnalité schizotypique, ou encore