Dopage par modulation d’hétérostructures de semiconducteurs II-VI semimagnétiques en épitaxie par jets moléculaires Alexandre Arnoult To cite this version: Alexandre Arnoult. Dopage par modulation d’hétérostructures de semiconducteurs II-VI semimagnétiques en épitaxie par jets moléculaires. Physique [physics]. Université Joseph-Fourier Grenoble I, 1998. Français. <tel-00002701> HAL Id: tel-00002701 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00002701 Submitted on 9 Apr 2003 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. 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UNIVERSITE JOSEPH FOURIER-GRENOBLE 1 SCIENCES & GEOGRAPHIE THESE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITE JOSEPH FOURIER Discipline : Physique Présentée et soutenue publiquement par Alexandre ARNOULT Le 1er Décembre 1998 Dopage par modulation d'hétérostructures de semiconducteurs II-VI semimagnétiques en épitaxie par jets moléculaires Composition du jury : Michel ZIGONE Bernard CAPELLE Yves MARFAING Eric TOURNIÉ Jo DE BOECK Serge TATARENKO Joël CIBERT Président Rapporteur Rapporteur Directeur de thèse Thèse préparée au sein du Laboratoire de Spectrométrie Physique de l'Université Joseph Fourier Grenoble 1 - CNRS (UMR 55 88) Remerciements Ce travail a été réalisé au Laboratoire de Spectrométrie Physique, groupe Optique du Solide, dans le cadre de l'équipe mixte CNRS-CEA "Microstructures de semiconducteurs II-VI". Je tiens donc à remercier Yves Merle D'Aubigné, Le Si Dang et Jean-Louis Pautrat pour m'avoir accueilli au sein de cette équipe. J'exprime toute ma reconnaissance à Monsieur M. Zigone qui m'a fait l'honneur de présider le jury de thèse, à Messieurs Y. Marfaing et B. Capelle qui ont été les rapporteurs de ce travail, ainsi qu'à Messieurs E. Tournié et J. De Boeck qui ont bien voulu juger ce travail. Joël Cibert, mon directeur de thèse, m'a non seulement guidé sans relâche vers le but ultime de ma thèse, mais surtout, m'a formé à l'école de la rigueur scientifique. J'ai largement profité de son immense culture scientifique, et de sa capacité à transformer un problème apparemment compliqué en solution. Merci Joël pour ta disponibilité, ta gentillesse, et tes conseils toujours précieux. Je tiens à remercier Serge Tatarenko qui m'a grandement fait profiter de ses connaissances en physique de la croissance des tellurures. Il a été en quelques sortes un codirecteur de thèse grâce à qui j'ai de plus pu me détourner de mes préoccupations principales. Régis André a débuté en tant que CR au laboratoire lorsque j'ai débuté ma thèse. J'avoue avoir beaucoup profité de ses connaissances en optique ou en tout autre domaine de la physique (ou de l'informatique) pour lesquels il fait preuve d'un esprit de synthèse à toute épreuve. Bref, Régis a été pour toute la durée de ma thèse une sorte de bouée de sauvetage, un démêlant pour idées tordues et un coach à lui tout seul. Merci Régis pour ta disponibilité sans failles et ta gentillesse. Sans Yann Génuist et son soutien technique expert, une grande partie de mon travail n'aurait pas vu le jour. En effet, Yann a non seulement assuré la maintenance du bâti d'épitaxie, mais a de plus mis en place la manip de cathodoluminescence. Il est aussi le spécialiste des dépôts de métaux et de la micro-soudure sans lesquels nos mesures de transports n'auraient pas été possibles. Merci Yann !!!!!!!!! Le laboratoire dans lequel j'ai travaillé est infesté de thésards en tout genres. Il sont en grande partie responsables de la bonne humeur qui y règne. Je tiens donc à les remercier ici. D'abord, les anciens, avec Thierry Baron, qui m'a précédé dans l'étude du dopage, François Kany, l'ordinateur ambulant, Emmanuel Hadji, Cécile Gourgon, exilée chez nos zamis Suisses, Joël Bonnet-Gamard, Nathalie Boudet et surtout Jean-Michel Hartmann, avec qui j'ai partagé mon (son ?) bureau pendant deux longues années. Merci Jimmy pour ton aide de chaque instant, et pour la bonne humeur (et les coups de gueule) perpétuels. J'ai aussi beaucoup apprécié la disponibilité d'Axel Haury, mon binôme de début de thèse, localisé en spectro, et toujours près à m'éclairer sur les dernières trouvailles des chefs pour expliquer les spectres toujours plus tordus qu'il réalisait avec André Wasiela. Ensuite, mes contemporains, dont Stéphane Lovisa et ses blagues toujours inédites et savoureuses, et Frédéric Widmann pour les parties de Quake. Dietmar Heger a passé parmi nous une année mémorable. Sa bonne humeur contagieuse Enfin, les futurs docteurs, avec David Ferrand, mon binôme de fin de thèse, Laurent Marsal, le montagnard, qui m'a fait cracher mes poumons lors de randonnées à ski, Christophe Bourgognon et son humour décalé, Vincent Huard, le semi-théoricien, dont le cerveau et la langue sont en perpétuelle ébullition, David Martrou, le roi du STM, et de la discussion animée, Robert Langer, surnommé Bob le cinglé à cause de ses performances sportives inhumaines, Charles Roux, Julia Simon, notre rugby-woman, Valentin Ortiz, Markus Müller, Lucien Besombes. Merci aussi à Thomas Bruhnes, scientifique du contingent, qui a animé la vie du laboratoire. Je voudrais aussi remercier les "permanents", avec André Wasiela pour sa gentillesse et sa disponibilité, Henri Mariette, Guido Mula (et Susanna), Guy Feuillet, qui a participé très activement à ma formation sur le bâti d'épitaxie lors de mon stage DEA, Bruno Daudin, que je remercie vivement pour m'avoir donné un accès illimité à sa manip de C(V), et qui n'a jamais manqué de m'aider lors de petits problèmes techniques, Ronald Cox, Krishna Saminadayar, Νικοσ Πελεκανοσ, Hélène Ulmer, Joël Bleuse, Noël Magnéa, Pascal Gentile, Jacques Laniray, et bien sûr Eric Delamadeleine. Pierre Blanc m'a souvent dépanné vers la fin de ma rédaction pour réaliser les réglages de mesures de diffraction X à ma place, et je tiens à l'en remercier. Je tiens à remercier chaleureusement Florence, non seulement pour avoir relu entièrement mon manuscrit (et y avoir débusqué un nombre incalculable de fautes), mais pour m'avoir soutenu sans relâche tout au long de ma thèse, et même pendant les moments les plus pénibles. Merci Flo... Enfin, merci à mes parents et à ma famille pour leur soutien qui n'a jamais failli. J'ai une pensée particulière pour ma sœur Aurélie qui me manque terriblement. Table des matières Introduction 1 Matériaux et méthodes d'élaboration et de caractérisation 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 Les tellurures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 Structure cristalline . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 Structure de bande . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.3 Propriétés physiques . . . . . . . . . . . . . . 1.1.3.1 Paramètres de maille . . . . . . . . . . . 1.1.3.2 Largeurs de bande interdite . . . . . . . . . 1.1.3.3 Décalages de bande . . . . . . . . . . . . 1.1.4 Contraintes et relaxations . . . . . . . . . . . . . 1.1.5 Le manganèse . . . . . . . . . . . . . . . . . Structures de basse dimensionnalité . . . . . . . . . . . 1.2.1 Les puits quantiques. . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2 Effet d'un champ magnétique sur un puits quantique . . . . 1.2.2.1 Puits non magnétique . . . . . . . . . . . 1.2.2.1.1 Bande de conduction . . . . . . . 1.2.2.1.2 Bande de valence . . . . . . . . 1.2.2.2 Puits magnétique . . . . . . . . . . . . . Epitaxie par jets moléculaires . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 Description du bâti d'épitaxie. . . . . . . . . . . . 1.3.1.1 Les cellules d'effusion. . . . . . . . . . . . 1.3.1.2 Les modules. . . . . . . . . . . . . . . 1.3.2 Position du substrat lors de la croissance . . . . . . . . Croissance de couches . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.1 Les substrats . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.2 Le mode de croissance . . . . . . . . . . . . . 1.4.3 Diffraction d'électrons de haute énergie en incidence rasante . 1.4.4 Ajustement des compositions d'alliages . . . . . . . . Caractérisation structurale . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.1 Diffraction de rayons X . . . . . . . . . . . . . 1.5.1.1 Notion de facteur de surstructure . . . . . . . 1.5.1.2 Facteur de surstructure pour une monocouche de CdTe 1.5.1.3 Cas d'une couche de N monocouches de CdTe . . . 5 9 10 10 11 12 12 13 13 14 16 16 16 18 18 18 19 20 24 24 24 24 27 28 29 29 30 32 34 34 34 35 37 1 1.6 1.7 1.5.1.4 Loi de Bragg et configuration expérimentale 1.5.1.5 Paramètres mesurés . . . . . . . . . 1.5.2 SIMS . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.2.1 Méthode de mesure et résolution . . . . 1.5.2.2 Cas d'un puits quantique . . . . . . . Caractérisation électrique . . . . . . . . . . . . 1.6.1 Résistivité et effet Hall . . . . . . . . . . . 1.6.1.1 La configuration de barre de Hall . . . . 1.6.1.2 La configuration van der Pauw . . . . . 1.6.2 Capacité-Tension. . . . . . . . . . . . . 1.6.2.1 Le dopage uniforme . . . . . . . . . 1.6.2.2 Le dopage par modulation . . . . . . . 1.6.2.3 Technique expérimentale . . . . . . . Caractérisation optique . . . . . . . . . . . . . 1.7.1 Cathodoluminescence . . . . . . . . . . . 1.7.2 Photoluminescence - Reflectivité - Transmission . . 1.7.2.1 Déplacement de Moss-Burstein . . . . . 1.7.2.2 Déplacement Zeeman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Dopage uniforme de couches épaisses 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 75 Introduction . . . . . . . . . . . Etat de l'art . . . . . . . . . . . 2.2.1 Dopage de type p . . . . . . . 2.2.2 Dopage de type n . . . . . . . Niveau donneurs et accepteurs . . . . . Dopage de type p . . . . . . . . . 2.4.1 La cellule de plasma d'azote . . . . 2.4.1.1 Description de la cellule ECR 2.4.1.2 Analyse du plasma . . . . 2.4.2 Dopage du ZnTe . . . . . . . . 2.4.3 Dopage du CdTe . . . . . . . . 2.4.4 Dopage du Cd0,65Zn0,08Mg0,27Te . . . 2.4.5 Dopage du CdMgTe . . . . . . . Dopage de type n . . . . . . . . . 2.5.1 Efficacité du dopage du CdTe . . . 2.5.1 Etude optique . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Dopage par modulation d'hétérostructures : interdiffusion lors du dopage de type p 3.1 3.2 3.3 2 Introduction . . . Transfert de charges Choix des matériaux 3.3.1 Le puits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 40 45 45 48 53 53 54 55 57 57 61 63 70 70 72 72 74 . . . . . . . . . . . . 75 75 76 77 78 79 80 80 84 89 90 91 93 94 94 95 103 105 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 106 108 109 3.4 3.3.2 Le substrat . . . . . . . . . . . . . 3.3.3 La barrière . . . . . . . . . . . . . Dopage de type p : étude de l'interdiffusion . . . . 3.4.1 Etude optique . . . . . . . . . . . . 3.4.1.1 Niveaux de confinements dans un puits interdiffusé . . . . . . . . . . 3.4.1.2 Application à l'étude optique . . . . 3.4.1.3 Conclusion . . . . . . . . . . 3.4.2 Etude par SIMS . . . . . . . . . . . 3.4.2.1 Expérience . . . . . . . . . . 3.4.2.2 Référence : D0-310 . . . . . . . 3.4.2.3 Effet du dopage sur la structure . . . 3.4.2.4 Comparaison avec l'optique . . . . 3.4.2.5 Modèle de diffusion . . . . . . . 3.4.3 Etude en diffraction X . . . . . . . . . 3.4.3.1 Formalisme cinématique . . . . . 3.4.3.2 Qualité des interfaces . . . . . . 3.4.3.3 Résultats expérimentaux . . . . . 3.4.3.4 Conclusion . . . . . . . . . . 3.4.4 Etude par cathodoluminescence . . . . . . 3.4.4.1 Spectres de cathodoluminescence . . 3.4.4.2 Images de cathodoluminescence. . . 3.4.4.3 Etude de D30-310 . . . . . . . 3.4.4.4 Etude de D10-310 . . . . . . . 3.4.4.5 Conclusion . . . . . . . . . . 3.4.5 Hypothèses . . . . . . . . . . . . 3.4.5.1 Les complexes nitrurés . . . . . . 3.4.5.2 Proposition d'explication des défauts . 3.4.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 110 112 114 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 116 121 121 121 123 130 132 133 138 138 141 143 148 149 149 150 152 156 158 158 158 159 162 Dopage de type p . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.1 Réalisation d'une hétérostructure optimisée . . . . . 4.1.1.1 Paramètres de croissance . . . . . . . . 4.1.1.2 Effets de surface : épinglage du niveau de Fermi 4.1.3.3 Défauts macroscopiques . . . . . . . . 4.1.1.4 Structure à un puits quantique . . . . . . 4.1.2 Transfert de charges dans les puits . . . . . . . . 4.1.2.1 Contact électrique d’un gaz de trous 2D . . . 4.1.2.1.1Introduction . . . . . . . . . 4.1.2.1.2Géométrie du système d’épitaxie . . 4.1.2.1.3Qualité optique . . . . . . . . 4.1.2.1.4Mesures électriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Dopage par modulation d'hétérostructures : les structures optimisées 4.1 163 163 163 163 165 171 174 175 175 175 176 178 179 3 4.2 4.3 4.1.2.1.5Conclusion . . . . . . . 4.1.2.1.6Perspectives . . . . . . . 4.1.2.2 Mesure de capacité-tension . . . . 4.1.2.2.1Analyse d'une mesure . . . . 4.1.2.2.2Cas d’une structure à puits unique 4.1.2.3 Conclusion . . . . . . . . . . . Dopage de type n . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Propriétés des hétérostructures dopées 5.1 5.2 5.3 197 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hétérostructures dopées p . . . . . . . . . . . . . . 5.2.1 Mise en évidence de l'exciton chargé positivement dans les II-VI 5.2.2 Etude de la force d'oscillateur du X+ . . . . . . . . . 5.2.3 Etude des propriétés dynamiques du X+ . . . . . . . . 5.2.4 Transition de phase ferromagnétique . . . . . . . . . 5.2.4.1 Approximation du champ moyen . . . . . . . 5.2.4.2 Observations expérimentales . . . . . . . . . Hétérostructures dopées n . . . . . . . . . . . . . . 5.3.1 Etude de polarisation d’un système de spins électroniques . . Conclusion Annexe 1 Références 4 197 197 197 200 203 204 204 206 209 209 211 Valeurs numériques utilisées A1.1 Masses effectives . A1.1.1 Electrons . A1.1.2 Trous . . A1.2 Constantes élastiques Annexe 2 181 181 181 183 190 192 193 196 . . . . . . . . . . . . 215 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A2.1 Notations utilisées . . . . . . A2.2 Descriptions des barrières . . . . A2.3 Modélisation du puits quantique . A2.3.1 Approche quantique . . A2.3.2 Approche simple . . . . A2.4 Calcul de la capacité et de la tension A2.5 Discussion et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Modélisation des profils C(V) 215 215 215 217 219 219 222 224 225 228 229 230 Introduction L’épitaxie par jets moléculaires (EJM) est une technique d’élaboration qui permet l’empilement de couches de différents matériaux de très faibles épaisseurs (typiquement quelques plans atomiques), avec une continuité de la structure cristalline. De telles hétérostructures ont été particulièrement développées dans la cas de matériaux semiconducteurs ; on peut observer dans ces couches très fines des effets remarquables dus au confinement des porteurs de charges qui n’ont plus que deux degrés de liberté : on parle alors de puits quantiques. Les possibilités ainsi offertes ont permis un renouveau complet de la physique des semiconducteurs et de leur champ d’application (effet Hall quantique, lasers, diodes électro luminescentes, transistors à haute mobilité, ...). Les semiconducteurs II-VI composés des éléments des colonnes II et VI de la classification périodique des éléments présentent la particularité de pouvoir incorporer des éléments magnétiques tels que le manganèse. Les spins localisés des atomes de manganèse sont couplés par interaction d'échange aux spins des porteurs libres, conférant à ces composés des propriétés originales : effets magnéto-optiques géants induits par un champ extérieur, et formation de polaron magnétique (le spin d'un porteur s'entoure d'un nuage de polarisation des spins des manganèses voisins). La possibilité de réaliser par EJM des empilements de couches très minces de tels composés ouvre la voie à de nombreuses études fondamentales à la frontière du magnétisme et de la physique des semiconducteurs : magnétisme à deux dimensions, magnétisme d'interface, couplage magnétique d'un gaz de porteurs avec des moments localisés. Le couplage de super-échange entre les spins de manganèse est de type antiferromagnétique. Cependant, une étude théorique préliminaire a montré la possibilité d’une transition de phase antiferromagnétique ferromagnétique induite par un gaz de trous dans le Cd1-xMnxTe [DIE97]. Pour observer cette transition, il est nécessaire d’utiliser des systèmes de trous, parce que l’interaction d’échange entre les spins de manganèse et les porteurs est quatre fois plus grande pour les trous que pour les électrons. Ces travaux ont notamment indiqué que la phase ferromagnétique pourrait 5 s’observer dans des systèmes bi-dimensionnels (2D) dans des conditions bien définies et accessibles expérimentalement (en particulier, température de quelques K, et création d’un gaz de trous bi-dimensionnel de densité de quelques 1011 cm-2, ce qui permet d'avoir un gaz de trous libres). La mise en évidence d’une telle transition nécessite d’introduire des trous, et donc de doper de type p des alliages de semiconducteurs II-VI, qui se sont avérés très difficilement dopables jusqu’à présent. Le dopant que nous avons choisi est l’azote, qui a fait ses preuves pour le dopage de ZnSe dans le cadre des études sur le diodes laser bleues. Ce dopant nécessite une cellule spéciale pour former un plasma qui sera ensuite dirigé vers l’échantillon à doper. Pour créer ce gaz de trous dans un puits quantique de CdMnTe (avec typiquement 3% de Mn), il faut non pas doper le puits quantique (les accepteurs ne seraient alors pas ionisés à basse température), mais les barrières qui entourent le puits quantique. On aura alors une ionisation des accepteurs dans les barrières, et un transfert de trous depuis les barrières dans le puits. On parle alors de modulation de dopage. L'objectif de ce travail est la réalisation de telles structures. Son originalité réside dans le dopage modulé de puits quantiques de semiconducteurs II-VI. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir une bonne efficacité du dopage d'une couche épaisse à température ambiante, ce qui n'est déjà pas évident dans les II-VI (voir les structures laser). Il faut contrôler ce dopage à l'échelle de la monocouche. Il s'agit alors d'éviter la diffusion et la ségrégation du dopant, mais aussi d'éviter l'interdiffusion des interfaces que le dopage peut augmenter, et de mesurer ces effets par spectroscopie, diffraction X, SIMS, profils C(V), avec dans ces deux derniers cas la nécessité d'adapter les méthodes d'analyse à des échelles plus fines que ce qui se fait habituellement. Il s'agit enfin d'obtenir un gaz de porteurs de bonne qualité à basse température, et si possible de prendre des contacts électriques sur le puits enterré. Nous avons aussi effectué une étude préliminaire sur le dopage n par l'aluminium. Le dopage de type n des tellurures basés sur le CdTe est plus aisé que leur dopage de type p. En particulier, l’indium permet de réaliser des hétérostructures dopées n par modulation, qui ont permis la mise en évidence de l’exciton chargé négativement au laboratoire [KHE93]. Cependant, ce dopant ne permet pas d’obtenir de couches dégénérées d’un alliage comportant du magnésium, élément fondamental pour augmenter la 6 largeur de bande interdite (gap) des tellurures. Nous avons expérimenté avec succès un nouveau dopant de type n pour l’EJM : l’aluminium. Cet élément permet d’atteindre un niveaux de dopage record (1018 cm-3) sur l’alliage Cd0,7Mg0,3Te, et jusqu'à 1019 cm-3 sur le CdTe. Suite à ces résultats, nous avons réalisé des hétérostructures dopées par modulation, dont le dessin, identique à celui des structures dopées à l’indium, permet de comparer directement leur qualité optique. Le premier chapitre de cette thèse présente les matériaux utiles à la réalisation de nos hétérostructures, et les techniques que nous avons utilisées pour leur élaboration et leur caractérisation. L’ajustement et le contrôle de la composition de l’alliage quaternaire Cd1-x-yZnxMgyTe est un point que nous avons développé, tout comme l’adaptation de l’interprétation des mesures de SIMS et des profils C(V) aux structures à puits quantiques dopées par modulation. Le dopage à l’azote et à l’aluminium de couches épaisses, étape nécessaire à leur utilisation dans les hétérostructures, est présenté au deuxième chapitre. Il ne s’agit donc pas d’une étude exhaustive de ces deux dopants, mais plutôt de l’optimisation de leur capacité à doper les matériaux constitutifs de nos structures dans le but de réaliser un dopage modulé d'hétérostructures. La réalisation et la caractérisation des structures quantiques fait l’objet des chapitres 3 et 4. Les problèmes engendrés par le dopage à l'azote sont traités au chapitre 3. En effet, le dopage à l’azote entraîne un interdiffusion des éléments constitutifs de nos structures lorsque leur croissance est effectuée à trop haute température. Nous montrons que le magnésium et le cadmium sont plus sensibles à la présence d'azote que le zinc. La photoluminescence, le SIMS et la diffraction X permettent d'obtenir une description cohérente des effets de l'interdiffusion sur la structure, et nous proposons un modèle rendant compte de ce phénomène. Le chapitre 4 montre comment des modifications des conditions de croissance, ainsi qu'une optimisation du dessin des structures, nous ont permis de réaliser des structures dopées p par modulation de bonne qualité. La prise de contacts électrique du gaz de trous enterré permet de mesurer une densité bi-dimensionnelle en accord avec les calculs réalisés pour décrire les mesures de C(V), ainsi qu'avec les données spectroscopiques. Les résultats préliminaires obtenus sur le dopage par modulation à l’aluminium sont aussi décrits dans ce chapitre. Grâce à l'élaboration de ces hétérostructures dopées par modulation, de nombreuses études ont pu être menées par différents groupes de 7 recherche. Ces études ne font pas l'objet de cette thèse. Cependant, les résultats marquants seront résumés au chapitre 5. 8 Chapitre 1 Matériaux et méthodes d'élaboration et de caractérisation Les matériaux que nous avons utilisés pour réaliser nos structures semimagnétiques font partie de la famille des tellurures dont le représentant principal est le tellurure de cadmium (CdTe). Ce matériau est resté longtemps marginal dans le domaine des semiconducteurs car la maîtrise de son dopage est difficile. L’apparition de l’épitaxie par jets moléculaires a permis de réaliser des hétérostructures à base de CdTe et a relancé de façon spectaculaire l’intérêt de l'utilisation de ce matériau depuis une vingtaine d’années. Les applications industrielles des tellurures restent cependant limitées aux détecteurs infrarouge à base de CdHgTe dans lesquels des atomes de mercure sont placés sur des sites de cadmium, ce qui diminue le gap. Inversement, l’introduction de magnésium permet d'augmenter le gap des tellurures sur une large gamme (1,6 à 3,6 eV). On a pu envisager de réaliser des lasers émettant dans le vert avec ces matériaux, mais les difficultés de dopage de type n et p, nécessaire pour le pompage électrique, leur ont fait perdre cette course technologique qui est aujourd’hui menée par les séléniures, et surtout par le nitrure de gallium. Les tellurures de cadmium sont utilisés pour mener des études physiques fondamentales grâce à deux particularités qui les rendent plus sensibles aux perturbations extérieures : (i) l'énergie de liaison de l'exciton et sa force d'oscillateur sont grandes, ce qui permet des études optiques fines ; (ii) on peut insérer des éléments magnétiques (manganèse) dans la matrice sans induire de dopage électrique, ce qui permet entre autre de réaliser une séparation spatiale des zones magnétiques et des zones de dopage. C'est cette propriété que nous avons utilisée pour la réalisation de structures à puits quantiques semimagnétiques dopés par modulation. 9 Notons que le CdMnTe est aussi utilisé pour fabriquer des isolateurs optiques, basés sur la rotation de Faraday à température ambiante, commercialisés par une entreprise japonaise. 1.1 Les tellurures Les éléments qui forment la matrice de nos échantillons sont, hormis les dopants, pour les éléments II : le cadmium, le zinc, et le magnésium et pour l'élément VI : le tellure. Nous utilisons aussi le manganèse (colonne VIIB) en substitution du cadmium pour ses propriétés magnétiques (voir paragraphe 1.1.5). Tous les éléments II ont 2 électrons de valence sur une orbitale s, alors que le tellure a 6 électrons de valence (5s25p4). Un matériau II-VI comportera donc des liaisons hybrides de type sp3 où chaque anion se retrouve dans un environnement tétraédrique de cations, et inversement. Ces liaisons sont polaires, avec un caractère intermédiaire entre la liaison ionique et la liaison covalente. 1.1.1 Structure cristalline Le CdTe et le ZnTe, ainsi que leur alliage, le Cd1-xZnxTe, cristallisent dans la structures blende de zinc, aussi appelée sphalérite (figure 1). C’est cet alliage que nous avons utilisé comme substrat pour faire croître nos couches. Celles-ci garderont la structure blende de zinc quelle que soit leur composition. Figure 1 Maille blende de zinc du CdTe de symétrie F 43m (n° 216). Elle se compose de deux sous réseaux cubiques faces centrées, décalés d'un quart de la grande diagonale du cube, et occupés l'un par l'anion (Te), et l'autre par le cation (Zn, Cd, Mg, ou Mn). 10 - Le Cd1-xMnxTe, qui cristallise naturellement dans cette structure pour x<0,75, gardera cependant cette configuration jusqu'à x=1 en épitaxie sur un substrat de CdZnTe. Nous avons utilisé le manganèse pour ses propriétés magnétiques qui ne sont intéressantes à basse température que lorsque x est inférieur à environ 0,1. Dans cet alliage, on considère que les atomes de manganèse remplacent de façon aléatoire des atomes de cadmium, ce qui est vérifié par les expériences de magnéto-optique. - Le Cd1-xMgxTe cristallise quant à lui naturellement dans la structure sphalérite jusqu'à x=0,3, et dans la structure wurtzite au dessus de 0,65 [NAK73]. Entre ces deux concentrations, il y a formation de plusieurs polytypes. Là encore un alliage de CdMgTe gardera la symétrie sphalérite lorsqu’on le fait croître sur un substrat de CdZnTe jusqu'à x=1 [WAA93b], mais les couches comportant plus de 75% de magnésium sont instables dans l’air ou sous atmosphère d'azote (boîte à gants, figure 9), et se dégradent très vite. Il est probable que ces couches s'oxydent, et que la boîte à gants ne soit pas complètement étanche, mais on ne peut pas écarter non plus l'hypothèse d'une nitruration. On a constaté cette dégradation extrêmement rapide même si l’alliage de magnésium est encapsulé : elle se fait alors par les bords et se propage dans toute la couche. Des couches comportant 60% de magnésium ont une durée de vie d'environ un an. En deçà de cette concentration, nous n'avons pas remarqué de dégradation dans le temps. 1.1.2 Structure de bande Le schéma simplifié de la structure de bande des composés à symétrie blende de zinc est représenté Figure 2. E Γ6 EG Γ8 hh k lh Figure 2 Structure de bande du semiconducteur direct CdTe dans l'approximation parabolique au centre de la zone de Brillouin. 11 Le quadruplet Γ8 est composé de deux bandes qui ont une courbure différente. La bande de plus grande courbure sera appelée bande de trous légers (lh pour light hole en anglais), par référence à la masse effective dans l'approximation parabolique, et la bande de moindre courbure sera appelée bande de trous lourds (hh pour heavy hole). La dégénérescence de ces deux bandes en k=0 est levée lorsqu'on exerce une contrainte sur le matériau, ce qui sera le cas pour nos puits quantiques. La première bande inoccupée (de symétrie Γ6) est située au-dessus du quadruplet Γ8. On l'appelle bande de conduction. Les écarts énergétiques entre les bandes à k=0 sont l'énergie de couplage spin-orbite ∆Spin-Orbite et le gap du matériau EG (voir figure 2). Le gap est direct car le minimum de la bande de conduction et le maximum de la bande de valence correspondent au même vecteur d'onde, au centre de la zone de Brillouin. La transition d'énergie minimale entre ces deux bandes peut avoir lieu sans changement de vecteur d'onde, ce qui permet l'absorption et l'émission de lumière de façon beaucoup plus efficace que dans les matériaux à gap indirect comme le silicium. 1.1.3 Propriétés physiques 1.1.3.1 Paramètres de maille Les paramètres de maille dans la structure blende de zinc et les gaps optiques à 2 K de nos matériaux sont les suivants : Composé CdTe ZnTe MgTe MnTe Eg (eV) 1,606 [LAN82] 2,391 [LAN82] 3,6 [HAR96] 3,198[FUR88] a (Å) 6,4810 [LAN82] 6,1037 [LAN82] 6,42 [HAR96] 6,337 [JAN95] Tableau 1 Energie de gap et paramètre de maille de nos matériaux. On voit dans ce tableau que le paramètre de maille du ZnTe est éloigné de celui du CdTe, alors que le MgTe se distingue du CdTe par un gap beaucoup plus grand. Ces deux matériaux vont donc être complémentaires dans nos couches, le zinc servant à accorder le paramètre 12 de maille de la couche avec celui du substrat, et le magnésium à obtenir des couches de plus grand gap permettant le confinement dans les puits quantiques. Le paramètre de maille d’un alliage A1-x-yBxCy-Te se calcule en utilisant la loi de Vegard : a A1− x − y Bx C y −Te = (1 − x − y )a A−Te + xa B −Te + ya C −Te 1.1.3.2 Largeurs de bande interdite Les largeurs de bande interdite (gaps optiques) à basse température (2 K) suivent les lois suivantes (exprimées en eV) : EG(Cd1-xZnxTe) = 1,606(1-x)+2,391x-0,26x(1-x) EG (Cd1-xMgxTe) = 1,606(1-x)+3,6x-0,3x(1-x) EG (Cd1-xMnxTe) = 1,606(1-x)+3,198x [TYA74] [HAR96] [FUR88] Pour l’alliage quaternaire Cd1-x-yZnxMgyTe, nous avons utilisé la formule suivante, déduite des formules de la variation de gap du CdZnTe et du CdMgTe : EG(Cd1-x-yZnxMgyTe) = 1,606+0,525x+1,75y Cette linéarisation des lois quadratiques précédentes correspond à un écart de 1 meV pour Cd1-xZnxTe si x=0,08, et de 10 meV pour CdxMg1-xTe si y=0,3. Nous n'avons pas fait croître d'alliages avec des concentrations supérieures à ces valeurs limites. 1.1.3.3 Décalages de bande La répartition des différences de gap entre la bande de conduction et la bande de valence entre deux matériaux différents, lorsqu'ils sont épitaxiés l'un sur l'autre, dépend de leur nature. Le décalages de bande entre le CdTe et le Cd1-xMgxTe vaut environ un tiers de la différence de gap entre les deux matériaux pour la bande de valence, et deux tiers pour la bande de conduction [WEI98]. Dans le cas du CdTe et du Cd1-xZnxTe, le décalage de bande de valence est très faible [WEI98], et la différence de gap entre ces deux matériaux est de l'ordre du décalage de bande de conduction. 13 1.1.4 Contraintes et relaxation Lors de l’épitaxie d’un matériau sur un substrat de paramètre de maille différent, il apparaît une contrainte de compression ou de dilatation biaxiale dans la couche épitaxiée, qui s’accompagne d’une accumulation d’énergie élastique. Au-delà d’une épaisseur critique, l’énergie élastique emmagasinée devient suffisante pour générer des défauts structuraux qui relaxent partiellement les contraintes dans le cristal. Le matériau tend alors à reprendre son paramètre de maille, et des dislocations apparaissent à l’interface (relaxation plastique). L’épaisseur critique dépend directement de la différence de paramètre de maille entre le substrat et la couche. 4 Epaisseur critique (mc) 10 Partiellement relaxé 3 10 2 10 Contraint 1 10 0 10 -4 10 -3 10 -2 10 -1 10 Désaccord de maille f Figure 3 Epaisseur critique dc d'une couche de CdZnTe sur un substrat de CdZnTe en fonction de leur désaccord de maille f. Pour l’épitaxie d’une couche de CdZnTe sur une couche de CdZnTe d'une autre composition en zinc, et orientée (001), l’épaisseur critique expérimentale, exprimée en monocouches, est donnée par la relation suivante [CIB90] [CIB91] (voir figure 3) : d c = 0,067 × f −3 / 2 (mc) où f est le désaccord de maille entre la couche épitaxiée et le substrat, soit : f = 14 a couche − a substrat a substrat acouche et asubstrat sont les paramètres de maille naturels (sans contrainte) de la couche et du substrat respectivement. Cette relation a été vérifiée pour des couches de CdZnTe déposées sur substrats de CdZnTe pour différentes concentrations de substrat et de couche épitaxiée. Les alliages à base de MnTe relaxent pour des désaccords de maille plus importants. Ceci pourrait être lié à la rugosité [JOU94]. Dans le cas du CdMgTe, Waag et al. ont remarqué que cet alliage relaxe très lentement pour un désaccord de maille supérieur à la limite de Cibert et al. pour le CdZnTe ([CIB90] [CIB91]). Nous avons considéré la limite de Cibert et al. comme limite supérieure pour tous nos alliages. Il est possible de jouer avec les contraintes lors de l’épitaxie d’un super-réseau en faisant croître alternativement une couche en compression et une couche en tension. On a alors un équilibre qui se forme et on peut ainsi recommencer l’opération sans relaxer la couche totale. Les coefficients de déformation élastique Cij de nos matériaux sont donnés dans l’annexe 1. Le paramètre de maille perpendiculaire (i.e. le long de l'axe de croissance) d’une couche contrainte sur un substrat d'orientation (001) est donné par la relation : ⊥ a couche = a couche + 2 C12 (a couche − a substrat ) C11 Bien sûr, dans la direction parallèle, on a : // a couche = a substrat La contrainte biaxiale engendre des modifications de la structure de bande des semiconducteurs. Une telle contrainte peut être décomposée en un terme hydrostatique et une composante de cisaillement. Le premier modifie la largeur de bande interdite, alors que le cisaillement lève la dégénérescence de la bande de valence entre les trous lourds et légers. Dans le cas d’une couche de CdTe épitaxiée en contrainte sur un substrat de Cd0,88Zn0,12Te, et en l'absence de tout confinement quantique, les trous légers sont déplacés à 38 meV au dessus (en terme d'énergie de trou, mesurée "vers le bas") des trous lourds. Le niveau de trous légers sera donc rarement peuplé, au profit du niveau de trous lourds. 15 1.1.5 Le manganèse Les propriétés magnétiques de nos structures seront basées sur l'utilisation du manganèse. C'est un métal de transition de la colonne VIIB de la classification périodique possédant deux électrons de valence sur une orbitale 4s2, ce qui lui permet de prendre la place d’un cation dans nos cristaux. La différence importante entre le manganèse et les éléments de la colonne II est que l'orbitale 3d est à moitié pleine (3d5). Les cinq électrons de cette orbitale ont, de part la règle de Hund, des spins parallèles. Ils ne participent pas aux liaisons covalentes, mais confèrent au manganèse un spin 5/2. 1.2 Structures de basse dimensionnalité Lorsque l'on confine une charge (électron ou trou) à l'aide de barrières de potentiel, et que la distance séparant les barrières est de l'ordre du nanomètre, on a l'apparition de phénomènes quantiques, qui se traduisent par une discrétisation des niveaux d'énergie autorisés (niveaux de confinement), et par un changement de la forme de la densité d'état en fonction de l'énergie. Dans le cas où on localise les charges dans une direction, la densité d'état va former des plateaux isoénergétiques entre les niveaux de confinement. Les charges ont donc deux degrés de liberté, et on parle de gaz 2D lorsque le puits est peuplé. Les puits de potentiel ainsi créés sont nommés puits quantiques. 1.2.1 Les puits quantiques Les puits quantiques que nous avons fait croître ont une épaisseur de 80 Å, soit 25 mc. Du fait du confinement, la masse effective des trous dans la direction perpendiculaire à l’axe de croissance est modifiée. Les valeurs numériques des masses effectives dans le cas de nos puits sont données dans l'annexe 1 [HAU97b]. Les niveaux de confinement électroniques dans nos puits sont présentés en fonction de la profondeur du puits à la figure 4. La contrainte de cisaillement dans nos puits qui sont en extension (en général, croissance cohérente sur un substrat de Cd0,88Zn0,12Te, voir au chapitre 3, paragraphe 3.3.2), entraîne la levée de dégénérescence entre les 16 niveaux de trous lourds et les niveaux de trous légers. La séparation lh-hh est de l'ordre de 38 meV, de sorte que le premier niveau peuplé est le niveau hh1. Les autres niveaux de trous, plus éloignés (voir figure 5), ne seront pas considérés par la suite. Energie des niveaux confinés (meV) 300 250 e3 200 e2 e3 260 meV e1 150 e2 100 50 0 e1 0 50 100 150 200 250 300 Profondeur du puits (meV) Figure 4 Energie de confinement des niveaux électroniques dans un puits de CdTe de Energie des niveaux confinés (meV) 80 Å de largeur en fonction de la profondeur du puits. La ligne diagonale représente l'énergie de la barrière. 150 hh5 lh2 100 60 meV hh4 EA lh1 50 hh3 hh2 0 hh1 130 meV Fonds du puits des lh 38,4 meV Fonds du puits des hh 0 50 100 150 Profondeur du puits (meV) Figure 5 Energie de confinement des niveaux de trous lourds (traits continus) et légers (pointillés) en fonction de la hauteur des barrières d'un puits quantique de CdTe large de 80 Å. La contrainte de cisaillement induit un décalage entre la hauteur de barrière pour les trous lourds et les trous légers (lignes pointillées horizontales). Les deux lignes diagonales représentent l'énergie de la barrière et l'énergie du niveau accepteur, 60 meV en dessous. 17 Les profondeurs des puits quantiques montrés en exemple sur les figures 4 et 5 sont typiques des puits de nos hétérostructures ; ces valeurs sont basées sur une répartition du décalage de bande d'un tiers de la différence de gap pour le couple CdTe-MgTe. 1.2.2 Effet d'un champ magnétique sur un puits quantique Nos structures à puits quantiques semimagnétiques ont fait l'objet d'études magnéto-optiques. Celles-ci sont détaillées au chapitre 5, et constituent une partie importante de l'exploitation de nos échantillons. Le CdTe est un matériau non magnétique. C'est le matériau que nous avons utilisé pour nos puits non magnétiques, alors que le CdMnTe est l'alliage utilisé pour les puits magnétiques. 1.2.2.1 Puits non magnétique L'application d'un champ magnétique perpendiculaire au plan bidimensionnel (configuration de Faraday) impose une nouvelle quantification des structures de bandes sur kx,y. La structure de bande du gaz de porteurs est alors entièrement quantifiée. L'hamiltonien s'écrit : p2 H= + V (r ) − 2m * q p. A + m* g * µ B σ.B (1) où µB est le magnéton de Bohr, g* le facteur de Landé effectif. Le premier terme est l'hamiltonien du porteur de charge dans le cristal. Le second terme représente l'effet du champ magnétique sur la partie orbitale de la fonction d'onde ; c'est le terme de Landau. Le dernier terme, le terme Zeeman, représente l'effet du champ magnétique sur la composante de spin de la fonction d'onde. 1.2.2.1.1 Bande de conduction Dans le cadre de l'approximation parabolique l'équation (1) donne l'expression suivante de l'énergie : 18 1 E i , n , m j ( B) = E i + n L + !ω c + m j g * µ B B 2 où !ω c = !qB est l'énergie cyclotron, * me nL est le nombre quantique désignant le niveau de Landau (nL=0,1,2,...). mj=±1/2 est la composante de spin des électrons selon l'axe z. Ei est l'énergie du niveau de confinement i. ( me = 0,099 m0 * !ω c B = !q me B = 1,17 meV T ) * d'où 1.2.2.1.2 Bande de valence Dans ce cas, une première approche souvent utilisée consiste à ignorer tout couplage entre trous lourds et trous légers, et donc superposer un éventail de Landau de trous lourds ( m hhx , y = 0,143 m0 d'où !ω c B = 0,81 meV T ) et un éventail de Landau de trous légers ( mlhx , y = 0,278 m0 d'où !ω c B = 0,42 meV T ). En réalité, l'hamiltonien de Landau introduit des mélanges entre trous lourds et trous légers. Ce mélange a été calculé par G. Fishman et A. Haury [HAU97b] pour des puits de CdTe ; il se ramène à la résolution de l'hamiltonien complet (Luttinger + Landau + confinement dans le puits quantique) à l'intérieur de multiplets caractérisés par un entier n ; le tableau 2 donne la correspondance entre ces multiplets d'une part, et les états spin × Landau obtenus en négligeant le mélange d'autre part. Le résultat du calcul est donné figure 6. -3/2 -1/2 1/2 3/2 0 -2 -1 0 1 1 -1 0 1 2 2 0 1 2 3 3 1 2 3 4 4 2 3 4 5 Tableau 2 Valeurs de n en fonction de nL dans la bande de valence (colonnes), et du spin dans la bande de valence (lignes) 19 100 0 5 10 15 20 nL=2 électrons 90 25 80 nL=1 70 60 nL=0 50 σ+ Energie (meV) 40 σ- 30 EG n=1 -10 n=2 n=3 -15 n=-2 -20 n=3 n=2 n=1 n=-1 -25 trous -30 0 n=0 5 10 15 20 25 Champ magnétique (T) Figure 6 Modélisation numérique des niveaux de Landau des électrons et des trous en fonction du champ magnétique [HAU97b]. Ce calcul, utilisé dans les puits quantiques de GaAs, n'a pas encore reçu de confirmation expérimentale dans le cas du CdTe. On notera que le "multiplet" n = -2 est un singulet : il n'y a pas de mélange pour l'état 0,− 3 2 ; par ailleurs, les énergies mises en jeu restent du même ordre de grandeur, quelques meV à 5 T. 1.2.2.2 Puits magnétique Lorsqu'on introduit du manganèse dans un puits quantique, on obtient un semiconducteur semimagnétique. L'hamiltonien est dans ce cas la somme de l'hamiltonien du semiconducteur non magnétique et de 20 l'hamiltonien d'échange entre les charges délocalisées (bandes s et p) et les charges localisées (bande d des ions Mn2+). L'hamiltonien d'échange s'écrit sous la forme d'un hamiltonien de Heisenberg : H échange = ∑ J sp − d (r − Ri )S i .σ Ri Si, Ri l'opérateur de spin et de position de l'ion Mn2+, σ, r l'opérateur de spin et de position du porteur de charge, Jsp-d la constante de couplage d'échange sp-d. La sommation porte sur les position de tous les ions Mn2+. avec Suite à diverses approximations (approximation du champ moyen et approximation du cristal virtuel), cet hamiltonien se diagonalise dans la même base que précédemment, soit pour les électrons et les trous : A 0 électrons H échange = 0 − A avec A=− 1 N 0α x S z 2 et trous H échange et B=− 0 0 3B 0 0 0 B 0 = 0 0 −B 0 0 0 0 − 3B 1 N0β x Sz 6 où N0 est la densité cationique de manière à ce que xN0 soit la concentration de manganèse par unité de volume. Les intégrales d'échange Jsp-d de chacune des bandes avec les ions Mn2+ sont notées α et β, et ont été déterminées expérimentalement [GAJ79] : N 0α = 0,22 eV et N 0 β = −0,88 eV Notons au passage que l'intégrale d'échange est 4 fois plus importante entre les trous et les spins de manganèse, qu'entre les électrons et les spins de manganèse. Cette propriété est à la base du calcul montrant qu'une transition de phase ferromagnétique entre les spins de manganèse n'est possible que si les médiateurs sont des trous [DIE97] (voir chapitre 5). Les trous ±3/2 correspondent à des transitions optiques de polarisation σ+ et σ - respectivement. Lorsque les spins de manganèse sont polarisés, on a donc un déplacement des raies σ+ et σ - (voir la figure 40 à la 21 fin de ce chapitre). L'écart entre ces raies est donc proportionnel à l'aimantation S z des spins de manganèse, et permet ainsi de la déterminer. La valeur de ce déplacement pouvant dépasser 100 meV, on parle de déplacement Zeeman géant. On notera qu'il est beaucoup plus grand que la valeur typique de l'énergie de Landau. La polarisation des spins de manganèse peut se faire soit par l'application d'un champ magnétique, soit lors de l'apparition d'une phase ferromagnétique. Dans le cas où l'on applique un champ magnétique, Gaj et al. [GAJ79] ont montré que l'aimantation des spins de manganèse pouvait être décrite par une fonction de Brillouin modifiée : 5 ge µB B x S z = x eff S 0 B5 2 2 k (T + T AF ) avec B5 2 (a ) = 2J + 1 2J + 1 1 1 coth a − coth a 2J 2J 2J 2J La température TAF est phénoménologique. Elle permet de prendre en compte le couplage antiferromagnétique entre les spins de manganèse. Ce couplage gèle en outre les couples de spins de manganèse qui sont en sites de plus proche voisins. Ces paires s'annulent, et la quantité effective de spins de manganèse libres est réduite. Gaj et al. [GAJ94] donnent une expression phénoménologique de xeff et de TAF en fonction de x (figure 7). Nous montrerons au chapitre 5 que le paramètre important dans l'apparition de la transition de phase ferromagnétique n'est pas la composition effective de spins de manganèse libres xeff, mais le rapport xeff /(T+TAF), présenté sur la figure 8 (en effet, c'est lui qui apparaît directement si on linéarise la fonction de Brillouin ci-dessus). L'apparition de la transition de phase ferromagnétique doit se faire à des températures voisines de 2 K d'après les calculs de Dietl et al. [DIE97]. Comme le montre la figure 8, xeff /(T+TAF) est maximum pour des concentrations de manganèse de l'ordre de quelques pour cent. C’est donc pour cette gamme de concentrations que la transition ferromagnétique est favorisée (voit chapitre 5). Pour des concentration supérieures, le couplage antiferromagnétique induit une perte de paires libres. C'est pour cette raison que la concentration en manganèse de nos puits quantiques a été choisie de l'ordre du pour cent (typiquement 2 à 4 %). 22 8 0.05 7 0.04 6 5 4 0.02 TAF xeff 0.03 3 2 0.01 1 0.00 0.0 0.1 0.2 0 0.4 0.3 x Figure 7 Composition effective de manganèse (spins libres), et température phénoménologique TAF en fonction de la concentration réelle x d'une couche de CdxMn1-xTe. La ligne pointillé montre l'écart entre x et xeff (pente 1) [GAJ94]. xeff/(T+TAF) 0.020 0.015 T=0,1 K T=0,5 K 0.010 T=1 K T=2 K T=4 K 0.005 0.000 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 x Figure 8 xeff /(T+TAF) en fonction de la concentration réelle x d'une couche de CdxMn1-xTe pour différentes températures T. 23 1.3 Epitaxie par jets moléculaires L'épitaxie par jets moléculaires (EJM) est une technique de croissance de fines couches de semiconducteurs, de métaux ou d'isolants. Dans une enceinte où la pression est maintenue à l'ultravide, des flux d'atomes ou de molécules provenants de fours appelés cellules d'effusion, sont dirigés vers la surface d'un substrat maintenu à haute température. On a alors, dans certaines conditions, une cristallisation des éléments constitutifs de la couche sur le substrat. La composition du film déposé, ainsi que son taux de dopage dépendent de la température du substrat et des flux relatifs des espèces déposées, c'est à dire du taux d'évaporation des cellules d'effusion. La vitesse de croissance du film déposé est typiquement d'une monocouche (mc) moléculaire par seconde. Cette faible vitesse permet aux atomes incidents de migrer à la surface du cristal avant d'être adsorbés sur des sites préférentiels. Un simple cache mécanique permet d'interrompre le flux de chaque espèce, et on obtient ainsi des couches dont la composition et l'épaisseur peuvent être contrôlées à l'échelle atomique. 1.3.1 Description du bâti d'épitaxie 1.3.1.1 Les cellules d'effusion Les flux des éléments évaporés sont générés (à l'exception de l'azote) par des charges solides de grande pureté (typiquement 6N) qui sont déposées dans des creusets en nitrure de bore. Un filament résistif chauffe le creuset, et sa température est contrôlée à l'aide d'un thermocouple. La régulation précise de la température des fours se fait via des régulateurs PID (proportionnelle intégrale dérivée), de sorte que la stabilité du flux émis soit de l'ordre du pour cent sur une journée. Le bâti d'épitaxie est équipé de sept cellules d'effusion comportant les éléments suivants : cadmium, magnésium, manganèse, tellure, CdTe, ZnTe, et aluminium. Il est équipé en outre d'une cellule de plasma d'azote de type ECR (Electron Cyclotron Resonance). 1.3.1.2 Les modules Le bâti d'épitaxie sur lequel ont été élaborées les couches présentées dans ce manuscrit est un bâti Riber 32P. Cette machine est composée de 24 quatre modules indépendants, isolés par des vannes, et possédant chacun leur propre système de pompage. module de transfert module de recuit module d’introduction boîte à gants chambre d’épitaxie Figure 9 Vue de dessus du bâti d'épitaxie Riber 32P. Ces modules sont (voir figure 9) : - le module d'introduction ; connecté à la boîte à gants (atmosphère d'azote), c'est ce module qui sert à l'introduction des substrats dans la machine. Son système de pompage est composé d'une pompe à membrane (pression atmosphérique ! vide primaire), de trois pompes à zéolites (vide primaire ! 10-4 Torr), et d'une pompe ionique (10-4 Torr ! 10-11 Torr). - le module de transfert est équipé d'une canne de transfert qui permet l'introduction des échantillons dans la chambre d'épitaxie. Ce module dispose d'une pompe ionique. - le module de recuit est équipé d'un four qui sert à chauffer les échantillons avant une croissance. Ceci permet de dégazer les porte substrats, limitant ainsi la pollution de la chambre d'épitaxie, et surtout de préparer la surface du substrat. Le recuit à 170°C pendant quelques heures d'un substrat de 25 Cd0.88Zn0.12Te permet d'obtenir une surface bien lisse et reconstruite (voir paragraphe 1.4.3). Ce module est aussi pompé par une pompe ionique. - la chambre d'épitaxie (figure 10) est la partie dans laquelle se fait la croissance. Elle comporte sept cellules d'effusion et une cellule plasma, qui sont toutes orientées vers un point central où se trouve le substrat. Chaque cellule est équipée d'un cache mécanique indépendant (moteurs pneumatiques) qui permet son occultation. Un cache général, plus grand, permet d'occulter tous les flux en même temps. porte échantillon jauge ionique écran RHEED quadrupole Cd canon RHEED Te Mg CdTe N ZnTe Mn Al Figure 10 Vue éclatée de la chambre d'épitaxie. L'emplacement des éléments est indiqué. Le pompage peut se faire soit par une pompe ionique, soit par une pompe cryogénique. Il est amélioré grâce à un système de panneaux froids, parcourus par de l'azote liquide, qui entourent toute la zone de dépôt et l'extrémité des cellules d'effusion. Ils permettent, de plus, d'éviter des interférences thermiques et la contamination croisée entre les cellules. Ce module est équipé d'un analyseur ionique (quadrupole) qui permet de localiser les éventuelles fuites, et d'un canon RHEED (Reflexion 26 High Energy electron Diffraction) dont l'utilisation est détaillée au paragraphe 1.4.3. Tous les modules sont équipés d'un sublimateur de titane qui constitue un complément de pompage. Un filament de titane est chauffé à intervalles de temps réguliers. Le titane est sublimé et se dépose sur les parois de la pompe en un film mince qui piège les gaz actifs par chimisorption. Lorsque la couche est saturée, il faut la renouveler en provoquant une nouvelle évaporation. 1.3.2 Position des cellules lors de la croissance Le substrat est collé sur un porte substrat en molybdène appelé molyblock. Le chauffage provient d'un filament qui serpente derrière lui. Sa température est régulée grâce à un thermocouple maintenu en contact sur sa face arrière. Les cellules, toutes orientées vers le substrat, sont disposées de la façon suivante : 4 11 N-ZnTe-Mg-Cd axe de basculement du manipulateur N-Al 120 28° 0° 53 ZnTe-Mn axe horizontal 5° 33 ° 11° Mg-CdTe 0° 11° ° 33 120 ° 32 Al-Mn-CdTe-Te vue de côté Cd-Te vue de dessus Figure 11 Position des cellules par rapport au substrat. Les distances sont exprimées en mm. La répartition des éléments dans les cellules est indiquée. Le molyblock est représenté dans la position standard d'épitaxie, face au cellules du bas. Les flux provenant des cellules basses (Al, Mn, CdTe et Te) sont bien centrés en direction du substrat lorsque celui-ci est dans la position standard, d'après la dénomination donnée par le constructeur (figure 11). Cette position est obtenue en recherchant la vitesse de croissance maximum pour le CdTe (voir figure 12). On a alors une plage d'environ 3 degrés autour de l'axe de basculement du manipulateur, soit 6 mm au niveau du substrat, pour laquelle la variation spatiale des flux des cellules basses est de l'ordre du pour cent. La taille de nos échantillons étant de 5×5 mm2, on a une bonne 27 homogénéité de ces flux sur toute la surface du cristal. Une étude plus complète a été réalisée par C. Bodin-Deshayes [BOD93]. On peut, par contre, chercher à placer un échantillon en dehors de la position standard. Ceci permettra d'obtenir de forts gradients de flux entre le haut et le bas de l'échantillon, qui présentera une variation continue d'épaisseur. Nous avons utilisé cette possibilité pour réaliser des microcavités dans lesquelles on accorde les miroirs de Bragg à la couche active en se déplaçant sur l'échantillon (voir chapitre 5). Distance au centre du substrat (mm) Vitesse de croissance (mc/s) 1.25 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 2 3 4 1.20 Notre position d'épitaxie 1.15 1.10 1.05 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 5 Angle de rotation (degrés) Figure 12 Vitesse de croissance du CdTe mesurée par oscillations de RHEED pour un flux constant en fonction de l'angle de basculement du manipulateur à partir de la position standard. 1.4 La croissance des couches La croissance en épitaxie par jets moléculaires de nos hétérostructures dopées par modulation a bénéficié du savoir faire présent au laboratoire, basé sur l'épitaxie d'hétérostructures élaborées typiquement à 300°C. La réalisation de nos échantillons nous a amené à étendre ces 28 connaissances à des croissances épitaxiales à plus basse température, et à contrôler très précisément la composition des alliages quaternaires Cd1-x-yZnxMgyTe. 1.4.1 Les substrats Nous avons choisi de travailler sur des monocristaux de Cd1-xZnxTe orientés (001). Les compositions de zinc que l'on peut obtenir des fournisseurs sont x=0, x=0,05, x=0,12 et x=0,22. Une faible quantité de zinc améliore la qualité cristalline du substrat. Ainsi, la largeur à mi hauteur du pic (004) de diffraction X haute résolution (λ=1,54059 Å) est de l'ordre de 15 arcs secondes (") pour un substrat de Cd0,95Zn0,05Te, contre 60" pour un substrat de CdTe. Ce gain disparaît pour de fortes concentrations en zinc, puisque la qualité d'un substrat de Cd0,78Zn0,22Te est proche de celle d'un substrat de CdTe. Nous avons utilisé principalement des substrats comportant 12 % de zinc dont la largeur à mi hauteur en diffraction X du pic (004) vaut typiquement 30". La surface des substrats doit être préparée à recevoir une couche épitaxiée. Nous utilisons une méthode chimique mise au point par G. Lentz [LEN89] qui donne des résultats reproductibles. Les substrats sont dégraissés dans des bains successifs de trichloroéthane chaud et froid, d'acétone et de méthanol. Une première attaque chimique dans un mélange brome-méthanol permet d'éliminer la zone écrouie créée par le polissage mécanique. Les substrats, collés au gallium sur les porte-substrats en molybdène, subissent une deuxième attaque chimique au brome-méthanol afin d'éliminer la couche d'oxyde en surface puis sont transférés dans un bain d'alcool dans la boîte à gants remplie d'azote. Un recuit de quelques heures à 170°C dans le module de recuit ou une montée lente de 0,5° par minute sous vide jusqu'à 250°C dans la chambre d'épitaxie permet d'évaporer la couche amorphe de tellure et de restaurer la surface. 1.4.2 Le mode de croissance Les étapes du processus de croissance sont : - l'adsorption des atomes ou molécules frappant la surface du substrat, - la migration en surface et la dissociation des molécules adsorbées, 29 - l'incorporation des atomes sur des sites cristallins favorables énergétiquement que sont les lacunes, les bords de marche..., ou la nucléation d'îlots avec d'autres atomes présents à la surface du substrat ou de la couche déjà épitaxiée, - la désorption thermique des espèces non incorporées dans le réseau cristallin. Le mode de croissance standard en EJM pour nos matériaux est le mode de croissance monocouche par monocouche, appelé mode Frank-van der Merwe [HER96]. Ce mode de croissance bi-dimensionnelle permet d'obtenir des interfaces abruptes entre deux matériaux de composition différente, sous réserve qu'aucun phénomène d'interdiffusion des espèces n'intervienne. 1.4.3 Diffraction d’électrons de haute énergie en incidence rasante La surface du CdTe présente lorsqu’elle est bien lisse (on parle alors de surface 2D) des reconstructions qui traduisent une minimisation de son énergie. Ces reconstructions sont fonction du flux excédentaire (cadmium ou tellure) ainsi que de la température de croissance [CIB97]. L’observation de ces reconstructions va nous permettre d’optimiser les paramètres de croissance. La diffraction de haute énergie en incidence rasante, aussi nommée RHEED pour Reflexion High Energy Electron Diffraction permet l’observation des cristaux directement dans la chambre d’épitaxie, et ce, même pendant la croissance. Des électrons accélérés à environ 30 keV (la longueur d’onde de De Broglie des électrons est donc de l’ordre de 0,1 Å) sont focalisés en incidence rasante (typiquement 1 à 3°) sur la surface du cristal. Le diamètre du faisceau est typiquement de 100 µm. Du fait du faible angle d’incidence, la longueur de pénétration des électrons dans le cristal sera de quelques dizaines d’angströms. Ils vont donc être sensibles à la surface du cristal. Les électrons vont ensuite heurter un écran fluorescent, perpendiculaire à la surface du cristal, sur lequel se forment des figures de diffraction. Le rayon de la sphère d'Ewald étant très grand devant la séparation des nœuds du réseau réciproque, elle peut être considérée comme un plan. La figure de diffraction présentera donc des lignes perpendiculaires à la surface de l'échantillon, dont la séparation à la surface de l'écran 30 fluorescent est représentatif de la distance entre les colonnes d'atomes parallèles au faisceau d'électrons. tache spéculaire Figure 13 Cliché RHEED d'une surface de CdTe (001). Les traits gras pointent les lignes de diffraction principales, et les traits fins les lignes de reconstruction. Il s'agit ici d'une reconstruction (2×1) obtenue sous flux de Te (direction du cristal <110>). Les oscillations de RHEED Le RHEED permet de calibrer les flux des espèces que l'on envoie sur le substrat. En suivant l'intensité de la tache de réflexion spéculaire sur l'écran fluorescent lors d'une croissance, on observe des oscillations périodiques. En comparant cette période et l'épaisseur de matériau déposé, on constate qu'une oscillation correspond au dépôt d'une monocouche moléculaire [JOY86]. Cette propriété permet de contrôler l'épaisseur déposée à la monocouche près. Elle permet aussi de calibrer les flux avant la croissance des échantillons. En effet, les vitesses de croissance relatives des différents éléments permettent de déterminer les compositions des alliages. Les oscillations de RHEED sont souvent interprétées en terme de variation de rugosité de la surface du cristal au cours de la croissance, entraînant une variation de l'intensité diffractée dans la tache spéculaire. Une surface lisse diffractera une intensité maximum, et inversement, une surface à moitié pleine (0,5 mc) diffractera une intensité minimum. Cette approche ne permet cependant pas de décrire la variation de phase des oscillations avec l'azimut, pour laquelle une théorie plus complète est nécessaire [HER96]. 31 40 30 Intensité (u.a.) 20 10 0 -10 vide Te -20 -30 CdTe+Cd -40 0 10 20 30 40 50 60 Temps (s) Figure 14 Oscillations de RHEED typiques de la croissance de CdTe sous excès de cadmium, obtenues sur une surface de CdTe orientée (001). Le RHEED nous a aussi permis d'étudier de près l'évolution de la surface du cristal en cours de croissance. En particulier, en suivant la distance entre deux raies de diffraction pendant la croissance homoépitaxiale du CdTe, nous avons pu mettre en évidence des relaxations de paramètre de maille en bord d'îlots, et ainsi, une oscillation du paramètre de maille de surface de même période que les oscillations d'intensité de la tache spéculaire [HAR98]. Cette étude n'a cependant pas eu d'incidence directe sur la croissance de nos hétérostructures dopées, et nous ne la détaillerons pas davantage. 1.4.4 Ajustement des compositions d'alliages Le contrôle des compositions des alliages déposés est essentiel pour réaliser des gaz de trous 2D. En effet, il est fondamental que nos structures soient en accord de maille avec le substrat, comme on le montrera au chapitre 3. Leur épaisseur étant de l'ordre du micron (soit environ 3000 mc), le désaccord de maille avec le substrat, f, ne doit pas excéder 7×10-4 (voir figure 3). 32 Dans tous les échantillons que nous avons élaborés, les couches les plus épaisses, et donc les plus critiques, sont la couche tampon de Cd1-xZnxTe, et l'alliage quaternaire des barrières Cd1-x-yZnxMgyTe (voir chapitre 3). Pour déterminer les concentrations, des lois empiriques basées sur la comparaison entre les flux des éléments déposés et les mesures par diffraction X des paramètres de maille des couches obtenues (méthode de Bond [BON60]), ont été proposées pour les alliages ternaires [HAR97]. Nous avons étendu ces lois au cas d'un alliage quaternaire à l'aide de la mesure complémentaire du gap optique des couches. Le paragraphe 1.5.1.5 montre comment on obtient les concentrations à partir de ces mesures. L'alliage Cd1-xZnxTe On réalise cet alliage sous excès de métal à l'aide de flux de CdTe, de ZnTe et de cadmium. La vitesse de croissance est déterminée par le flux de tellure, et il y a une concurrence entre les atomes de zinc et de cadmium pour occuper les sites d'éléments II avec des coefficients de collage proches. La loi empirique, traduisant cette compétition et donnant la composition en zinc x de l'alliage est : x =α v ZnTe v ZnTe + v CdTe + v Cd où vZnTe, vCdTe et vCd sont les vitesses de croissance mesurées par oscillations de RHEED pour les cellules de ZnTe (ouverture de ZnTe et Cd), de CdTe (ouverture de CdTe et Cd) et de Cd (ouverture de Cd et Te en excès). Le coefficient α vaut 0,8 pour une croissance à 340°C. L'excès de métal utilisé à cette température élevée est de 2/1. L'alliage de Cd1-x-yZnxMgyTe Cet alliage est réalisé dans les mêmes conditions que le CdZnTe cidessus, en ajoutant le flux de magnésium. Les atomes de magnésium collent très facilement. On peut donc considérer que pour un flux de magnésium plus faible que le flux de tellure, quasiment tous les atomes de magnésium incidents vont trouver un site cristallin, et que le cadmium et le zinc vont entrer en concurrence pour l'occupation des sites restants. Nous avons trouvé les lois empiriques suivantes : 33 y=β v Mg v CdTe + v ZnTe x = α (1 − y ) v ZnTe v ZnTe + vCdTe + vCd Les valeurs à 220°C de α et β ont été affinées suite à la caractérisation de nombreuses couches : α = 0,87 β = 0,97 Ces valeurs correspondent à un excès de métal de 3/2. 1.5 Caractérisation structurale Nous avons utilisé deux méthodes de caractérisation structurale : la diffraction de rayons X, et le SIMS. Nous allons développer ici les spécificités de ces techniques dont nous avons eu besoin sans pour autant donner une liste exhaustive des possibilités offertes par ces moyens de caractérisation. 1.5.1 Diffraction de rayons X La diffraction de rayons X est sensible à des films minces dont la taille va des dimensions atomiques à des épaisseurs de quelques microns, et ce, grâce à la longueur d’onde employée (1,54059 Å pour la raie Kα1 du cuivre). Cette méthode est non destructive et ne nécessite pas de préparation particulière des cristaux. Cette caractérisation va nous permettre notamment de vérifier la qualité cristalline de nos couches (état de contrainte, qualité des interfaces) ainsi que la composition des alliages ternaires et quaternaires (avec l'aide de mesures d'optique complémentaires). 1.5.1.1 Notion de facteur de surstructure Les rayons X sont des ondes électromagnétiques qui ont une longueur d’onde proche de la distance inter-atomique, et qui interagissent avec la matière par le biais de ses électrons. La majorité des rayons X sont 34 diffractés par les électrons fortement liés. Chaque atome reçoit donc une onde de vecteur d'onde k0, et devient une source d'onde diffusée de vecteur d'onde kd. L’équation fondamentale reliant le taux de diffraction (le facteur de surstructure F) à la densité d’électrons ρ(r) (à la position r) intégrée sur le volume V est : F (q ) = ∫ ρ (r )e iq .r dV V où q=kd-k0 et q = 4π sin θ / λ , θ étant l'angle entre le faisceau incident et le plan diffractant, et λ est la longueur d'onde (λ=1,54059 Å). En faisant l'approximation que la densité d'électrons est concentrée sur les sites atomiques rj, F peut être exprimé comme une somme : F (q ) = ∑f j (q )e iq .r j sites j où f j (q ) est le facteur de surstructure de l'atome j. On peut écrire une expression approchée de f (q) pour les éléments qui nous concernent comme suit : bi q 2 f (q) = c + ∑ a i exp − 2 i =1 16π 4 + ∆f '+i∆f ' ' avec comme valeurs pour les constantes [INT62] : atome Cd Zn Mn Mg Te a1 19.2214 14.0743 11.2819 5.4204 19.9644 b1 0.5946 3.2655 5.3409 2.8275 4.8174 a2 b2 17.6444 7.0318 7.3573 2.1735 19.0138 6.9089 0.2333 0.3432 79.2611 0.4209 a3 4.4610 5.1652 3.0193 1.2269 6.1449 b3 24.7008 10.3163 17.8674 0.3808 28.5284 a4 4.6029 2.4100 2.2441 2.3073 2.5239 b4 c 87.4825 58.7079 83.7543 7.1937 70.8403 5.0694 1.3041 10.896 0.8584 4.3520 ∆f' ∆f'' -0.079 -1.612 -0.568 0.165 -0.418 4.653 0.678 2.808 0.177 6.352 Tableau 3 Coefficients permettant le calcul du facteur de surstructure. 1.5.1.2 Facteur de surstructure pour une monocouche de CdTe Le paramètre de maille cubique, non contraint, du CdTe vaut a=6,4810 Å. Dans ce cristal, les plans atomiques de Cd et de Te sont séparés 35 d'une distance d telle que d = a / 4 . Le déphasage entre les ondes diffractées par les plans atomiques de Cd et de Te est q.d. L'amplitude diffractée par une monocouche fmc(q) s'écrit alors : f mc (q) = f Cd (q ) + f Te (q )e iqd et l'intensité diffractée Imc(q) : I mc (q) ∝ f Cd2 (q ) + f Te2 (q ) + 2 f Cd (q) f Te (q) cos(q.d ) n Intensité diffractée (u.a.) 40 1x10 1 2 3 5x10 0 0 10 20 30 40 50 60 θ (degrés) Figure 15 Intensité diffractée par une monocouche de CdTe en fonction de l’angle d’incidence θ. n est définit par la relation qd=4πdsinθ=2nπ. On constate sur la figure 15 qu'en dehors de la réflexion directe (on parle alors de réflectivité X, qui ne donne pas d'information sur la structure cristalline), la réflexion la plus intense correspondant au fait que les deux plans diffractants sont en phase se fait à un angle proche de celui qui correspond à q.d = 2π , soit : 2d sin θ = λ 36 1.5.1.3 Cas d'une couche de N monocouches de CdTe Dans ce cas, l'intensité diffractée sera proportionnelle à celle d'une monocouche pondérée par la fonction d'interférence de Laue : sin 2 ( Nq.d ) I (q ) ∝ f (q ) sin 2 (q.d ) 2 mc L'intensité diffractée est donc maximale lorsque qd=2nπ. Dans ce cas, l'intensité diffractée par une monocouche moléculaire est maximale (les deux plans atomiques sont en phase) (figure 15), et de plus, les monocouches moléculaires sont en phase entre elles. Cette relation entraîne la loi de Bragg (q=4πsinθ/λ). 1.5.1.4 Loi de Bragg et configuration expérimentale Une caractérisation par diffraction X d'un cristal va donc consister en la mesure de l'intensité des rayons X diffractés en fonction de l'angle d'incidence θ que fait le faisceau incident avec les plans diffractants. Les ondes incidentes et réfléchies forment des interférences constructives dans le cas où la relation suivante est vérifiée : 2d sin θ = nλ (loi de Bragg) d étant la distance séparant deux plans, et n un entier. La figure 15 montre que dans le cas du CdTe (et des autres matériaux que nous avons utilisé), la réflexion la plus intense se trouve à n=1. Comme dans la structure blende de zinc, on a d = a / 4 , il s'agit de la réflexion d'ordre 4. On ne va donc s'intéresser qu'à la réflexion d'ordre 4 (28,386° pour l'angle de Bragg du CdTe non contraint). La mesure de l'angle de Bragg va nous permettre de déterminer le paramètre de maille a ⊥ perpendiculaire à la surface de la couche considérée. Nous avons utilisé deux diffractomètres haute résolution (Philips MRD et Seifert XRD 3000 PTS) dont les configurations expérimentales sont similaires : la raie Kα1 d'une cathode de cuivre, soumise à une tension d'environ 40 kV, est dirigée vers l'échantillon dont la surface fait un angle θ avec le vecteur d'onde du faisceau. Cette raie, d'une longueur d'onde λ=1,54059 Å, est sélectionnée grâce à un monochromateur de type Bartels, composé de quatre cristaux de Ge. 37 filament piège Miroir parabolique eCu Bartels Figure 16 Représentation schématique du monochromateur de rayons X du type Bartels. La profondeur d'une atténuation d'intensité de 50% de la raie Kα1 du cuivre dans le CdTe peut être calculée grâce aux tables de la référence [STO70], et vaut 4,5 µm en transmission simple. Dans le cas d'un alliage comportant du magnésium et du zinc, éléments plus légers, cette profondeur sera plus grande, mais restera du même ordre. Le faisceau est de forme rectangulaire, d'une hauteur de 16 mm et d'une largeur de 28 µm. Son intensité est de l'ordre de 20000 coups/s/mA pour une tension de 40 kV. Le faisceau réfléchi est recueilli par un compteur dont la position est soit fixe (on parle alors de profil de désorientation, ou de rocking curve), soit asservie à la rotation de l'échantillon (on parle de scan θ-2θ ). Deux configurations expérimentales sont possibles : (i) Lorsque l'on place une fente fine (typiquement 0,1 mm) à l'entrée du détecteur, ou lorsqu'on utilise un analyseur formé de deux cristaux de germanium, on ne compte que les coups provenant du noeud de diffraction qui coupe la sphère d'Ewald dans les conditions de Bragg. On réalise alors soit un scan en θ-2θ, soit un scan en ω : - dans le cas d'un scan θ-2θ, le détecteur suit la rotation du cristal, de sorte que ω=θ. Dans ces conditions, on sonde dans la direction k//, soit la distribution des modules de k, avec k=2π/d. On obtient ainsi des informations sur les distances interréticulaires du cristal. - dans le cas d'un scan en ω, on fixe la position angulaire du détecteur, et on fait tourner le cristal. Le montage n'est alors plus sensible qu'aux variations d'intensité selon k⊥, ce qui permet d'obtenir des informations sur la distribution des directions cristalline. On met ainsi en évidence la mosaïcité de la couche. 38 détection ω 2θ faisceau incident k// O k⊥ échantillon Figure 17 Construction d'Ewald. Les taches représentent les noeuds du réseau réciproque d'un cristal. Lorsque celui-ci tourne d'un angle ω par rapport au faisceau incident, le réseau réciproque tourne d'une angle ω autour du point O. Il y a condition de diffraction lorsqu'un noeud du réseau réciproque coupe la sphère d'Ewald de rayon 2π/λ. k// scan θ-2θ k⊥ scan ω Figure 18 Schématisation d'un scan en θ−2θ, et d'un scan en ω. Il est utile de comparer les deux expériences, et de réaliser une cartographie de l'espace réciproque dans le cas où, par exemple, la rocking curve présente des pics supplémentaires. On effectue alors des profils ω-2θ avec ω=θ±δ. On fait ainsi plusieurs acquisitions à δ fixé, et ce pour δ compris entre 0° et typiquement 0,5°. (ii) Afin d'avoir une idée rapide de la désorientation ou de la mosaïcité du cristal, on réalise un scan en ω sans disposer de fente à l'entrée du détecteur (on parle alors de rocking curve). On obtient dans ce cas un profil de désorientation, et le détecteur compte tous les coups sur un angle d'ouverture de plusieurs degrés. On intègre alors sur l'intersection du réseau réciproque avec la sphère d'Ewald (trais épais sur la figure 18). 39 1.5.1.5 Paramètres mesurés La diffraction X haute résolution est sensible à la moindre déviation à la structure parfaite, ce qui permet l’utilisation de la théorie dynamique de la diffraction [TAK69] [TAU64], qui traite le processus de diffraction entièrement. En effet, les profils de diffraction peuvent être modélisés précisément à condition qu’une description correcte de l’échantillon soit donnée. On peut alors comparer le profil calculé au profil expérimental, et modifier les paramètres de la structure dans le calcul jusqu'à obtenir une bonne corrélation entre le profil calculé et le profil expérimental. Il n'est par contre pas possible de déterminer les paramètres de la structure directement de l'analyse du profil expérimental, c'est-à-dire inverser le calcul de Takagi-Taupin. D'où l'intérêt de tirer des informations qualitatives, et quelques informations quantitatives, de considérations simples que nous allons exposer dans un premier temps. - L’épaisseur d’une couche L’effet le plus évident sur le profil de diffraction est le changement d’amplitude de l’intensité de diffraction avec l’épaisseur de la couche ; plus la couche est mince, plus le volume diffractant est faible, et plus l’intensité diffractée est faible. Ainsi, le pic du substrat sera toujours le plus intense, l’épaisseur de la couche déposée dépassant rarement un micron, alors que la profondeur de pénétration des rayons X est de l’ordre de quatre microns. Une autre méthode de mesure de l’épaisseur d’une couche est l’utilisation des franges d’interférences, appelées franges de Keissing [KEI31], issues de l'épaisseur finie de la couche étudiée. Cette méthode est utile pour mesurer l’épaisseur d’une couche seule, mais devient très précise dans le cas de la mesure de la période d’un super-réseau. - Période des super-réseaux - les super-réseaux, suite périodique de matériaux différents, et dans notre cas de barrières et de puits quantiques, présentent en diffraction X une série périodique de pics très fins, formée par un pic central et des pics satellites, signature dans l'espace réciproque de la périodicité dans l'espace réel de la structure. En effet, ces pics proviennent d'interférences constructives entre toutes les périodes du super-réseau. 40 Soit P l'épaisseur d'une période du super-réseau. La loi de Bragg s'écrit alors : 2 P sin θ = kλ où k est un entier quelconque. On déduit P de la mesure de deux angles θ1 et θ2 des pics satellites correspondants aux ordres k1 et k2, soit : P= k1 − k 2 λ 2( sin θ 1 − sin θ 2 ) On définit le paramètre de maille moyen du super-réseau perpendiculaire à la surface comme suit : ⊥ a = N b a b⊥ + N p a ⊥p Nb + N p où a b⊥ , Nb et a ⊥p ,Np représentent le paramètre de maille perpendiculaire à la surface et l'épaisseur en monocouches d'une barrière et d'un puits respectivement. La diffraction par un "alliage moyen" ayant le paramètre de maille a ⊥ a lieu à l'angle θ0 donné par : 2a ⊥ sin θ 0 = 4λ , c'est à dire 2 P sin θ 0 = 2( N b + N p )λ car : a ⊥p a b⊥ a⊥ P = Nb + Np = (N b + N p ) 2 2 2 On appelle ce pic le "pic d'ordre zéro" (ce n'est pas nécessairement le plus intense), et l'ordre d'un pic du super-réseau est donné par k-2(Nb+Np). - Composition d’un alliage La mesure du paramètre de maille perpendiculaire d’une couche dans l’hypothèse où elle est non relaxée, permet de déterminer sa composition lorsqu'il s'agit d'un alliage ternaire. Cependant, dans certains cas, ainsi que pour un alliage quaternaire, une mesure complémentaire du gap optique sera nécessaire. 41 alliage ternaire A1-xBx - Te La diffraction de rayons X donne un mesure du paramètre contraint, perpendiculaire à la surface, de l'alliage ( a ⊥ (x) ). Soient a1 et a2 les paramètres de maille des composés A-Te et B-Te non contraints, et (C11)1, (C12)1, (C11)2 et (C12)2 leur constantes élastiques. La loi de Végard donne la variation du paramètre de maille non contraint d'un alliage en fonction de sa composition x : a ( x) = (1 − x)a1 + xa 2 (1) Cette loi est en général bien vérifiée expérimentalement pour nos matériaux. On considère que les constantes élastiques varient de façon linéaire avec x, soit : C ij ( x) = (1 − x)(C ij )1 + x(C ij ) 2 (2) Il s'agit là d'une hypothèse simplificatrice. Le paramètre de maille perpendiculaire à la surface d'une couche contrainte s'exprime : a ⊥ ( x) = a ( x ) + 2 C12 ( x) (a( x) − a s ) C11 ( x) (3) où as est le paramètre de maille du substrat. En introduisant dans cette équation les équations (1) et (2), on obtient une équation du second degré en x : αx 2 + βx + γ = 0 avec 42 α = (a1 − a 2 )[((C11 )1 − (C11 ) 2 ) + 2((C12 )1 − (C12 ) 2 )] β = a ⊥ ((C11 )1 − (C11 ) 2 ) + 2a s ((C12 ) 1 − (C12 ) 2 ) + (a 2 − 2a1 )[(C11 )1 + 2(C12 )1 ] + a1 [(C11 ) 2 + 2(C12 ) 2 ] γ = (a1 − a ⊥ )(C11 ) 1 + 2(a1 − a s )(C12 ) 1 On obtient alors x grâce à la mesure de a ⊥ et de as, réalisée de façon très précise par la méthode de Bond [BON60]. Dans le cas d'un alliage de Cd1-xZnxTe, les paramètres de mailles du CdTe et du ZnTe sont très éloignés. Le paramètre de maille de l'alliage varie alors beaucoup avec x, et sa détermination est très précise par cette méthode. Par contre, dans le cas d'un alliage de Cd1-xMgxTe, les paramètres de maille de CdTe et de MgTe sont voisins. a ⊥ sera alors moins sensible à la concentration en magnésium La caractérisation optique est un autre moyen de détermination de la composition d'un alliage ternaire. Elle sera plus sensible dans le cas d'un alliage contenant du magnésium. En effet, le gap optique MgTe est éloigné de 2 eV du gap du CdTe, alors que celui du ZnTe n'est éloigné que de 785 meV. Le gap optique d'un alliage de Cd1-xMgxTe est donc très sensible à la concentration en magnésium. La détermination optique de la concentration en zinc d’un alliage de Cd1-xZnxTe reste cependant tout à fait possible. Les variations des gaps en fonction de x sont données au paragraphe 1.1.3 de ce chapitre. Les caractérisations optiques et par diffraction X ont donc un caractère complémentaire pour nos alliages. On peut cependant comparer les résultats obtenus par les deux méthodes qui donnent des résultats équivalents. Cela permet de valider la méthode décrite ci-dessous. alliage quaternaire A1-x-yBxCy - Te Nous avons étendu la méthode de détermination de la composition d'un alliage ternaire à celui d'un alliage quaternaire. Nous avons en effet utilisé le Cd1-x-yZnxMgyTe dans les barrières de nos structures. Il est nécessaire, dans ce cas, de disposer de deux mesures différentes afin de déterminer x et y. La diffraction X et l'optique donnent les deux équations suivantes dans le cas de notre alliage de Cd1-x-yZnxMgyTe : a ⊥ ( x, y ) = a ( x, y ) + 2 C12 ( x, y ) (a( x, y) − a s ) C11 ( x, y ) E g ( x, y ) = E gCdTe + 0,525 x + 1,75 y (1) (2) avec le même type de lois que pour l'alliage ternaire, c'est à dire : a ( x, y ) = (1 − x − y )a1 + xa 2 + ya 3 (loi de Végard) C ij ( x, y ) = (1 − x − y )(C ij )1 + x(C ij ) 2 + y (C ij ) 3 43 où a1, a2 et a3 sont les paramètres de maille de A-Te, B-Te, et de C-Te respectivement, et (C11)1 et (C12)1, ... leurs constantes élastiques. Dans l'équation (2), on néglige les courbures donnant des termes quadratiques en x et en y. En effet, dans le cas du Cd1-yMgyTe, cette courbure est faible, et on utilise l'interpolation linéaire donnée par Hartmann et al. [HAR96]. Pour le Cd1-xZnxTe, la courbure est plus importante, mais nous utilisons de faibles concentrations en zinc dans nos alliages ; nous la négligeons donc. En développant l'équation (1), on obtient : α 1 x 2 + α 2 y 2 + α 3 xy + α 4 x + α 5 y + α 6 = 0 (3) avec α 1 = (a1 − a 2 )[((C11 )1 − (C11 ) 2 ) + 2((C12 )1 − (C12 ) 2 )] α 2 = (a1 − a 3 )[((C11 ) 1 − (C11 ) 3 ) + 2((C12 )1 − (C12 ) 3 )] α 3 = (2a1 − a 2 − a 3 )[(C11 ) 1 + 2(C12 )1 ] + (a 3 − a1 )[(C11 ) 2 + 2(C12 ) 2 ] + (a 2 − a1 )[(C11 ) 3 + 2(C12 ) 3 ] α 4 = a ⊥ ((C11 ) 1 − (C11 ) 2 ) + 2a s ((C12 ) 1 − (C12 ) 2 ) + (a 2 − 2a1 )[(C11 )1 + 2(C12 )1 ] + a1 [(C11 ) 2 + 2(C12 ) 2 ] α 5 = a ⊥ ((C11 )1 − (C11 ) 3 ) + 2a s ((C12 )1 − (C12 ) 3 ) + (a 3 − 2a1 )[(C11 ) 1 + 2(C12 )1 ] + a1 [(C11 ) 3 + 2(C12 ) 3 ] α 6 = (a1 − a ⊥ )(C11 ) 1 + 2(a1 − a s )(C12 ) 1 La résolution des deux équations (2) et (3) nous permet de déduire x et y. Dans l'équation (3), les termes quadratiques, sont beaucoup plus petits que les termes linéaires (dans un rapport de 1/10 pour le magnésium, et 1/100 pour le zinc) pour les compositions que nous avons étudiées. Par contre, aucune information n'est disponible concernant d'éventuels termes d'ordre 2 dans l'expression des Cij. Ces termes devraient également intervenir dans le cas précédent de CdZnTe ou CdMgTe : la coïncidence dans ce cas des déterminations par optique et par diffraction X montre que ces termes doivent être faibles. 44 - Etat de contrainte d’une couche Le type d’échantillon particulier que nous avons réalisé (hétérostructures dopées par modulation) nécessite que les couches ne soient pas relaxées, c’est-à-dire que la couche épitaxiée et le substrat aient le même paramètre de maille parallèle. En effet, les dislocations se propageant dans la couche favorisent la diffusion du dopant et l'interdiffusion des alliages. La diffraction X est un bon moyen de savoir si une couche est partiellement, ou complètement, relaxée. En principe, on doit mesurer le paramètre de maille dans le plan de la couche, par des mesures de diffraction sur des plans inclinés. En pratique, on peut se contenter de la mesure de la diffraction (004), le premier signe d’une relaxation étant l’élargissement du pic de diffraction de la couche étudiée. En effet, si la couche est partiellement relaxée, on aura l'apparition d'une mosaïcité qui se traduira par un élargissement du pic de diffraction dans la direction k⊥. On procède alors plutôt à une mesure du type rocking curve. On peut aussi mesurer le désaccord de maille perpendiculaire de la couche examinée, et faire l’hypothèse qu’elle est contrainte sur le substrat. Connaissant par ailleurs son épaisseur grâce aux oscillations de RHEED enregistrées lors de la croissance, on peut vérifier à l’aide de l’abaque (figure 3) si le désaccord de maille mesuré est compatible avec une épitaxie cohérente. 1.5.2 SIMS La caractérisation par SIMS (Secondary Ion Mass Spectroscopy) est une méthode (destructive) qui permet de connaître précisément la composition d’une couche en fonction de la distance à la surface. Cette méthode est aussi très utile pour mesurer la quantité d’impureté dopante dans une couche. 1.6.2.1 Méthode de mesure et résolution Au cours d’une caractérisation par SIMS on abrase l'échantillon étudié à l'aide d'une source d’ions primaires, Cs+ dans notre cas. Des ions secondaires sont libérés et on en mesure le flux en fonction de leur masse. Les particules éjectées, venant des couches atomiques externes de la cible, portent une information sur la composition de la région proche de la surface. En suivant l’intensité du signal pour une ou plusieurs espèces en fonction du 45 temps pendant une abrasion constante, on obtient leur distribution en fonction de la profondeur. La résolution obtenue est à une échelle largement supérieure à la monocouche (typ 50Å). Ceci est dû à différentes causes telles la non planéité du fond du cratère, la présence d’espèces venant du bord du cratère (on limite leur contribution en disposant un masque ne laissant passer que les espèces éjectées par le centre du cratère, ce qui a pour effet de diminuer le signal), ou le mélange dû aux collisions des ions primaires et des atomes constitutifs du matériau. Des problèmes d’interférences entre masses peuvent aussi intervenir puisque l’on forme des ions polyatomiques et des ions élémentaires multi-chargés dont les masses peuvent correspondre. Cette liste n’est pas exhaustive. Habituellement, l'analyse quantitative des mesures SIMS se traduit par la conversion de l’intensité en ions secondaires I(t), mesurée en fonction du temps t, en une concentration C(z), fonction de la profondeur z. Dans la limite des impuretés diluées et pour des matrices homogènes, une relation linéaire entre I et C, et respectivement entre t et z est supposée. Ceci est une simplification énorme. En effet, l’érosion par bombardement ionique induit un mélange des espèces présentes dans la matrice qui se traduit selon le modèle de Liau et al. [LIA79] par une redistribution complète et uniforme de tous ses atomes sur une profondeur λmix appelée profondeur de dislocation. Le modèle rend bien compte des expériences décrivant le profil obtenu sur un plan de dopage : le signal monte très vite de façon quasi exponentielle, selon une pente caractéristique dépendant très peu de l’énergie du faisceau incident, et diminue doucement, la queue étant d’autant plus étendue que l’énergie des ions primaires est élevée. Dans l’hypothèse où une situation stationnaire existe entre la surface de la cible et le faisceau incident d’ions primaires, le signal I(z) après une érosion jusqu'à la profondeur z peut s’exprimer [HO76] comme une intégrale de convolution : +∞ I ( z ) = K * ∫ R( x)C ( z − x)dx −∞ K* est un facteur instrumental, R(x) est la fonction de réponse (ou de résolution) normalisée du SIMS pour une matrice et des conditions de mesure données. Nous garderons par contre l'hypothèse d'une relation linéaire entre le temps d’érosion et la profondeur. Dowsett et al. [DOW94] ont montré que, pour quasiment tous les profils SIMS de plans de dopage qu'ils ont dépouillés ( C(z)=δ(z) ), 46 l'intensité mesurée peut être décrite comme la convolution d'une gaussienne de variance σ, G(z,σ), et d'une double exponentielle E(z,λr,λd) (i.e. E(z,λr,λd)=ez/λr/(λr+λd) pour z ≤ 0 et E(z,λr,λd)=e-z/λd/(λr+λd) pour z ≥ 0 ), soit : R( z ) = G ( z , σ ) ⊗ E ( z , λ r , λ d ) σ z 1 z σ2 exp = + + 2 Q λ r + λ d λ r σ λ r 2λ r avec : Q( y ) = 1 2π +∞ ∫ exp(− q 2 2)dq = y On prend ici pour définition : erf ( z ) = z σ z σ2 + Q − exp − + 2 λd σ λ d 2λ d 1 erfc( y 2 2 π z ∫e −t 2 2) dt (figure 19) 0 erf(z) 1 1/2 0,48 z Figure 19 Fonction erreur erf(z). L'allure de R(z) est donnée dans la figure 20. Les exponentielles E et E' ont pour distances caractéristiques λr et λd respectivement. La variable λd est représentative de λmix définie plus haut. La variable λr traduit la non planéité du fond du cratère. La valeur de λr doit donc se retrouver dans λd, de sorte que λd≥λr. 47 Q(λ r,σ) Q'(λ d,σ) E'(λ d,σ) E(λ r,σ) 1.0 (λ r+λ d)R(z) 0.5 Q'(λ d,σ)E'(λ d,σ) Q(λr,σ)E(λ r,σ) 0.0 -100 -50 0 50 100 150 200 Profondeur (Å) Figure 20 Forme de R(z) avec σ=10,5 Å, λr=21,0 Å et λd=61,7 Å. Les fonctions Q, Q', E et E' sont définies par l'équation R(z)=(QE+Q'E')/(λr+λd). 1.5.2.1 Cas d'un puits quantique a. Puits parfait La fonction C(z) pour un puits quantique parfait (interfaces abruptes) est une fonction créneau que nous appellerons Cr(z,L), dont la largeur est celle du puits quantique L, soit : 0 z > L / 2 C( z) = C 0 z ≤ L / 2 où C0 est la concentration par unité de longueur du matériau considéré et où l'axe z, perpendiculaire au puits, a pour origine le centre du puits. Nous avons calculé la solution analytique de la convolution de cette fonction de concentration avec R(z) : 48 +∞ I ( z ) = K * ∫ R( x)C ( z − x)dx −∞ = K * Cr (z , L ) ⊗ R(z ) L/2 = K C0 * ∫ R( z − x)dx −L / 2 = K* C 0 z + L 2 z − L 2 − erf erf 2 2σ 2σ + λd L z σ² exp − − + 2 λr + λd 2λ d λ d 2λ d − L − 2z − erfc + 2 2σ σ 2λ d + L λr z σ² exp − + + 2 λr + λd 2λ r λ r 2λ r − L + 2z − erfc + 2 2σ σ 2λ r + exp L λ d + exp L λ r L − 2z erfc + 2 2σ L + 2z erfc + 2 2σ La présence d'une solution analytique à cette équation est d'un intérêt considérable. En effet, on va pouvoir ajuster avec cette fonction les profils SIMS de puits dont on sait par ailleurs qu'ils sont presque parfaits (à l'échelle du SIMS) grâce aux mesures de diffraction X et de spectroscopie optique. On en déduit alors les paramètres de la fonction de résolution (λd, λr, et σ). b. Puits interdiffusé On s'intéresse à la diffusion perpendiculaire à la surface de nos échantillons. Dans ce cas, la théorie de la diffusion pour des matériaux isotropes est basée sur l'hypothèse que le taux de transfert d'une substance diffusante, par unité de surface, à travers une surface est proportionnel au gradient de concentration C mesuré perpendiculairement à cette surface (diffusion unidimensionnelle ). Ceci entraîne la première loi de Fick : ∂C ∂ 2C =D 2 ∂t ∂z où D est le coefficient de diffusion, par hypothèse indépendant de z. La solution de cette équation pour une source plan d'une épaisseur infinitésimale est : 49 σ 2λ r σ 2λ d C( z) = z2 exp − 4 Dt 2 πDt M Cette équation décrit l'étalement par diffusion d'une quantité M de substance déposée au temps t=0 sur le plan z=0. Dans l'hypothèse où le matériau déposé a une concentration finie C0 et une épaisseur très petite δL (i.e. M=C0δL), la concentration en fonction de la profondeur peut être écrite comme : C( z) = C 0 δL z2 exp − 2 πDt 4 Dt Pour un puits d'épaisseur L et de concentration C0, l'état initial (t=0) est le même que pour le puits non interdiffusé, c'est-à-dire : 0 z > L / 2 C( z) = C 0 z ≤ L / 2 La solution de l'équation de diffusion dans ce cas est déduite en considérant cette distribution comme étant composée d'un nombre infini de plans sources et en superposant le nombre infini de solutions élémentaires [CRAN75]. En les additionnant sur les intervalles δL, on trouve : C ( z) = C0 z + L / 2 z − L / 2 − erf erf 2 2∆ 2∆ où ∆ = Dt est appelé longueur de diffusion. C(z) est donc la convolution de la fonction créneau Cr(z,L) avec une gaussienne de variance 2 Dt , soit : ( C (z ) = Cr (z , L ) ⊗ G z , ∆ 2 ) L'expression analytique de la fonction d'intensité I(z) est directement déduite de la formule développée dans le cas d'un puits non interdiffusé. En effet : 50 I ( z ) = K * R( z ) ⊗ C ( z ) [ ( )] = K Cr (z , L ) ⊗ [G (z , ∆ 2 ) ⊗ G (z , σ )]⊗ E (z , λ , λ = K * Cr (z , L ) ⊗ G z , ∆ 2 ⊗ [G (z , σ ) ⊗ E (z , λ r , λ d )] * [ )] ( r d ) = K * Cr (z , L ) ⊗ G z , 2∆2 + σ 2 ⊗ E (z , λ r , λ d ) On retrouve alors une pseudo fonction de résolution prenant en compte la longueur de diffusion ∆ en remplaçant σ dans l'expression de R(z) par 2∆2 + σ 2 . Soit R∆(z) cette fonction : ( R∆ ( z ) = Cr (z , L ) ⊗ G z , 2∆2 + σ 2 = 2∆2 + σ 2 1 Q + λ r + λ d λr ) 2 2 exp z + 2∆ + σ λ 2λ 2r 2∆2 + σ 2 r z 2∆2 + σ 2 z + Q − λd 2∆2 + σ 2 2 2 exp − z + 2∆ + σ λ 2λ 2d d La solution de I(z) dans le cas interdiffusé est donc de la même forme que pour le cas non interdiffusé. Il suffit de remplacer la variance σ par 2∆2 + σ 2 dans la formule de I(z) donnée au paragraphe précédent pour obtenir la fonction d'intensité d'un puits interdiffusé dont la longueur de diffusion vaut ∆. Il est donc possible de déterminer la longueur de diffusion ∆ en ajustant numériquement le profil d'intensité du puits quantique étudié. On obtient en effet une mesure de la variance 2∆2 + σ 2 , où σ est mesurée par la même méthode sur un puits non interdiffusé de référence. On remarquera que pour un calcul numérique, il est fondamental de disposer très précisément de la fonction erreur. Le calcul de l'intégrale d'une gaussienne induit des erreurs systématiques à chaque pas de calcul, et une méthode plus précise consiste à utiliser une série convergente : erf ( z ) = 2 π e −z 2 ∞ 2n z 2 n +1 ∑ n = 0 1 × 3 × ... × ( 2n + 1) [ABR65] 51 Par ailleurs, on peut éviter des calculs répétés en faisant une première estimation de l'interdiffusion basée sur la simple mesure de la largeur totale (FWHM) du profil SIMS (figure 21). Approximation par une gaussienne Dans le cas très interdiffusé, une approximation de C(z) est donnée par l'équation suivante : z2 C( z) = exp − 2 πDt 4 Dt C0 L FWHM de I(z) (Å) 1000 Approximation Gaussienne 800 600 0.01 400 R(z) 200 0 0.00 -200 0 200 Position (Å) 0 50 100 150 200 250 300 ∆ (Å) Figure 21 Cercles : largeur à mi hauteur calculée pour la convolution de la fonction de résolution montrée en insertion (déduite des mesures pour le Mg, voir paragraphe 3.4.2) avec le profil de concentration exprimé avec des fonctions erreur pour un puits de 80 Å de largeur, en fonction de la longueur de diffusion. Courbe : largeur à mi hauteur pour la convolution de la même fonction de résolution avec C(z) exprimé avec une gaussienne. Cette approximation est justifiée dans le cas où la longueur de diffusion ∆ est grande devant L, ce qui n'est pas le cas dans nos structures (voir figure 21). 52 La largeur à mi hauteur est donnée dans cette approximation par l'équation suivante : FWHM (∆) = (4∆ )2 ln(2) + L R 2 où LR est la largeur à mi hauteur de la fonction de résolution du SIMS (75 Å dans le cas de la figure 21). 1.6 Caractérisation électrique La caractérisation électrique de semiconducteurs nécessite la prise de contacts. Celle-ci se fait soit par dépôt de métaux solides à la surface du semiconducteur, soit par utilisation de contacts en mercure. La première méthode, délicate à mettre en œuvre, autorise la prise de mesures en faisant varier la température de l'échantillon ou sous champ magnétique. Ceci permet de mesurer la concentration de porteurs par effet Hall. On peut aussi réaliser de cette manière des mesures de capacité-tension (C(V)), mais ce type d'expérience peut avantageusement se réaliser à l'aide de contacts au mercure. Cette méthode, facile à mettre en œuvre et non destructive pour l'échantillon, permet de déterminer le taux de dopage d'une couche uniformément dopée, mais peut aussi être utilisée pour caractériser des couches dopées par modulation, bien que l'analyse soit dans ce cas plus délicate. 1.6.1 Résistivité et effet Hall Le choix du métal que l'on dépose sur le semiconducteur est dicté par deux impératifs : présenter une bonne tenue mécanique pour permettre la soudure de fils, et former un contact le plus ohmique possible pour pouvoir faire circuler un courant. Pour des échantillons dopés de type p, nous évaporons une couche d'accrochage de 200 Å de chrome, suivie par une couche de 3000 Å d'or. Les contacts sur les couches dopées n sont faits par évaporation d'indium. La hauteur de barrière métal/CdTe semble ne pas être corrélée au travail de sortie du métal, mais une corrélation raisonnable avec la réactivité thermodynamique a été montrée par Schmid-Fetzer et al. [SCH98]. Nous avons utilisé deux configurations différentes pour caractériser nos échantillons par effet Hall : (i) la configuration de van der Pauw, facile à 53 mettre en œuvre, mais dont le formalisme n'est pas direct, et (ii) la configuration de barre de Hall, qui nécessite une gravure de l'échantillon, mais qui est plus adaptée à des mesures à basse température. L'article de référence à ce sujet est celui de van der Pauw [VAN58]. 1.6.1.1 La configuration de barre de Hall L'avantage de cette configuration réside dans l'utilisation de plots de prise de contact aussi gros que l'on veut, les lignes de courant passant par la barre centrale. Cependant, cette technique nécessite une gravure de l'échantillon jusqu'au substrat non dopé. Nous avons observé que cette étape peut entraîner l'apparition de courts-circuits entre les plots si on utilise de l'acide lactique, une solution brome-méthanol semble plus adaptée. B O P M N Q R Figure 22 Configuration de barre de Hall. La figure 22 présente un échantillon d'épaisseur d avec six contacts M, N, O, P, Q et R. Dans cette configuration, on injecte un courant iMN dans le contact M pour le faire sortir par le contact N. Pour déduire la résistivité de la couche, on mesure la tension VO-VP entre les deux plots O et P, et pour mesurer la concentration de porteurs, on mesure sous champ magnétique la différence de potentiel VP-VR entre les contacts P et R. En effet, lorsqu'on applique au système un champ magnétique B perpendiculaire à la surface de l'échantillon, les porteurs de charge q subissent une force perpendiculaire aux lignes de courant, et perpendiculaire aux lignes de champ magnétique. Cette force est la force de Lorentz qui s'exprime de la façon suivante : F=qv∧B. La vitesse des porteurs de charge v, la concentration n des porteurs de charge et la densité de courant J, sont liées par la relation v=J/nq. En divisant la force F par la charge q, nous voyons que l'effet du champ magnétique est équivalent à un champ 54 électrique apparent EH, le champ électrique de Hall, pour lequel on peut écrire : EH = 1 JΛB nq La constante de proportionnalité entre EH, J et B est appelée constante de Hall rH : rH = 1 nq Le champ électrique EH a pour effet de peupler positivement le bord OP, et négativement le bord QR, créant ainsi un champ électrique EC qui à l'équilibre vient compenser le champ apparent EH. Sous l'effet du champ magnétique, la différence de potentielle VP-VR est modifiée d'une quantité ∆(VP-VR), qui est donnée par l'intégration de EC entre P et R : R R R P P P ∆(V P − V R ) = − ∫ E C ds = ∫ E H ds = rH B ∫ Jds = rH B i MN d De la mesure du changement de tension entre P et R lorsqu'on applique un champ magnétique, on déduit rH, et par suite n, la densité de porteurs. En pratique, on procède à deux mesures à des champs magnétiques opposés, et on divise par deux la différence de tension mesurée entre les deux cas. 1.6.1.2 La configuration van der Pauw A B D C Figure 23 Montage en configuration van der Pauw 55 La mesure de résistivité ρ dans cette configuration (figure 23) est basée sur le théorème qui stipule que dans le cas où les quatre contacts A, B, C et D sont à la périphérie d'un échantillon de forme arbitraire, on a : πd πd exp − R AB ,CD + exp − R BC , DA = 1 ρ ρ [VAN58] V D − VC avec iAB le courant entrant par A et sortant par B. i AB Il n'est pas possible de déduire une solution analytique de ρ de ce théorème dans le cas général, mais on peut écrire : R AB ,CD = où ρ= πd R AB ,CD + R BC , DA f ln 2 2 où f est un facteur qui est fonction seulement de RAB,CD/RBC,DA. Dans le cas où ce rapport vaut 1, alors f=1. 1.0 0.8 f 0.6 0.4 0.2 0.0 1 10 100 1000 RAB,CD/RBC,DA Figure 24 Variation du facteur de correction f en fonction du rapport des deux résistances indiqué sur la figure. f est déterminée par la relation suivante : 56 (R AB ,CD / R BC , DA ) − 1 ln 2 1 ln 2 cosh = exp (R AB ,CD / R BC , DA ) + 1 f 2 f [VAN58] La variation de f est indiquée figure 24. La mesure du coefficient de Hall dans cette configuration utilise le même formalisme que pour la barre de Hall pourvu que : - les contacts soient très petits. - les contacts soient à la périphérie de l'échantillon. - l'épaisseur de la couche mesurée soit uniforme. Des corrections peuvent être apportées grâce à un calcul numérique dans le cas où ces conditions ne sont pas réunies [WIC54] [WHI73] [CHW74]. 1.6.2 Capacité-Tension La région de désertion d'une barrière Schottky idéale forme grossièrement, avec le contact métallique, un condensateur à plans parallèles. La mesure de sa capacité en fonction de la tension donne des informations directes sur la hauteur de barrière et le taux de dopage d'une couche uniformément dopée, ou à dopage lentement variable ; mais elle peut aussi, à partir d'une analyse moins directe, donner des informations sur la localisation des charges dans une couche présentant un dopage par modulation et des puits quantiques. 1.6.2.1 Le dopage uniforme Nous allons nous intéresser dans un premier temps au cas d'une couche uniformément dopée. Considérons une diode Schottky idéale dont le diagramme de bande est représenté figure 25. 57 V V+∆V BC BV METAL a. b. SEMICONDUCTEUR z z+δz trous c. accepteurs d. charges Figure 25 a. Schéma de bande d'un contact Schottky pour une tension V (traits pleins)et une tension V+δV (traits pointillés). b. Position des trous (+). c. Position des accepteurs (-). d. Charges dans le semiconducteur. Le semiconducteur est uniformément dopé de type p. Faisons dans un premier temps l'hypothèse que tous les accepteurs sont ionisés. Lorsque la tension est augmentée de V à V+∆V, les trous dans la bande de valence sont repoussés d'une distance z à une distance z+δz de la surface du semiconducteur. Le changement de charge dans la région de désertion donne naissance à une capacité. Lors d'une mesure de C(V), on ajoute une tension ∆V variant de façon sinusoïdale dans le temps à une tension V constante. La région de désertion est alors le siège de deux courants : 58 - le courant Jd dû au déplacement des trous qui entrent et qui sortent de la région δz. Jd est donc en quadrature de phase avec la tension. En effet, lorsque la tension atteint un maximum, le flux de charges devient nul, et lorsque la dérivée de la tension par rapport au temps est maximum, le courant est maximum aussi. - le courant de conduction Jc dû au courant inverse de la diode, qui existe même si la tension est constante. Jc est en phase avec la tension. Ainsi, le circuit équivalent de la diode idéale consiste en une capacité en parallèle avec une résistance. Il est possible de déduire la concentration d'accepteurs d'une couche uniformément dopée d'une mesure de capacité en fonction de la tension. En effet, étudions le cas de semiconducteur dopé de type p, et dont tous les accepteurs sont ionisés. Soit NA cette densité d'accepteurs par unité de volume. L'équation de Poisson pour le potentiel électrostatique V s'écrit alors : q( p − N A− ) d 2V 1 d 2 E = =− εε 0 dz 2 q dz 2 p représentant la densité de trous libres, q la charge élémentaire (q=1,602×10-19 C), et E l'énergie des trous. Dans la zone de désertion, p=0, de sorte que le potentiel dans cette zone s'écrit : qN A− z 2 dV V ( z) = + dz εε 0 2 z + V (0) z =0 Nous prenons pour référence de z la limite de la zone de désertion, et pour le potentiel le niveau de Fermi loin dans l'échantillon (voir figure 26). Le potentiel V à la surface (z=LD) est donc : V Surface = V ( L D ) = qN A− L2D 1 − (E F − EV ) εε 0 2 q où EF-EV est la différence d'énergie entre le niveau de Fermi et le haut de la bande de valence dans le volume du semiconducteur (z→-∞). 59 LD N A- N A- z EA, EF BV p+ METAL V Figure 26 Schéma d'une barrière Schottky pour la bande de valence d'un semiconducteur dopé de type p. La longueur de désertion vaut LD. Par ailleurs, la capacité d'un condensateur plan, de surface S, et d'épaisseur LD s'écrit : C = εε 0 S LD ou 1 1 L2D = 2 2 C (εε 0 S ) Ce résultat reste valable car il résulte de l'application directe du théorème de Gauss aux charges dans la tranche δz sous l'effet de la variation de δV. Ainsi, 1/C² est proportionnel à V(LD), le coefficient de proportionnalité dépendant de NA-. La mesure de la capacité en fonction de la tension V permet donc de déduire la densité de dopants pour une couche dopée uniformément. Elle permet aussi de mesurer la hauteur de la barrière Schottky en extrapolant la mesure à 1/C 2 = 0, soit Vsurface = (EV-EF)/q (figure 27). La densité de dopants ionisés se déduit donc de la formule suivante : N A− = 60 2 1 ∂V × ∂ S² qε ε 0 C² −1 1/C² V(0) V Figure 27 1/C² en fonction de V. La pente est proportionnelle à la quantité de dopants, et V(0) représente la hauteur de la barrière Schottky. 1.6.2.2 Le dopage par modulation. Le cas d'une couche dopée par modulation est plus complexe, puisque l'équation de Poisson ne s'intègre plus de façon simple. De plus, les puits quantiques vont piéger des charges et devront aussi être considérés lors du calcul de la courbure de bande. Mais comme ces charges sont "piégées" à une énergie différente de celle de l'accepteur, on "ionisera" en même temps le puits et les accepteurs à une énergie et une position différentes. La capacité est donnée par ∂Q/∂V, où Q est la charge due aux accepteurs non compensés localement. Si V change, Q change à cause du mouvement des porteurs de charges à travers la région de désertion, et non parce que les accepteurs bougent. On peut alors faire l’hypothèse que dans l'expression de ∂C -2/∂V donnée au paragraphe précédent, on peut remplacer NA(z) par p(z), où p(z) est la densité de trous au bord de la zone de désertion. Si la densité d’accepteurs est uniforme, l’intérieur du semiconducteur est électriquement neutre de sorte que p=NA (en supposant une complète ionisation des accepteurs). Par contre, considérons le cas où la densité d’accepteurs change rapidement d’une valeur NA1 pour z<z0 à une valeur NA2 pour z>z0, avec NA1>NA2 par exemple. La densité de trous ne chute pas abruptement de NA1 à NA2 à z=z0, mais décroît lentement (voir figure 28). 61 p NA NA1 p NA2 z0 z Figure 28 Concentration de trous (p) résultant d'une variation abrupte de la quantité d'accepteurs (NA). La région de chaque côté de z0 n’est donc pas neutre électriquement, et a une densité de charge nettement positive pour z>z0 et négative pour z<z0. Cette région non neutre constitue un dipôle qui induit des courbures de bande, comme dans une jonction p-n. La région dans laquelle la densité de trous s’écarte de façon significative de la densité d’accepteurs de chaque côté de la jonction est approximativement égale à la longueur de Debye LD, donnée par la relation suivante : LD = εε 0 kT q2 N A La région d’espace chargée s’étendra donc plus loin du côté le moins dopé. LD vaut approximativement 70 Å à 300K pour NA=3×1017 cm-3, 530 Å pour 5×1015 cm-3. Toute tentative d’obtenir un profil de dopage pour une telle distribution à partir d’une mesure de C(V) montrera donc un élargissement de l’ordre de 500 Å au lieu de transitions abruptes. Dans nos structures, le dopage varie de 3×1017 cm-3 à un taux de dopage résiduel que l’on peut estimer à environ 5×1015 cm-3. La largeur de nos espaceurs non dopés est de l’ordre de 200 Å, ce qui donne au moins 500 Å entre les deux parties dopées qui entourent un puits. On peut donc espérer voir une modulation dans les profils de structures suffisamment dopées. De plus, si le puits est bien peuplé en trous, la longueur de Debye qui lui sera associée sera courte et on pourra voir un pic à la position qu’il occupe. Suite à ce phénomène de moyennage de Debye [KRO81], la seule façon de déduire un profil de concentration de dopants dans nos hétérostructures est de supposer une distribution raisonnable, et de calculer 62 numériquement à quoi doit ressembler le profil de C(V). On peut alors le comparer au profil expérimental, puis affiner le modèle. Les premiers à utiliser cette méthode ont été Johnson et Panousis [JOH71], et Kroemer l’a développée pour les hétérojonctions [KRO80]. Nous avons, pour notre part, développé un programme de calcul dont le principe est exposé dans l'annexe 2. Le cas des puits quantiques est aussi abordé dans cette annexe. En résumé, on ne peut donc plus déduire la densité de dopant simplement de la pente de 1/C² en fonction de V. Nous utiliserons cependant la même formule pour exprimer une concentration de charges effective peff en fonction de la profondeur de désertion z. Le tracé de peff donnera en effet une première information, "brute", sur le dopage de l'échantillon. p eff = 2 1 ∂V × ∂ S² qε ε 0 C² −1 en utilisant la formule donnant la capacité d'un condensateur plan : z eff = εε 0 S C D'un couple de mesures de C et de V, on déduit peff en fonction de zeff, la profondeur depuis la surface. Ensuite, on ajustera le calcul de peff(zeff) obtenu pour des hypothèses raisonnables du profil de l'échantillon. 1.6.2.3 Technique expérimentale La méthode utilisée pour mesurer la capacité de nos échantillons est celle de la prise de contacts grâce à deux électrodes de mercure concentriques. Cette méthode a l'avantage d'être non destructive et de pouvoir être répétée plusieurs fois. Dans notre configuration expérimentale (voir figure 29), l'échantillon est posé sur un bloc de plexiglass dans lequel sont taillés deux sillons annulaires et un disque central. Le sillon le plus externe est relié à une pompe que permet de faire monter le mercure au contact de l'échantillon, et de plaquer l'échantillon contre les électrodes ainsi formées. 63 Anneau de mercure Disque de mercure Echantillon (face épitaxiée vers le bas) Rainure de pompage Cc Cc Pompage A A’ Siphon Hg VUE DE DESSUS COUPE AA’ Figure 29 Configuration du montage de mesure de C(V). La taille de l'échantillon est de 5×5 mm2 (les réservoirs de Hg ne sont pas à l'échelle). Les surfaces de ces deux électrodes ont été mesurées à l'aide d'une camera CCD pouvant voir dans l'infra rouge, et donc à travers un échantillon de CdZnTe (figure 30). La surface a aussi été mesurée à travers une lame de verre et le résultat est tout à fait semblable, soit 1,7×10-3 cm2 pour le disque central, et 33,5×10-3 cm2 pour l'anneau. 1.7x10-3 cm² a. b. 33.5x10-3 cm² Figure 30 a. image CCD de la sonde mercure à travers un substrat de CdZnTe (IR). b. Surfaces mesurées déduites de l'image. Lorsqu'on applique une tension entre les deux électrodes de mercure, on crée une zone de désertion de charges mobiles dans les zones de l'échantillon qui sont en regard des contacts de mercure (figure 31). On est donc amené à mesurer deux capacités C ( en regard du disque central) et C' 64 (en regard de l’anneau) en série. La surface de l'électrode annulaire étant environ 20 fois plus grande que celle de l'électrode centrale, C' est beaucoup plus grande que C, et par suite, la capacité mesurée a une valeur très proche de la capacité C au dessus de la goutte centrale. Semiconducteur Rs C’ C Zones de désertion Hg Hg (anneau) (disque central) Cc Figure 31 C : capacité au dessus de la goutte centrale. C' : capacité au dessus de l'anneau. Cc : capacité de couplage entre les deux colonnes de Hg. Obtenir des informations sur la localisation des charges (et non pas des dopants) suppose que l’on puisse disposer d’un profil de C(V) traduisant réellement ce qui se passe dans la couche. En effet, la mesure de la capacité est entachée de toutes sortes d’erreurs. Les deux principales causes d’erreurs sont : - le couplage capacitif entre les deux sondes à l'extérieur de l'échantillon. Ce couplage est mesuré une remplaçant l'échantillon par une plaque de verre, et génère une capacité de l'ordre de 3 pF. On peut vérifier l'ordre de grandeur de cette capacité en calculant les capacités de couplage. On trouve une capacité de l'ordre de 0,3 pF entre l'anneau et la goutte, et de l'ordre de 3 pF entre les deux arrivées de mercure que l'on modélise par deux cylindres. On trouvera les expressions des capacités dans [PLO78] aux pages 168 et 172. La constante diélectrique du plexiglass vaut 3,12 à 1 kHz, et 2,76 à 1 GHz [LID96]. - le piégeage des charges mobiles sur les défauts profonds dans la zone de désertion : lorsqu'on éclaire un échantillon dopé, qu'on le plonge dans l'obscurité et qu'on mesure sa capacité à tension nulle au cours du temps, on observe une diminution de la capacité jusqu'à une valeur asymptotique. Cet effet, décrit par Goodman [GOO63] et par Kukimoto et al. [KUK73] a été attribué à un processus de recombinaison des excitons créés sur des niveaux profonds lors de l'éclairement. Ces niveaux profonds, nommés aussi pièges profonds, participent à la capacité mesurée tant qu'ils sont ionisés. Ils peuvent êtres de charge positive (donneurs) ou négative (accepteurs). Leur influence sur la mesure de capacité a été étudiée en détail par Kimerling 65 [KIM74]. Cet effet induit donc un accroissement de la capacité. Un moyen de le limiter est d’augmenter la fréquence du signal de test. En effet, si cette fréquence est supérieure à la vitesse de piégeage des charges sur les défauts profonds, leur effet sera diminué. La capacimètre que nous avons utilisé délivre une fréquence de signal de test de 100 kHz maximum. D'après la figure 32, cette fréquence n'est pas suffisante pour complètement s'affranchir de ce piégeage, mais elle permet cependant de beaucoup le limiter. C'est donc cette fréquence de 100 kHz que nous avons utilisée pour nos mesures. Capacité (pF) 1000 100 10 0.1 1 10 100 Fréquence de test (kHz) Figure 32 Capacité mesurée pour une tension de 1 V et une fréquence du signal test variant de 0,1 à 100 kHz sur un échantillon peu dopé de CdZnMgTe:N. Le circuit équivalent de notre montage expérimental est donc celui présenté à la figure 33 (on néglige les effets de bord de contacts, qui induisent une capacité en parallèle avec C de l'ordre de 0,1 pF, et avec C' de l'ordre de 35 pF [COP70]. Nous négligerons par la suite la capacité C', en série avec C, et beaucoup plus grande (de l'ordre des rapports de surfaces, soit 20 fois). 66 C Rs C’ Cc Figure 33 Circuit équivalent de notre montage expérimental. La capacité que l'on veut mesurer est la capacité C. Notre capacimètre mesure l'impédance du circuit, et la traduit soit en terme d'une capacité en parallèle à une résistance, soit en une capacité en série avec une résistances. Soient (CPara, RPara) et (CSérie, RSérie) ces deux couples de valeurs mesurées. Il est bien évidemment possible de passer d'un couple à l'autre par simple transformation mathématique. Il est possible de déduire la capacité C d'un couple de mesure. En effet, le circuit équivalent le plus proche de notre configuration expérimentale est le circuit parallèle. Il est facile de montrer que : C Para = C C + R Para C 1 + ω C 2 RS 2 1 + ω 2 C 2 RS = ω 2 C 2 RS 2 2 La capacité de couplage CC peut être mesurée indépendamment en mesurant la capacité d'une plaque de verre. On n'a donc plus que deux inconnues, que l'on déduit des deux équations, soit : 1 C = (C Para − C C )1 + 2 2 2 ω (C Para − C C ) R Para RS = 1 Cω R Para (C Para − C C ) 2 On peut donc déduire C et RS d'un couple de mesure de CPara et RPara, ou d'un couple de mesure de Csérie et Rsérie. Expérimentalement, la capacité C est de l'ordre de 60 pF, et la résitance RS est de l'ordre de 10 kΩ. 67 160 C 60 140 CSérie Capacité (pF) 40 120 100 CSérie-CC 80 RPara CPara 30 60 20 RS RSérie 10 0 Résistance (k ) 50 40 20 0 100 0 50 50 0 100 RS (kΩ ) RS (kΩ ) Figure 34 Variation des capacités et résistances séries et parallèles en fonction de RS pour un capacité C de 60 pF. 100 100 CSérie C 80 RPara 60 60 CPara 40 40 20 0 80 20 RS RSérie 0 50 C (pF) 100 0 Résistance (k ) Capacité (pF) CSérie-CC 50 0 100 C (pF) Figure 35 Variation des capacités et résistances séries et parallèles en fonction de C pour une résistance RS de 10 kΩ. 68 Les figures 34 et 35 montrent les variations de C et de RS en comparaison avec les couples (CSérie, RSérie) et (CPara, RPara). On constate sur ces figures que la valeur de C est très proche de CSérie-CC pourvu que RS soit de l'ordre de 10 kΩ. C'est effectivement le cas dans la plupart de nos mesures, et on peut s'abstenir de mesurer l'impédance complète pour extraire la valeur de C. Cependant, lors de l'étude fine de couches dopées par modulation, il est préférable de réaliser un mesure complète afin d'éliminer toute erreur due à la capacité de couplage CC. Contact mercure/tellurures Lorsqu'un semiconducteur est au contact d'un métal, il se forme une barrière Schottky. La hauteur de cette barrière dépend de la nature des deux matériaux en contact. La mesure de C(V) permet d'avoir une idée de sa valeur, soit en extrapolant la mesure à 1/C2=0 (voir paragraphe 1.6.2.1), soit en mesurant la capacité (i.e. la profondeur désertée) à tension appliquée nulle. Le résultat de la mesure sur 15 échantillons montre que le niveau de Fermi est bloqué à environ 500 meV au dessus de la bande de valence dans le cas d'un contact avec le mercure. Cette valeur permet d'avoir une désertion de charges de environ 500 Å à tension appliquée nulle pour un dopage de type p de l'ordre de 3×1017 cm-3. Pour le dopage de type n, si on fait l'hypothèse que la hauteur de barrière Schottky reste la même, cette longueur de désertion passe à plus de 800 Å dans le cas du même taux de dopage (pour un gap de 2 eV). La mesure de C(V) au mercure est donc plus adaptée à la mesure du dopage de type p, surtout lorsque le dopage est faible, puisqu'elle suit la formule suivante : LD = 2εε 0V0 qN où N est la densité de dopant, et V0 est la tension de désertion Schottky (0,5 eV pour le dopage p, et EG-0,5 eV pour le dopage n). 69 1.7 Caractérisation optique 1.7.1 Cathodoluminescence La cathodoluminescence permet de faire une cartographie de luminescence de nos échantillons. Le principe en est le suivant : l'échantillon étudié, refroidi grâce à une tresse reliée à un réservoir d'azote liquide, est balayé par un faisceau d'électrons dans un microscope électronique à balayage (MEB). La température atteinte est de l'ordre de 130 K. Les électrons pénètrent dans le cristal sur l'échelle de quelques microns, la longueur de pénétration étant d'autant plus profonde que la tension d'accélération est élevée (voir figure 37). Ces électrons vont alors créer des paires électron-trou qui vont se recombiner radiativement en émettant des photons. Les photons sont alors récoltés par un miroir parabolique qui les envoie vers un montage de spectroscopie extérieur au microscope. On peut alors faire : - soit le spectre de l'échantillon avec une caméra CCD via un monochromateur (on intègre alors la lumière émise par toute la surface balayée par le faisceau d'électrons). - soit une cartographie d'intensité de luminescence de la zone balayée par les électrons avec un photomultiplicateur (PM) (L'énergie est fixée avec le monochromateur). Une image est obtenue en synchronisant l'enregistrement du signal en intensité du PM avec le balayage électronique. Les caractéristiques de notre montage expérimental, présenté figure 36, sont les suivantes : MEB (Jeol JSM 35C) Tension d'accélération : Résolution maximale : 5 à 40 kV 0,1 µm Monochromateur réseau 1 600 traits/mm réseau 2 1800 traits/mm 70 bande 350-1100 nm bande 200-800 nm PM caméra CCD Microscope Electronique à Balayage miroir détecteur d’électrons (ZnS) monochromateur miroir parabolique miroir échantillon lentille Figure 36 Schéma de principe du montage de cathodoluminescence. La profondeur de pénétration des électrons dans nos échantillons dépend de la tension d'accélération. La figure 37 présente cet effet. Il est intéressant de noter que l'échelle de modulation de la profondeur de pénétration que l'on peut atteindre est de l'ordre de grandeur de l'épaisseur de nos couches. On peut donc exciter plus ou moins sélectivement soit la couche, soit le substrat, soit les deux. Figure 37 Profondeur de pénétration des électrons dans le Cd0,5Mg0,5Te calculée par D. Hervé [HER95]. 71 1.7.2 Photoluminescence - Réflectivité - Transmission Les caractérisations optiques par photoluminescence (PL), réflectivité (REFL), transmission (TRANS) et excitation de photoluminescence (PLE) ont été réalisées par Axel Haury, André Wasiela et Yves Merle d'Aubigné, du laboratoire de Spectrométrie Physique, et par Stéphane Lovisa, Vincent Huard, Ronald Cox et Kuntheak Keng du laboratoire de Physique des Semiconducteurs du CEA. Nous avons utilisé ces caractérisations pour l'étude de couches épaisses dopées (PL), pour vérifier la qualité optique de nos puits quantiques (PL, REFL, TRANS, PLE), pour déterminer la quantité de charges transférées dans les puits (PL, REFL, TRANS, PLE), et enfin pour mesurer l'aimantation dans les puits (PL). Outre les différences de montages expérimentaux, ce qui caractérise ces trois expériences est le fait que la PL sonde les densités d'états modulées par un facteur de population (thermique) qui privilégie les états souvent extrinsèques, et que la REFL, la TRANS et la PLE permettent d'obtenir des informations sur les densités d'états intrinsèques. Dans le cadre de notre étude, les mesures d'optique permettent en particulier de mesurer la population en charges libres des puits quantiques (déplacement de Moss-Burstein), et de sonder leur état magnétique (effet Zeeman). 1.7.2.1 Déplacement de Moss-Burstein On peut déterminer la concentration de charges dans un puits quantique grâce à la comparaison entre la PL d'une part, et la REFL ou la TRANS ou la PLE d'autre part. La PL d'un puits quantique rempli de trous jusqu'au niveau EF présentera un pic correspondant à la transition directe e1-hh1. Par contre la TRANS, ou la REFL, montent un continuum à partir de EF (figure 39). La séparation du pic de PL et du début du continuum d'absorption est nommé déplacement de Moss-Burstein, noté ∆MB. Dans l'approximation parabolique, on peut écrire : ∆MB = 72 !2kF 2m e 2 * + !2kF 2 2m hh * avec EF = !2kF 2 2m hh * ce qui permet de mesurer le vecteur d'onde pour l'énergie de Fermi kF. On peut alors directement déduire de cette mesure la densité p de trous 2D : p = ρ 2D E F où ρ2D est la densité d'état à deux dimensions et vaut : ρ 2D = m* π! 2 E e1 TRANS REFL PLE PL k EF hh1 kF Figure 38 Transitions observables en PL et en TRANS, REFL ou PLE pour un gaz de Intensité lumineuse trous dans un puits quantique. ∆ MB PL TRANS Energie Figure 39 Déplacement de Moss-Burstein. 73 1.7.2.2 Déplacement Zeeman Lorsqu'on applique un champ magnétique on modifie la structure de bande de l'échantillon (voir paragraphe 1.2.2). En effet, le champ magnétique a pour effet de séparer les niveaux électroniques. Cette séparation est d'autant plus importante que le champ magnétique est élevé. Dans le puits quantique semimagnétique, on a la configuration suivante : E +1/2 -1/2 e1 σ+ σ- k hh1 +3/2 -3/2 Figure 40 Structure de bande dans un puits quantique sous champ magnétique. On a une séparation en énergie des deux polarisations circulaires σ+ et σ . Cette séparation est appelée déplacement Zeeman. - Dans le cas d'un semiconducteur semimagnétique, cet effet est augmenté par la polarisation des spins de manganèse. On a alors un effet Zeeman géant proportionnel à l'aimantation des spins de manganèse (voir paragraphe 1.2.2.2). La mesure du déplacement Zeeman permet donc de déterminer l'état d'aimantation du système de spins localisés. 74 Chapitre 2 Dopage uniforme de couches épaisses 2.1 Introduction Afin de réaliser des hétérostructures dopées p par modulation dans lesquelles on obtient une densité de charges 2D suffisante à l'observation d'une transition de phase ferromagnétique, il est nécessaire de doper des couches comportant 25 à 30% de magnésium à des taux de l'ordre de quelques 1017 cm-3 (voir chapitre 3). De même, la réalisation de structures à puits quantiques de CdxMn1-xTe dopées n nécessite un taux de dopage équivalent de couches comportant de l'ordre de 15% de magnésium. L'étude présentée dans ce chapitre n'est donc pas une étude exhaustive du dopage p ou n de nos matériaux, mais montre plutôt comment nous avons atteint les taux nécessaires à la réalisation de nos hétérostructures. 2.2 Etat de l'art Le dopage d'un semiconducteur consiste à remplacer un élément de la matrice par une impureté ne possédant pas le même nombre d'électrons de valence. On a alors un surplus de charges (électrons ou trous) dans le matériau. La maîtrise du dopage est d'un intérêt technologique considérable puisqu'il permet la prise de contact et le transport de courant dans les composants usuels, ainsi que dans les dispositifs tels que les diodes électroluminescentes et les lasers. A l'époque où les II-VI semblaient prometteurs pour la réalisation de lasers bleu-vert (ZnSe, CdMgTe), leur dopage a été intensivement étudié. Si le dopage de type n du CdTe s'est avéré relativement aisé grâce à l’indium ou mieux à l’iode, le dopage de type p est quant à lui plus difficile. Les meilleurs taux de dopage ont été atteints avec 75 l'impureté azote dans le ZnTe, avec environ 1020 trous par centimètre cube, alors que dans les couches de CdMgTe (25% de Mg), ce taux n’excédait pas 1016 cm-3. Nous allons présenter dans le paragraphe suivant les résultats obtenus sur le CdTe, le ZnTe et le CdMgTe avant notre étude. Nos propres résultats seront développés dans la suite de ce chapitre. 2.2.1 Dopage de type p Le dopage de type p des tellurures s'est avéré très difficile. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec l'impureté azote. Les taux de dopage atteints avant notre étude sont résumés dans le tableau suivant. Dopant Site substitutionnel As P Sb N VI VI VI VI Dopage maximum CdTe ZnTe (cm-3) 1016 [ARI90] 1016 4.1017 [HIS89] 16 5.10 [BIC86] 1.1018 [KIT81] 1018 1020 [BAR94] Tableau 1 Dopages maximum atteints pour le dopage de type p (la valeur du dopage obtenue sur le CdTe:N est issue de ce travail). L'arsenic permet d'atteindre facilement des taux de dopage de l'ordre de 1016 cm-3. Il est possible de doper plus fortement (quelques 1018 cm-3), mais la pression résiduelle dans le bâti d'épitaxie devient alors très forte. L'antimoine semble doper le ZnTe à 1018 cm-3, mais ce record de Kitagawa n'a pu être reproduit au laboratoire [BRU95], et n'a pas été confirmé par d'autres publications. L'azote a quand à lui été utilisé avec succès pour le dopage de couches de CdTe et ZnTe massives, mais son efficacité chute de façon notoire lorsque l’on introduit du magnésium dans les couches, dans les conditions usuelles d'EJM [BAR96]. 76 2.2.2 Dopage de type n Les différents dopants qui ont été utilisés pour le dopage de type n du CdTe par EJM sont l'indium, le chlore, le brome et l'iode. Nous avons expérimenté l'aluminium qui, à notre connaissance, n'avait jamais été utilisé en EJM pour le dopage de tellurures. Le tableau suivant résume les meilleurs taux de dopage qui ont été obtenus avec ces impuretés ; les résultats que nous avons obtenus avec l'aluminium, présentés pour comparaison, seront détaillés dans la suite de ce chapitre. Dopant Site substitutionnel In Cl Br I Al II VI VI VI II Dopage maximum Cd0,75Mg0,25Te CdTe (cm-3) 1018 [BAS93] 1016 [BAS93] 3.1018 ε 18 3.10 [WAA93] 1016 18 17 7.10 [BAR96] 5.10 [BAR96] 19 10 1018 Tableau 2 Dopages maximum atteints pour le dopage de type n. Les valeurs données pour l'aluminium sont issues de cette étude. L'indium est le dopant qui a été utilisé au laboratoire pour la réalisation de structures quantiques. C'est notamment grâce à cette impureté que l'observation de l'exciton chargé négativement X- a été rendue possible [KHE93]. Son efficacité baisse notoirement dans les couches comportant du magnésium, de sorte qu'il n'est pas possible d'atteindre un dopage suffisant pour avoir une couche de CdMgTe dégénérée. Ce point est pourtant essentiel pour la réalisation de contacts électriques qui ne "gèlent" pas à basse température. Le chlore et le brome, bien que bons dopants pour le CdTe, voient, tout comme l'indium, leur efficacité chuter fortement lorsqu'on ajoute du magnésium. L'iode est une impureté qui permet d'atteindre des taux de dopage suffisant pour disposer d'une couche de CdMgTe dégénérée, mais l'utilisation d'une source d'iode est délicate à mettre en œuvre dans un bâti d'épitaxie. 77 2.3 Niveaux donneurs et accepteurs Nous allons nous intéresser ici aux niveaux peu profonds. Le modèle hydrogénoïde est le modèle le plus simple pour calculer l'énergie de liaison des accepteurs et des donneurs. Il est basé sur l'idée que la fonction d'onde décrivant le porteur de charge (électron ou trou) lié à l'impureté s'étale sur plusieurs atomes du réseau cristallin. L'interaction de Coulomb est alors traitée comme dans le cas de l'atome d'hydrogène. L'énergie de liaison d'un porteur de charge lié à une impureté (la masse réduite de l'ensemble est alors égale à la masse de la particule) est donnée par la relation suivante : E H = 13600 m* ε r2 m0 meV La masse des électrons étant moins élevée que celle des trous, on s'attend à ce que le niveau donneur soit moins profond (par rapport au haut de la bande de conduction) que le niveau accepteur (par rapport au bas de la bande de valence). De plus, lorsque l'on accroît la concentration N des impuretés dopantes, un phénomène de diminution de leur énergie de liaison est constaté expérimentalement. Il a été montré [DEB54] que l'énergie d'activation suit une équation du type : E ( N ) = E (0) − αN 1 / 3 On définit alors une énergie de liaison d'un donneur ou d'un accepteur dans la limite d'une dilution infinie E(0). Dans le cas d'un semiconducteur compensé par exemple de type p, on a : − E A ( N A ) = E A0 − α ( N A )1 / 3 = E A0 − α ( N D )1 / 3 avec 4π α = 3 3 1/ 3 q2 4πεε 0 Les valeurs des énergies de liaison à la limite de dilution infinie des accepteurs et des donneurs, déterminées expérimentalement dans le CdTe et le ZnTe, sont résumées dans les tableaux 3 et 4 : 78 ZnTe 1s3/2 (meV) 59 modèle hydrogénoïde 61 Li 62,8 Na 149 Cu 123 Ag 272 Au 53,6[GRU96a] N P As Sb 63,5 78,5 2s3/2 (meV) 17,1 18,2 18,3 22,8 29 18,3 19,7 CdTe 1s3/2 (meV) 56,8 2s3/2 (meV) 15,8 58 15,1 58,7 15,4 146,0[MOL84] 21,6[MOL84] 107,5[MOL84] 19,6[MOL84] 263,0[MOL84] 28[MOL84] 56,0[BAR98] 17,5[DHE94] 55,0[DHE94] 68,2 17,4 92 18,8 51,0[DHE94] 15,5[DHE94] Tableau 3 Energie d’ionisation des accepteurs. Les énergies d'ionisation des accepteurs qui ne sont pas référencées proviennent de [MAG82] pour le ZnTe, et de [MOL83] pour le CdTe. CdTe modèle hydrogénoïde Ga In Cl 1s3/2 (meV) 13,7 13,83 14,08 14,48 2s3/2 (meV) 3,4 3,46 3,52 3,62 Tableau 4 Energie d’ionisation des donneurs [FRA85]. 2.4 Dopage de type p Le dopage de type p de tellurures massifs à l'aide de l'azote a été intensivement étudié au laboratoire par T. Baron au cours de sa thèse. Celuici n'a cependant pas réussi à doper convenablement des couches comportant du magnésium. Ce point étant fondamental pour la réalisation de nos hétérostructures, nous avons poursuivi cette étude en utilisant une cellule qui semble mieux adaptée que celle qu'il a utilisée. Il s'agissait en effet d'une cellule DC plasma (Discharge Current) avec laquelle il est difficile de moduler la quantité d'azote émis. Dans le cas du CdTe, T. Baron a dû utiliser la technique du dopage par modulation pour optimiser ses résultats, ce qui 79 suggérait qu'une diminution du flux incident pouvait donner de meilleurs résultats. 2.4.1 La cellule de plasma d'azote La cellule de plasma d'azote que nous avons utilisée a été fabriquée au laboratoire, et a été mise au point pendant l'année d'étude post-doctorale de M. Grün qui a précédé ma thèse. Il s'agit d'une cellule de type ECR (Electron Cyclotron Resonance). 2.4.1.1 Description de la cellule ECR De l'azote ultra-pur (7N) à une pression typique de 10-5 Torr est excité par un signal micro-onde (2,453 GHz à 50 W) via une antenne. Un champ magnétique, fourni par des aimants permanents, est appliqué au système. Ce champ est localement de 875 Gauss, de sorte que la fréquence de giration des électrons est de 2,5 GHz, ce qui permet un couplage optimal entre l'excitation et les électrons en résonance cyclotron. On a alors la formation d'un plasma rose/violet dont on peut contrôler l'état grâce à un hublot monté sur la cellule. Figure 1 Schéma de la cellule ECR utilisée. La position des deux aimants permanents (non représentés ici) a été optimisée pour que la puissance réfléchie soit la plus petite possible. 80 La figure 1 présente le schéma de notre cellule ECR. L'antenne excitatrice en inox a une longueur qui a été optimisée à λ/4 soit 3 cm afin de réduire la puissance du signal réfléchi. Son diamètre est de 6 mm. Il a été calculé pour que l'impédance entre l'antenne et la paroi intérieure de l'enceinte soit la même au niveau de la base de l'antenne que dans le câble coaxial et dans le connecteur. Le diamètre interne de la cellule augmente continûment jusqu'au centre de la cellule. On évite ainsi toute discontinuité d'impédance qui a pour effet d'augmenter la réflexion du signal micro-onde. Cette configuration est issue de discussions avec M. Chamel. L'enceinte est alimentée en continu en azote à l'aide d'un régulateur de débit massique et est pompée par une pompe turbo, de façon à atteindre une pression stationnaire lorsque la cellule est fermée sur elle même, mais aussi lorsque la cellule est ouverte sur la chambre d'épitaxie. Enfin la cellule s'échauffe rapidement lorsqu'elle fonctionne, et un système de refroidissement externe a été ajouté à l'aide d'une circulation d'eau à travers un tube de cuivre qui l'entoure. Un jet d'air comprimé sur le connecteur a aussi été testé, mais sans succès, celui-ci rendant le plasma instable, sans doute à cause des vibrations qu'il provoque. A l’inverse d’une cellule DC plasma, notre cellule ECR permet de moduler le taux d’azote envoyé sur le substrat sur plusieurs décades. Les différents paramètres que l'on peut modifier sont les suivants : - la puissance de l'excitation micro-onde. Le générateur peut fournir jusqu'à 300 watts de puissance. L’intensité lumineuse du plasma est d’autant plus grande que la puissance est élevée (voir figure 9) mais une puissance supérieure à 65 W induit une dégradation rapide de la cellule et de l’antenne (pulvérisation cathodique), ce qui se traduit par un dépôt métallique au niveau du connecteur (voir figure 1) qui devient conducteur. La puissance de travail standard est de 40 W. - le débit d'azote entrant dans la cellule. (Le débit du pompage par la pompe turbo est fixé à son maximum.). Pour un débit compris entre 3,2 et 1,7 cm3/min, l'intensité lumineuse portée sur la figure 2 est faible et fluctue beaucoup. Entre 1,7 et 1 cm3/min, l'intensité lumineuse montre un petit sursaut, mais le plasma est toujours instable. Entre 1 et 0,25 cm3/min, l'intensité lumineuse du plasma augmente très rapidement lorsque le débit d'azote baisse, jusqu'à atteindre un sommet, diminue légèrement puis remonte, pour s'annuler enfin à environ 0,25 cm3/min. Le plasma s'est alors éteint. 81 Extinction Intensité lumineuse (u.a.) 1.0 Débit de travail Régime brillant 0.5 Régime sombre 0.0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 3 Débit d'azote (cm /min) Figure 2 Intensité lumineuse du plasma mesurée avec un photomultiplicateur en fonction du débit d'azote injecté dans la cellule pour une puissance d'excitation de 40W. Deux régimes sont donc clairement identifiables: un régime où le plasma est sombre, pour des débits supérieurs à environ 1,5 cm3/min, et un régime brillant pour des débits inférieurs à 1 cm3/min (figure 1). On peut aussi observer ces deux régimes grâce au hublot ; en régime sombre, le plasma rose-jaunâtre se trouve décalé vers le connecteur de l'antenne, alors qu'en régime brillant (plasma rose-violacé), il s'étend sur toute la cellule. Les fluctuations d'intensité lumineuse du plasma en régime sombre traduisent une instabilité du plasma. En effet, un plasma dans ce régime peut s'éteindre à tout moment. Le passage du régime transitoire au régime brillant a lieu de façon très brutale pour un débit d’environ 1 cm3/min. Les deux modes brillant et sombre ont aussi été identifiés par E. Kurtz [KUR96] avec une cellule RF. E. Kurtz a obtenu une meilleure efficacité de dopage lors de l’utilisation du plasma dans son mode brillant. C'est aussi ce que nous avons observé pour le dopage de nos couches. A cause de fluctuations du débit d'azote injecté, le débit de travail ne peut être fixé à la limite d'extinction. C'est pourquoi nous utilisons une plage de débit de sécurité de 0,08 cm3/min au-dessus de l'extinction. 82 La stabilité du plasma peut aussi être visualisée en traçant la valeur de la puissance effectivement fournie par le générateur à la cellule en fonction du débit d'azote injecté. On constate sur la figure 3 que la puissance fournie par le générateur ne fluctue que sur une plage de 3 watts pour le régime brillant, alors que cette fluctuation s'étend sur une plage de 10 watts dans le régime sombre. Ces observations sont concordantes avec les fluctuations d'intensité lumineuses montrées par la figure 2. 50 Puissance (W) 40 30 Régime éteint brillant transitoire sombre 20 10 0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3 Débit d'azote (cm /min) Figure 3 Puissance fournie par le générateur pour un consigne de 40 W en fonction du débit d'azote injecté dans la cellule. - le diamètre du diaphragme séparant la cellule plasma de la chambre d'épitaxie. Ce diaphragme est un simple trou circulaire au centre d’un disque d’inox de 2 mm d’épaisseur (le disque est aminci au niveau du trou). Plus le diaphragme est grand à fonctionnement identique du plasma, plus la quantité d’azote envoyée sur le substrat est grande. Nous avons utilisé des diaphragmes dont les diamètres vont de 1 à 8 mm. Le diaphragme de 2 mm de diamètre est utilisé pour toutes nos hétérostructures, alors que le diaphragme de 8 mm est utilisé pour le dopage du ZnTe lors de la réalisation de couches de contact. 83 2.4.1.2 Analyse du plasma L’efficacité du dopage azote du ZnSe semble fortement dépendre de la présence d’atomes neutres dans le plasma, comme le montre très clairement l’étude entreprise par l’équipe de Yao [KIM97a] [KIM97b]. Cependant, comme l'a montré M. Grün [GRU96b], il n'est pas évident que l'azote atomique soit le seul responsable du dopage des tellurures. Il est intéressant d'avoir une idée des espèces chimiques formées dans notre plasma. Nous avons donc réalisé une étude spectrale en plaçant une fibre optique derrière le hublot de contrôle. Les spectres sont enregistrés par une caméra CCD via un monochromateur constitué d'un réseau de 600 traits/mm (résolution de 0,3 nm pour une étendue spectrale de 750 nm). Des mesures identiques ont déjà été réalisées par M. Grün [GRU96b] sur une cellule dont le principe de fonctionnement est similaire. Ce dernier a entre autre suivi le signal de l'azote atomique en fonction de la puissance d'excitation avec un photomultiplicateur et un spectromètre de masse. Notre étude complète celle de M. Grün grâce à la mesure de l'ensemble du spectre du plasma pour une large étendue spectrale. On a pu ainsi mieux identifier la présence de l'azote atomique dans notre plasma. 4 2.0x10 1000 Longueur d'onde (nm) 800 700 600 500 400 er 1 positif 4 1.5x10 Intensité (cps) infra-rouge IR de Herman Azote atomique 4 1.0x10 Ledbetter's-Rydberg er 1 négatif Goldstein-Kaplan nd 2 positif Vegard-Kaplan vert de Gaydon 3 5.0x10 0.0 10000 15000 20000 -1 25000 Energie (cm ) Figure 4 Spectre d’intensité lumineuse du plasma d’azote pour une puissance d’excitation de 40 W et un débit de 0,50 cm3/min. Les systèmes de transitions moléculaires sont indiqués par les traits. La vanne d’isolation avec la chambre d’épitaxie est fermée. 84 Le spectre de notre plasma est présenté figure 4. Le signal de l'azote atomique est noyé dans d'autres signaux plus intenses. Ceci est différent du spectre obtenu par Vaudo [VAU94] sur un plasma d'azote généré par une cellule radio fréquence commerciale (Oxford Applied Research), qui présente des raies très fines et très prononcées aux énergies de transitions atomiques. Ce spectre du plasma est dominé par des transitions de la molécule d'azote neutre. Il comporte deux régions distinctes dont la séparation se situe vers 19000 cm-1. (i) Au dessous de cette énergie, le spectre est surtout dominé par les transitions du premier système positif de la molécule d'azote neutre [PEA76], comme le montre la figure 5. On retrouve aussi les raies de luminescence résiduelle infra-rouge (Afterglow IR system). Longueur d'onde (nm) 11001000 900 Intensité (cps) 1.5x10 1.0x10 5.0x10 800 700 600 4 4 3 0.0 10000 12000 14000 -1 16000 18000 Energie (cm ) Figure 5 Agrandissement de la figure 4 sur la partie basse énergie du spectre. Les lignes verticales représentent la position en énergie des raies tabulées du premier système positif de la molécule d'azote. Leur intensité (normalisée) est celle qu'elles présentent lors d'une décharge de courant. Les lignes pointillées proviennent du système de luminescence résiduelle IR. Le premier système positif, majoritaire dans cette gamme d'énergie, donne sa couleur violette au plasma. Ce système, aussi observé dans des 85 tubes de décharges, fournit les principales raies de vibration du spectre de l'azote actif (dans le sens spectroscopique du terme). On constate un bon accord entre l'enveloppe en intensité des raies du système donné dans la littérature et celles de notre spectre. Ce système correspond à la transition suivante : B 3 Π g − A 3 Σ u+ On distingue aussi quelques raies caractéristiques de la luminescence résiduelle infra-rouge de la molécule d'azote neutre (en pointillés sur la figure 5) qui sont habituellement masquées par le premier système positif. Ces raies sont caractéristiques du spectre d'azote très pur. Ce système correspond à la transition : B' 3 Σ u− − B 3 Π g Intensité (cps) Longueur d'onde (nm) 1x10 4 5x10 3 500 450 400 0 20000 22000 24000 -1 26000 Energie (cm ) Figure 6 Agrandissement de la figure 4 sur la partie haute énergie du spectre. Les lignes verticales représentent la position en énergie et l'intensité (normalisée) des raies tabulées du premier système négatif de l'ion N2+. Les lignes pointillées proviennent du second système positif de la molécule d'azote neutre. 86 (ii) La partie haute énergie de notre spectre (figure 6) est dominée par le spectre du premier système négatif de l'ion N2+, et dans une moindre mesure du second système positif de la molécule d'azote neutre. Le premier système négatif correspond à la transition : B 2 Σ u+ − X 2 Σ +g et le second système positif : C 3Π u − B 3Π g On constate un bon accord entre la position en énergie et les intensités relatives des raies de ces deux systèmes par rapport à notre spectre. De plus, ces deux systèmes expliquent toutes les raies observables dans cette plage d'énergie. Le premier système négatif a été observé dans des tubes de décharges pour de très basses pressions, ce qui est le cas de notre plasma. 900 Longueur d'onde (nm) 860 840 820 880 Intensité lumineuse (u.a.) 4 4 800 4 0 3s P - 3p P 10000 1x10 3 5x10 0 11000 2 4 2 0 4 3s P - 3p D 3s P - 3p P 0 5000 0 11500 -1 12000 12500 Energie (cm ) Figure 7 Agrandissement du spectre de la figure 4 sur la plage d'énergie comportant les raies de l'azote atomique. Les positions des raies [STR68] des transitions atomiques indiquées au-dessus du spectre sont représentées par les lignes verticales. 87 Le spectre de notre plasma montre la présence de la molécule d'azote neutre et de l'ion N2+. On peut aussi distinguer la production d'azote atomique par notre cellule comme le montre la figure 7. Les raies dues à l'azote atomique sont peu marquées mais sont présentes. On peut suivre leur variation d'intensité pour une puissance fixée en faisant varier le débit (figure 8), ou en faisant varier la puissance à débit équivalent (figure 9) (on se place à 0,08 cm3/min au-dessus du débit d'extinction). 2.2 Intensité intégrée (u.a.) 2.0 er 1 négatif + N2 40 W 1.8 1.6 N atomique 1.4 2 positif 1.2 N2 er 1 positif nd 1.0 0.8 0.6 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3 Débit (cm /min) Figure 8 Variation de l'intensité intégrée des raies 3s4P→3p4P0 de l'azote atomique (ronds pleins), normalisée à 3cm3/min, en fonction du débit d'azote injecté pour une puissance d'excitation de 40 W, comparée aux variations en intensité intégrées des raies de la molécule d'azote neutre (1er et 2nd système positif en carrés et ronds évidés), et de l'ion N2+ (1er système négatif, croix). On constate sur la figure 8 que les raies caractéristiques de l'azote atomique sont plus intenses lorsqu'on se rapproche du débit d'extinction. Cependant, les raies de la molécule d'azote (neutre ou ionique) suivent la même variation. On remarque de plus que la variation d'intensité est beaucoup plus marquée pour l'ion N2+ que pour les autre espèces. 88 Intensité intégrée (u.a.) 0.10 0.08 0.06 0.04 0.02 0.00 30 40 50 60 70 Puissance (W) Figure 9 Variation de l'intensité intégrée des raies 3s4P→3p4P0 de l'azote atomique (ronds pleins), normalisée à 70 W, en fonction de la puissance d'excitation pour un débit de 0,08 cm3/min en dessous du débit d'extinction, comparée aux variations en intensité intégrées des raies de la molécule d'azote neutre (1er et 2nd système positif en carrés et ronds évidés), et de l'ion N2+ (1er système négatif, croix). La figure 9 montre que, quelle que soit la puissance, les variations en intensité des raies des différentes espèces sont équivalentes. Au-dessus de 65 W, le plasma est beaucoup plus lumineux, mais s'accompagne d'une forte dégradation de la cellule, qui subit un pulvérisation cathodique. On ne peut donc pas privilégier la présence d'une des trois espèces identifiées en variant le débit ou la puissance d'excitation. Le débit donnant le plus d'espèces excitées a été préféré, soit légèrement au-dessus du débit d'extinction (0,08 cm3/min). Ce débit, facilement reproductible, correspond aussi à une zone de bonne stabilité du plasma. La variation de la puissance permettra de moduler le niveau de dopage. 2.4.2 Dopage du ZnTe Le ZnTe se dope très facilement, et on peut atteindre relativement aisément des taux de quelques 1020 cm-3. De ce fait, il est utilisé pour réaliser des contacts électriques sur les diodes laser bleues à base de ZnSe de 89 Sony (l’équipe de Würzbourg préférant utiliser une couche de BeTe dégénérée qui a l’avantage d’être en accord de maille avec le ZnSe). -3 densité de trous libres (cm ) 18 3x10 18 2x10 18 1x10 0 0 100 200 300 400 500 600 700 P . Φ ² (Wmm²) Figure 10 Densité de trous libres mesurée sur des couches de ZnTe par effet Hall à la température ambiante pour différentes valeurs de la puissance d'excitation du plasma (P), et pour différents diamètres Φ de diaphragme. La figure 10 montre la variation de densité de dopage, mesurée par effet Hall sur différentes couches de ZnTe, en fonction des deux paramètres significatifs : la surface du diaphragme, proportionnelle à Φ2, et la puissance d'excitation P. On constate que le taux de dopage suit de façon quasi linéaire la multiplication de ces deux paramètres. Nous l'appellerons efficacité de la cellule. Nous utiliserons cette variable pour comparer entre eux les taux de dopage atteints sur nos couches. 2.4.3 Dopage du CdTe Nous n'avons pas effectué d'étude intensive sur le dopage du CdTe. En effet, ce matériau, que nous avons utilisé pour nos puits quantiques, ne sera pas dopé dans nos hétérostructures. 90 Toutefois, nous avons obtenu un taux de dopage de 8×1017 cm-3, en utilisant notre cellule ECR dans son régime de fonctionnement standard (40 W, diamètre du diaphragme Φ=2 mm). La température de croissance est de 280°C, avec une vitesse de croissance de 0,5 mc/s, et un excès de cadmium (Cd/Te = 2). Ce taux de dopage est nettement supérieur à celui obtenu par T. Baron avec la source DC plasma (1017 cm-3 [BAR98]) On peut noter que l'on a obtenu un taux de dopage similaire avec les mêmes conditions de cellule sur une couche de ZnTe. Il semble donc qu'il n'y ait pas de phénomène de compensation pour une dopage de 8×1017 cm-3 dans le CdTe. 2.4.4 Dopage du Cd0.65Zn0.08Mg0.27Te Le Cd0.65Zn0.08Mg0.27Te est le matériau que nous allons utiliser comme barrière dopée dans nos hétérostructures. Le choix de cet alliage est justifié au chapitre 3 (ces compositions, choisies dans le but d'utiliser cet alliage dans des hétérostructures dopées, permet d'obtenir un décalage de bande de valence avec le CdTe suffisant pour obtenir un transfert de charge). La figure 11 résume le taux de dopage mesuré par C(V) en fonction de la puissance d’excitation et de la surface du diaphragme, pour deux températures de croissance différentes : une température haute (310°C), et une température basse (240°C). Les couches sont réalisées sous excès de cadmium (ΦII/ΦVI=1,3). Leur épaisseur est de l'ordre du micron, selon la couche. On remarque rapidement que le dopage est plus efficace lorsque la température de croissance est abaissée. Pour les deux températures, on observe d’abord une croissance du dopage, puis une chute lorsque l'efficacité de la cellule augmente. La série élaborée à basse température présente une pente plus abrupte que la série épitaxiée à haute température. Le taux de dopage est cependant inférieur à celui obtenu sur les couches de ZnTe, pour les mêmes conditions de cellule. L'efficacité du dopage chute très rapidement lorsque l'on augmente l'efficacité de la cellule au-delà de 240 Wmm2 pour les échantillons élaborés à basse température, alors que cette chute est beaucoup moins marquée pour les couches élaborées à 310°C. 91 17 4x10 Ts=310°C Ts=240°C 17 3x10 -3 p (cm ) Φ = 2 mm, P = 40W 17 2x10 17 1x10 0 0 500 P.Φ ² (Wmm²) 2500 2600 Figure 11 Variation du taux de dopage du CdZnMgTe mesuré par C(V) en fonction de l'efficacité de la cellule (noter la discontinuité de l'abscisse entre 1000 et 2000 Wmm²). La ligne pointillée représente le taux de dopage sur les couches de ZnTe, à titre de comparaison. On peut attribuer cette chute de l'efficacité du dopage à un phénomène de compensation. L'efficacité du dopage est donc plus élevée lorsque l'on abaisse la température de croissance de notre alliage, tant que l'efficacité de la cellule est inférieure à 240 Wmm2. Nous avons choisi de travailler à une efficacité de 160 Wmm2, soit à 40 W pour un diaphragme de 2 mm de diamètre pour les raisons suivantes : - un dopage de l'ordre de 3.1017 cm-3 est en effet suffisant pour nos hétérostructures (voir chapitre 3), - une puissance supérieure risque de détériorer l'antenne de la cellule, - un diaphragme plus grand, accompagné d'un débit d'azote injecté plus grand pour maintenir la stabilité du plasma, augmente la pression résiduelle dans la chambre d'épitaxie, - enfin, cette efficacité de cellule nous permet de ne pas approcher de trop près la zone "dangereuse" de 240 Wmm2, qui d'après les couches élaborées à haute température, est d'autant plus basse que la température de croissance est basse. Ceci nous a permis de réaliser des hétérostructures dopées à 220°C (voir chapitre 4), sans dégradation du dopage des barrières. 92 2.4.5 Dopage du CdMgTe Afin de déterminer l'évolution du dopage d'alliages en fonction de leur concentration en magnésium, et plus particulièrement autour de 27% de Mg, nous avons réalisé six couches. Les couches sont réalisées sous excès de cadmium (ΦII/ΦVI=1,3). La température de croissance est contrôlée à chaque couche par l'observation de la température de fusion d'un morceau d'étain collé sur le molyblock (Tfusion=232°C). Nous avons élaboré deux séries d'échantillons à deux températures différentes, qui sont les températures que nous avons utilisées dans nos hétérostructures "optimisées". Les résultats que nous avons obtenus sont résumés sur la figure 12. 17 8x10 CdTe à 280°C 40 W 2 mm 17 -3 p (cm ) 6x10 17 4x10 17 2x10 0 0 5 10 15 20 25 30 35 % Mg Figure 12 Taux de dopage p obtenu sur des couches de Cd1-xMgxTe à 220°C (cercles) et 240°C (carrés) pour une puissance de cellule de 40 W, et un diaphragme de 2 mm de diamètre. La couche de CdTe a été élaborée à 280°C. Deux caractères sont à noter : (i) le taux de dopage baisse lorsque la concentration en magnésium atteint 30%. Cet effet a aussi été remarqué par T. Baron [BAR98] pour des couches élaborées à 300°C. (ii) le taux de dopage est d'autant plus élevé que la température de croissance est basse. 93 Le dernier point est en accord avec les couches de quaternaires présentées au paragraphe précédent. Or, le dopage du Cd1-xZnxTe ne semble pas dépendre de la température de croissance [BAR98]. Nous en concluons que c'est la présence du magnésium dans nos alliages qui rend le dopage très sensible à la température de croissance. 2.5 Dopage de type n L’aluminium était suggéré par Park et Chadi [PAR95] comme étant un dopant pour le CdTe qui permettrait d’atteindre des taux de dopage de l’ordre de 6×1019. L’iode étant un très bon dopant, mais délicat à utiliser, et l’indium ne permettant pas d’obtenir des couches dopées supérieures à 1018 cm-3, l’aluminium nous a parut être une bonne solution. En effet, son utilisation dans un bâti d’épitaxie ne pose pas de problème majeur. Il faut cependant rester prudent lors du refroidissement de ce matériau, et plus particulièrement lorsqu’il se solidifie. Si cette étape est trop rapide, l’aluminium liquide qui s’est étalé sur les parois du creuset risque de le détériorer en se rétractant. 2.5.1 Efficacité du dopage du CdTe Nous avons élaboré une série de couches épaisses de CdTe:Al pour différentes températures de cellule d'aluminium. L'activité électrique du dopant a été caractérisée par C(V) ou par effet Hall. Les mesures d'effet Hall ont été réalisées par D. Ferrand. La comparaison de ces résultats avec les mesures de SIMS permettant de mesurer la quantité d'aluminium contenue dans les couches donne accès à l'efficacité du dopant. Le résultat de ces mesures est résumé dans la figure 13. On constate un très bon accord entre la concentration en aluminium et la concentration de porteurs. Ceci signifie que les couches dégénérées sont peu ou pas compensées, même pour un taux de dopage de 1,1×1019 cm-3. 94 19 -3 Concentration (cm ) 10 18 10 17 10 16 10 SIMS C(V) effet Hall 580 600 620 640 660 680 700 720 740 760 780 Température de la cellule Al (°C) Figure 13 Concentration en aluminium mesurée par SIMS, et concentration d’aluminium actif mesurée par C(V) ou par effet Hall en fonction de la température de la cellule d'Al. La ligne pointillée correspond à une énergie d'activation de 2,9 eV. Nous avons réalisé une couche épaisse de CdTe dopée avec une température de cellule d'aluminium de 800°C, ce qui correspond à une concentration d'aluminium visée de 5×1019 cm-3. Nous n'avons pas pu mesurer une concentration de porteurs sur cette couche, qui est probablement compensée. 2.5.2 Etude optique La figure 14 présente les spectres de luminescence de trois couches nommées M1011, M1012 et M1052, dont les taux de dopage valent respectivement 3×1016, 1,5×1017 et 1,1×1019 cm-3. Les deux premières valeurs ont été évaluées par C(V), et la troisième par effet Hall. Ces trois couches ont toutes été élaborées selon le schéma suivant : - un substrat de Cd0,95Zn0,05Te, - une couche tampon de CdTe épaisse de 1000 Å, élaborée à 340°C sous excès de Cd (ΦCd/ΦTe=2), - une couche de CdTe:Al de 5000 Å d'épaisseur, élaborée à 230°C, sous excès de Cd (ΦCd/ΦTe=1,6). 95 La couche de CdTe est partiellement relaxée (f=3.10-3,voir la figure 3 du chapitre 1). M1052 19 -3 Intensité de PL (u.a.) ND=1,1.10 cm M1012 17 -3 ND=1,5.10 cm ... DAP-1LO DAP M1011 16 -3 ND=3.10 cm 1.3 1.4 1.5 1.6 Energie (eV) Figure 14 Spectre de photoluminecence à 2 K de trois couches de CdTe:Al avec différents taux de dopage (mesures effectuées par S. Lovisa, V. Huard et K. Kheng). Les spectres de ces trois échantillons présentent deux zones différentes : i. la zone de recombinaison excitonique (1,56-1,63 eV) correspondant aux recombinaisons d'excitons liés sur des impuretés. Ces complexes ont une énergie de formation hν égale à l'énergie de l'exciton libre (X) diminuée de l'énergie de localisation de l'exciton sur l'impureté EL : hν = X − E L avec 96 X = EG − E X où EG est le gap du CdTe et EX l'énergie de liaison de l'exciton libre. Les valeurs numériques de ces énergies dans le CdTe sont : E G = 1606 meV E X = 10 meV E L (donneur ) = 3 meV E L (accepteur ) = 7 meV Le gap excitonique du CdTe sera donc à une énergie de Eg=1596 meV, alors que celui du substrat sera à une énergie de Esubstrat=1613 meV. ii. la zone de recombinaison des paires donneur-accepteur neutres D0A0 (1,35-1,55 eV), aussi notée DAP. Regardons tout d'abord de plus près ce qui se passe dans la première zone (figure 15). Le spectre de la couche très dopée (M1052) a été mesuré sur cette partie en augmentant la sensibilité de la détection. Ceci permet de distinguer deux raies : une raie à 1614,6 meV, et une raie moins fine à 1610,5 meV. La séparation de 4 meV et la forme de ces deux raies laissent penser qu'il s'agit des raies D0X et A0X du substrat respectivement. Les spectres des couches moins dopées (M1011 et M1012) présentent les raies que nous avons identifiées comme : - la raie de la transition excitonique du CdTe à X=1596,1 meV, - la raie de la transition des excitons liés sur les donneurs D0X à 1593,6 meV, soit 3 meV sous la raie du gap excitonique. Notons que cette raie est plus intense pour le spectre de l'échantillon le moins dopé que pour le plus dopé, relativement à la raie X. Cette raie est suivie par une réplique de phonons optiques longitudinaux (LO) à une énergie environ 21 meV plus bas (raie D0X-1LO). - la raie de la transition des excitons liés sur des impuretés acceptrices A0X à 1589,8 meV, suivie par sa réplique phonon A0X-1LO (notons que la raie A0X associée au cuivre est située à 1589,6 meV [MOL84b]). La raie A0X est plus intense pour l'échantillon le plus dopé (toujours relativement à la raie X). - les deux échantillons M1011 et M1012 présentent une raie de faible intensité située à environ 2,5 meV au-dessus de la raie de l'exciton libre X. La couche de CdTe étant en légère contrainte sur un substrat de Cd0,96Zn0,04Te (il s'agit d'une contrainte résiduelle, la couche étant partiellement relaxée), on s'attend à une levée de dégénérescence trous 97 lourds - trous légers, et cette raie peut être attribuée à une transition excitonique électron-trou léger. Dal'Bo a mesuré un écart de 5 meV entre les raies excitoniques correspondant au trou lourd et au trou léger, sur une couche d'épaisseur comparable [DAL88]. L'écart est ici plus faible, mais la couche peut être plus relaxée dans des conditions de croissance différentes. 0 A XSubstrat M1052 19 -3 Intensité de PL (u.a.) ND=1,1.10 cm 0 AX X 0 D XSubstrat 0 A X-1LO M1012 0 DX 17 -3 ND=1,5.10 cm 0 D X-1LO M1011 16 -3 ND=3.10 cm 1.56 1.57 1.58 1.59 1.60 1.61 1.62 Energie (eV) Figure 15 Agrandissement des spectres de la figure 14 pour la première zone. La zone s'étendant de 1,3 à 1,55 eV est dominée par la transition des excitons liés à des paires donneur-accepteur (transition DAP)(figure 16). Celles-ci présentent en plus une série de raies à plus basse énergie pour les spectres des échantillons M1011 et M1012. Ces séries de raies sont bien connues et sont attribuées à des répliques de phonon LO impliquant plusieurs phonons. L'espacement entre ces raies notées DAP-1LO, 2LO,..., peut en effet être mesuré très précisément, et vaut pour ces deux échantillons (voir figure 17) : M1011 : M1012 : 98 LO = 20,58 ± 0,05 meV LO = 20,54 ± 0,05 meV Ces valeurs sont en-deçà de celle qui est communément admise pour le CdTe, soit entre 21,0 et 21,4 meV selon les références [MAY95][MEN85]. 2LO M1012 17 -3 ND=1,5.10 cm 3LO Intensité de PL (u.a.) 4LO 6LO 5LO DAP-1LO DAP M1011 16 -3 ND=3.10 cm 1.30 1.35 1.40 1.45 1.50 Energie (eV) Figure 16 Agrandissement de la figure 14 pour la deuxième zone pour les deux échantillons les moins dopés. 99 Energie (meV) 1.45 1.40 LO = 20,54 meV LO = 20,58 meV 1.35 1.30 0 1 2 3 4 5 6 7 n° de la réplique phonon LO Figure 17 Position en énergie des raies des répliques phonon. Nous avons déconvolué les raies des répliques phonon par des gaussiennes dont la largeur vaut 8 meV. Les surfaces de ces gaussiennes, An, évoluent avec le nombre n de phonons impliqués. En effet, elles traduisent la force d'oscillateur Fn de chaque transition, qui est régit à 0 K par une loi de distribution statistique du type distribution de Poisson [DEA79], soit : An ∝ Fn ∝ e −S S n n! où S, appelé facteur de couplage de Huang-Rhys [HUA50], est égal à la valeur moyenne du nombre n de phonons impliqués. Nos mesures étant effectuées à 2 K, on a kT << LO, de sorte que l'on puisse appliquer cette statistique. Pour nos échantillons, le facteur S vaut (voir figure 18) : S = 1,8 ± 0,1 100 S=1,75 S=1,85 DAP An (u.a.) DAP M1012 M1011 0 1 2 3 4 5 6 7 0 1 2 3 4 5 6 7 nombre de phonons impliqués n Figure 18 Aire de la gaussienne ajustant la raie associée à la transition impliquant n phonons LO en fonction de n pour les échantillons M1011 et M1012. Les traits pleins sont les ajustements donnant les valeurs de S indiquées, les traits pointillés correspondant à une variation de S de ±0,5. S est en fait représentatif du couplage entre les excitons et les phonons LO. Ce facteur est d'autant plus élevé que l'exciton est localisé sur les impuretés. Les niveaux accepteurs étant plus profonds que les niveaux donneurs, S va surtout être sensible à la localisation des trous sur les accepteurs. Ainsi, les valeurs de S données par la littérature pour différents types d'accepteurs dans le CdTe sont : Impureté Au Cu Ag As Sb S 3,1 1,9 0,9 0,3 0,3 EA 1s3/2 (meV) 163 146,0 107,5 59 51 Référence [MOL84] [MOL84] [MOL84] [BAS97][CER96] [BAS97][CER96] Tableau 5 Facteur de couplage de Huang-Rhys pour les accepteurs dont l'énergie de liaison est rappelée. 101 On peut noter la corrélation entre l'énergie de liaison de l'accepteur et S. Notre valeur de S est très proche de celle trouvée par Molva [MOL84] sur des couches de CdTe dopées au cuivre. On peut déduire la somme des énergies de liaison du donneur ED et de l'accepteur EA de la position en énergie EDAP de la raie DAP. En effet : E DAP = E G − ( E A + E D ) + q2 4πεε 0 R Le dernier terme est l'énergie d'interaction Coulombienne EC-DA entre l'accepteur et le donneur ionisé, où R est la distance moyenne séparant les paires donneur-accepteur. A défaut d'une description précise de la répartition des donneurs et des accepteurs, une estimation de R est donnée par la formule suivante : R ≈ (πN D ) −1 / 3 Ce qui donne avec ε = 9,7 [KHE93]: pour ND = 3.1016 cm-3, ND = 1,5.1017 cm-3, ND = 1,1.1019 cm-3, R ≈ 220 Å R ≈ 130 Å R ≈ 30 Å et et et EC-DA = 6,7 meV EC-DA = 11,4 meV EC-DA = 49,5 meV Les valeurs de EDAP pour les échantillons M1011 et M1012 sont respectivement 1,4577 et 1,4609 eV, et par suite, on obtient pour ED+EA : M1011 M1012 E D + E A = 155,0 meV E D + E A = 156,5 meV On a donc E D + E A = 155,7 ± 1,0 meV Nous ne connaissons pas l'énergie de liaison du donneur aluminium, mais il est raisonnable de penser que cette énergie est de l'ordre de 10 meV (donneur hydrogénoïde). Ainsi, l'énergie de liaison de l'accepteur serait de 145,7 meV. Or, d'après les travaux de Molva et al., l'énergie de liaison de l'accepteur cuivre vaut 146 meV [MOL84], ce qui est tout à fait comparable. 102 Le facteur de couplage de Huang-Rhys, proche de celui trouvé sur des couches de CdTe:Cu et l'énergie de liaison de l'accepteur, proche de celle du cuivre dans le CdTe, nous permettent d'émettre l'hypothèse suivante : l'impureté responsable du centre accepteur visible en photoluminescence dans nos couches est le cuivre. De plus, la pureté de l'aluminium que nous avons utilisé pour le dopage a été analysée par GDMS (Glow Discharge Mass Spectrometry) par le fournisseur, et il s'avère que le cuivre est la principale impureté présente, avec un taux de l'ordre de 0,21 ppm. Kuhn et al. [KUH92] ont étudié des couches de CdTe dopées à l'indium et au chlore en PL sous champ magnétique. Ils ont ainsi pu attribuer leur raie à 1,475 eV à une recombinaison de l'exciton sur une paire donneuraccepteur avec pour impureté acceptrice le cuivre. Ils éliminent ainsi l'hypothèse selon laquelle cette raie pourrait être attribuée à une recombinaison D0X avec un donneur profond du type site de cadmium vacant. Cette conclusion est aussi confirmée par les travaux de Figuera et al. [FIG86]. En ce qui concerne l'échantillon dopé à 1,1×1019 cm-3 (M1052), la large bande centrée à environ 1,49 eV (voir figure 14) a également été observée par Baron [BAR96] et par Bassani [BAS93] sur des couches de CdTe fortement dopées à l'iode et à l'indium. Ils ont associé cette raie à une forte compensation. Si le dopage augmente, on s'attend à voir pousser la transition bandeniveau eA0 à EG(+ ∼kT)-EA=1,46 meV. La raie observée est un peu trop haute, mais elle est très large. Il faudrait des spectres pour des échantillons de compositions intermédiaires pour mieux identifier cette raie. 2.6 Conclusion Cette étude, qui ne se veut pas exhaustive, nous a permis d'obtenir un taux de dopage p de l'ordre de 3×1017 cm-3 sur des couches comportant jusqu'à 30% de magnésium. Ce taux est suffisant pour la réalisation d'hétérostructures dopées par modulation. C'est pourquoi nous ne l'avons pas poursuivie. En particulier, il serait intéressant d'augmenter la concentration en magnésium au dessus de 30%. Le dopage à l'aluminium, de type n, est aussi très prometteur, puisqu'il permet d'obtenir un dopage de l'ordre de 1019 cm-3 sur le CdTe, et de 1018 cm-3 sur du Cd0,7Mg0,3Te. Ces taux de dopage permettent d'envisager 103 des couches dégénérées comportant du magnésium, ce qui n'est pas possible avec l'indium. La présence du cuivre dans nos couches de CdTe:Al, peut provenir de la charge d'aluminium elle-même. Il serait intéressant de la changer contre celle d'un autre fournisseur, qui garanti un taux de cuivre moins élevé dans ses charges. L'aluminium peut aussi prétendre a être utilisé dans des hétérostructures dopées par modulation. Nous avons donc réalisé ce type d'échantillons, qui donnent des résultats très satisfaisant (voir chapitre 3 et 4). 104 Chapitre 3 Dopage par modulation d’hétérostructures : interdiffusion lors du dopage de type p 3.1 Introduction On appelle hétérostructure une structure multicouche formée de l’association de plusieurs matériaux. En utilisant la différence de gap et les décalages de bandes entre différentes couches, on peut former des puits de potentiel pour les électrons de la bande de conduction, et pour les trous de la bande de valence, suivant la direction perpendiculaire aux couches. On aura alors au moins un niveau de confinement énergétique, voire plus selon la profondeur et la largeur du puits. On parle de puits quantique, et de système 2D (à deux degrés de liberté, parallèlement aux couches, voir chapitre 1). Le but de cette étude est de fabriquer une hétérostructure comportant des puits quantiques qui contiennent quelques pour cent de manganèse et une densité suffisante de charges pour que leur interaction avec les spins de Mn soit observable. Pour créer un excès de charges dans les puits, on va doper les barrières, de type n ou p, et trouver les conditions optimales pour que les électrons ou les trous se transfèrent des barrières vers les puits. Cette technique est appelée dopage par modulation. Elle permet une séparation spatiale des charges mobiles et de leurs impuretés génitrices [STO79]. Ce procédé a été développé initialement pour la réalisation de structures comportant un gaz d'électrons de très haute mobilité, les impuretés étant écartées du chemin des électrons [STO83]. Dans notre cas, il nous permettra d'obtenir un gaz de trous libres, bi-dimensionnel, de faible densité, à basse 105 température, alors que les porteurs d'un système 3D seraient "gelés" dans les mêmes conditions (formation d'accepteurs neutres). 3.2 Transfert de charges On va dans un premier temps analyser les paramètres critiques dont va dépendre la densité de charges dans le puits quantique. eED BC D+ D+ e1 e1 hh1 A- hh1 A- EA BV h+ Transfert d’électrons Transfert de trous Figure 1 Bandes de valence et de conduction (BV et BC) d'une hétérostructure dopée de façon symétrique n ou p dans les barrières. Le transfert de charges vers le puits quantique entraîne une courbure des bandes [CIB92]. Le niveau de Fermi est supposé bloqué sur le niveau dopant (semiconducteur partiellement compensé à basse température). La figure 1 montre la différence entre une hétérostructure dopée n (à gauche) et une hétérostructure dopée p (à droite). Deux facteurs vont désavantager le transfert des trous dans le cas du dopage p : i. le niveau accepteur est grossièrement cinq fois plus profond que le niveau donneur, avec 60 meV contre 14 meV approximativement dans un alliage proche de CdTe (voir chapitre 2). Ainsi, le fond du puits quantique devra être plus profond dans le cas du dopage p que pour le dopage n pour obtenir un transfert de charges équivalent (pour des niveaux de dopage équivalents). ii. le décalage de bandes entre les puits et la barrière se répartit pour les deux tiers dans la bande de conduction, et donc pour un tiers dans la bande de valence avec les alliages que nous utilisons (voir le paragraphe suivant). Ainsi, pour une même composition d'alliage de barrière, le puits sera plus profond dans la bande de conduction que dans la bande de valence, 106 d'où, là encore, un transfert de trous moins efficace qu'un transfert d'électrons pour la même configuration. On peut quantifier la quantité de charges transférées dans un puits quantique en fonction des différents paramètres qui peuvent intervenir, soit (voir figure 2) : - le taux de dopage des barrières : plus il sera élevé, plus le gaz de charges 2D sera dense, - la largeur de la barrière non dopée qui sépare le puits de sa partie dopée. On appelle cette zone un espaceur, de largeur LS. Plus l'espaceur sera petit, et plus le transfert de charges sera effectif. On sera cependant limité par des problèmes structuraux qui limitent sa largeur à une centaine d'angströms au minimum (voir plus loin), - la profondeur du puits. Plus le puits est profond, plus le transfert est effectif. Largeur de l'espaceur (Å) 0 500 1000 12 12 10 17 -3 NA = 3.10 cm EP = 133 meV EP = 133 meV LS = 200Å -2 Population du puits (cm ) 10 LS=200 Å 17 -3 NA = 3.10 cm 11 11 10 10 10 10 10 10 15 16 17 18 19 10 10 10 10 10 -3 Dopage de la barrière (cm ) 0 100 200 300 Profondeur du puits (meV) Figure 2 Population en charges d'un puits quantique dans une structure à dopage symétrique en fonction du taux de dopage dans la barrière (à gauche), de la largeur des deux espaceurs (au centre), et de la profondeur du puits (à droite) pour les paramètres fixes donnés sur la figure (avec m* = 0,25 m0). Les traits pointillés indiquent le point de croisement des trois courbes. La profondeur du puits Ep correspond à la hauteur de barrière par rapport au premier niveau confiné. L'énergie de liaison de l'exciton sur le niveau accepteur, EA, est de 60 meV. On néglige la courbure dans le puits et la renormalisation (interaction trou-trou). 107 Les paramètres standards de nos couches sont indiqués par les traits en pointillés sur la figure 2. Un calcul simplifié permet d'obtenir un ordre de grandeur de la population de trous. En effet, dans l'hypothèse où les barrières sont très fortement dopées, la longueur de désertion dans la région dopée tend vers zéro, et on peut écrire : 2q(E P − E A ) q 2 LS 1 + εε 0 ρ 2D où EP est le décalage de bande de valence entre la barrière et le premier niveau de confinement dans le puits, et où EA est l'énergie de liaison de l'exciton sur le niveau accepteur (EA=60 meV). p= On obtient à l'aide de cette formule les courbes pointillées de la figure 2. Avec un dopage de l'ordre de 3×1017 cm-3, qui est un dopage expérimentalement réalisable (voir chapitre 2), on obtient une population dans le puits qui est très proche de la densité maximale. Comme nous le verrons au paragraphe suivant, les deux paramètres les plus difficiles à moduler sont le taux de dopage des barrières et la profondeur des puits. Nous les avons donc optimisés, et ils restent semblables sur quasiment toutes nos hétérostructures. La variation de la densité de porteurs dans les puits est obtenue par l'utilisation de largeurs d'espaceurs différentes. 3.3 Choix des matériaux Afin d'attirer un nombre important de charges, il est nécessaire que le puits soit profond, d’où l’intérêt de choisir des matériaux présentant le plus grand décalage de bande de conduction (resp. valence) possible pour les structures dopées n (resp. p). En effet, le premier niveau confiné dans le puits doit se trouver à une énergie inférieure (resp. supérieure) à celle du niveau donneur (resp. accepteur). Le nombre de charges qui transfèrent ainsi dans le puits dépendra directement de la valeur du décalage de bande. De plus, il est important pour la qualité structurale que l’ensemble de l’hétérostructure soit en accord de maille avec le substrat. Nous verrons que ce point semble être particulièrement sensible pour les échantillons dopés p. Enfin, le choix du substrat est motivé par sa transparence en vue d'études optiques en transmission. 108 Les structures que nous avons retenues pour satisfaire à toutes ces conditions sont composées de puits de CdTe, entourés de barrières de Cd1-x-yZnxMgyTe, et élaborées sur substrats de Cd0,88Zn0,12Te. Nous allons développer ici les raisons de ce choix. 3.3.1 Le puits Le point central de nos échantillons est le puits quantique. Le matériau de choix pour un puits quantique est le CdTe avec un gap de 1,6 eV à 2 K. Ce matériau présente l'avantage de pouvoir incorporer du manganèse de façon aléatoire sur les sites cadmium. Le manganèse est la base de l'effet magnétique que nous cherchons à mettre en évidence. Ainsi, les puits que nous avons étudiés sont des puits de Cd1-xMnxTe (0 ≤ x ≤ 0.05). Leur largeur est de 80 Å. Les valeurs des masses effectives que nous avons utilisées sont données en annexe 1. 3.3.2 Le substrat Les études magnéto-optiques qui vont être menées imposent de faire des mesures de transmission et de photoluminescence à une énergie proche de celle de la transition excitonique fondamentale du puits (typiquement 1,62 eV). Le substrat doit donc être transparent à cette énergie. Les substrat envisageables sont de type CdTe ou Cd1-xZnxTe. L'incorporation de zinc diminue le paramètre de maille , augmente le gap, et améliore la qualité cristalline. Les substrats de CdTe sont de mauvaise qualité cristalline, et ne sont pas transparents au-delà de 1606 meV. Les substrats de Cd0,96Zn0,04Te (gap de 1627 meV) sont d'une excellente qualité cristalline ; ils ont été développés pour l'accord de maille avec le CdHgTe (gap 3-5 µm). Par contre, ils ne permettent l'étude en transmission que de puits de CdTe larges (niveau de confinement au fond du puits). Les substrats de Cd0,88Zn0,12Te dont le gap est 67 meV plus grand que celui du CdTe, permettent d'envisager des puits quantiques comportant jusqu'à 4% de manganèse (cas large). Leur qualité est moins bonne que les substrats de 4% de Zn, mais la technologie utilisée pour leur réalisation est analogue. Les substrats de Cd0,80Zn0,20Te, bien que transparents pour l'optique (gap à 115 meV au dessus du CdTe), sont délicats à utiliser quant à l'accord 109 de maille, une plus grande dose de zinc étant plus difficile à maîtriser. De plus, ces substrats, qui sont en début de développement pour la croissance du ZnMgTe, sont de moins bonne qualité cristalline. Nous avons donc utilisé des substrats comportant 12% de zinc, qui constitue le meilleur compromis pour notre étude. 3.3.3 La barrière Le MgTe a un gap 3,356 eV à 2 K et un décalage de bande dans la bande de valence avec le CdTe d'environ un tiers de la différence de gap [WEI98] (figure 3), ce qui fait du magnésium un élément essentiel pour les barrières. Par contre, le décalage de bande de valence entre le CdTe et le ZnTe est très faible [WEI98], et le zinc n'influera quasiment pas sur les profondeurs des puits quantiques. 2500 e de Band Energie (meV) 2000 n uctio cond 1500 1000 500 Bande de va lence 0 -500 0 10 20 30 40 50 60 x Mg (%) Figure 3 Interpolation linéaire pour le Cd1-xMgxTe de la répartition du décalage de bandes entre le CdTe et le MgTe (référence en énergie : haut de la bande de valence de CdTe). En pointillés, décalage de bande de valence de 200 meV par rapport à CdTe. Dans le cas du dopage p, on va utiliser un alliage à base de magnésium comme matériau barrière. Compte tenue de la variation du gap 110 de Cd1-xMgxTe avec x, il est nécessaire que x soit compris entre 0,25 et 0,3 pour avoir un décalage de bande de valence permettant un transfert de charges notable dans le puits. Cependant, le fait de devoir doper les barrières limite le taux de magnésium à environ 30% au maximum (cf. chapitre 2). De plus, le Cd0,73Mg0,27Te n’est pas en accord de maille avec un substrat de Cd0,88Zn0,12Te. Il est donc nécessaire d’ajouter du zinc à l’alliage. La figure 4 montre la composition d’un alliage de Cd1-x-yZnxMgyTe en accord de maille avec un substrat de Cd0,88Zn0,12Te. 1.0 0.8 y Mg 0.6 0.4 Non dopable p 0.2 Dopable p 0.0 0.00 0.04 0.08 0.12 x Zn Figure 4 Composition d’un alliage de Cd1-x-yZnxMgyTe en accord de maille avec un substrat de Cd0,88Zn0,12Te. Le trait pointillé représente la concentration maximum en magnésium au dessus de laquelle la couche n'est pas dopable. Ainsi, la solution que nous avons adoptée est une hétérostructure de puits quantiques de Cd1-xMnxTe, (0 ≤ x ≤ 0,05, voir paragraphe 1.2.2.2) et de barrières de Cd0,65Zn0,08Mg0,27Te dopées p par modulation. Dans le cas du dopage n, la réalisation des hétérostructures est moins complexe puisque nous avons obtenu un taux de dopage de l'ordre de 1018 cm-3 sur une couche de Cd0,7Mg0,3Te à l'aide de l'aluminium. Il n'est de toute façon pas nécessaire d'introduire tant de magnésium dans la couche, le décalage de bande dans la bande de conduction avec le CdTe étant très favorable. De plus, l'énergie de liaison d'un donneur est cinq fois plus petite que celle d'un accepteur. Ainsi, nous avons utilisé le Cd0,754Zn0,096Mg0,15Te comme matériau barrière. Cette couche est en accord de maille sur un substrat de Cd0,88Zn0,12Te. Nous n'avons donc pas eu besoin d'optimiser 111 davantage les paramètres de croissance pour réaliser les échantillons présentés au paragraphe 3.5. 3.4 Dopage de type p : étude de l'interdiffusion Nous avons vu qu'il est fondamental d'utiliser du magnésium dans les barrières dopées, avec une concentration qui doit être de 25 à 30% pour permettre un transfert efficace de charges. T. Baron [BAR96] a élaboré lors de sa thèse des hétérostructures dopées à l'azote avec des barrières comportant 25% de magnésium. Il a alors dressé le constat suivant : - l'introduction d'azote à l'intérieur d'une hétérostructure contenant du Mg conduit à un bouleversement de ses propriétés optiques et structurales, - la modulation périodique du paramètre de maille, mesurée par diffraction X sur des super-réseaux, est détruite au profit d'une distribution continue du paramètre de maille, - la localisation du dopant dans la couche semble jouer un rôle mineur, dans la mesure où les propriétés des couches dopées dans les barrières ou dans les puits sont similaires, et il conclut qu'un tel phénomène ne peut avoir lieu que si les barrières et les puits interdiffusent violemment, ce qu’il a confirmé par des mesures de SIMS. Ceci constitue l'état de l'art avant notre étude... Nous avons constaté nous aussi de l'interdiffusion dans nos superréseaux. Identifiée grâce à la diffraction X, elle a été confirmée par des mesures d'optique. Afin de comprendre quels sont les paramètres critiques dans l'apparition de ce phénomène, nous avons réalisé une série d'échantillons. Les résultats de cette étude sont exposés au paragraphe 3.4.1 de ce chapitre. Le paragraphe suivant montre comment les mesures de SIMS expliquent les spectres optiques et les profils de diffraction X des structures interdiffusées. La cathodoluminescence nous a, en outre, permis d'identifier une partie de la cause de ce phénomène. Les six échantillons étudiés ici comportent tous cinq puits quantiques de 80 Å (= 25 mc) de largeur, entourés par des barrières de largeur LB d'environ 780 Å. Les barrières entourées par des puits sont dopées sur une largeur LD, centrée sur la barrière. La barrière de surface et la barrière la plus proche de la couche tampon sont dopées sur une largeur LD/2 décentrée de 112 manière à ce que seule la demi-barrière la plus proche du puits soit dopée (voir figure 5). Barrière dopée PQ1 Barrière non dopée PQ2 PQ3 PQ4 Ld Lb PQ5 Buffer de Cd0.88Zn0.12Te Puits quantique Substrat de Cd0.88Zn0.12Te Figure 5 Schéma des échantillons étudiés. Les caractéristiques particulières des échantillons présentés ici sont résumées dans le tableau suivant : Nom Surnom M702 M703* M676 M704 M705 M748** D0-310 D10-310 D30-310 D0-240 D10-240 D30-240 Dopage des barrières Largeur de Température de l'espaceur (Å) croissance (°C) (LD/LB) × 100 (%) 0 / 310 10 350 310 30 270 310 0 / 240 10 350 240 30 270 240 * la deuxième barrière de D10-310 (entre le puits le plus profond et son voisin) n'est pas dopée. ** le M748 présente une barrière de surface et une barrière entre la couche tampon et le premier puits plus épaisse pour tenir compte de l'épinglage du niveau de Fermi (voir plus loin). Tableau 1 Caractéristiques des 6 échantillons étudiée dans ce paragraphe. Ces six échantillons ont été étudiés en photoluminescence, diffraction X haute résolution, SIMS, et cathodoluminescence. Ces mesures 113 font apparaître un phénomène d'interdiffusion de certains éléments de la matrice en présence de dopage lorsque les échantillons sont élaborés à 310°C. Les paragraphes qui suivent montrent comment chaque technique de caractérisation met en évidence et permet de comprendre cette interdiffusion. Enfin, une synthèse des résultats obtenus par ces différentes techniques sera présentée. 3.4.1 Etude optique 3.4.1.1 Niveaux de confinement dans un puits interdiffusé Comme décrit dans le chapitre 1, nous allons modéliser l'interdiffusion d'une interface par une fonction erreur ne dépendant que d'un paramètre : la longueur de diffusion ∆. Le profil de composition C(z) d'un matériau au niveau d'un puits quantique de largeur L est donné par la combinaison de deux fonctions erreur relatives aux deux interfaces [CRAN75], soit : C ( z) = 1 + z + L / 2 1 z − L/2 − erf erf 2 2∆ 2∆ Dans le cas de nos hétérostructures, nous avons trois profils de diffusion pour les éléments II (Cd,Zn,Mg). Cependant, par rapport au CdTe, le gap de nos matériaux varie beaucoup avec la concentration en Mg, et peu avec la concentration en Zn : le profil de diffusion le plus représentatif pour le calcul de niveaux confinés sera donc celui du Mg. Nous avons calculé numériquement les niveaux de confinement en fonction de la longueur de diffusion ∆ du Mg dans un puits quantique présentant un tel profil (figure 6). La résolution de l’équation de Schrödinger dans un puits interdiffusé a été réalisée en utilisant la méthode d’intégration numérique de Runge et Kutta [PRE88]. Ceci nous a permis de calculer l'énergie de transition entre les premiers niveaux confinés d’électrons et de trous lourds (e1-hh1), et de les comparer aux résultats de PL. 114 2000 e1 Energie (meV) 1900 1800 e1 1700 ∆Ee1-hh1= 1925 meV ∆Ee1-hh1= 1645 meV 200 100 hh1 0 hh1 ∆ = 63,5 Å ∆=0Å -100 -200 0 200 -200 0 200 Position (Å) Figure 6 En gras, profil énergétique d'un puits quantique de CdTe de 80 Å de largeur contraint sur un substrat de Cd0,88Zn0,12Te pour un puits parfait (∆=0 Å), et un puits interdiffusé (∆=63,5 Å) (les paramètres de calcul sont les mêmes que pour la figure 7). L’énergie de liaison de l’exciton n’est pas comprise. En traits fins, fonction d'onde pour les électrons et les trous dans les deux cas. La figure 7 montre nettement que dans un puits interdiffusé, l'énergie de transition e1-hh1 est plus grande que pour un puits parfait. Ces calculs permettent donc d'évaluer la longueur de diffusion d'un puits quantique à partir de l'énergie de la transition excitonique qui lui est associée. 115 Energie de transition e1-hh1 (meV) 2000 1900 1800 L=25 mc contraint sur Cd0.88Zn0.12Te ∆E BV = 147meV mzhh1 = 0.63m0 ∆E BC = 335meV mze1 = 0.099m0 Egbarrière = 2085meV 1700 1600 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Longueur de diffusion ∆ (Å) Figure 7 En pointillés, énergie de la transition e1-hh1 pour un puits de CdTe de 80 Å de largeur contraint sur un substrat de Cd0,88Zn0,12Te. Les paramètres de profondeur du puits sont indiqués dans la figure. En traits pleins, gap excitonique calculé en prenant une énergie de liaison de l'exciton, dont on a négligé les variations avec ∆, de 23,6 meV [HAU97b]. 3.4.1.2 Application à l'étude optique Les six échantillons dont les caractéristiques sont résumées dans le tableau 1 ont été étudiés en spectroscopie optique par Axel Haury, André Wasiela et Yves Merle d'Aubigné. Leurs spectres de photoluminescence (PL) à 1,7K sont présentés dans les figures 8 et 9. 116 1600 3 1700 1800 1900 2000 2100 2x10 X- D0-240 X 3 1x10 1620 1630 x10 Intensité de PL (cps) 0 4 8x10 X+ D10-240 X 4 4x10 1620 1630 x10 0 3 1x10 D30-240 2 5x10 0 1600 1700 1800 1900 2000 2100 Energie (meV) Figure 8 Spectres de photoluminescence à 1,7K des échantillons élaborés à basse température. En insert pour les échantillons D0-240 et D10-240, agrandissement du spectre pour la plage 1615-1630 meV. Les spectres de PL des échantillons élaborés à basse température montrent une bonne structure pour les échantillon D0-240 et D10-240, mais mettent en évidence une légère dégradation de la structure de l'échantillon D30-240. 117 En effet, pour l'échantillon non dopé de référence (D0-240), l'insert montre la présence de deux raies bien définies à l'énergie de la transition e1-hh1 : une raie à 1623,9 meV due à l'exciton, et une raie à plus faible énergie (1620,9 meV) attribuée à l'exciton chargé négativement (X-), dont l'énergie de liaison est de 3,0 meV. Cet échantillon a fait l'objet d'une étude plus poussée par A. Haury au cours de sa thèse. Il a montré que sous champ magnétique appliqué perpendiculairement au puits, la raie à basse énergie est polarisée σ+, ce qui identifie l’exciton chargé X- (un exciton + un électron)[HAU97]. Le spectre de cet échantillon présente aussi une raie à 2034 meV, caractéristique de la luminescence de ses barrières. La présence du X- dans un échantillon non intentionnellement dopé est vraisemblablement la marque d'un dopage résiduel de type n dans nos structures. Le spectre de PL de l'échantillon D10-240, d'allure similaire à son homologue non dopé, présente une raie à 1623,8 meV, signature de l'exciton relatif à la transition e1-hh1, une raie à 1621,0 meV, et une raie venant de la luminescence des barrières à 2018 meV. La raie située à 2,8 meV en dessous de la raie de l'exciton est polarisée σ- sous champ magnétique, signature de l'exciton chargé positivement X+ (un exciton + un trou). Enfin, le spectre de l'échantillon D30-240 présente une raie à 1629,2 meV, suivie d'une série de raies moins intenses s'étendant jusqu'à 1663,9 meV. Ces raies se sont avérées difficiles à identifier, mais une étude en polarisation a cependant montré que la raie la plus intense (1629,2 meV) est polarisée σ-, preuve de la présence de X+ dans cette structure. La mesure n’ayant pas été réalisée au dessus de 1675 meV, la raie relative aux barrières n'a pas été mesurée pour cet échantillon. La série de raies obtenue au dessus de l'énergie de l'exciton peut être attribuée à une inhomogénéité des puits quantiques, suite à une légère interdiffusion. En effet, par exemple, d'après nos calculs de longueur de diffusion, la raie à 1663,9 meV peut être attribuée à un puits dont la longueur de diffusion ∆ vaut 13 Å (voir figure 7). 118 1600 1700 1800 1900 2000 2100 4 6x10 X- X D0-310 4 4x10 1620 4 2x10 1630 x10 Intensité de PL (cps) 0 3 4x10 D10-310 3 2x10 0 3 4x10 D30-310 3 2x10 0 1600 1700 1800 1900 2000 2100 Energie (meV) Figure 9 Spectres de photoluminescence à 1,7K des échantillons élaborés à haute température. En insert pour l'échantillon D0-310, agrandissement du spectre pour la plage 1615-1630 meV. Les spectres de PL des échantillons élaborés à haute température présentent quant à eux une dégradation spectaculaire de la structure lors du dopage. En effet, pour l'échantillon non dopé D0-310, l'insert montre la présence de l'exciton à 1624,8 meV, et d'une raie à 3,0 meV plus bas 119 (1621,8 meV) que l'on peut raisonnablement attribuer à l'exciton chargé négativement (X-). La présence de X- sur le spectre du D0-310 est la signature d'une bonne qualité de l'échantillon. Une longueur de diffusion de 2 Å correspond, à environ 1625 meV, à un déplacement de raie de 3 meV. La faible largeur de ces raies (environ 2 meV) montre ainsi que les cinq puits, qui ont une énergie de luminescence tout à fait similaire, sont semblables, et nous donne une limite supérieure à l'interdiffusion de ces puits au cours de la croissance. Le spectre de l'échantillon D10-310 présente quand à lui une raie intense à 1619,1 meV, et une série de raies à plus hautes énergies (voir figure 10) que l'on ne voit ni sur les spectres de l'échantillon D0-310, ni sur ceux des échantillons D0-240 et D10-240. 3 3x10 Puits 1 et 5 Intensité de PL (cps) 1620,0 meV 3 2x10 Substrat 3 1x10 Puits 2 1905,4 meV Puits 4 Puits 3 1665,0 meV 1940,1 meV Barrière 2023,5 meV 0 1600 1700 1800 1900 2000 2100 Energie (meV) Figure 10 Spectre de PL à 1,7 K de D10-310. En pointillés , deux gaussiennes dont la somme passe par les points expérimentaux pour la plage 1850-1960 meV. La présence de ces raies supplémentaires à des énergies supérieures à celle de la transition excitonique e1-hh1 d'un puits parfait est la signature attendue pour des puits interdiffusés (voir figures 6 et 7). Nos calculs d'énergie de transition excitonique e1-hh1 en fonction de la longueur de diffusion ∆ du magnésium nous permettent de déduire les valeurs suivantes : 120 Energie (meV) 1619,1 1665,0 1905,4 1940,1 Longueur de diffusion ∆ (Å) 0 13 64 85 Tableau 2 Longueurs de diffusion déterminées grâce au calcul dont le résultat est présenté à la figure 7. Ces longueurs de diffusion, du même ordre de grandeur que celles mesurées par SIMS pour le magnésium (voir paragraphe suivant), permettent d'attribuer chaque pic de luminescence au puits correspondant, comme indiqué sur la figure 10. 3.4.1.3 Conclusion Les mesures optiques mettent en évidence un phénomène d'interdiffusion des puits quantiques lors de l'introduction d'azote dans nos structures. Cette interdiffusion est d'autant plus marquée que la quantité d'azote est importante. Par contre, l'abaissement de la température de croissance diminue cet effet. 3.4.2 Etude par SIMS Les mesures de SIMS que nous allons présenter dans ce chapitre ont été réalisées par C. Grattepain, du Laboratoire de Physique des Solides de Bellevue. 3.4.2.1 Expérience Ces mesures de SIMS ont été effectuées pour les trois échantillons élaborés à 310°C : D0-310, D10-310 et D30-310 sur une machine de type CAMECA IMS 4F. Les signaux de l’azote (masse 14), du magnésium (masse 24), du zinc (masse 66), du cadmium (masse 111), et du tellure (masse 125) ont été suivis lors d’une même mesure. La source d’ions primaires est une source de césium (Cs+) dont l'énergie est de 10 keV. 121 La figure 11 présente les signaux obtenus. Les pics relatifs aux puits sont numérotés de 1 à 5 depuis la surface. Le signal de l'azote n'est significatif que pour l'échantillon D30-310. 1 2 3 4 D0-310 5 Mg Intensité SIMS (u.a.) Cd Zn 1 2 3 4 5 D10-310 Mg Cd Zn D30-310 Mg Cd 1 2 3 4 5 Zn N 0 2000 4000 6000 Profondeur (Å) Figure 11 Intensité du signal de SIMS en fonction de la profondeur z obtenue pour le Cd, Mg, et Zn pour les trois échantillons D0-310, D10-310 et D30-310. Le signal de l’azote est multiplié par 100 pour l’échantillon le plus dopé D30-310. Sa forme sera discutée plus loin. 122 Le temps d'érosion a été transformé en profondeur grâce à la mesure de la période des super-réseaux par diffraction X. En effet, les pics relatifs aux puits sont espacés d'un temps constant (figure 12). Nous avons donc pu appliquer une relation linéaire entre le temps et la profondeur. 5000 Profondeur (Å) 4000 3000 D0-310 D10-310 D30-310 2000 1000 0 0 200 400 600 800 1000 1200 Temps d'érosion (s) Figure 12 Profondeurs des 5 puits déduites de la DDX en fonction du temps écoulé lors de la mesure SIMS pour le signal du Zn des trois échantillons D0-310, D10-310 et D30310. Le signal du magnésium est le plus intense, et décroît jusqu’au premier puits dans les trois cas. Ce comportement est sans doute dû à des impuretés présentes en surface et que l’on entraîne jusqu'à la profondeur du premier puits. Les signaux du cadmium et du zinc sont moins intenses et fluctuent plus que celui du magnésium. 3.4.2.2 Référence : D0-310 L’échantillon non dopé (D0-310), va nous servir de référence pour étudier l’effet du dopage sur l’interdiffusion au niveau des interfaces puits/barrières. 123 Commençons par analyser les largeurs à mi-hauteur des pics des cinq puits pour les signaux du cadmium, du magnésium et du zinc. 140 FWHM (Å) 130 120 110 Surface 1 2 3 4 5 N° du puits Figure 13 Largeur à mi-hauteur du signal SIMS pour le Mg (ronds), le Cd (triangles) et le Zn (carrés) des puits de D0-310 en fonction du numéro du puits. Les deux séries de points (pleins et évidés) proviennent de deux cratères de mesure distincts. Les traits pointillés sont un guide pour l'oeil. La largeur à mi-hauteur pour les pics correspondant aux puits est plus petite pour le Zn que pour le Mg et le Cd. Pour le Zn, cette largeur est quasiment constante pour les cinq puits (augmentation de 3±1 Å entre le premier et le dernier puits), alors que pour le Cd et le Mg, on constate un net accroissement de la largeur avec la profondeur (23±1 Å entre le premier et le dernier puits). Le signal du magnésium étant plus intense, il est moins fluctuant que celui du cadmium, et la mesure de la variation de la largeur à mi-hauteur est par suite plus continue. Il est important de se rappeler que l'analyse par photoluminescence de cet échantillon (figure 9) donne une limite supérieure à l'interdiffusion réelle des puits quantiques, soit 2 Å. Dans l'hypothèse où le puits le plus profond est interdiffusé, et en prenant le premier puits pour référence, on obtient une longueur de diffusion du magnésium de 21±1 Å, soit une énergie de transition excitonique de 1725 meV. Aucune raie n'apparaît en PL entre 1625 et 1725 meV. Or, l'énergie de confinement est surtout sensible à la 124 variation de composition en magnésium, ce qui montre que les élargissements constatés en SIMS entre le premier et le dernier puits sont en majeure partie dus à la mesure elle-même. On constate donc des conditions expérimentales différentes entre le zinc, le cadmium et le magnésium. Il est possible en utilisant la formule explicitée au paragraphe 1.5.2.1 de déterminer les paramètres σ, λr et λd de la fonction de résolution du SIMS pour les cinq puits et les trois éléments, ce qui va nous permettre de déterminer ensuite les longueurs de diffusion réelles dans les échantillons dopés. Pour le magnésium, les paramètres de la fonction de résolution sont calculés avec une bonne précision (environ 1 Å) car le signal du magnésium, intense, est aussi très peu bruyant. Intensité SIMS (u.a.) 1.0 0.8 σ = 28.2 Å λ r = 22.8 Å 0.6 λ d = 59.4 Å 0.4 D0-310 PQ4 cratère 2 0.2 0.0 3000 3200 3400 3600 3800 4000 4200 Profondeur (Å) Figure 14 Concentration en magnésium du 4ème puits de l’échantillon D0-310 mesurée par SIMS (cercles). Ajustement par la convolution de la fonction créneau (pointillés) et de la fonction de résolution dont les paramètres sont indiqués. 125 La figure 14 montre un exemple de la fonction I(z) déduite de la convolution de la fonction créneau et de R(z) avec les paramètres indiqués, pour le puits numéro 4. Les paramètres d'ajustement que nous avons trouvés sont résumés pour les deux cratères de mesure dans le tableau suivant : Mg PQ1 PQ2 PQ3 PQ4 PQ5 D0-310 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 σ (Å) 13,1 15,8 16,3 20,0 21,9 21,9 24,9 28,2 29,0 32,1 λr (Å) 11,1 16,1 20,8 21,6 24,4 21,5 20,6 22,8 20,9 21,1 λd (Å) 67,3 63,1 64,1 60,2 62,1 61,4 63,9 59,4 63,9 59,8 Tableau 3 Paramètres de la fonction de résolution pour le magnésium de l'échantillon D10-310. On constate, de façon remarquable, que les coefficients λr et λd sont quasiment constants pour les quatre puits les plus profonds, alors que σ augmente linéairement avec la profondeur (figure 15). Le cas du premier puits est différent. Ceci est dû aux effets de surfaces, qui se traduisent par une queue de magnésium au début de la mesure. Cet effet étant semblable pour les trois échantillons, il n'est pas utile d'essayer de retirer une ligne de base de forme exponentielle décroissante sur le premier puits pour en déduire les paramètres du puits non canulés. On utilisera donc les paramètres λr et λd du premier puits de D0-310 pour calculer la diffusion du premier puits des échantillons dopés. On peut aussi remarquer que la valeur de λd correspond à la longueur caractéristique de l'exponentielle décroissante qui rend compte de la décroissance du signal du magnésium après la dernière barrière (voir figure 16). On a donc le même phénomène d'élargissement entre une interface CdTe/CdZnMgTe (puits/barrière) et CdZnMgTe/CdZnTe (barrière/couche tampon). Ceci est cohérent avec le fait que l'élargissement du pic du magnésium et du pic du cadmium est similaire dans les puits quantiques. 126 30 (Å) PQ5 PQ4 20 PQ3 PQ2 10 PQ1 Cratère 1 Cratère 2 0 0 1000 2000 3000 4000 5000 Profondeur (Å) Figure 15 Variation de σ avec la profondeur pour le magnésium de l'échantillon D0310. Ligne pleine : régression linéaire des points expérimentaux des deux cratères. Intensité SIMS (u.a.) 2 exp(-(x-x0)/65) exp((x-x0)/258) 1 0 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 Profondeur (Å) Figure 16 Signal SIMS du magnésium de l'échantillon D0-310 normalisé sur les barrières. 127 Par la suite nous utiliserons, comme valeurs des paramètres de R(z) pour un puits, les valeurs moyennées sur les deux cratères obtenues pour le puits correspondant de l'échantillon de référence D0-310. Pour le cadmium, les valeurs des paramètres obtenues sont les suivantes : Cd PQ1 PQ2 PQ3 PQ4 PQ5 D0-310 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 σ (Å) 3,4 13,4 15,9 33,7 26,6 17,0 19,5 30,2 21,5 32,8 λr (Å) 51,9 34,2 35,2 28,6 21,7 34,4 43,5 6,2 45,9 20,8 λd (Å) 53,1 52,9 68,3 44,9 61,1 70,1 64,8 71,9 68,6 62,1 Tableau 4 Paramètres de la fonction de résolution pour le cadmium de l'échantillon D10-310. Le signal du cadmium étant plus faible que celui du magnésium, il est plus bruyant, et les valeurs trouvées sont plus fluctuantes. Les valeurs de λr et de λd fluctuent autour d'une valeur moyenne, mais ne permettent pas de mettre en évidence une variation continue. Ces valeurs moyennes sont pour les cinq puits et les deux cratères : λ r = 32,2 Å λ d = 55,6 Å Par contre, on peut constater une augmentation de σ entre le premier et le dernier puits, comme le montre la figure 17. 128 (Å) 30 20 10 Cratère 1 Cratère 2 0 0 1000 2000 3000 4000 5000 Profondeur (Å) Figure 17 Variation de σ avec la profondeur pour le Cd de l'échantillon D0-310. Ligne pleine : régression linéaire des points expérimentaux des deux cratères. Ligne pointillée : régression linéaire du magnésium (cf figure 15) à titre de comparaison. La variation de σ pour le cadmium est sensiblement la même que pour le magnésium. Les valeurs de σ données par la régression linéaire sont résumées dans le tableau 5. Cd D0-310 σ (Å) PQ1 13,9 PQ2 17,6 PQ3 21,3 PQ4 25,2 PQ5 28,9 Tableau 5 Valeurs de σ pour le cadmium de l'échantillon D10-310. Pour le zinc, de même que pour le cadmium, le signal est très fluctuant, et la précision obtenue est de l'ordre de grandeur de la variation des paramètres. On trouve en effet les valeurs donnée au tableau 6. On ne constate pas de tendance pour les variations de λr et λd. Leur valeur moyenne obtenue sur les cinq puits et les deux cratères vaut : λ r = 25,4 Å λ d = 49,4 Å 129 Par contre, on remarque un léger accroissement de σ entre le premier et le dernier puits. L'utilisation d'une régression linéaire permet de déduire les valeurs de σ (tableau 7). Zn PQ1 PQ2 PQ3 PQ4 PQ5 D0-310 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 cratère 1 cratère 2 σ (Å) 1,3 4,8 15,6 8,7 4,2 9,2 7,8 18,9 15,3 14,8 λr (Å) 22,9 23,6 15,8 38,3 20,1 29,1 28,5 33,0 18,3 24,3 λd (Å) 50,8 56,9 43,3 41,5 56,5 53,9 49,2 37,5 58,7 46,0 Tableau 6 Paramètres de la fonction de résolution pour le zinc de l'échantillon D10-310. Zn D0-310 σ (Å) PQ1 4,8 PQ2 6,8 PQ3 8,8 PQ4 10,8 PQ5 12,8 Tableau 7 Valeurs de σ pour le zinc de l'échantillon D10-310. Nous allons pouvoir appliquer par ailleurs les paramètres de la fonction de résolution que nous avons trouvés aux échantillons dopés. 3.4.2.3 Effet du dopage sur la structure. Nous avons étudié les échantillons D10-310 et D30-310 afin de mettre en évidence l'effet du dopage sur les structures élaborées à 310°C. Une analyse des mesures présentées figure 11 montre que pour l'échantillon peu dopé (D10-310), le signal du zinc est comparable à celui de l'échantillon non dopé. Par contre, les signaux du magnésium et du cadmium sont élargis, montrant ainsi une plus grande diffusion pour ces éléments que pour le zinc. Le signal SIMS mesuré sur l'échantillon très dopé (D30-310) confirme cette tendance, puisque les signaux du magnésium et du cadmium ne présentent presque plus de modulation, alors que celui du zinc, élargi, montre quand même la présence des puits. Nous avons attribué une longueur de diffusion pour chaque puits et chaque élément (Mg, Cd ou Zn) de ces deux échantillons en utilisant les 130 paramètres de la fonction de résolution λr et λd déterminés au paragraphe précédent (en moyennant pour chaque puits les résultats obtenus sur les deux cratères). En comparant les variances σ obtenues sur l'échantillon de référence et celles obtenues sur les échantillons interdiffusés (σi), on détermine la longueur de diffusion (voir paragraphe 1.5.2.1). En effet, on a : σ i −σ 2 ∆= 2 2 σ i = 2∆ + σ 2 2 soit Les résultats sont résumés dans les figures 18 et 19. 100 D10-310 Mg Cd Zn 90 80 (Å) 70 60 rappel, barrière non dopée 50 40 30 20 10 0 0 500 1000 1500 2000 2500 Temps (s) Figure 18 Longueur de diffusion ∆ pour les trois éléments mesurés pour les cinq puits de D10-310 en fonction du temps pendant lequel chaque puits est resté à 310°C. On remarque, pour l'échantillon peu dopé D10-310 (figure 18), que les pics du magnésium et du cadmium ont la même allure, alors que la diffusion du zinc reste très faible. Ceci indique une interdiffusion entre le magnésium et le cadmium, alors que le zinc reste peu touché par la présence de l'azote. Pour l'échantillon D30-310 (figure 19), on constate que pour le cadmium et le magnésium, la modulation n'est plus détectable pour les puits 2, 3 et 4. Par contre, on retrouve une modulation du signal à peu près similaire, pour ces deux éléments, aux puits 1 et 5. 131 200 D30-310 Mg Cd Zn 180 160 140 (Å) 120 100 80 60 40 20 0 0 500 1000 1500 2000 2500 Temps (s) Figure 19 Longueur de diffusion ∆ pour les trois éléments mesurés pour les cinq puits de D30-310 en fonction du temps pendant lequel chaque puits est resté à 310°C. Le zinc est lui aussi déplacé dans cet échantillon, puisqu'on constate une variation de la largeur de son signal importante pour les puits 2, 3 et 4. Les signaux des puits 1 et 5 sont aussi moins élargis pour cet élément. 3.4.2.4 Comparaison avec l'optique Nous pouvons comparer les longueurs de diffusion obtenues pour le magnésium en SIMS et en optique (figure 20). On constate un bon accord entre les deux moyens de caractérisation. Le décalage entre les deux mesures est lié à l'hypothèse de départ de notre calcul des longueurs de diffusion en optique, c'est à dire que le premiers puits n'est pas interdiffusé. La mesure par SIMS nous indique que cette hypothèse n'était pas tout à fait juste. Il est donc normal, suite à notre hypothèse de départ, que les valeurs déduites de l'optique soient plus faibles. 132 100 90 D10-310 - Mg SIMS Optique 80 (Å) 70 60 50 40 30 20 10 0 1 (Surface) 2 3 4 5 n° du puits Figure 20 Comparaison entre la longueur de diffusion du magnésium de l'échantillon D10-310, mesurée par SIMS et par l'optique pour ses cinq puits quantiques. 3.4.2.5 Modèle de diffusion Nous avons testé deux modèles de diffusion du magnésium et du zinc : un modèle pour lequel on suppose la ségrégation de l'azote à la surface en cours de croissance, et un modèle de diffusion de l'azote pendant la croissance. Dans les deux modèles, nous supposons que les coefficients de diffusion des trois espèces dépendent de la quantité d'azote soit : D( z , t ) = f [N (z , t )] où f est a priori une fonction croissante de la densité d'azote N au point z et au temps t. On intègre alors sur le temps de croissance de sorte que : ∆2 (z ) = ∫ fin échantillon 0 D(z , t )dt La durée totale de la croissance est ici de 51 minutes. 133 (i) Dans la cas de ségrégation, la quantité d'azote est fixée au moment de l'élaboration du puits, et ne varie plus pendant la croissance du reste de l'échantillon, donc : ∆2 ( z ) = D( z )T avec D( z ) = f [N ( z )] ∆2 ( z ) = f [N ( z )] T d'où Dans ce modèle, la quantité d'azote N(z) croît entre le puits 5 et le puits le plus près de la surface (puits 1). Ceci est vrai qu'on prenne un modèle simple, qui considère une décroissance exponentielle de l'azote incorporé depuis les zones dopées en direction de la surface (modèle, basé sur l'approche phénoménologique développée par Muraki et al [MUR92]), ou qu'on utilise un modèle plus élaboré (calculs réalisés par Kany et al. [KAN97], basés sur le modèle utilisé par Moison et al. [MOI89]). 17 3x10 1.8 1.6 17 2x10 1.2 N (cm ) 1.0 -3 ²/T (Ų/s) 1.4 0.8 17 1x10 0.6 0.4 0.2 0.0 0 0 500 1000 1500 2000 2500 Temps de croissance (s) Figure 21 Evolution du carré de ∆ divisé par le temps T pendant lequel chaque puits est resté chaud en fonction du temps de croissance pour le zinc de l'échantillon D30-310 (ronds pleins). Les losanges évidés représente la densité d'azote calculée au niveau des puits par de Kany et al. avec pour hypothèses : 8 mc sont dopées à 1019 cm-3 tout les 397 mc, et le rapport entre la quantité d'azote incorporé et la quantité d'azote en surface vaut 100 [KAN97]. La figure 21 montre l'évolution de ∆2/T en fonction du temps T pendant lequel chaque puits est resté chaud. On constate bien une 134 augmentation de ∆2/T lorsqu'on se rapproche de la surface entre le puits numéro 5 et le puits numéro 3, mais cette variable qui traduit la quantité d'azote dans la couche diminue entre le puits numéro trois et le puits numéro un. Un modèle de ségrégation, dont un exemple est montré sur la figure 21, ne peut pas rendre compte de cette diminution de la quantité d'azote entre le troisième puits et la surface. (ii) Le modèle de diffusion, dans lequel la concentration d'azote suit une fonction du type de celle décrivant les puits interdiffusés (à base de fonctions erreurs) donne de bons résultats dans les conditions suivantes : - le coefficient de diffusion de l'azote est de 145 Å2/s (soit 1,45×10-14 2 cm /s). - les coefficients de diffusion du magnésium et du zinc sont proportionnels au cube de la quantité d'azote : D(z , t ) = α N 3 (z , t ) 100 90 80 Mg D10-310 D(z,t)=γ N(z,t) 70 (Å) 60 50 3 D(z,t)=α N (z,t) 40 30 20 10 0 1 2 3 4 5 n° du puits Figure 22 Variation ∆ pour le magnésium de l'échantillon D10-310 (ronds). Les deux courbes montrent la différence entre une variation linéaire et une variation cubique en N du coefficient de diffusion de D du magnésium. 135 La figure 22 montre que cette formule donne un meilleur résultat que pour D(z,t) directement proportionnel à N(z,t). Le coefficient α est calculé sur les deux échantillons D10-310 et D310-310 simultanément (figure 23). Les valeurs trouvées sont : α = 3 × 10 −51 cm 11 s α = 4 × 10 −49 cm11 s pour le zinc, pour le magnésium pour une densité d'azote déposée 3×1017 cm-3. 0 1 2 3 4 5 6 D10-310 Mg Zn (Å) (Å) 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 D30-310 Mg Zn 0 (Surface) 1 2 3 4 5 6 n° du puits Figure 23 Longueur de diffusion déduite du SIMS pour les échantillons D10-310 (en haut) et D30-310 (en bas) (points), comparée aux longueurs de diffusion calculées (traits pointillés) avec notre modèle (D=1,45×10-14 cm2/s, α=3×10-51 cm11/s pour le zinc, et α=4×10-49 cm11/s pour le magnésium). 136 Le mécanisme de diffusion est donc complexe, et semble faire intervenir plusieurs atomes d'azotes. La distribution en concentration de l'azote en fin de croissance est présentée figure 24 pour les deux échantillons. 1.1 1.1 PQ1 Concentration d'azote (u.a.) 1.0 PQ2 PQ3 PQ4 PQ5 PQ1 PQ2 PQ3 PQ4 PQ5 1.0 0.9 0.9 0.8 0.8 0.7 0.7 0.6 0.6 0.5 0.5 0.4 0.4 0.3 0.3 0.2 0.2 0.1 0.1 0.0 0.0 0 1000 2000 3000 4000 5000 0 1000 2000 3000 4000 5000 Profondeur (Å) Figure 24 Distribution de l'azote dans l'échantillon D10-310 (à gauche), et dans l'échantillon D30-310 (à droite) à la fin de la croissance, pour un coefficient de diffusion de l'azote de 145 Å2/s. Les lignes pointillées indiquent la distribution de concentration d'azote lorsqu'il est déposé. Les lignes verticales pointent les positions des centres des puits, pour lesquelles les longueurs de diffusion ont été calculées. Cette distribution d'azote n'est à priori pas comparable avec celle mesurée en SIMS sur l'échantillon D30-310 (figure 25). 137 40 Intensité SIMS (cps) D30-310 30 20 10 0 0 1000 2000 3000 4000 Profondeur (Å) Figure 25 Profil SIMS du signal de l'azote de l'échantillon D30-310. Les flèches indiquent la position des puits, et la courbe en pointillés est une exponentielle décroissante de distance caractéristique de 860 Å. Cependant, si on compare ce signal avec celui du magnésium, on constate qu'entre le premier puits et la surface, les signaux sont similaires (voir figure 16). Nous avons attribué cette décroissance du signal jusqu'au premier puits aux effets de surface inhérents à la mesure, et on peut émettre la même hypothèse pour le signal de l'azote. Au dessus du premier puits, le signal de l'azote mesuré fluctue beaucoup, et il est difficile d'affirmer qu'il diffère de la quantité d'azote calculée (figure 24). La mesure du signal d'azote ne permet donc pas d'invalider notre modèle. 3.4.3 Etude en diffraction X Les six échantillons, D0-240, D10-240, D30-240 et D0-310, D10-310 et D30-310 ont été étudiés par diffraction X en mode ω-2θ. 3.4.3.1 Formalisme cinématique Les figures de diffraction obtenues ont été analysées en utilisant un logiciel de calcul dynamique basé sur le formalisme de Takagi et Taupin 138 [TAK69][TAU64]. Cependant, il est possible de déduire un grand nombre d'informations qualitatives et quantitatives de ces figures en utilisant le formalisme plus classique de la théorie cinématique de la diffraction X. 10000 Coups par seconde Substrat 1000 100 D0-310 Couche tampon Super-réseau 10 1 0.1 27.5 28.0 28.5 ω (degrés) 29.0 Figure 26 Diffraction X de l'échantillon D0-310. Balayage ω-2θ avec fente de 50µm (pas de 0.001°, 33s/pas) La figure 26 présente la figure de diffraction X obtenue pour l'échantillon D0-310. Cette figure présente un pic de substrat très intense à l'angle de 28,60°, et un pic plus petit et plus large correspondant a la couche tampon à un angle plus petit que celui du substrat (28,51°). Ceci montre que la couche tampon est en compression sur le substrat (une mesure en retournant l'échantillon de 180° permet de déterminer précisément l'état de compression). Enfin, le cliché de diffraction X de l'échantillon D0-310 présente une série de pics fins disposés de façon périodique, que nous attribuons à la périodicité de la couche. Nous pouvons reconstruire l'allure du super-réseau en utilisant le formalisme cinématique, et en laissant de côté le pic du substrat et celui de la couche tampon qui se détachent bien du reste du profil expérimental. La figure 27 résume les étapes de cette reconstruction (dans laquelle nous n'introduirons pas le pic du substrat). 139 d=5xc Intensité (u.a.) c=a+b b a 27.5 28.0 28.5 29.0 ω (degrés) Figure 27 Figures de diffraction calculées en contrainte sur un substrat de Cd0.88Zn0.12Te pour la réflexion [001] de : a. une couche de 25 mc (80Å) de CdTe seule. b. une couche de 248 mc (798Å) de CdZn0.08Mg0.23Te seule. c. une bicouche comprenant la couche a et la couche b. d. un super-réseau de cinq fois la bicouche c. Dans l'espace réel, l'échantillon peut être décrit par : échantillon = (a + b ) ⊗ δ Super − réseau 140 29.5 où δSuper-réseau est le peigne de Dirac dont la période est celle du super-réseau. Dans l'espace réciproque, on obtient : diffraction = (TF (a) + TF (b) ) × TF (δ Super − réseau ) où TF est la transformée de Fourier. La transformée de Fourier du peigne de Dirac est un peigne de Dirac, d'où la figure de diffraction d. Comparons la figure 27-d à la figure expérimentale de diffraction de l'échantillon D0-310 (figure 28). D0-310 1E10 0 Intensité (u.a.) 1E9 1E8 -12 -10 -8 -6 -4 -2 2 4 -14 1E7 -16 6 8 10 1000000 100000 27.5 28.0 28.5 29.0 ω (degrés) Figure 28 Superposition de la figure 3 (expérimentale, traits gras), et de la figure 27-d (calcul cinématique simple, traits fins). Les chiffres indiquent l'ordre i de chaque pic satellite. On note un bon accord en position entre la courbe expérimentale et la courbe théorique. L'intensité relative des pics satellites va nous renseigner sur la largeur et la qualité des puits quantiques. 3.4.3.2 Qualité des interfaces Superposons les figures 27-a et 27-d (figure 29) ; on remarque que l'enveloppe des pics satellites du super-réseau est sensible à la diffraction des puits quantiques, que ce soit pour k positif ou négatif. 141 1E10 1 0 1E9 Intensité (a.u.) -1 1E8 1E7 1000000 100000 10000 27.5 28.0 28.5 29.0 29.5 Angle (degrés) Figure 29 idem Figure 27 - en traits fins = Figure 27-d (5 périodes de bicouche en contrainte) - en traits gras = Figure 27-a (une couche de CdTe seule en contrainte) Les pics satellites d'ordre négatif, et plus particulièrement les pics d'ordre -7 à -15 vont nous renseigner sur l'état des puits quantiques. En effet, l'intensité relative de ces pics satellites peut changer par différents mécanismes : - en changeant la position angulaire du lobe du puits. Or, cette position angulaire dépend du paramètre de maille perpendiculaire du puits, et donc directement de la composition de ce dernier et de la contrainte. Idéalement, les puits sont en CdTe pur, et la position angulaire ne peut bouger qu'en présence d'une diffusion de zinc ou de magnésium dans le puits. - en changeant la largeur des puits, on change la largeur du lobe. En effet, plus le puits est large, plus le lobe est fin, et inversement, plus le puits est fin, plus le lobe est large. La largeur effective du puits peut varier de plus ou moins une monocouche suivant les variations de vitesse de croissance, mais les puits peuvent aussi être élargis à cause de l'interdiffusion. En effet, on ne sera alors plus en présence d'interfaces abruptes, et les puits seront plus étendus spacialement. Une interdiffusion des puits avec les barrières qui tend à élargir les puits se traduira en diffraction X par un lobe de puits plus fin, et par suite un nombre de pics satellites plus restreint. 142 1E10 1E9 Intensité (u.a.) 1E8 25 monocouches 23 monocouches 1E7 1000000 27 monocouches 100000 10000 27.5 28.0 28.5 29.0 29.5 Angle (degrés) Figure 30 Lobes de puits en diffraction X calculés pour un puits de 23, 24, 25 (en gras), 26 et 27 monocouches de CdTe. 3.4.3.3 Résultats expérimentaux a. Echantillons élaborés à 310°C La figure 31 présente les figures de diffraction X des trois échantillons élaborés à 310°C. On retrouve pour les trois échantillons les pics du substrat et de la couche tampon, ainsi que les pics satellites des super-réseaux. La différence la plus marquante entre ces trois échantillons est le nombre de pics satellites ; plus l'échantillon est dopé, plus leur extinction est prononcée. Nous avons calculé les profils de diffraction de ces échantillons par calcul dynamique [TAK69][TAU64], en ajustant le paramètre de maille moyen (donné par l'ordre 0 du super-réseau) à celui mesuré, et en considérant des puits parfaits. L'utilisation du calcul dynamique nous permet de considérer le substrat. On peut ainsi visualiser l'interdiffusion en traçant la différence en intensité entre les pics satellites de la structure parfaite calculée et ceux du profil expérimental (figure 32). 143 TCroissance=310°C Intensité (échelle log) D0-310 D10-310 D30-310 27.5 28.0 28.5 29.0 ω (degrés) Figure 31 Cliché de diffraction X en ω-2θ des trois échantillons élaborés à 310°C. On constate que l'écart à la structure parfaite augmente avec le taux de dopage. Ceci est bien la signature d'une interdiffusion, mais il est difficile de déduire directement de ces mesures un coefficient de diffusion. Nous avons modélisé les échantillons dopés D10-310 et D30-310 à partir des profils d'interdiffusion déduits de la mesure par SIMS. En utilisant la théorie dynamique, on peut alors comparer les profils calculés aux profils expérimentaux (figures 33 et 34). 144 Différence d'intensité (u.a.) 0.6 D0-310 D10-310 D30-310 0.4 0.2 0.0 -0.2 -18 -16 -14 -12 -10 -8 -6 -4 Ordre des pics satellites -2 0 Figure 32 Différence entre l'intensité des pics satellites calculée pour une structure parfaite et celle des profils expérimentaux. Les intensités sont normalisées sur le pic d'ordre -2 pour s'affranchir de l'effet de la couche tampon. 4 Intensité (coups par seconde) 10 D10-310 3 10 2 10 1 10 0 10 -1 10 28.0 28.5 ω (degrés) 29.0 Figure 33 En gras, profil de diffraction ω-2θ de l'échantillon D10-310. En traits fins, profil de diffraction calculé. 145 L'utilisation du logiciel de calcul dynamique nous a contraint à quelques simplifications sur description des échantillons interdiffusés : - Le calcul du profil de diffraction de l'échantillon D10-310 a été réalisé en ne considérant que l'interdiffusion du magnésium et du cadmium. Le zinc est supposé non interdiffusé. - Dans le cas de l'échantillon D30-310, nous avons considéré que les concentrations en cadmium et en magnésium sont constantes sur l'ensemble de l'échantillon (pas de modulation). La modulation de concentration en zinc suit quant à elle les longueurs de diffusion mesurées en SIMS sur cet élément. Intensité (coups par seconde) 4 10 D30-310 3 10 2 10 1 10 0 10 -1 10 28.0 28.2 28.4 28.6 28.8 29.0 ω (degrés) Figure 34 En gras, profil de diffraction ω-2θ de l'échantillon D30-310. En traits fins, profil de diffraction calculé. On constate un bon accord entre les profils calculés et les profils expérimentaux. Les profils de diffusion déduits du SIMS sont donc cohérents avec les mesures de diffraction X. 146 b. Echantillons élaborés à 240°C Nous n'avons pas réalisé de caractérisation SIMS des échantillons élaborés à 240°C. On peut cependant comparer leur figure de diffraction X (figure 35) avec des calculs considérant une structure parfaite (figure 36). TCroissance=240°C Intensité (échelle log) D0-240 D10-240 D30-240 27.5 28.0 28.5 29.0 ω (degrés) Figure 35 Diffraction X en ω-2θ des échantillons dont la température de croissance est de 240°C. (le profil de l'échantillon D0-240 n'a pas été réalisé sur le même appareil que les deux autres). 147 Ainsi, les profils de diffraction X des échantillons élaborés à 240°C ne montrent pas de perte d'intensité notable des pics satellites d'ordre élevé. La diffraction X ne met donc pas en évidence la légère interdiffusion de l'échantillon D30-240 constatée en optique. Rappelons que l'optique est sensible aux variations en magnésium, et la diffraction X, aux variations en zinc. Ce résultat tend donc à montrer qu'à 240°C, la localisation du magnésium dépend encore de la quantité d'azote incorporée, mais que le zinc n'est pas affecté. Le mécanisme semble donc être le même que pour les couches dopées élaborées à 310°C, pour lesquelles le magnésium est plus largement interdiffusé que le zinc. Différence d'intensité (u.a.) 0.6 D0-240 D10-240 D30-240 0.4 0.2 0.0 -0.2 -18 -16 -14 -12 -10 -8 -6 -4 Ordre des pics satellites -2 0 Figure 36 Différence entre l'intensité des pics satellites calculée pour une structure parfaite et celle des profils expérimentaux. Les intensités sont normalisées sur le pic d'ordre -3 pour s'affranchir de l'effet de la couche tampon. 3.4.3.4 Conclusion La diffraction X permet donc de confirmer les mesures de diffusion réalisées en SIMS et en optique. Elle permet aussi de montrer que la localisation du zinc n'est pas modifiée (à la limite de détection de la diffraction X) par la présence d'azote lorsque la couche est élaborée à basse température (240°C). Enfin, la diffraction X ne permet pas de mettre en évidence la légère interdiffusion de l'échantillon D30-240, constatée en optique, car elle est peu sensible aux variations de concentration en magnésium (qui induit peu de changement de paramètre de maille). 148 3.4.4 Etude par cathodoluminescence La cathodoluminescence nous apporte des informations complémentaires au SIMS et à la diffraction X, puisque l'on va non plus sonder l'homogénéité de nos échantillons dans la direction de croissance, mais dans le plan des couches. On peut ainsi réaliser une carte de luminescence de nos échantillons. Evidemment, la température à laquelle on effectue ces mesures, de l'ordre de 130 K, ne permet pas d'obtenir des spectres aussi fins que ceux obtenus à 2 K sur une expérience de PL classique. On a en effet un élargissement des raies par les phonons. La mesure de la température du substrat se fait à l’aide d’une sonde fixée sur la platine en laiton qui supporte l’échantillon. Cette température ne peut pas être régulée et dérive avec le temps (le dewar d’azote liquide, qui permet le refroidissement via une tresse de masse, est très petit et permet une autonomie d’une demi-heure tout au plus). Ainsi, la température de mesure, optimale à 130 K, peut varier entre 150 et 130 K entre les différents spectres présentés. Il faut donc s’abstenir de comparer les valeurs en énergie entre différents échantillons, même si nous avons pu réduire l’incertitude sur les énergies mesurées en plaçant un substrat de CdTe à côté de l’échantillon et en mesurant son gap qui sert alors de référence. 3.4.4.1 Spectres de cathodoluminescence Commençons par comparer les spectres obtenus en cours de balayage par excitation cathodique sur les échantillons élaborés à 310°C (D0-310, D10-310 et D30-310) (figure 37). On retrouve pour l’échantillon non dopé D0-310 et pour celui qui est peu dopé D10-310 l’allure des spectres mesurés par PL à 1,7 K. Leurs raies sont élargies par la température, mais on distingue très bien vers 1,58 eV les pics correspondant aux puits peu ou pas interdiffusés. En outre, pour l’échantillon D10-310, on retrouve les raies dont l’énergie est entre 1,58 eV et 2 eV que l’on a attribuées aux puits interdiffusés. Par contre, le spectre de l’échantillon très dopé (D30-310) est très différent de celui mesuré à 1,7 K par photoluminescence. En effet, la large raie présente bien des épaulements du côté basses énergies (1,6 eV) et vers 1,9 eV que l’on peut attribuer aux raies des puits mesurées par PL, mais il apparaît en plus une raie intense à environ 1,75 eV. 149 6x10 4 4x10 4 2x10 4 D0-310 Intensité (cps) 0 6x10 4 4x10 4 2x10 4 D10-310 0 3x10 2x10 1x10 4 D30-310 4 4 0 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 2.0 Energie (eV) Figure 37 Spectres de cathodoluminescence pour les échantillons D0-310, D10-310 et D30-310 à 130 K. La surface de la zone balayée est de 100x70 µm2. 3.4.4.2 Images de cathodoluminescence Nous avons réalisé des images de cathodoluminescence pour les trois échantillons en ne collectant que les photons émis à l’énergie d’un puits non interdiffusé (1,6 eV), et ce pour deux grossissements différents : ×1000 et ×10000 (figure 38). Les images présentées se veulent représentatives de la totalité de la surface de l’échantillon. Evidemment, il y a sur presque tous nos échantillons des zones de l'ordre de 100 µm de diamètre comportant un gros défaut où la luminescence des puits est tuée. Ces gros défauts peuvent être attribués à des défauts présents dans le substrat qui ont induit des dislocations sur toute la couche qui a poussé dessus. Nous nous sommes placés volontairement hors de ces zones pour cette étude afin de comparer les échantillons entre eux. 150 D0-310 10µm 1µm D10-310 10µm 1µm D30-310 10µm 1µm Figure 38 Images de cathodoluminescence à 1,6 eV et 130 K pour les échantillons D0310, D10-310 et D30-310, pour un grossissement de ×1000 (colonne de gauche) et un grossissement ×10000 (colonne de droite). L’image obtenue pour le D0-310 montre une bonne uniformité de luminescence sur toute la surface balayée, que ce soit pour un grossissement 151 de ×1000 ou pour un grossissement de ×10000. Les taches noires d'environ 3 µm de diamètre sur l’image grossie 10000 fois sont attribuées à des dislocations provenant du substrat et se propageant dans la couche. Leur densité est évaluée à environ 105 par cm2. D’après une étude effectuée par microscope à effet tunnel par D. Martrou sur les substrats de CdZn0,12Te, cette densité correspond à la densité d'inclusions de tellure présente dans nos substrats. Cette densité correspond aussi à la densité de dislocation annoncée à partir d'études d'etch pit density (EPD) [LET]. Les images obtenues sur les échantillons D10-310 et D30-310 sont très différentes. Elles permettent de mettre en évidence des fluctuations de luminescence sur une échelle de 1 µm pour le D10-310, et de 2 µm pour le D30-310. Les deux échantillons présentent des zones circulaires de forte luminescence, entourées par des zones beaucoup moins lumineuses. La densité de ces zones luminescentes est d'environ 1,4×107 cm-2 pour le D10310 et de 6,6×106 cm-2 pour le D30-310. 3.4.4.3 Etude de D30-310 Nous avons suivi la variation d'intensité lumineuse pour l'échantillon D30-310 pour un grossissement de ×10000 et pour différentes énergies (figure 39). 1,6 eV 1,7 eV 1,8eV D30-310 1 1,9 eV 1µm 2 2,0 eV Figure 39 Variation d'intensité de cathodoluminescence à 130K en fonction de l'énergie de détection pour l'échantillon D30-310 grossi 10000 fois. 152 On constate que le disque blanc central (marqué 1 sur l'image réalisée à 1,9 eV) est lumineux pour les énergies comprises entre 1,5 et 1,9 eV, et de même, les zones sombres sont peu lumineuses pour la même gamme d'énergies. Nous avons réalisé des spectres pour une zone lumineuse (délimitée par le carré marqué 1 sur l'image à 1,9 eV), et pour une zone sombre (carré marqué 2) (figure 40). Longueur d'onde (nm) 800 Intensité (u.a.) 6x10 4x10 750 700 650 600 Raie supplémentaire 4 1 4 Substrat Puits 2x10 4 2 Puits Barrière 0 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 2.0 2.1 Energie (eV) Figure 40 Spectre de cathodoluminescence de l'échantillon D30-310 à 130K pour un grossissement de ×100000 sur les zones 1 et 2 de la figure 39. Les spectres ont été réalisés avec les mêmes conditions de détection. (énergie du CdTe = 1,545 eV) Le spectre de la zone 2 est comparable au spectre obtenu en PL non focalisée (figure 9), et présente un épaulement à 1,614 eV que l'on peut attribuer aux puits non interdiffusés (puits 1 et 5). On retrouve aussi des pics à 1,66, 1,89, 1,96 et 2,00 eV que l'on peut attribuer respectivement grâce au SIMS aux puits 4, 2 et 3, et à la barrière. Par contre, le spectre réalisé dans la zone 1 présente, en plus des pics présents dans la zone 2, une raie à environ 1,75 eV. Cette raie n'est pas visible en PL. La différence entre les deux types d'expériences, outre la différence de température, réside dans l'énergie d'excitation : la PL est réalisée avec un laser argon dont l'énergie d'excitation la plus élevée se situe vers 2,53 eV, alors qu'en cathodoluminescence, l'énergie d'excitation est beaucoup plus élevée (la tension d'accélération des électrons est de 20 kV). 153 Les mesures de SIMS ont formé des cratères à la surface de nos échantillons. Leur forme est intéressante puisqu'ils sont fortement biseautés : 27,5 µm pour une profondeur de 4000 Å, ce qui correspond à un angle entre le plan incliné et le plan de la surface de 0,83°. Ceci équivaut à réaliser une coupe de l'échantillon et un agrandissement simultané de près de 70 fois. La figure suivante présente le coin supérieur gauche d'un cratère réalisé sur l'échantillon D30-310. 10 µm Surface Fond du cratère Figure 41 A gauche, image électronique du bord supérieur gauche d'un cratère SIMS de D30-310 grossi 860 fois. La petite image de gauche est la découpe de l'image électronique suivant le cadre représenté en bas de la grande image, et la petite image de droite est l'image de cathodoluminescence à 1,7 eV et130 K correspondante. L'échelle est indiquée et est la même pour les trois images. La figure 41 montre la présence de trois zones clairement identifiables : - le haut de la grande image correspond à une partie de l'échantillon non abrasée. Cette partie comporte quelques points noirs que nous avons attribués aux défauts présents dans le substrat et dont la densité est de l'ordre de 105 cm-2. - en bas à droite de la grande image, une zone claire dont la qualité est semblable à la surface de l'échantillon non abrasé. Cette zone comporte en fait le fond du cratère, et ce qu'il est raisonnable d'attribuer à la couche tampon. Les pointillés qui séparent ces deux parties délimitent le léger contraste bien visible sur le tube cathodique du microscope, mais pas sur la photo... 154 - la zone comprise entre la couche tampon et la surface, qui est en fait la couche active comprenant les barrières de CdZnMgTe et ce qui reste des puits de CdTe (voir SIMS). Cette zone est parsemée de points noirs dont les diamètres sont répartis sur deux calibres différents, soit 1, soit 2 microns. Les plus gros points noirs (Φ=2µm) se retrouvent à la périphérie du cratère, ce qui correspond à la zone proche de la surface. Les points de 1 micron de diamètre sont en dessous des gros, et ils occupent environ les trois quarts de l'épaisseur de la couche active. La densité des petits points est d'environ 2,2×107 cm-2, alors que celle des gros est de l'ordre de 107 cm-2. Les deux petites images en haut à droite sont une partie de la zone correspondant à la couche active vue en imagerie électronique (à gauche), et en cathodoluminescence pour une énergie de 1,7 eV et une température de 130 K (à droite). Les flèches montrent la position d'une petite poussière visible à gauche, et dont on voit l'ombre à droite (petit triangle). Il est intéressant de noter que les parties luminescentes à 1,7 eV correspondent à la position des taches sombres, comme le montrent les traits blancs. Un agrandissement de deux parties de cette image est présenté figure 42 : 10 µm Figure 42 Agrandissement de l'image de la figure 41. A gauche, image électronique, et à droite, image de cathodoluminescence. Les pointillés blancs sont un guide pour l'œil. La figure 42 confirme que les zones sombres en imagerie électronique correspondent aux zones luminescentes. Nous avons ensuite nettoyé la surface de cet échantillon au méthanol. De retour sous le microscope électronique, on distingue toujours le cratère de SIMS, mais les zones sombres ont disparu en imagerie électronique, alors que les taches lumineuses en image de cathodoluminescence sont toujours présentes. Nous en concluons que les taches sombres sont dissoutes en 155 surface par le méthanol, mais que le méthanol ne les dissout pas en profondeur. Nous concluons qu'il y a corrélation entre les taches sombres vues en microscopie électronique et la bande à 1,75 eV vue en cathodoluminescence. Le composé correspondant à ces taches sombres dissoutes dans le méthanol. A titre de comparaison, la figure suivante présente un cratère de SIMS sur l'échantillon non dopé D0-310. Cet échantillon n'a pas été plongé dans un bain de méthanol. Surface Puits de CdTe Fond du cratère 10 µm Figure 43 Cratère SIMS de l'échantillon D0-310 vu en microscopie électronique avec un grossissement de 860 (le carré plus sombre au milieu est dû au microscope électronique). On distingue très nettement les cinq puits quantiques. Leur séparation est proportionnelle à leur épaisseur, et ce rapport correspond au rapport d'épaisseur entre les puits et les barrières déposés. La densité de points noirs est d'environ 105 cm-2, ce qui correspond à la densité de défauts du substrat. Par contre, aucune tache sombre supplémentaire n'est visible sur la partie correspondant à la couche active. Le contraste chimique entre les puits et les barrières doit probablement provenir du fait que le magnésium des barrières s'est oxydé à l'air. 3.4.4.4 Etude de D10-310 Le D10-310 qui présente le même type d'inhomogénéité de cathodoluminescence que le D30-310, mais avec une longueur 156 caractéristique de 1 µm au lieu de 2 µm, a subi la même étude que le D30310. Le spectre d'une zone plus intense en imagerie de cathodoluminescence ne présente pas de différence avec celui d'une zone plus sombre. Ces spectres sont équivalents au spectre réalisé sur une large surface présenté à la figure 37, à une homothétie d'intensité lumineuse près. Par contre, l'image électronique d'un cratère de SIMS est intéressante (figure 44). 10 µm 10 µm Figure 44 Images électroniques du coin supérieur droit d'un cratère de SIMS de D10310 grossi 860 fois à gauche, et 3200 fois à droite. On distingue cinq traits dont le tracé est repris à droite de l'image. Il faut se rappeler que la deuxième barrière n'est pas dopée sur cet échantillon. Ainsi, ces cinq traits peuvent provenir soit des cinq puits, soit des cinq zones dopées. Le contraste d'intensité, que l'on peut comparer à celui obtenu sur le cratère de l'échantillon D0-310, permet de trancher en faveur d'une attribution de ces lignes aux puits quantiques. Ces traits clairs sont parsemés de disques sombres d'un diamètre moyen de 1 µm, alignés, et espacés de typiquement 1 µm. Les puits quantiques de cet échantillon comportent donc des disques sombres d'environ 1 µm de diamètre, qui y restent confinés. La taille de ces disques correspond à la modulation d'intensité en imagerie de cathodoluminescence, mais aucune raie supplémentaire n'a été détectée. Il est tout à fait probable que ces disques soient responsables de cette modulation en intensité. 157 3.4.4.5 Conclusion L'échantillon D30-310 présente des zones fortement luminescentes à environ 1,75 eV sous excitation cathodique, dont la densité est de l'ordre 7×106 cm-2 et la taille caractéristique de 2 µm. Aucune raie à 1,75 eV n'a été observée sur le même échantillon en PL. La coupe réalisée par SIMS permet de mettre en évidence des taches noires de deux calibres différents et réparties en profondeur de la façon suivante : - les taches qui ont un diamètre de 1 µm et une densité constante de 7 2,2×10 cm-2 sont réparties à partir de la couche tampon et pour environ trois quarts de la couche. - les tache de 2 µm de diamètre et dont la densité est de l'ordre de 7 -2 10 cm sont réparties sur le dernier quart de l'épaisseur de la couche jusqu'à la surface. La position de ces taches sombres correspond à la position des zones qui luminescent à 1,7 eV en imagerie de cathodoluminescence ; les taches disparaissent lorsque l'échantillon a été plongé dans un bain de méthanol. 3.4.5 Hypothèses Tous ces éléments nous permettent d'émettre l'hypothèse suivante : ces grains qui luminescent fortement sont des agrégats de nitrure de magnésium Mg3N2. L'hypothèse de la présence de tels composés dans nos matériaux a été proposée par T. Baron [BAR98]. Son argumentation est basée sur la comparaison des enthalpies de formation de Mg3N2 et de MgTe. Les propriétés de ce complexe sont résumées le paragraphe suivant. 3.4.5.1 Les complexes nitrurés La possibilité de formation de complexes nitrurés d'une couche comportant du cadmium, du magnésium et du zinc, et soumise à un flux d'azote atomique (condition de dopage) peut, selon T. Baron, rendre compte du phénomène de compensation dans les alliages comportant du magnésium. Il y a en fait trois types de complexes possibles : le nitrure de zinc, Zn3N2, le nitrure de cadmium, Cd3N2, et le nitrure de magnésium, Mg3N2. On peut avoir une idée sur la probabilité de formation de tels complexes en comparant leurs enthalpies de formation (tableau 8). 158 Composé Zn3N2 Cd3N2 Mg3N2 ∆H298 (kJ/mole) -20 -160 -460 Tableau 8 Enthalpies de formation à 298K d'après Kubaschewski et al [KUB58]. Le complexe Mg3N2 est le plus favorable à former. Dans l'hypothèse de la formation d'un complexe, c'est le nitrure de magnésium qu'on s'attend donc à voir majoritairement. Le nitrure de magnésium se présente en général sous l'aspect d'une masse amorphe, verdâtre, ou de petits cristaux jaunâtres. Sa structure est ionique, type cube centré (structure du type Mn2O3, groupe n° 206) avec a=9,93 Å, avec une densité calculée de 2,76 et 16 molécules dans une maille [PAS65]. Eclairé en lumière ultraviolette, il montre une forte fluorescence orangée. Il est soluble dans le méthanol suivant la réaction : Mg 3 N 2 + 6CH 3 OH → N (CH 3 ) 3 + 3Mg (OH )OCH 3 Ce matériau présente trois modifications allotropiques nommées α, β et γ. Vissokov et al. ont réalisé des calculs thermodynamiques rendant compte de sa formation à partir de magnésium et de molécules d'azote [VIS96] : 3Mg ( s ) + N 2( g ) → αMg 3 N 2 ( s ) 298 − 823K 3Mg ( s ) + N 2( g ) → βMg 3 N 2( s ) 823 − 923K 3Mg ( l ) + N 2( g ) → βMg 3 N 2( s ) 923 − 1061K 3Mg ( l ) + N 2( g ) → γMg 3 N 2( s ) 1061 − 1393K 3Mg ( g ) + N 2( g ) → γMg 3 N 2( s ) 1393 − 1800 K Lors de croissances à environ 600 K, on doit alors trouver le nitrure de magnésium dans sa phase α. 3.4.5.2 Proposition d'explication des défauts Ce matériau ne luminesce que s'il est excité à une très forte énergie (UV). Ceci explique pourquoi on voit une raie à 1,75 eV en cathodoluminescence, mais non en PL où l'énergie d'excitation du laser 159 argon ne dépasse pas 2,5 eV. Cependant, l'énergie de cette raie supplémentaire (1,75 eV) ne correspond pas à l'orangé. Nous n'avons pas trouvé de spectre de Mg3N2 dans la littérature, et il est donc impossible d'affirmer ou d'infirmer que l'on puisse attribuer cette raie à ce complexe. La présence de Mg3N2 est cependant confirmée par les résultats suivants : les zones luminescentes à 1,75 eV forment des agrégats que l'on retrouve à la surface du cratère dû à l'abrasion par SIMS sous forme de disques noirs de 1 ou 2 µm de diamètre selon qu'ils sont éloignés ou proches de la surface. La surface et le fond du cratère sont exempts de ces taches noires. La taille caractéristique des zones qui luminescent fortement en imagerie de cathodoluminescence sur les parties de l'échantillon non abrasées (figure 39) correspond à la taille des disques sombres proches de la surface. De plus, le nitrure de magnésium se dissout dans le méthanol. Ceci explique que lorsque nous avons plongé notre échantillon dans un bain de méthanol et l'avons regardé de nouveau au microscope électronique, les zones sombres à la surface de la partie biseautée avaient alors disparu. Les échantillons ont tous été dégraissés avant leur caractérisation par SIMS suivant la technique habituelle (bain de trichloroéthylène, acétone, et bain de méthanol), ce qui explique pourquoi la surface non abrasée ne présente pas ces taches noires. Le signal de l'azote en SIMS de l'échantillon D30-310, qui est significatif sur les 2000 Å les plus proches de la surface, peut aussi confirmer la présence de complexes nitrurés sur cet échantillon (figure 25). En effet, nous avons émis l'hypothèse à la fin du paragraphe 3.4.1.2.5 que ce signal provient d'effets de surface. Cependant, si tel est le cas, le même signal aurait dû être mesuré sur les échantillons D0-310 et D10-310. Or, l'azote n'a pu être détecté pour ces deux échantillons, dans les mêmes conditions de mesure que pour l'échantillon D30-310. La zone comportant des taches sombres de gros diamètre (2 µm) sur l'image électronique de la figure 41, c'est à dire dans le quart supérieur de l'échantillon D30-310, correspond tout à fait à celle où l'on mesure l'azote en SIMS. Il y a donc corrélation entre les taches sombres vue en microscopie électronique, qui luminescent à 1,75 eV, et la présence importante d'azote détectée en SIMS. Cette interprétation ne va pas à l'encontre du résultat obtenu sur la diffusion de l'azote au paragraphe 3.4.1.2.5. En effet, l'azote servant à la formation de complexes n'est pas forcement incorporé de la même façon dans le cristal que celui que diffuse. Cela tendrai donc à montrer que nous sommes en présence de deux phénomènes distincts : un mécanisme de diffusion de l'azote, qui induit une interdiffusion des puits quantiques, et un mécanisme de formation de complexes nitrurés. 160 La formation de Mg3N2 est aussi en accord avec les observations de T. Baron pour des couches de CdMgTe dopées à l'azote et réalisées à 300°C : la quantité d'azote incorporée dans la couche, mesurée par rétrodiffusion de Rutherford (RBS pour Rutherford Backscattering), augmente très fortement avec le taux de magnésium (pour des conditions de dopage identiques). Ainsi, une couche de 15% de Mg comporte 1,1×1020 atomes d'azote par centimètre cube, et ce taux passe à 2,7×1020 pour 30% de Mg, alors que la quantité d'azote actif, mesurée par effet Hall, ne dépasse pas 1017 cm-3. L'azote actif serait alors l'azote placé sur des sites de Te, alors que l'azote excédentaire formerait des complexes de nitrure de magnésium. Si on trace la quantité d'azote en fonction de la quantité de magnésium pour les échantillons de T. Baron, on obtient la figure suivante : 20 3x10 -3 [N] (cm ) 20 2x10 20 1x10 0 ( 0 ,10 0 x ] Mg [ ) 2/3 21 1x10 21 21 2x10 3x10 21 4x10 -3 [Mg] (cm ) Figure 45 Quantité d'azote mesurée par RBS sur différentes couches de CdMgTe:N réalisées à 300°C pour différents taux de magnésium (T. Baron). La droite correspond à la quantité d'azote que l'on obtient en supposant que 10% du magnésium déposé a servi à former du nitrure de magnésium. Dans notre cas, d'après l'image de la figure 41, d’après la surface relative aux disques luminescents à 1,75 eV, nous avons plutôt 20% du magnésium qui a formé du Mg3N2. Cela reste du même ordre de grandeur. La formation de nitrure de magnésium est une explication de la grande quantité d'azote mesurée par RBS sur les couches de T. Baron. 161 3.4.6 Conclusion La réalisation d'hétérostructures dopées p par modulation dans lesquelles on dispose d'un gaz de trous bi-dimensionnel nécessite l'emploi de magnésium dans les barrières dopées. Cependant, l'introduction simultanée de magnésium et d'azote induit une interdiffusion des éléments constitutifs des nos échantillons réalisés à 310°C. La diffraction X, la photoluminescence et le SIMS donnent une évaluation cohérente des longueurs de diffusion des puits quantiques de ces structures. La ségrégation de l'azote ne semble pas être à l'origine de ce phénomène, qui est mieux décrit par un mécanisme de diffusion de l'azote à 310°C. L'interdiffusion touche principalement le cadmium et le magnésium, alors que le zinc est moins touché. Un abaissement de la température de croissance à 240°C réduit considérablement ce phénomène d'interdiffusion, comme le montrent la photoluminescence et la diffraction X. La cathodoluminescence suggère en outre la présence de complexes dans les structures dopées réalisées à 310°C. Il y a corrélation entre la taille des défauts associés à ces complexes et la présence d'azote près de la surface observée en SIMS. Il est probable que ces complexes soient en Mg3N2, mais il ne nous est pas possible de l'affirmer. Ces complexes ne semblent pas être à l'origine de l'interdiffusion des puits quantiques, le profil de concentration d'azote mesuré par SIMS ne pouvant expliquer les longueurs de diffusion du magnésium et du cadmium mesurées. 162 Chapitre 4 Dopage par modulation d’hétérostructures : les structures optimisées et leur caractérisation électrique 4.1 Dopage de type p 4.1.1 réalisation d'une hétérostructure optimisée La réalisation d'une hétérostructure dont les puits, non interdiffusés, sont peuplés de trous de façon suffisante à l'apparition d'une transition de phase ferromagnétique (quelques 1011 cm-2) a nécessité la prise en compte successive de nombreux problèmes. Ce chapitre traite de l'ingénierie de nos échantillons en énumérant les problèmes levés et les solutions que nous avons adoptées. 4.1.1.1 Paramètres de la croissance Nous avons vu que la température est un vecteur essentiel de l'interdiffusion des super-réseaux à modulation de dopage. L'échantillon D30-310, élaboré à 310°C, est fortement interdiffusé. Le D10-310 qui comporte pourtant trois fois moins d'azote, l'est aussi. Par contre, les échantillons élaborés à 240°C (D10-240 et D30-240) sont beaucoup moins interdiffusés. Cependant, la PL montre que l'échantillon D30-240 présente tout de même quelques puits interdiffusés (chapitre 3, figure 8). Il est donc nécessaire de baisser encore la température de croissance. On se heurte alors au problème de la réalisation d'interfaces abruptes. En effet, plus la température de croissance est basse, et moins les espèces 163 déposées vont diffuser en surface pour trouver un site préférentiel. Les interfaces deviennent alors rugueuses, ce qui entraîne une fluctuation de la largeur des puits et un élargissement des raies en optique. Nous avons cependant réussi à obtenir une bonne qualité d'interfaces à 220°C. Il est alors délicat d'utiliser la technique standard de lissage des interfaces qui consiste à laisser la surface pendant 20 secondes sous un flux de tellure entre l'épitaxie de la barrière et celle du puits (voir figure 1). En effet, le tellure se dépose sous forme polycristalline vers 210°C. Le lissage sous Te a cependant permis d'obtenir des interfaces de bonne qualité à 220°C. Afin d'éviter tout accident, nous avons remplacé cette étape par un arrêt de croissance de 20 secondes sous un flux de 0,15 mc/s de cadmium, suivi par 20 secondes d’arrêt sous vide. Cette recette donne de bons résultats en optique (raies du puits fines, d'une largeur de l'ordre de 1 meV), comparables aux résultats obtenus avec la première technique de lissage (arrêt sous tellure). Il est cependant très probable que nos interfaces soient pseudo-lisses. En effet, lorsque la rugosité est beaucoup plus petite que le diamètre de l'exciton (typiquement 100 Å), celui-ci voit une largeur moyenne du puits, qui fluctue peu. 180 Te CdTe+ZnTe+Cd+Mg Intensité (u.a.) 160 140 CdTe+Cd+Mn 120 vide 100 vide 80 vide Puits quantique CdMnTe 60 0 50 Barrière CdZnMgTe 100 150 Temps (s) Figure 1 Oscillations de RHEED obtenues pendant la croissance à 220°C du puits quantique et de la barrière l'encapsulant de l'échantillon M926 (structure à un puits quantique avec espaceur de 200 Å, voir figure 11).Le lissage est ici fait sous tellure. Lors de la croissance, on dépose la barrière ou le puits sous excès de cadmium. Pour une température de croissance standard de 280°C, cet excès 164 est de l'ordre de 0,5 mc/s pour une vitesse de croissance de 0,5 mc/s. A 220°C, la désorption des anions est moins importante. Il est alors nécessaire d'abaisser l'excès de cadmium à 0,15 mc/s pour garder des conditions de croissance optimales. Cet excès a été déterminé en observant les oscillations de RHEED pour différentes valeurs. Pour une vitesse de croissance de 0,5 mc/s et une température de 220°C, les oscillations sont plus contrastées pour un excès de cadmium de 0,15 mc/s que pour un excès plus fort, montrant une meilleure croissance monocouche par monocouche. La mesure de température du substrat se fait via un thermocouple en contact avec la face arrière du molyblock. Lorsqu'on fait tourner le molyblock autour de son axe, le thermocouple, qui reste fixe, donne une mesure de température fluctuant de ±8 degrés. La mesure de la température dépend alors de la position adoptée par le thermocouple. On ne peut donc pas se fier à cette seule mesure pour obtenir une température de croissance de 220°C de façon reproductible sur nos échantillons. Nous avons utilisé de l'étain pour calibrer le thermocouple avant chaque croissance. La température de fusion de ce métal est de 232°C, ce qui est très proche de la température de croissance. Il faut remarquer que pour observer de façon précise le point de fusion, le molyblock doit être chauffé très doucement, avec une rampe de l'ordre de 0,5° par minute. Le molyblock ne subit plus aucune rotation pendant et après l'étalonnage de la température. 4.1.1.2 Effets de surface : épinglage du niveau de Fermi La surface d’un semiconducteur présente des états électroniques particuliers où le niveau de Fermi risque de s'épingler. Ainsi, dans le GaAs orienté (100), le niveau de Fermi s’épingle environ au milieu du gap. Dans le cas de semiconducteurs II-VI, R. André a remarqué cet effet pour le CdTe orienté (111). Il a étudié des multi-puits quantiques piézoélectriques (deux puits par échantillon), et a montré que les puits les plus proches de la surface subissaient un champ électrique plus fort que les plus profonds (figure 2). Ceci lui a permis d'estimer la courbure de bande liée à un tel épinglage du niveau de Fermi. Les résultats de R. André indiquent que pour un cristal de CdTe orienté (111), les états de surface induisent un épinglage du niveau de Fermi à environ 2500×0.2/2=250 meV en dessous de la bande de conduction. S. Lovisa a montré au cours de sa thèse ([LOV98]) que le signal de réflectivité d’une structure dopée par modulation à l’indium (type n) présentait des oscillations de Franz Keldish [KEL58], attribuées à 165 l’existence d’un champ électrique dans la barrière de surface (alliage de CdZnMgTe) (voir figure 3). Il déduit de ses mesures que l'épinglage du niveau de Fermi se situe entre 150 et 300 meV en dessous de la bande de conduction. Champ de surface (mV/Å) 0.4 0.3 0.2 0.1 0.0 500 1000 1500 2000 2500 Profondeur de la sonde (Å) Figure 2 Décroissance du champ électrique, due aux effets de surface, lorsque l’on pénètre à l’intérieur de l’échantillon [AND94]. Bande de conduction 150 à 300 meV Donneurs ionisés EF Figure 3 Schéma de la bande de conduction de l’échantillon étudié par S. Lovisa montrant un épinglage du niveau de Fermi à 150 à 300 meV en dessous de la bande de conduction. Nous avons été confrontés à l’épinglage du niveau de Fermi dans nos structures dopées de type p. En effet, le spectre optique des puits quantiques de l’échantillon D10-240 (voir paragraphe 3.3.1), bien que montrant la présence de l’exciton chargé positivement, présente des raies larges et peu 166 intenses. En particulier, la raie du X+ en polarisation σ- à 11 T est à peine plus intense que la raie de l’exciton. Cette mauvaise qualité optique peut être attribuée à une inhomogénéité de population en trous entre les puits quantiques. Cette inhomogénéité peut avoir pour source un épinglage du niveau de Fermi en surface, ou à l’interface entre le substrat et la couche épitaxiée. Ce phénomène a en effet pour conséquence de courber les bandes de valence et de conduction afin d’aligner le niveau de Fermi entre la surface et l’intérieur de la structure. Si le nombre d’accepteurs proches de la surface est trop faible, la courbure s’étendra au-delà du premier puits quantique, ce qui aura pour effet de le vider d’une partie de ses charges libres. La figure 4 résume cet effet. BC EF BV Figure 4 Effet de l'épinglage du niveau de Fermi à la surface (à gauche) sur un puits quantique trop près de la surface. Le puits est vidé de ses trous. La solution pour éviter le dépeuplement des puits les plus proches de la surface est d’augmenter l'effet des accepteurs entre le premier puits et la surface. On peut doper soit uniformément jusqu'à la surface, soit sur une épaisseur moins grande, et terminer la couche par une couche épaisse non dopée. Les deux solutions sont décrites dans la figure 5. Avec un dopage de 3×1017 cm-3, et un espaceur de 200 Å, il faut une couche dopée sur une épaisseur de 850 Å (à gauche, figure 5), ou une couche dopée sur 210 Å suivie par 2000Å non dopés pour écranter cet effet (à droite). Nous avons vu au paragraphe 3.3.1 que la présence d’azote dans nos couches induit une dégradation de la qualité de nos puits. Afin de limiter au maximum la quantité d’azote dans nos échantillons, nous avons choisi la deuxième solution pour les échantillons destinés aux mesures optiques. 167 2 1 1 EF EF 0 0 -1 -1 -2 -2 0 500 1000 0 500 1000 1500 2000 2500 Profondeur depuis la surface (Å) Figure 5 Courbures des bandes de conduction et de valence pour des structures comportant les épaisseurs minimales pour écranter l'effet d'épinglage du niveau de Fermi en surface. A gauche, couche épaisse dopée après le puits. A droite, dopage sur une petite partie après le puits, suivi par une couche épaisse non dopée. La largeur de l'espaceur est de 200 Å, et les parties dopées sont repérées par des traits plus gras. Considérons l’échantillon M751 dont les caractéristiques sont résumées dans la figure 6. Cet échantillon comporte une couche dont le rôle est d’absorber l’effet de l’épinglage du niveau de Fermi en surface. Nous avons ajouté une couche équivalente après la couche tampon, l'interface avec le substrat étant suspectée d'induire le même phénomène qu'en surface. 168 Energie (eV) Energie (eV) 2 } Puits quantique Couche d’écrantage des effets de surface Espaceur non dopé Zone dopée Buffer de Cd0.88Zn0.12Te Substrat de Cd0.88Zn0.12Te Figure 6 Schéma des hétérostructures comportant une couche d'écrantage de l'effet d'épinglage du niveau de Fermi en surface et après la couche tampon. Nous pouvons maintenant comparer le spectre optique des puits de l’échantillon M751 à celui de l’échantillon D10-240 (figure 7). L’échantillon M751 comporte un espaceur de 500Å, soit environ de la même épaisseur que celui de D10-240 (400Å). Les deux structures sont donc identiques au niveau du peuplement en trous dans leurs puits, population confirmée par une mesure de C(V). L’intensité du X+ pour l’échantillon M751 est environ deux fois plus intense que pour l’échantillon D10-240 dans les mêmes conditions de mesure, et les raies sont plus fines. Ceci traduit bien une meilleure homogénéité de population entre les puits de la structure protégée par la couche d’écrantage par rapport à celle qui en est dépourvue. 169 σ+ σ- + Transmission (u.a.) X D10-240 X 11T couche tampon σ+ 0T M751 σ- + X X 11T 0T 1620 1630 1640 1650 1660 Energie (meV) Figure 7 Spectres de transmission à 0 et 11 T de l’échantillon D10-240 et de l’échantillon M751 qui comporte une couche d’écrantage. En conclusion, les hétérostructures comportant cinq puits quantiques présentent une qualité satisfaisante pour des puits à densité de porteurs faibles (~1011 cm-2 dans le M751). Ces structures sont adaptées à l'étude de l'exciton chargé. Cependant, la mise en évidence d'une transition de phase ferromagnétique nécessite une plus grande densité du gaz de trous 2D. Il est donc nécessaire de réduire la taille de l'espaceur (500Å pour le M751), ce qui engendre l'apparition de défauts macroscopiques. 170 4.1.1.3 Défauts macroscopiques Certains de nos échantillons, dont l'espaceur est inférieur à 500Å, ont présenté des défauts en cathodoluminescence dont la taille est de l'ordre de 100 µm. Ces défauts présentent la particularité d'émettre un luminescence sur une large étendue spectrale (typiquement de 1,6 à 1,9 eV). La figure 8 présente les images monochromatiques de cathodoluminescence obtenues sur le coin inférieur gauche d'une hétérostructure dopée comportant 5 puits (M748), avec une largeur d'espaceur de 300 Å. La croissance a été réalisée pour des conditions similaires au M751. Cet échantillon présente des zones qui luminescent de façon différente. Nous avons réalisé des spectres en focalisant le faisceau d'électrons dans les parties marquées 1 et 2 (figure 9). 1 2 3 100 µm 1,65 eV 1,85 eV Figure 8 Images monochromatiques de cathodoluminescence d'une zone 1,42×1,1 mm2 de surface de l'échantillon M748 comportant 5 puits quantiques, des espaceurs de 300Å, et élaboré à 240°C. A gauche, énergie de 1,65 eV, et à droite, énergie de 1,85 eV. La zone 1 est représentative de la plus grande partie de l'échantillon. Le spectre de cette zone montre un pic dû à la transition excitonique dans le puits de CdTe. Sa largeur de 25 meV vient de l'élargissement par les phonons à cause de la température relativement élevée (130K). Le spectre de la zone 2 est totalement différent. Moins intense, il présente une série de bosses qui s'étend de 1,6 à 1,9 eV. On peut attribuer ces bosses à des puits interdiffusés ou en partie détruits. On remarque sur la droite de l'image obtenue à 1,85 eV la présence de zones circulaires dont le spectre est semblable à celui de la zone 2. Les positions en énergie des pics dépendent de la position de la focalisation sur ces défauts. 171 Intensité de cathodoluminescence (u.a.) 1.0 0.8 1 0.6 0.4 2 0.2 0.0 1.5 1.6 1.7 1.8 1.9 2.0 Energie (eV) Figure 9 Spectres de cathodoluminescence de l'échantillon M748 à 130K en focalisant le faisceau d'électrons sur les zones 1 et 2 marquées sur la figure 8. L'imagerie électronique nous a permis de constater que les défauts circulaires sont accompagnés de défauts structuraux, probablement présents à la surface du substrat avant la croissance. Par contre, nous n'avons pas pu identifier la cause de la traînée lumineuse à 1,85 eV s'étendant de gauche à droite de la zone imagée. Il peut s'agir d'un effet lié à la proximité du bord de l'échantillon. Le spectre de la zone 3 ne présente aucune raie dans les mêmes conditions de détection que pour la zone 2. Ceci signifie que les puits ont disparu de toute la partie en dessous de la traînée lumineuse à 1,85 eV. Nous n'avons jamais observé ce type de défauts sur les couches non dopées de référence. On peut donc en conclure que ce phénomène est induit par le dopage autour de défauts macroscopiques. En effet, au voisinage de tels défauts, la densité de dislocations est plus importante. Dans l'hypothèse où l'azote diffuse facilement le long de dislocations, il induit une interdiffusion au niveau des puits quantiques. 172 Ces défauts sont moins nombreux lorsque la couche est élaborée à 220°C au lieu de 240°C. Ils restent néanmoins présents, pour les hétérostructures comportant plusieurs puits quantiques. Ce problème s'est aggravé lorsque nous avons introduit du manganèse dans les puits quantiques. Le gap du Cd1-xMnxTe étant supérieur à celui du CdTe (voir chapitre 1), il a été nécessaire, afin de garder une profondeur de puits suffisante à un transfert de charges de l'ordre de quelques 1011 cm-2, d'augmenter la concentration en magnésium des barrières. On passe ainsi de concentrations de l'ordre de 24% de magnésium à des concentrations de l'ordre de 28%, qui induisent une baisse de la qualité des échantillons. 100 µm Figure 10 Image de cathodoluminescence à 1,75 eV de l'échantillon M800 (130 K, 20 keV), dont les puits quantiques comportent 3% de manganèse, et les barrières sont en Cd0.65Zn0.08Mg0.27Te (la différence de luminosité entre le centre et les bords de la photo proviennent de la focalisation des électrons). La figure 10 illustre ce phénomène : des cercles qui luminescent à 1,75 eV, et d'un diamètre de l'ordre de 50 µm apparaissent en imagerie par cathodoluminescence de l'échantillon M800 dont les barrières comportent 27% de magnésium. On retrouve ce type de défauts sur toute la surface de l'échantillon, montrant ainsi que ce type de structure n'est pas adapté lorsque l'on augmente la concentration en magnésium des barrières dopées, même pour une croissance à basse température. Nous avons donc été amenés à limiter au maximum la présence d'azote dans nos couches. C'est pourquoi nous nous sommes tournés vers l'élaboration de structures ne comportant qu'un seul puits quantique, dans laquelle nous avons éloigné au maximum l'azote du puits quantique. 173 Le paragraphe suivant résume la structure issue de l'optimisation des paramètres de croissance et de la limitation au minimum indispensable de la quantité d'azote incorporé dans nos couches. 4.1.1.4 Structure à un puits quantique Sur nos échantillons optimisés, les couches d’écrantage de l’effet d’épinglage du niveau de Fermi en surface, ou à l'interface avec le substrat (voir paragraphe 3.3.2), ont été repoussées à 1000 Å de part et d’autre du puits quantique de manière à éviter que la partie dopée n'influe sur les propriétés structurales du puits. Dans la même optique, la couche dopée servant de réservoir de trous pour le puits quantique a été épitaxiée après le puits, de sorte que dans le cas d’une ségrégation de l’azote, l’effet sur le puits soit limitée au maximum (figure 11). Enfin, nous avons fait croître ces structures à 220°C. Cette température a été contrôlée pour chaque échantillon en mesurant la température donnée par le thermocouple lors de la fusion d’un petit morceau d’étain. Le molyblock est alors tenu immobile pour tout le reste de la croissance, de sorte que thermocouple ne bouge pas. Cette structure permet de diminuer la largeur de l'espaceur jusqu'à 100Å sans apparition de défauts macroscopiques. C'est sur ce type de structure que nous avons observé une transition de phase ferromagnétique. 2000 Å 1000 Å } Couche d’écrantage des effets de surface Réservoir de trous pour le puits Puits quantique } Couche d’écrantage des d’interface buffer de Cd0,88Zn0,12Te Figure 11 Structure à un puits quantique optimisée pour limiter au mieux les problèmes induits par le dopage à l'azote. 174 4.1.2 Transfert de charges dans les puits Afin d'obtenir une transition de phase ferromagnétique, il est nécessaire d'obtenir une densité de trous de quelques 1011 cm-2 dans le puits quantique. Trois moyens permettent de vérifier le transfert des charges dans les puits : (i) l'optique, grâce à l'effet de déplacement de Moss-Burstein (voir chapitre 1, paragraphe 1.7.2.1), (ii) la prise directe de contacts sur le gaz de trous enterré, qui permet d'évaluer sa densité par effet Hall. (iii) la mesure de capacité-tension (C(V)). Le déplacement de Moss-Burstein est mesuré à 2K, qui est la température de "travail" de nos structures, les propriétés physiques intéressantes n'apparaissant dans notre cas qu'à basse température (voir chapitre 5). En pratique, la mesure du déplacement de Moss-Burstein n'est possible sur nos structures que pour des densités de trous supérieures ou égales à 2×1011 cm-2 en champ nul. Sous champ magnétique élevé, la sensibilité augmente, et on peut mesurer une densité à partir de 1,5×1011 cm-2. Les mesures électriques permettent de mesurer des densités plus faibles. La mesure par effet Hall est la plus directe puisque l'on contacte directement le gaz enterré. Cependant, ce type de mesure nécessite de réaliser des échantillons dont la structure est adaptée au passage de courant dans les puits. Il ne peut donc pas s'agir d'un moyen de caractérisation systématique d'échantillons déjà élaborés. Par contre, la mesure par C(V), rapide à mettre en œuvre, est non destructive. Elle permet de se faire une bonne idée du dopage d'un échantillon ... pourvu que l'on dispose d'un programme de calcul adapté lorsqu'il s'agit de dopage par modulation d'hétérostructures. 4.1.2.1 Contact électrique d'un gaz de trous 2D 4.1.2.1.1 Introduction Nous allons dans ce chapitre nous intéresser à la prise de contacts électriques sur nos structures dopées p sur lesquelles nous avons observé une transition de phase ferromagnétique. En effet, il est nécessaire de vérifier que les porteurs de charges libres sont bien délocalisés lors de la transition de phase. Ce point est un élément fondamental sur lequel est basé 175 la théorie permettant d'expliquer ce phénomène. Le problème va alors être de réaliser des mesures électriques sur un puits enterré à basse température, la transition n'étant obtenue que pour des températures de l'ordre de 2K. Il faut donc réaliser des contacts ohmiques fortement dégénérés. Le travail qui est présenté dans ce chapitre est réalisé en collaboration avec David Ferrand qui s'est chargé avec Yann Génuist de toutes les caractérisations électriques que nous allons montrer. On appelle un contact ohmique un contact électrique pour lequel la caractéristique de la mesure I(V) est déterminée par la résistivité du semiconducteur sur lequel le contact est posé plutôt que par le contact lui même. Il n'est pas essentiel que la caractéristique courant-tension du contact lui même soit linéaire tant que sa résistance est très petite devant la résistance du matériau étudié. La densité de porteurs libres d'une couche dopée diminue avec la température (voir annexe 2). Une couche dopée verra donc ses porteurs "geler" à température finie. Typiquement, une couche de ZnTe dopée à 1017 cm-3 gèlera à 100K [BAR96]. Par contre, une couche dopée à 1019 cm-3 verra son niveau de Fermi bloqué dans la bande de valence, et on disposera alors de charges libres quelque soit la température. On parle alors de semiconducteur dégénéré. 4.1.2.1.2 Géométrie du système d'épitaxie Le but est de faire passer un courant dans un puits quantique à 2K, sans être court-circuité par une couche dégénérée, afin de mesurer la résistivité et réaliser des mesures d'effet Hall sur le gaz bi-dimensionnel. La technique classique consiste à faire diffuser un dopant sous le contact (par dépôt local, suivit d'un recuit). Dans notre cas, tout recuit va faire interdiffuser le puits quantique, comme nous l'avons montré plus haut. Cette technique ne peut donc pas être envisagée. Nous allons donc réaliser un contact par l'intermédiaire d'une couche de ZnTe dégénérée. On atteint en effet facilement des dopages de l'ordre de 1019 cm-3 sur ce matériau, ce qui est tout à fait suffisant pour conduire des charges à 2K. Nous ne pouvons pas déposer cette couche de ZnTe très dopée sur l'ensemble de la surface de l'échantillon. En effet, faudrait ensuite réaliser une lithographie et une gravure de la couche dégénérée de surface pour ne plus avoir que les contacts aux extrémités de l'échantillon. Or, une attaque chimique a une précision limitée : que ce soit avec une solution à base d'acide lactique ou avec un mélange de brome et de méthanol, il est très difficile d'atteindre une précision supérieure à 500 Å, qui est l'ordre de grandeur de l'épaisseur de la barrière supérieure. Il n’est pas possible de faire croître une couche très épaisse de barrière pour être sur de ne pas graver le puits. Ce matériau de 176 pouvant être dégénéré, gèlera à 2K. Une épaisseur plus grande sera autant de barrière pour les trous entre le puits et les contacts. De plus, la couche de contact en ZnTe est relaxée (le ZnTe relaxe au bout de 4 monocouches sur le CdTe). Ceci risque d'entraîner des dislocations qui peuvent se propager jusqu'au puits quantique. Nous avons développé une technique qui permet le dépôt de contacts de ZnTe:N épitaxiés sur des zones sélectionnées de l'échantillon. Cette technique consiste à effectuer le dépôt de la couche de contact à travers un masque directement dans la chambre d'épitaxie (figure 12). Le masque pivote autour d’un axe, ce qui permet la croissance de la couche active (puits quantique, ... ) de façon habituelle. On place ensuite le masque au dessus de l’échantillon directement dans la chambre d’épitaxie (grâce au bras manipulateur qui permet l’introduction des molyblocks). On peut ainsi reprendre l’épitaxie des contacts à travers les trous du masque. L’opération de rotation du masque, délicate, est facilitée par la vis de butée qui permet son positionnement précis. Axe de rotation du masque Masque Echantillon (5x10 mm²) Butée Molyblock Figure 12 Vues de dessus et de côté du montage permettant la croissance des contacts à travers un masque percé dans la chambre d’épitaxie. Toutes les pièces sont en molybdène. L’échantillon est épais de 0,8 mm, et le masque est maintenu à 1,0 mm du molyblock à l’aide de rondelles. L’épaisseur du masque est de 0,25 mm. Le diamètre des trous circulaires est de 1,0 mm. Dans cette configuration, et sachant que les cellules de ZnTe et d’azote sont voisines (voir chapitre 1), le recouvrement des deux flux sur l’échantillon est suffisant pour la réalisation de contacts (figure 13). 177 Azote ZnTe Masque 0,25 mm 0,20 mm Echantillon Zone de recouvrement Figure 13 Zone de recouvrement dans le sens horizontal entre les flux d’azote et de ZnTe pour un trou de 1mm de diamètre. Dans le sens vertical, les cellules de ZnTe et d’azote font le même angle par rapport au molyblock, et le recouvrement est total. Nous avons utilisé deux types de masques : un masque percé de quatre trous circulaires de 1 mm de diamètre pour l’épitaxie de contacts dans la configuration Van der Pauw sur des échantillon carrés de 5 mm de côté, et le masque présenté à la figure 13, qui permet d’obtenir une configuration de barre de Hall sur des échantillons de 5x10 mm². 4.1.2.1.3 Qualité optique L'échantillon que nous allons présenter ici suit jusqu'à l'espaceur le même schéma que l'échantillon à un seul puits quantique utilisé pour la mise en évidence de la transition de phase ferromagnétique. La différence vient du fait que la couche de surface est remplacée par une couche dopée uniformément, épaisse de 600 Å. La structure est résumée figure 14. Couche de contact épitaxiée 600 Å 1000 Å Couche dopée Puits quantique } Couche d’écrantage d’interfaces buffer de Cd0,88Zn0,12Te Figure 14 Schéma de l'échantillon utilisé pour la prise de contacts du gaz de trous 2D 178 On s'attend dans ce genre de configuration à avoir un désordre électrostatique plus important au niveau du puits du à une quantité plus grande d'accepteurs ionisés à proximité du puits [EFR93]. Cependant, il a été possible sur ce type d'échantillons d'observer tout de même la transition de phase ferromagnétique. Cette structure est donc adaptée à l'étude électrique de cette transition de phase, pourvu que l'on puisse contacter les puits quantiques à 2 K, et sans éclairer l'échantillon. 4.1.2.1.4 Mesures électriques La transition de phase ferromagnétique ne s'observe qu'à basse température (de l'ordre 2 K, voit chapitre 5). Or, la prise de contact à cette température est très délicate ; en effet, les couches non dégénérées ont alors "gelé". Une technique couramment utilisée est d'éclairer les contacts à basse température, de façon à obtenir des porteur photo-créés. Nous ne pouvons pas utiliser cette technique car dans notre cas, les électrons photo-créés se retrouvent attirés par le puits quantique dans la bande de conduction, et viennent se recombiner avec les trous issus du dopage. On a alors une photoneutralisation du gaz de trous 2D, et la transition ferromagnétique ne peut plus avoir lieu. On peut envisager tout de même d'éclairer l'échantillon avec une lumière d'énergie plus basse que celle de la barrière. 20 Courant ( A) 10 0 15 K 48 K 193 K 300 K -10 -20 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 Tension (V) Figure 15 Caractéristique I(V) de l'échantillon présenté à la figure 3, dans le noir, pour différentes températures. 179 La figure 15 montre les profils I(V) obtenus dans le noir pour différentes températures. Les caractéristique I(V) est légèrement non linéaire en dessous de 50 K, et au dessus de 200 K, et la pente à l'origine augmente lorsqu'on abaisse la température au dessous de 50 K, ou qu'on l'augmente au dessus de 200 K. Entre 200 et 50 K, les contacts présentent un caractère ohmique parfait, et on observe un décroissance monotone de la résistance jusqu'à 40 kΩ à 50 K, qui est caractéristique d'un caractère métallique sur nos structures. 10 13 10 12 10 11 300 100 40 T (K) 20 -2 Densité de trous (cm ) La mesure par effet Hall, dans la configuration van der Pauw, avec un champ magnétique de 5000 G, permettent de mesurer une concentration de porteurs. Sa variation en température est montrée à la figure 16. Entre 300 et 100 K, une forte décroissance de 6×1012 à 3×1011 cm-2 est attribuée au gels des porteurs dans la barrière de surface. En dessous de 100 K, la concentration de trous reste constante à 3×1011 cm-2, ce qui correspond à la densité calculée des trous ayant transféré dans le puits quantique. 0.00 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.06 0.07 -1 1/T (K ) Figure 16 Densité 2D de trous entre 15 et 300 K déduite de la mesure par effet Hall sur le même échantillon que la figure précédente. Cette mesure, malgré sa difficulté, confirme donc entièrement la description du gaz de trous transféré dans le puits quantique, et conforte les 180 mesures de densité obtenues par spectroscopie. Cette densité est aussi celle que nous avons mesurée par C(V) (voir paragraphe 3.4.3.2) La mobilité des trous augmente jusqu'à 1000 cm2/Vs à 50 K, mais à plus basse température, la mesure de la résistivité dans la configuration van der Pauw montre une forte anisotropie. 4.1.2.1.5 Conclusion Les mesures par effet Hall sont difficiles, surtout à basse température. Elles ont cependant confirmé la présence d'un gaz de trous 2D, et elles permettent d'en confirmer la densité. 4.1.2.1.6 Perspectives Afin d'éliminer le problème d'anisotropie des contacts, nous avons réalisé le même type de mesure sur des échantillons en configuration de barre de Hall. Cependant, la gravure chimique (à l'acide lactique), indispensable dans cette configuration, induit des court-circuits qui empêchent de mesurer la couche. Cependant, ce type d'échantillon, non gravé, a permis pour l'instant de faire passer du courant dans le puits quantique jusqu'à 2 K, sous éclairement à la lumière rouge. Les mesures de densité de porteurs par effet Hall n'ont pas pu être réalisées pour l'instant. En effet, les contraintes thermiques ayant détruit cet échantillon prometteur, nous n'avons pas d'autre résultats. Nous prévoyons cependant d'élaborer une couche similaire pour poursuivre cette étude. 4.1.2.2 Mesure de capacité-tension La mesure de C(V) permet d'évaluer le dopage des zones dopées par modulation, ainsi que la densité de charges 2D dans les puits quantiques. Cependant, il n'est pas possible d'obtenir une mesure précise de ces paramètres à partir du tracé de peff en fonction de zeff à cause de l'effet de moyennage de Debye (voir chapitre 1, paragraphe 1.6.2.2). Il est donc nécessaire de calculer numériquement la courbure de la bande de valence afin d'en déduire un profil de C(V) théorique. Une comparaison entre le profil calculé et le profil expérimental permet de modifier la description de la structure qui est faite dans le calcul, jusqu'à l'obtention d'une coïncidence entre les deux profils. 181 Le formalisme que nous avons utilisé pour le calcul de profils de C(V) en développé à l’annexe 2. Nous rappelons cependant brièvement les hypothèses simplificatrices utilisées : - on applique la statistique de Maxwell-Boltzmann dans les barrières (les zones dopées sont donc supposées non dégénérées), - les accepteurs sont supposés complètement ionisés, - dans les puits quantiques, la densité de charges 2D du puits, pW, est calculée en utilisant une statistique de Fermi-Dirac : ∞ p w = ρ 2 D ∫Ep f ( E )dE = ρ 2 D ∫ ∞ Ep dE Ep − E F = ρ 2 D kT ln1 + exp E − EF kT 1 + exp kT ou f(E) est la distribution de Fermi, Ep l'énergie de confinement considérée, et ρ2D est la densité de charges bi-dimensionnelle Les puits quantiques sont modélisés de deux façons différentes : (i) La modélisation la plus simple est de ne considérer qu'un niveau de confinement au fond du puits. On calcule alors la densité de charges 2D au centre du puits, que l'on redistribue uniformément sur l'ensemble du puits. On appellera dans ce cas "profondeur de puits" la différence d'énergie entre les bords du puits et la barrière (figure 17). répatition des charges profondeur du puits Position du calcul de pW z E Figure 17 Courbure de la bande de valence au niveau d'un puits quantique, et définition du terme "profondeur du puits" dans le cas d'un calcul par la résolution de l'équation de Poisson seule. Le calcul de la position en énergie du centre du puits se fait par résolution auto-consistante, celle-ci fixant la courbure de bande dans le puits, qui fixe sa position, ... . La convergence est obtenue très rapidement. 182 (ii) Il peut être intéressant de réaliser un calcul complet des niveaux de confinement est des fonctions d'ondes des trous lourds et des trous légers. On réalise alors, dans le puits, une résolution auto-consistantes des équations de Schrödinger et de Poisson couplées, les charges étant réparties sur l'épaisseur du puits en fonction de leur probabilité de présence. Dans ce cas, on appelle profondeur de puits la profondeur du puits de potentiel sans contraintes. 4.1.2.2.1 Analyse d'une mesure Nous allons dans un premier temps analyser la mesure de C(V) réalisée sur l'échantillon D30-240 (M748). Sa structure est celle de la figure 6, avec une période de 850 Å d'après la diffraction X, et des espaceurs de 280 Å de largeur. La couche servant à l'écrantage de l'effet d'épinglage du niveau de Fermi en surface est composée ici d'une barrière dopée sur 230 Å, suivie par 1860 Å de barrière non dopée. Nous n'avons mesuré sur cet échantillon que la capacité série CSérie (voir chapitre 1). Nous lui avons donc retranché la capacité de couplage CC pour obtenir C. Le profil de C(V) obtenu sur cette structure est le présenté figure 18. 1800 75 65 2200 60 2400 2600 50 2800 3000 3200 3400 45 40 S/C (Å) 55 0 Capacité (pF) 2000 Profondeur = 70 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Tension (V) Figure 18 Capacité C mesurée à 100 kHz en fonction de la tension appliquée sur l'échantillon D30-240. La profondeur effective sondée est indiquée sur l'axe de droite. 183 La figure 18 montre que la capacité diminue lorsque l'on augmente la tension. Ceci signifie que la profondeur désertée effective augmente. Au-delà d'une tension de 7,5 V pour cette mesure, la capacité remonte (non montré ici). Ce phénomène est commun à tous les échantillons que nous avons étudié, et vient du fait que la diode devient passante. La courbe obtenue n'est pas continue ; elle présente trois plateaux, indiqués par trois traits. Ils proviennent de zones riches en charges libres, dans lesquelles la variation de profondeur désertée en fonction de la tension est plus lente que dans les zones pauvres. Inversement, dans les zones pauvres, la profondeur désertée est plus sensible à la variation de tension, et la capacité varie plus vite. Les zones riches en charges libres sont soit les parties dopées non complètement ionisées, soit les puits quantiques. Afin de mieux comprendre ce mécanisme, remplaçons notre échantillon par trois plans très fortement dopés, et appliquons lui une tension croissante. Tant que le premier plan n'est pas complètement vide de charges, la profondeur de désertion reste bloquée, et la capacité reste constante. On retrouve alors notre premier plateau. Lorsque ce premier plan est vidé de ses charges libres, la profondeur de désertion augmente jusqu'au deuxième plan. La capacité diminue alors brusquement, puis présente un second plateau, jusqu'à ce que ce plan soit vide à son tour, et ainsi de suite... Dans la courbe expérimentale, le dopage de nos couches étant fini, les plateaux suivent la courbe d'une couche épaisse dopée, dont on peut déterminer le taux de dopage en traçant l'inverse du carré de la capacité en fonction de la tension (voir la figure 27 du chapitre 1). Ce petit modèle simpliste, qui rend compte de la présence des trois plateaux, ne prend pas en compte le fait que lors du vidage d'un puits quantique, la courbure de bande induit un vidage simultané de la barrière qui le suit, de sorte qu'il est difficile de déterminer directement la quantité de charges présentes dans le puits. Un calcul plus complet de la courbure de bande permet de prendre en compte cet effet. En utilisant le même formalisme que pour les couches épaisses dopées, on peut tracer la quantité effective de charges en fonction de la profondeur désertée effective. p eff = 2 1 ∂V × ∂ S² qε ε 0 C² −1 et z eff = εε 0 S C Ces formule conduisent pour les mesures réalisées sur l’échantillon D30-240 au profil présenté figure 19. Les positions des barrières dopées et du puits les plus proches de la surface sont représentées en pointillés sur la figure. Les plateaux de la figure 18, à 2100, 2600 et 3000 Å donnent lieu à 184 des bosses, montrant qu'ils proviennent des zones riches en charges. On peut attribuer ces trois bosses aux deux barrières dopées et au puits grâce à leur position. Cependant, on remarque que la position du puits vue par cette analyse ne correspond pas à sa position réelle. Le puits semble être décalé vers la barrière la plus profonde. Bien évidemment, la valeur absolue de la profondeur déduite de la mesure de la capacité dépend de la surface S de la goutte de mercure. La valeur de la surface du disque S fluctue de ±10% d’une série de mesures à l’autre, à cause de la nature des contacts (mercure). La valeur numérique utilisée pour la courbe de la figure 19 est issue de son ajustement avec une courbe calculée (voir plus loin). On peut tout de même remarquer que la valeur moyenne de S utilisée pour l’ensemble des dépouillements que nous avons réalisé sur nos différents échantillons coïncide avec la mesure directe (voir chapitre 1, figure 30). 4x10 17 3x10 17 2x10 17 1x10 17 Barrière dopée -3 peff (cm ) Barrière dopée Puits 0 1800 2000 2200 2400 2600 2800 3000 zeff (Å) Figure 19 Concentration effective de charges en fonction de la profondeur de désertion effective, calculées à partir des points de mesure de C(V) pour l'échantillon D30-240. Les positions des zone de dopage et du puits sont représentées par les lignes pointillées. Considérons le puits que nous voyons lors de la mesure, et la barrière située juste plus profondément. Le puits étant vidé en même temps qu'une partie de cette barrière, la capacité mesurée représente une moyenne des deux profondeurs. Ainsi, le puits est vu plus profondément qu'il ne l'est, et 185 de même, la barrière se retrouve rapprochée de la surface. Ce deuxième effet est moins visible car la quantité de trous contenus dans la barrière est plus importante. On peut visualiser cet effet en comparant entre eux des profils calculés numériquement, pour lesquels les paramètres de dopages et d'épaisseurs sont constants, et la profondeur du puits est changée. On obtient alors la figure 20. Plus le puits est profond, et plus il est peuplé en charges. Il subit alors moins l'effet de moyenne en profondeur avec la barrière qui le suit, et sa position calculée converge vers sa position réelle. Une façon de formaliser ce phénomène est d'utiliser les notations de Kroemer [KRO80][KRO81] : soit p(z) la concentration réelle de trous dans le semiconducteur, en présence d'une tension inverse V, appliquée à une barrière Schottky placée à la surface du semiconducteur, à z=0. Supposons maintenant que la tension est augmentée de ∆V, à V+∆V. Ceci entraînera une désertion en trous de ∆p(z) du semiconducteur, de sorte que la nouvelle concentration de trous passe à p(z)-∆p(z). La charge capacitive ∆Q résultant de ∆V est : ∆Q = q∆P avec ∞ ∆P = ∫ ∆p ( z )dz 0 600 meV 18 300 meV 200 meV -3 peff (cm ) 10 160 meV 17 10 100 meV 16 10 2000 2200 2400 2600 2800 3000 zeff (Å) Figure 20 Profil expérimental de l'échantillon D30-240 (ronds évidés), et calculés (traits), pour un dopage résiduel dans les espaceurs et le puits de 5×1014 cm-3, un dopage de la barrière la plus proche de la surface de 3,9×1017 cm-3,et 4,3×1017 cm-3 dans la barrière inférieure, et une profondeur de puits variable (indiquée sur la figure). 186 Le théorème de Gauss induit que la variation de champs électrique ∆E(z) à la profondeur z varie de la façon suivante : ∆E ( z ) = − q εε 0 ∫ ∞ z ∆p ( y )dy Une seconde intégration donne l'incrément de tension ∆V : ∞ ∆V = − ∫ ∆E ( z )dz = − 0 q εε 0 ∫ ∞ 0 dz ∫ ∆p( y )dy = z ∞ q εε 0 ∫ ∞ 0 ∆p ( z ) zdz La dernière expression s'obtient par intégration par parties. La capacité C par unité de surface s'écrit donc: C= ∆Q = εε 0 ∆V ∞ ∫ ∆p( z )dz = εε ∫ ∆p( z ) zdz z 0 ∞ 0 eff 0 On se rend donc bien compte que zeff représente la localisation moyenne du déplacement de la distribution de charges dû à l'incrément de tension ∆V. z eff = 1 ∞ ∆p ( z ) zdz ∆P ∫0 La modélisation simpliste de la répartition de charges uniforme donne des résultats satisfaisants. Cependant, deux paramètres permettent d'ajuster l’intensité du pic du puits calculé à celle du pic expérimental : la profondeur du puits, et la densité de dopage résiduel au fond du puits et dans les espaceurs. Dans le cas de l'échantillon D30-240, il n'est pas possible d'ajuster exactement le résultat du calcul avec le pic du puits simultanément avec les creux correspondants aux espaceurs dans l'hypothèse ou le dopage résiduel est constant sur toutes les zones non dopées. En introduisant des gradients de dopage dans les espaceurs, on peut parvenir à une concordance excellente entre le profil calculé et le profil expérimental, mais le nombre de paramètres mis en jeux dans ce cas devient très important. On peut alors s'interroger sur l'unicité de la solution trouvée. De plus, nous ne disposons pas de la mesure de l'impédance totale du circuit équivalent. L'écart constaté entre notre calcul et les points expérimentaux des zones d'espaceurs peut provenir du fait que notre approximation qui consiste à retrancher CC à CSérie 187 -3 peff (cm ) n'est pas exactement vérifiée. Ce problème s'est posé pour la presque totalité de nos mesures. La solution à ce problème est d'encadrer les points expérimentaux par des calculs résultants d'hypothèses simples. La figure 21 montre une série de calculs réalisés pour différentes profondeurs de puits et différents dopages résiduels en tenant constante l'intensité du pic du puits. 16 -3 5.10 cm 17 10 14 -3 5.10 cm 1800 2000 2200 2400 2600 2800 3000 zeff (Å) Figure 21 Calculs de peff en fonction de zeff (lignes) pour des valeurs de dopage résiduel dans les barrières non dopées et les puits de 0,05, 1, 2, 3, 4 et 5 ×1016cm-3, et pour des profondeurs de puits calculées ajustant le profil expérimental de l'échantillon D30-240 (cercles). Le dopage des barrières est le même que pour la figure 20. L'ordonnée est en échelle logarithmique pour mettre en évidence les écarts entre les différents calculs. Les paramètres utilisés pour les courbes de la figure 21 qui ajustent le pic du puits sont résumés sur la figure 22. Il est donc possible d'après ce calcul d'estimer la population du puits à 2,9×1011 ± 0,2×1011 cm-2. Nous avons réalisé sur cette structure un calcul dans lequel on tient compte du confinement dans les puits quantiques (résolution couplée des équations de Poisson et de Schrödinger). On a alors tenu compte des cinq niveaux de trous lourds et de deux niveau de trous légers qui apparaissent dans notre configuration (chapitre 1, figure 5). Pour ce calcul, nous avons considéré un dopage résiduel dans le puits et les espaceurs de 5×1014 cm-3. Le résultat de ce calcul est présenté à la figure 23. 188 11 3.1x10 160 11 3.0x10 150 11 140 2.9x10 -2 pW (cm ) Profondeur du puits (meV) 170 130 11 2.8x10 120 110 11 0 16 1x10 16 2x10 16 3x10 16 4x10 5x10 16 2.7x10 -3 Dopage résiduel (cm ) Figure 22 Paramètres utilisés pour les calculs de la figure 20. La profondeur du puits est telle que définie à la figure 17. 17 4x10 17 -3 peff (cm ) 3x10 17 2x10 17 1x10 0 2000 2200 2400 2600 2800 3000 zeff (Å) Figure 23 Profil expérimental de l'échantillon D30-240 (ronds évidés), et calculés par la résolution auto-consitante des équations de Poisson et de Schrödinger (traits), pour un dopage résiduel dans les espaceurs et le puits de 5×1014 cm-3, un dopage de la barrière la plus proche de la surface de 3,9×1017 cm-3, de 4,3×1017 cm-3 dans la barrière inférieure, et une profondeur de puits de 137 meV. En pointillés, calcul par la résolution de l'équation de Poisson seule, et pour une "profondeur de puits" de 160 meV. 189 Le puits de potentiel est ici calculé d'une profondeur de 137 meV, ce qui donne, avec la contrainte, qui lève la dégénérescence hh-lh de 38 meV, un puits de 118 meV pour les trous légers, et de 156 meV pour les trous lourds. L'énergie de confinement du niveau hh1 est donc de l'ordre de 160 meV, ce qui est de l’ordre de grandeur de l'énergie trouvée par le calcul de l'équation de Poisson seule dans les même condition (dopage résiduel de l'ordre de 5×1014 cm-3). On trouvera dans l’annexe 2 une explication de la différence de profondeur de puits trouvée entre les deux calculs. La détermination d’une profondeur de puits de 137 meV est cohérente avec un décalage chimique d'un tiers de la différence de gap entre la barrière et le puits, soit 133 meV pour un gap de barrière de 2 eV. De plus, la densité de trous 2D est calculée, pour le profil montré figure 23, à 3,2×1011 cm-2, ce qui est très proche du résultat du calcul simple, monté en pointillés, soit 3,05×1011 cm-2. Ces résultats autorisent à ne pas utiliser de façon systématique la méthode de résolution complète (Schrödinger-Poisson), chère en temps de calcul (environ six heures pour un profil). La mesure par C(V) permet de confirmer la profondeur du puits quantique, et permet une estimation de la densité de trous 2D. Le calcul complet par la résolution auto-consistante des équations de Poisson et de Schrödinger confirme les valeurs obtenues par le calcul simple, et justifie ainsi son seul emplois dans le cas d'une détermination rapide. Une détermination précise de la profondeur du puits n'est pas possible pour cet échantillon. En effet, elle dépend du dopage résiduel dans le puits et les espaceurs. Nous n'avons pas pu mesurer l'impédance complète en fonction de la tension sur cet échantillon, qui présente une structure idéale pour ajuster le pics du puits. En effet, sur les autre échantillons que nous avons élaboré, et en particulier sur les structures à un puits quantique, le pic du puits est moins bien résolu (voir paragraphe suivant). Il serait donc intéressant d'élaborer à nouveau cette structure et d'en mesurer l'impédance complète en fonction de la tension. Il sera alors probablement possible d’obtenir un meilleur ajustement des espaceurs, et par suite, une mesure plus précise de la profondeur du puits. 4.1.2.2.2 Cas d'une structure à puits unique Dans le cas des structures à un puits quantique, pour lesquelles nous avons pu mesurer simultanément CSérie et RSérie, le pic du puits quantique 190 n'est pas résolu comme dans le cas de l'échantillon D30-310 traité précédemment. Il est cependant intéressant de vérifier la localisation de zones dopées. Cette mesure donne en outre des informations sur le taux de dopage atteint dans les parties dopées. L'échantillon présenté ici (M1038) est une structure à un puits quantique (voir figure 11), avec un espaceur de 200 Å. 70 CSérie 60 C 50 CPara RPara 120 100 80 40 60 30 20 RSérie 10 0 40 RS 0 2 4 6 8 10 12 14 Résistance (k ) Capacité (pF) La mesure CSérie et de Rsérie permet de déduire CPara, RPara, et surtout C et RS (voir le chapitre 1 pour la définition des notations). La figure 24 montre le résultat obtenu. 20 16 0 Tension (V) Figure 24 Capacités (axe de gauche) et résistances (axe de droite) mesurés (CSérie et RSérie), et déduits de la mesure (CPara, RPara, C, RS) pour l'échantillon M1038. Il est intéressant de noter (figure 24) que la capacité C a une valeur très proche de la capacité CSérie lorsqu'on lui retranche la capacité de couplage CC, tant que RS reste inférieure à 20 kΩ. Cette mesure valide donc les calculs du chapitre 1. La figure 25 montre le profil obtenu à partir de la capacité C déduite de la mesure de CSérie et RSérie. Le profil issu de CSérie-CC n'est pas représenté puisqu'il ne se distingue du profil réel qu'à partir de zeff=4100 Å. Le puits (repéré par deux traits verticaux sur la figure 25) ne se distingue plus ici que par un épaulement en dessous de la zone dopée qui le 191 précède. Les valeurs utilisée pour ajuster le calcul au niveau du puits coïncident avec celles déterminées sur l'échantillon D30-240 (puits profond de 160 meV pour un dopage résiduel faible). La densité de trous 2D déduite de ce calcul est de 3×1011 cm-2. Cette densité est en accord avec celle mesurée par effet Hall pour le même espaceur (200 Å). La mesure du déplacement de Moss-Burstein à 2 K sur cet échantillon donne une densité comprise entre 2 et 3×1011 cm-2, dépendant du pointage de la raie de transmission. 17 8x10 17 Puits -3 peff (cm ) 6x10 17 4x10 17 2x10 0 2000 2500 3000 3500 4000 zeff Figure 25 Profil peff(zeff) expérimental de l'échantillon M1038 (ronds évidés), et calculés (ligne) par la résolution de l'équation de Poisson seule pour le puits, avec un dans les zones dopées de 7,2×1017cm-3, un dopage résiduel dans les parties non dopées de 1015 cm-3, et une profondeur de puits de 160 meV (traits pointillés) Notons que le taux de dopage des zone dopées introduites dans le calcul pour ajuster le profil expérimental est très élevé (de l'ordre de 7×1017 cm-3). Un tel taux de dopage n'a pas été mesuré sur des couches épaisses dans les mêmes conditions d'alliage et de cellule (environ 3×1017 cm-3) dans cette configuration. Nous n'expliquons pas cette mesure. 4.1.2.3 Conclusion La caractérisation de la densité de charges 2D par C(V), effet Hall et par mesure du déplacement de Moss-Burstein donnent des résultats 192 cohérents entre eux. La mesure par C(V) permet en outre de confirmer le décalage de bande de valence entre le puits et les barrières dont nous n'avons pas de mesure directe. La mesure de l'impédance complète sur une structure du type D30-310 permettrait sans doute de déterminer ce décalage de bande avec plus de précision. 4.2 Dopage de type n Le dopage par modulation de type n d'hétérostructures comportant du magnésium a bénéficié de la découverte du nouveau dopant pour l'EJM des II-VI qu'est l'aluminium, ainsi que de l'expérience que nous avons acquise lors de l'élaboration d'hétérostructures dopées p par modulation. Ainsi, après avoir obtenu un dopage de l'ordre de 1018 cm-3 sur une couche de Cd0,7Mg0,3Te:Al, nous avons élaboré une hétérostructure (M1020) qui a fait, et fait encore (8 mois plus tard) l'objet de nombreuses études magnétooptiques (voir chapitre 5). Nous n'avons donc pas rencontré de difficulté d'élaboration dès le premier échantillon réalisé. C'est pourquoi nous nous bornerons ici à décrire la structure de ce type d'échantillons, et à comparer leur qualité aux échantillons dopés à l'indium. Le niveau de Fermi, s’épinglant à environ 200 meV en dessous du bas de la bande de conduction (voir paragraphe 4.1.1.2), il n’est pas utile, dans ces structures, d’ajouter une couche d’écrantage de cet effet. La structure type que nous avons élaborée est présentée figure 26. Zone dopée Puits quantique Espaceur non dopé Buffer de Cd0.88Zn0.12Te Substrat de Cd0.88Zn0.12Te Figure 26 Schéma d'une hétérostructure dopée à l'aluminium. Les barrières contiennent 15% de magnésium, ce qui permet d'avoir un décalage de bande de conduction suffisant pour pouvoir transférer les électrons dans le puits. 193 Ces hétérostructures ont été élaborées à 220°C, comme pour le cas des hétérostructures dopées p. Nous n'avons pas étudié l'effet d'un accroissement de la température de croissance sur leur qualité structurale. Le dopage de type n d’hétérostructures de CdTe/CdZnTe et de CdTe/CdZnMgTe est aussi réalisé au laboratoire par l’utilisation de l’indium, depuis la thèse de F. Bassani [BAS93]. Ce dopant permet d'obtenir des couches dégénérées de CdZnTe, mais pas de CdMgTe, pour lequel le taux de dopage atteint est bas (quelques 1016 cm-3). Il faut cependant remarquer qu'une couche de CdZnTe n'est dégénérée que si le dopage est supérieur à 5×1017 cm-3. Or, à partir de 1018 cm-3, le phénomène de compensation apparaît. L'obtention d'une couche dégénérée à l'aide de l'indium est donc délicate. Intensité de luminescence (u.a.) 1.0 0.8 Dopage In Dopage Al (ZD411) (M1020) 0.6 0.4 0.2 0.0 1595 1600 1605 1610 1615 1620 1625 Energie (meV) Figure 27 Comparaison des spectres de photoluminescence à 2 K des puits d'hétérostructures dopées par modulation à l'indium ou à l'aluminium. Les deux structures comportent un puits de Cd1-xMnxTe de 100Å de largeur entre des barrières de Cd0.75Zn0.1Mg0.15Te (x=0.002 pour le M1020 et x=0 pour le ZD411). La largeur de raie de la transition excitonique dans les puits quantiques est plus fine sur une hétérostructure dopée à l'aluminium que dans le cas du dopage par modulation à l’indium, comme le montre la figure 27. On obtient une largeur de l'ordre de 1 meV pour le cas du dopage à l'aluminium, et de 7 meV pour le dopage à l'indium. Outre la différence de dopant, il faut signaler que l'échantillon dopé à l'indium a été élaboré à 194 280°C, ce qui devrait améliorer la qualité de ses interfaces. Une explication possible est que lors de la croissance à 220°C de la structure dopée à l'aluminium, les interfaces entre le puits et les barrières peuvent être pseudolisses. La différence de position entre les raies du puits de l'échantillon M1020 et de l'échantillon ZD411 provient de la différence de sa concentration en manganèse. La présence d’un gaz d’électrons 2D est montrée par une mesure du déplacement de Moss-Burstein entre les raies de luminescence et de transmission de l’exciton du puits quantique (figure 28). 1.0 TR Intensité (u.a.) 0.8 déplacement de Moss Burstein 0.6 PL 0.4 0.2 M1020 0.0 1610 1615 1620 Energie (meV) Figure 28 Spectres de photoluminescence et de transmission de l'échantillon M1020, mettant en évidence le déplacement de Moss-Burstein. La mesure par C(V) de la population en électrons des puits quantiques dans ces structures s’est avérée infructueuse. En effet, la hauteur de la barrière Schottky entre le mercure et le semiconducteur, mesurée au chapitre 2, induit une désertion des charges libres au-delà du puits quantique même à tension appliquée nulle. Le fait que le puits ne soit pas dépeuplé lorsque la surface de l’échantillon est libre est une autre indication que le niveau de Fermi se bloque près de la bande de conduction. 195 Cette étude est très préliminaire et ne prétend pas avoir réalisé une optimisation du dopage modulé de type n utilisant l'aluminium. Néanmoins, ces hétérostructures ont permis des études menées au laboratoire par S. Lovisa et V. Huard. Leurs résultats sont résumés au chapitre 5. 4.3 Conclusion La réalisation d'hétérostructures dopées par modulation de type p de bonne qualité a nécessité la prise en compte de différents problêmes. L'abaissement de la température de croissance, déduit de notre étude présentée au chapitre 3, n'est en effet pas suffisant. Nous avons été contraints d’adapter la structure de nos échantillons afin d’écranter les effets d’épinglage du niveau de Fermi en surface et, probablement, à l’interface avec le substrat, dont l’effet est de vider les puits quantiques des structures dopées p. A basse température, l'élaboration de multi-puits de CdTe permet l'obtention d'un gaz de trous 2D dont la qualité a permis de mettre en évidence l'exciton chargé positivement (voir chapitre 5). Cependant, ce type de structures ne permet pas d'obtenir une qualité suffisante pour des puits de CdMnTe, pour lesquels une quantité de magnésium plus grande dans les barrières dopées est nécessaire. Par contre, les structures ne contenant qu'un seul puits de CdMnTe, et ainsi une plus faible dose d'azote, permettent d'obtenir un gaz de trous dont la densité est suffisante à l'observation d'une transition de phase ferromagnétique. Le contact électrique d’un gaz de trous 2D a été réalisé grâce à la croissance in situ de plots de ZnTe dégénérés sur une structure adaptée. Une mesure de la densité du gaz 2D a pu être effectuée par effet Hall. Le C(V) permet d'obtenir une évaluation relativement directe du dopage, à condition de calculer la courbure des bandes à température ambiante. Les calculs réalisés confirment l'ordre de grandeur du décalage de bande de valence entre les puits et les barrières, et du transfert de charges. Les deux mesures électriques de la densité de charges 2D sont cohérentes entre elles et avec la mesure du déplacement de Moss-Burstein. Le dopage n à l'aluminium, étude préliminaire, est toutefois encourageant, puisqu'il permet l'obtention de structures de bonne qualité optique sans nécessiter d'optimisation des paramètres de croissance. 196 Chapitre 5 Quelques études permises par nos hétérostructures dopées par modulation 5.1 Introduction Les paragraphes qui suivent traitent des applications qu’ont eues les échantillons que nous avons élaborés. Ces échantillons ont fait, ou font encore l’objet d’études optiques et magnéto-optiques de la part de thésards de notre laboratoire (A. Haury, D. Ferrand, S. Lovisa et V. Huard), d’un scientifique du contingent (T. Bruhnes) ou de chercheurs d’autres laboratoires (P. Gilliot et al. de l’institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg, T. Dietl de l’institut de physique de l’académie des sciences de Varsovie et P. Kossacki de l'université de Varsovie). Il n'est pas question dans le cadre de ce manuscrit de développer toutes ces études. Nous nous contenterons de résumer leurs résultats, avec une attention toute particulière cependant lors du paragraphe traitant de la mise en évidence d’une transition de phase ferromagnétique dans nos hétérostructures. 5.2 Hétérostructures dopées p 5.2.1 Mise en évidence de l’exciton chargé positivement dans les II-VI ([HAU98]) L’existence d’excitons chargés dans les semiconducteurs, c’est à dire deux électrons liés à un trou (X-), ou un électron lié à deux trous (X+) a été prévue en 1958 par Lampert [LAM58]. La faible énergie de liaison des porteurs de charge additionnels interdit l’observation de ces excitons chargés dans le massif. Stébé et Ainane remarquèrent en 1989 [STE89] que dans une structure bi-dimensionnelle, l’énergie de liaison doit s’accroître de façon spectaculaire. L’exciton chargé négativement X- a été observé pour la 197 première fois par Kheng et al. [KHE93] dans des multi-puits de CdTe/CdZnTe dopés à l’indium (type n) par modulation. Cette observation a rapidement été suivie par la mise en évidence expérimentale des deux types d’excitons dans les systèmes 2D à base de matériaux III-V [FIN96]. Dans les matériaux II-VI, le X+ a été observé suite à la réalisation de nos structures à modulation de dopage de type p. L’observation de l’exciton chargé positivement par des mesures magnéto optiques est rendue possible grâce à la polarisation de sa raie sous champ magnétique. En effet, lorsqu’on applique un champ magnétique, l’effet Zeeman entraîne une levée de dégénérescence des niveaux de trous lourds (et des niveaux d’électrons). Les niveaux de trous légers ne sont pas considérés car la contrainte dans les puits entraîne un éloignement de leur niveau d’énergie de 38 meV, de sorte que ces niveaux sont peu ou pas peuplés. Ainsi, lorsque la différence d’énergie entre les niveaux +3/2 et -3/2 (resp +1/2 et -1/2) devient comparable à kT, la sous bande -3/2 (resp -1/2) de plus haute énergie se dépeuple, de sorte que les trous (resp les électrons) disponibles pour former un exciton chargé sont les trous +3/2 (resp les électrons +1/2) +1/2, -3/2 σ- σ+ +3/2, -3/2, -1/2 +1/2, -1/2, -3/2 -1/2, +3/2 +1/2, -1/2, +3/2 σ- σ+ +3/2, -3/2, +1/2 σ- σ+ -1/2 électron -3/2 trou X +1/2 X- +3/2 X+ Figure 1 Règles de sélection pour l’absorption de lumière polarisée circulairement. Pour l’exciton chargé, nous ne considérons que l’état singulet final, dans lequel les deux particules identiques ont un spin opposé. ge et gh sont négatifs. La règle de sélection pour la formation de l’exciton chargé induit que sa raie est polarisée circulairement σ - pour le X+, et σ+ pour le X- (figure 1). La figure 2 montre l'évolution des spectres de transmission de l'échantillon M749 en fonction d'un champ magnétique appliqué 198 perpendiculairement au plan du puits. La structure de cet échantillon est identique à celle du D30-310 (M748) présenté au chapitre 3, mais avec des espaceurs de 1000 Å de largeur, et une période mesurée par diffraction X de 2310 Å. La densité de trous est de l'ordre de 3×1010 cm-2 dans le puits d'après le C(V) à 300 K. σ + 11T σ - Transmission 9T 7T 5T 3T 1T 0T + X 1625 X 1630 1635 Energie (meV) Figure 2 Spectres de transmission de l'échantillon M749 (espaceur de 1000 Å) en fonction du champ magnétique (polarisation σ+ pour les traits continus, et σ- pour les traits pointillée). Sous champ magnétique nul, le spectre de transmission présente deux raies autour de l'énergie de transition e1-hh1 ; une à 1629 meV, la plus intense des deux, et une raie moins intense à 2,6 meV en dessous. Lorsqu'on augmente le champ magnétique perpendiculaire, on observe une polarisation 199 de la raie située à la plus basse énergie. Cette raie est polarisée σ -, et elle est attribuée à l'exciton chargé positivement X+. 5.2.2 Etude de la force d’oscillateur de l'exciton chargé X+ ([BRU98]) Lorsqu'on place un puits quantique dans un système qu'on appelle "microcavité" (deux miroirs de forte réflectivité séparés d'une épaisseur optique λ ), les propriétés radiatives de ses excitons y sont fondamentalement modifiées [WEI92]. L'émission spontanée devient un processus réversible : on parle d'oscillations de Rabi, parce que l'état quantique du système, nommé polariton, oscille entre sa nature "photon", et sa nature "exciton". On peut alors observer un "dédoublement de Rabi" correspondant à cette oscillation. Les microcavités sont un thème de recherche du laboratoire, les matériaux II-VI étant des matériaux privilégiés par leur grandes forces d'oscillateurs excitoniques. Celles-ci sont élaborées par R. André de façon monolithique, c'est à dire que les deux miroirs et la cavité résonnante sont élaborés en épitaxie par jets moléculaires par une seule croissance. Nous avons saisi l'opportunité de la double compétence sur le même bâti d'épitaxie de la croissance de microcavités par, et de l'élaboration d'hétérostructures dopées par modulation pour étudier le couplage entre l'exciton chargé positivement et le mode de la cavité. Le dédoublement de Rabi dépend directement de la force d'oscillateur de l'exciton. On dispose donc ainsi d'un moyen d'investigation de la force d'oscillateur de X+. L'énergie du mode de la cavité est ajusté à l'énergie excitonique en faisant varier l'épaisseur de la couche formant la cavité. En effet, les microcavités sont élaborées de telle sorte que l'on obtienne un fort gradient de flux (voir chapitre 1). Il en résulte un gradient d'épaisseur totale entre les deux bords de l'échantillon (dont la taille est typiquement de 0,25×1,5 cm2). La plage de réflectivité des miroirs, ainsi que le mode excitonique sont peu sensibles au gradient d'épaisseur obtenu. Par contre, la longueur d'onde du mode Fabry-Perot sera proportionnelle à l'épaisseur. Il suffit donc de se déplacer sur l'échantillon pour accorder le mode du photon au mode de l'exciton. La cavité est donc dans notre cas formée de Cd0,69Zn0,08Mg0,23Te dopé par modulation à l'azote, et d'un puits quantique de CdTe large de 80 Å (figure 3). On se place ainsi dans des conditions équivalentes à celles de l'échantillon M749 présenté au paragraphe précédent. Les espaceurs sont 200 choisis d'une largeur de 700 Å de façon à obtenir une intensité comparables des raies de l'exciton et de l'exciton chargé. L'ensemble doit être contenu dans une épaisseur optique de λ, soit 2720 Å de CdZnMgTe compte tenu de l'indice de réfraction et de l'énergie de la transition excitonique. Pour garder la possibilité de moduler la densité du gaz de trous par une illumination des barrières, le miroir supérieur doit être transparent à 2 eV. Il ne peut pas être réalisé en II-VI, mais en YF3/ZnS (transparent à 2 eV). Il faut donc disposer une couche dopée suffisamment épaisse pour écranter l'effet d'épinglage du niveau de Fermi à la surface (voir chapitre 4). Le compromis trouvé est résumé dans la figure 3. Cd0,69Mn0,31Te Cd0,38Mg0,60Zn0,02Te Indice optique 3 x 21 YF3 ZnS Couche tampon Cd0,69Mn0,31Te x4 Cd0,69Zn0,08Mg0,23Te 2 :N :N CdTe 33000 34000 35000 36000 1 0 10000 20000 30000 40000 Epaisseur déposée (Å) Figure 3 Structure de la microcavité dont la partie active (en insert) comporte un puits de CdTe dopé par modulation. La figure 4 montre l'anticroisement entre les deux raies excitoniques et la raie photonique en fonction de leur désaccord, qu'on obtient en se déplaçant sur l'échantillon. Les lignes continues sont issues du calcul des états propres d'un système couplé faisant intervenir le photon FP et les deux états excitoniques X et X+, et qui peut être résumé par l'hamiltonien E FP VX V X+ VX EX 0 VX + 0 E X + 201 où les éléments de matrice de couplage VX et VX+ sont respectivement proportionnels aux racines carrées des forces d'oscillateurs des excitons X et X+. L'ajustement entre les courbes continues obtenues par diagonalisation de cet hamiltonien et les points expérimentaux donne accès à VX et VX+. 1660 FP Energie (meV) 1650 1640 X 1630 + X 1620 1610 -20 -10 0 10 20 Désaccord Figure 4 Anticroisement des raies excitoniques (X et X+), et de la raie photonique (FP), montrant le couplage entre les trois niveaux. Les traits pointillés indiquent les énergies EFP, EX et EX+ des états du photon, de l'exciton et de l'exciton chargé, en ne prenant pas en compte le couplage, et les lignes continues les positions calculées des raie en prenant en compte en couplage. Cette étude reproduite pour différentes densités de trous (modulées par illumination) permet l'investigation de l'évolution relative des forces d'oscillateurs de X et de X+ en fonction de la densité de trous dans le puits. On déduit de ces mesures que les forces d'oscillateurs de X et de X+ sont couplées (voir figure 5), et il les explique par un phénomène de vol de force d'oscillateur. 202 16 V²X=V²0-γV²X + V²X (meV²) 14 12 10 8 6 0 1 2 3 4 5 V²X (meV²) + Figure 5 variation relative des forces d'oscillateur de X et de X+ pour différentes densités de trous modulées par illumination : 5.2.3 Etude des propriétés dynamiques du X+ ([BRI98][BRI98b]) Cette étude fait l'objet d'une collaboration avec P. Gilliot, J. Kurdna, D. Brinkmann et B. Hönerlage. Des mesures de PL résolue en temps ont été réalisées sur une structure comportant cinq puits de CdTe de 80 Å de largeur, avec des barrières de Cd0,69Zn0,08Mg0,23Te dopées à 3×1017 cm-3 La largeur de l’espaceur est de 500 Å, de sorte que la population de trous dans les puits quantiques soit de l’ordre de quelques 1010 cm-2. Les temps de vie de l’exciton et de l’exciton chargé positivement ont été mesurés à l’aide d’une expérience de photoluminescence résolue en temps. Les valeurs qu’ils trouvent sont : τX = 550 ps τX+ = 80 ps Le temps de vie de l’exciton est en accord avec une autre étude menée récemment sur des puits quantiques de CdTe/CdMgTe [OSS94]. Le fait que la relaxation radiative du trion soit 7 fois plus rapide que pour l’exciton est 203 attribué à une plus grande étendue de la fonction d’onde du trion relativement à celle de l’exciton. Une expérience de mélange à quatre ondes a aussi été réalisée sur ces échantillons. Ce type de mesure renseigne sur les interactions excitonexciton, trion-trion, exciton-photon, et trion-porteur (en modifiant optiquement les populations d'excitons, de trions et de porteurs). Le résultat obtenu est que les interaction exciton-exciton sont plus fortes que les interactions trions-trions et trions-porteurs, ce qui suggère que les trous et les trions sont localisés alors que les excitons sont libres dans cet échantillon. Cette étude permettra des études de la localisation pour des échantillons plus dopés. 5.2.4 Transition de phase ferromagnétique ([HAU97][HAU97b]) L’intérêt des semiconducteurs semi-magnétiques a été renouvelé récemment avec la possibilité d’induire une transition de phase ferromagnétique de spins localisés à l’aide de porteurs libres. Au delà d’applications possibles qui permettraient d’intégrer des propriétés magnétiques aux propriétés d’optiques et de transport usuelles des semiconducteurs, cela offre une configuration originale des interactions Rudermann-Kittel-Kasuya-Yosida (RKKY), qui sont ici induites par des porteurs de charges dont la densité est basse et ajustable. Trois types de matériaux ont été étudiés jusqu'à présent : des alliages massifs IV-VI [LAZ97], des couches et des hétérostructures III-V épitaxiées [MUN89], et nos hétérostructures II-VI dopées par modulation [HAU97]. Les échantillons qui ont servi à cette étude ne comportent qu’un seul puits de Cd1-xMnxTe, entouré de barrières de CdZnMgTe dopées p par modulation (voir chapitre 4). Les spins localisés sont introduits en utilisant quelques pour cent de manganèse dans le puits quantique. Les atomes de manganèse remplacent de façon aléatoire des atomes de Cd lors de la croissance. 5.2.4.1 Approximation du champ moyen Nous allons montrer dans un premier temps grâce à l'approximation du champ moyen la possibilité d'une transition de phase ferromagnétique dans un puits quantique comportant des spins localisés, les spins de manganèse, et les spins délocalisés d'un gaz de trous 2D en interaction. On 204 ne considérera que les trous du niveau hh1 (±3/2), les autre niveau de confinement n'étant pas peuplés à 2 K. La polarisation du gaz de trous 2D sous champ magnétique dépend du champ magnétique effectif ressenti par les trous, et donc de la somme du champ magnétique appliqué et du champ magnétique issu de la polarisation des spins de manganèse. De la même façon, la polarisation des spins de manganèse dépend aussi du champ magnétique effectif qu'ils ressentent, et donc de la somme du champ magnétique appliqué et du champ magnétique issu de la polarisation du gaz de trous. L'hamiltonien d'échange entre les trous et les spins de manganèse s'écrit : H echange = − β ∑ S i . σ δ (r − Ri ) i où β est l'intégrale d'échange trous-Mn, Si est le spin de l'atome de manganèse situé en Ri, et σ le spin du trou situé en r. - L’effet du gaz de trous de polarisation p+-p-, et de spin ½, sur un spin de manganèse Siz s'écrit, en sommant sur le gaz de trous (approximation de champ moyen sur les trous) : H = S iz β ( ) 1 + 2 p − p− Ψ 2 où Ψ est la probabilité de présence des trous dans le puits. 2 On applique alors la statistique de Boltzmann sur les états de spins localisés (comme au paragraphe 1.2.2.2), et on obtient une fonction de Brillouin : ( x Sz ) 1 + 2 − 5 gsµB B + β p − p Ψ 2 = x eff S 0 B5 2 2 k (T + T AF ) (1) - L’effet de l'hamiltonien d'échange sur un trous de polarisation σz, dû aux spins de manganèse, s'écrit (approximation de champ moyen sur les spins de manganèse) : 205 H = σ z βxN 0 S z On applique alors la statistique de Fermi-Dirac sur les états de trous délocalisés, et on obtient : p + − p − = ρ 2 D (g h µ B B + βxN 0 S z ) (2) On a alors deux équation couplées (1) et (2). En se plaçant à champ magnétique appliqué faible, on peut linéariser la fonction de Brillouin. On obtient alors l'équation suivante : βxN 0 S z = où βx eff N 0 S 0 k (T + T AF S0 + 1 3 g µ B S B − TF ) kTF = ρ 2 D Ψ β 2 x eff N 0 2 J (J + 1) 6 (3) (4) Il apparaît donc un température TF que l'on nomme température ferromagnétique. La susceptibilité de notre système diverge donc à température finie si TF>TAF. Notons que TF est proportionnelle à β2, ce qui explique le choix d'un système de trous par rapport à un système d'électrons, pour lequel l'intégrale d'échange α est 4 fois plus petit que β ([GAJ79]). Numériquement, on trouve dans nos conditions expérimentales une température de transition de l'ordre de 2 à 3 K. L'approximation du champ moyen permet donc de déterminer un ordre de grandeur de la température pour laquelle il est possible d'observer un transition de phase ferromagnétique. 5.2.4.2 Observations expérimentales L'échantillon dont nous allons montrer la caractérisation par spectroscopie magnéto optique contient un seul puits de Cd0,976Mn0,024Te (voir chapitre 4). Lorsqu'on applique un champ magnétique, on obtient un déplacement de Zeeman géant, qui traduit directement la polarisation des spins de manganèse (figure 6). 206 400 Oe σ + σ - 150 Oe PL 100 Oe 75 Oe 50 Oe 25 Oe 0 Oe 1660 1665 Energie (meV) Figure 6 Déplacement Zeeman observé à l'énergie de la transition excitonique du puits de CdMnTe de l'échantillon M921B à 1,65 K (polarisation σ+ pour les traits continus, et σpour les traits pointillée). A faible champ, la fonction de Brillouin qui traduit la polarisation des spins de manganèse se linéarise, on peut déduire de la mesure la pente du déplacement de Zeeman pour les deux polarisations circulaires une "susceptibilité" magnéto optique, directement proportionnelle à la susceptibilité du système (voir l'équation (3)). La figure 7 montre le déplacement Zeeman géant pour différentes températures d'échantillon. Lorsqu'on abaisse la température de l'échantillon de 4,2 à 2,14 K, et donc qu'on diminue le désordre, la susceptibilité des atomes de manganèse augmente. A ces températures, le déplacement de Zeeman à champ nul est nul, les spins de manganèse n'étant plus polarisés par le champ magnétique. Par contre, à 1,36 K, le déplacement de Zeeman à champ nul n'est pas nul. 207 On a donc une polarisation spontanée des spins de manganèse qui traduit la présence d'une transition de phase ferromagnétique. 1666 Energie (meV) 1,36 K 2,14 K 1664 4,2 K 1662 1660 0 100 200 300 400 500 600 Champ magnétique (Oe) Figure 7 Maximum des raies polarisées σ+ (plein) et σ- (évidés) en fonction du champ magnétique applique pour trois températures différentes. On peut tracer l'inverse de la susceptibilité magnéto optique mesurée en fonction de la température (figure 8). On constate que la susceptibilité diverge à température finie (1,8 K) pour l'échantillon M921B, comportant dans le puits de Cd0,976Mn0,024Te un gaz de trous d'une densité de 2×1011 cm-2. Par contre, la susceptibilité ne diverge pas pour le même échantillon sous illumination. L'illumination d'une hétérostructure dopée p par modulation entraîne une neutralisation du gaz de trous dans le puits (voir figure 8). Une preuve de cette neutralisation est le caractère excitonique des raies sous éclairement, qui disparaît au profit d'un caractère bande à bande sous faible illumination. La susceptibilité mesurée pour l'échantillon M921B sous éclairement est donc celle d'un échantillon non dopé, ce qui explique le caractère antiferromagnétique alors mesuré. La susceptibilité ne diverge pas non plus pour l'échantillon de référence M799, non dopé, de concentration de manganèse équivalente. 208 M921B sous illumination 4 -1 1/ (10 Oe meV ) 0.10 M799 0.05 p=0 cm-2 M921B 11 -2 p=2 10 cm 0.00 0 1 2 3 4 5 Temperature (K) Figure 8 Inverse de la susceptibilité magnéto optique en fonction de la température. Les échantillons sans trous dans les puits (vides) montrent un caractère antiferromagnétique, et l'échantillon comportant des trous (pleins) montre un caractère ferromagnétique. Nous avons donc pu mettre en évidence une transition de phase ferromagnétique dans un puits quantique comportant des spins de manganèse et des trous. La température de la transition peut être estimée par l'approximation du champ moyen. Il est donc possible de disposer dans un semiconducteur d'un système dont le ferromagnétisme peut être annulé par illumination. L'application d'une tension devrait aboutir au même résultat. 5.3 Hétérostructures dopées n 5.3.1 Etude de polarisation de spins électroniques ([HUA98]) Le dopage aluminium de couches uniforme donnant de bons résultats, nous avons testé ses capacités à être utilisé dans des hétérostructures dopées par modulation. L'étude optique des gaz d'électrons 2D est réalisée au laboratoire sur des hétérostructures dopées à l'indium. Cependant, le bâti équipé de la cellule d'indium ne dispose pas de cellule de 209 manganèse. C'est pourquoi nous avons profité de cette phase exploratoire pour réaliser des structures semimagnétiques, en plaçant du manganèse dans le puits de CdTe. L'étude optique qui fait l'objet de ce paragraphe est issue de la première hétérostructure dopée à l'aluminium réalisée (M1020). Cet échantillon comporte (voir chapitre 4) un puits de Cd0,998Mn0,002Te, de 100 Å de largeur, entouré par des barrières de Cd0,75Zn0,1Mg0,15Te, le tout contraint sur un substrat et un buffer de Cd0,88Zn0,12Te. La largeur de l'espaceur est de 200 Å, et celle de la partie dopée de 400 Å, de sorte que la densité d'électrons dans le puits soit de 2,2×1011 cm-2. Les électrons du puits quantique sont couplés aux spins des ions de manganèse par une forte interaction qui augmente le décalage positif des niveaux électronique sous champ magnétique faible : c'est l'effet Zeeman géant (voir chapitre 1). En champ plus élevé, alors que le déplacement dû a cet effet sature, l'effet Zeeman "standard" du CdTe du puits continue à croître de manière linéaire avec le champ magnétique avec un signe opposé (gCdTe=-1,6). Le facteur de Landé effectif de l'électron décroît alors pour devenir égal à zéro à 11,8T pour cet échantillon, et devient ensuite négatif. Alors que g devient nul, le système de spins n'a pas de polarisation privilégiée. D'un autre côté, lorsque le facteur de remplissage ν est égal à 1, le système de spins électronique se comporte comme un système ferromagnétique. Dans notre échantillon ν=1 à 9,2 T en configuration de Faraday. En tournant l'échantillon par rapport au champ magnétique, V. Huard a obtenu la coïncidence de ν=1 et g=0. En s'écartant légèrement de cette condition, il observe une dépolarisation du système de spins, lorsque ν<1. C'est ce type d'effet qui est attendu en présence de "skyrmions". Un skyrmion représente l'état minimal d'un système de spins lorsque le facteur de remplissage est exactement égal à 1, plus un spin [LAD95]. On peut noter que la "chasse au skyrmions" dans les matériaux GaAs-GaAlAs est menée avec des moyen aussi difficiles à mettre en œuvre que l'application d'une pression pour ajuster la valeur du facteur de Landé. 210 Conclusion Cette thèse a pour sujet l'élaboration et la caractérisation de puits quantiques de CdTe et de CdMnTe à modulation de dopage de type p, et accessoirement de type n. Dopage à l'azote Nous avons montré dans un premier temps comment parvenir à une maîtrise suffisante du dopage de couches épaisses pour transférer leur utilisation au dopage par modulation d'hétérostructures. Ceci implique la mise au point du dopage de couches comportant du magnésium. Le CdMgTe permet en effet d'obtenir un décalage de bande de valence supérieur à l'énergie de liaison de l'accepteur, et ainsi d'obtenir un transfert de trous dans un puits de CdTe efficace, même à basse température. Cependant, ce matériau s'est révélé très difficilement dopable à l'azote jusqu'à notre étude [BAR96]. L'utilisation combinée d'une cellule ECR, qui permet de bien contrôler la quantité d'azote envoyée vers le substrat par rapport à une cellule DC plasma, et d'une baisse de la température de croissance de 310 à 240°C, ont permis d'obtenir un taux de dopage de l'ordre de 3×1017 cm-3 dans des couches comportant jusqu'à trente pour cent de magnésium. Le décalage de bande de valence avec le CdTe pour cette concentration est suffisant pour obtenir un transfert de charges, d'une densité de quelques 1011 cm-2. Lors du dopage par modulation d'hétérostructures à puits quantiques, nous avons été confrontés à un problème de localisation de l'azote. Ce dernier a en effet tendance à diffuser dans le cristal lorsque la température de croissance est trop élevée (310°C). Il induit alors une interdiffusion des éléments constitutifs des structures : le zinc, et surtout le cadmium et le magnésium. Nous avons pu obtenir une mesure de cette interdiffusion par l'utilisation du SIMS, de la diffraction X et de la spectroscopie optique. Une description cohérente des résultats de ces trois types de mesure a été 211 obtenue, et nous avons suggéré des pistes pour expliquer le mécanisme d'interdiffusion à 310°C. L'hypothèse d'une ségrégation a été éliminée, au profit de la diffusion de l'azote en cours de croissance depuis les zones dopées vers les puits. Le mécanisme d'interdiffusion du magnésium, du cadmium et du zinc reste complexe, et il semble faire intervenir plusieurs atomes d'azote. Nous avons constaté un épinglage du niveau de Fermi à la surface de nos échantillons près de la bande de conduction, qui a pour conséquence une désertion des charges dans la zone de surface. Afin d'éviter que les puits quantiques les plus proches de la surface ne soient vidés de leurs trous, nous avons ajouté à nos structures une couche qui absorbe la courbure de bande due à cet effet. Il est très probable que le même phénomène prenne place à l'interface entre le substrat et la couche épitaxiée. Nous avons donc, de plus, inséré une couche d'écrantage de cet effet entre la couche tampon et le puits. L'abaissement de la température de croissance à 240°C des multipuits de CdTe a permis d'obtenir une qualité suffisante à l'observation de l'exciton chargé positivement. Cependant, pour l'élaboration des multi-puits de CdMnTe, nous avons été contraints d’augmenter la quantité de magnésium dans les barrières (afin de conserver un transfert de trous suffisant), ce qui repose le problème. En particulier, ces structures présentent des défauts macroscopiques vus par cathodoluminescence. L'élaboration de structures à puits quantiques de CdMnTe de bonne qualité, pour lesquelles une transition de phase antiferromagnétiqueferromagnétique a été observée, a pu être réalisée à la température de croissance de 220°C, étalonnée à chaque croissance, en réduisant le dessin de la structure à un puits quantique et à trois zones dopées. Le rôle de ces zones dopées est, pour l'une, placée au dessus du puits, de servir de réservoir de trous pour le puits, et pour les deux autres, d'écranter l'effet d'épinglage du niveau de Fermi près de la bande de conduction en surface et à l'interface avec le substrat. Ces deux zones sont situées à 1000 Å de part et d'autre du puits afin de limiter leur effet sur ce dernier. La mesure de C(V) permet une analyse de la localisation des charges dans les structures à l'échelle de la modulation de dopage. Elle nécessite la mesure de l'impédance complète pour tenir compte de la capacité de couplage de 3 pF. La seule mesure de la capacité d'un circuit équivalent série permet cependant d'obtenir un bon ordre de grandeur de la capacité réelle dans le cas où la résistance en série entre les deux plots de mesure reste inférieure à 10 kΩ. L'analyse fine de la localisation des charges a 212 nécessité la mise au point d'un programme de calcul de la courbure de la bande de valence sous différentes tensions. L'utilisation d'un calcul autoconsistant de résolution des équations couplées de Schrödinger et de Poisson dans le puits quantique décrit mieux la mesure, mais n'est pas nécessaire quand à l'évaluation de la densité de charges 2D dans le puits. Nous avons pu grâce à cette technique, ainsi que par effet Hall et par spectroscopie, mesurer la densité du gaz de trous 2D de nos structures quantiques, avec une détermination cohérente entre ces trois caractérisations. Perspectives à court terme Ce travail s'insère dans un travail de groupe, et donne lieu à des études variées et à des collaborations. Ces études n'ont été que rappelées dans le chapitre 4, et ne sont pas terminées. La densité de trous obtenue, de l'ordre de quelques 1011 cm-2, est suffisante à l'observation d'une transition de phase ferromagnétique. Cependant, le taux de polarisation des spins de manganèse dépend directement du taux de polarisation du gaz de trous, et donc de sa densité. Un gaz de trous de plus forte densité permettrait donc d'obtenir une meilleure aimantation des spins de manganèse, et d'étudier plus finement la transition de phase. Les suites à envisager pour l'élaboration proprement dite sont donc : (i) obtenir un taux de dopage plus élevé dans les couches de CdZnMgTe. Un abaissement de la température de croissance au-dessous de 220°C semble cependant incompatible avec une bonne qualité structurale des puits quantiques, (ii) obtenir un taux de dopage plus élevé dans des couches de plus grand gap, en accroissant la composition en magnésium de l'alliage quaternaire. Une optimisation est sans doute encore possible dans ce sens puisque nous nous sommes limités à 27 % de magnésium, (iii) étudier plus systématiquement les mécanismes d'interdiffusion. En effet, les structures qui ont révélé ce phénomène n'ont pas été élaborées dans le but de l'étudier en détail. (iv) poursuivre l'étude sur la prise de contacts électriques ; les étapes de lithographie et les procédés technologiques sont au point, et les mesures sur le gaz de trous 2D lors de l'apparition de la transition de phase ferromagnétique semble possible, puisque des mesures à 2 K ont été réalisées sur un échantillon. Il subsiste tout de même un problème de reproductibilité et de tenue mécanique de l'échantillon. 213 Perspectives à plus long terme Outre l'amélioration du dopage d'hétérostructures de puits quantiques dopées à l'azote, cette étude permet d'envisager plusieurs suites : (i) il serait intéressant d'insérer notre système de spins de manganèse et de trous dans des fils ou des boîtes quantiques. De telles couches permettraient d'obtenir des configurations originales pour des études de magnétisme de basse dimensionnalité. (ii) Il est possible de déposer des métaux ferromagnétiques sur le CdTe, (multicouches Fe-Pd [TAT99]) dont les domaines sont orientés perpendiculairement à la surface de l'échantillon. Leur croissance sur notre structure, dont l'aimantation en dessous de la transition de phase est aussi perpendiculaire à la surface de l'échantillon, permettrait d'obtenir un système original dans lequel les deux couches ferromagnétiques sont en interaction. De plus, ces structures hybrides devraient permettre d'obtenir une information directe sur la taille des domaines dans notre système. La mesure de C(V), dans le cas du dépôt de plots métalliques, pourra être appliquée pour mesurer la hauteur de barrière Schottky entre la couche métallique et le semiconducteur. Elle pourra aussi permettre de sonder localement la densité de charges 2D dans le puits quantique. Dopage à l'aluminium Le dopage à l'aluminium d'hétérostructures dopées par modulation donne de très bons résultats. L'aluminium permet d'atteindre un niveau de dopage très élevé, même sur le Cd0,7Mg0,3Te, que nous avons dopé à 1018 cm-3 sans optimisation complète. Des couches dégénérées comportant du magnésium sont donc tout à fait envisageables avec ce dopant, ce que n'autorise pas un dopant plus classique comme l'indium. De plus, ce dopant s'est révélé très intéressant pour les caractérisations optiques de structures dopées par modulation, puisqu'il permet de moduler la densité d'électrons par photoneutralisation. L'utilisation combinée d'un dopant de type n et de manganèse dans les puits quantiques ouvre la voie à des études physiques fondamentales au laboratoire. Des singularités de polarisation dans le domaine d'existence possible des "skyrmions" ont en effet été mises en évidence sur de telles structures. 214 Annexe 1 Valeurs numériques utilisées A1.1 Masses effectives Les masses effectives sont exprimées en fonction de m0 qui est la masse de l'électron, c'est à dire : m0 = 0,9109534 × 10 −30 kg A1.1.1 Electrons La masse effective des électrons est considérée comme isotrope. Dans le CdTe, elle vaut : me* = 0,099m0 A1.1.2 Trous Dans le cas d'un puits contraint, la levée de dégénérescence entre les trous lourds et légers permet d'exprimer simplement leur masse effective en fonction des paramètres de Luttinger : Trous lourds : Trous légers : 1 γ 1 − 2γ 2 1 mlhz = γ 1 + 2γ 2 m hhz = 1 γ1 +γ 2 1 = γ1 −γ 2 et m hhx , y = et mlhx , y 215 avec CdTe [DAN82] 5,3 1,7 2,0 γ1 γ2 γ3 ZnTe [WAG92] 3,8 0,72 1,3 On a donc dans l'approximation parabolique : CdTe 0,278 m0 ZnTe 0,325 m0 mlhz 0,12 m0 0,191 m0 m hhx , y 0,143 m0 0,221 m0 z m hh 0,60 m0 0,424 m0 m x, y lh Dans le cas d'un puits quantique de CdTe contraint de 80Å de largeur, G. Fishman et A. Haury ont calculé la masse effective transverse des trous lourds en tenant compte du couplage entre les trous lourds et les trous légers. Le formalisme qu'ils ont utilisé est décrit par Fishman [FIS95]. Leur résultat donne : m hhx , y = 0,25m0 Pour les calculs de densité d'état, on définit une masse moyenne de densité d'état md* par la relation : ( * m d* = m dhh 3/ 2 * + m dlh ) 3/2 2/3 Les valeurs que nous avons utilisées sont : pour le CdTe : m d* = 0,5 m0 pour le ZnTe : m d* = 0,67 m0 216 A1.2 Constantes élastiques Les valeurs des constantes élastiques que nous avons utilisé sont : CdTe ZnTe MnTe MgTe C11 (1010 N/m²) 5,35 7,13 4,74 - C12 (1010 N/m²) 3,68 4,07 3,29 - 2C12/C11 1,376 1,142 1,12 1,06 Ces valeurs sont issues de [LAN82] pour le CdTe, le ZnTe et le MnTe, et de [HART96] pour le MgTe. 217 218 Annexe 2 Modélisation des profils C(V) Nous allons développer ici le formalisme que nous avons utilisé pour calculer les profils de C(V) pour un échantillon contenant des zones "barrière" plus ou moins dopées, et des puits quantiques. Les profils de C(V) expérimentaux obtenus sur des hétérostructures dopées par modulation sont en effet complexes à analyser. Nous allons montrer comment modéliser un profil de C(V) numériquement à partir de l'équation de Poisson. Le formalisme utilisé a été développé par Missous dans le cas d'un semiconducteur à température ambiante, dopé, non compensé, dans lequel tous les dopants sont ionisés [MISS85]. On considère aussi qu'aucun courant continu ne circule. A2.1 Notations utilisées Les énergies sont exprimées en terme d'énergie de trous, c'est à dire que l'énergie augmente entre la bande de conduction et la bande de valence (figure 1). EC Ei EF EV E Figure 1 Notations utilisées pour les énergies ; elles sont exprimées en terme d'énergies de trous. 219 On va prendre pour énergie de référence le niveau intrinsèque Ei (i.e. le niveau de Fermi pour un semiconducteur intrinsèque), c'est à dire dans l'hypothèse non dégénérée : Ei = avec E C + EV kT N V ln − 2 2 N C m *C kT N C = 2 2π! 2 3/2 et m V* kT N V = 2 2π! 2 3/ 2 où NC et NV sont les densités d'états effectives dans les bandes de conduction et de valence, EG est le gap, EC l'énergie du bas de la bande de conduction, EV celle du haut de la bande de valence, k la constante de Boltzmann, et T la température. Pour le Cd0,69Zn0,08Mg0,23Te, qui est notre matériau barrière, à 293 K (gap de 1974 meV), Ei est situé à 1023 meV au dessous du bord de la bande de valence. Les densités d'électrons dans la bande de conduction (n) et de trous dans la bande de valence (p) s'expriment : E − EF n = N C exp C kT = E − EV p = N V exp F kT On définit alors ni et pi, la concentration intrinsèque d'électrons et de trous dans la bande de conduction et la bande de valence respectivement : E − Ei ni = N C exp C kT et E − EV p i = N V exp i kT Dans un souci de simplification, nous allons exprimer p en fonction de pi et de Ei : 220 E − EV p = N V exp F kT E − Ei E − EV = N V exp F exp i kT kT E − Ei = p i exp F kT On définit alors la fonction u telle que : u= E F − Ei kT D’où : E − Ei p = p i exp F = pi e u kT et de la même façon : E − Ei n = ni exp − F kT = ni e −u Toute l'information sur le transfert de charges est donc contenu dans la variation de u(z). Nous allons montrer comment calculer u(z). Un résultat typique est donné sur la figure 2, pour lequel on considère une hétérostructure proche de l'échantillon D30-240 dont le profil expérimental peff(zeff) est montré au chapitre 4, figure 19. On simplifie ici la structure est considérant que la zone dopée située sous le premier puits est semi-infinie. Lors du calcul réel, nous n'avons pas effectué cette simplification. 221 42 Profondeur (Å) d 3000 2500 2000 17 8x10 Région 2 Région 1 40 uB1 17 6x10 ud 38 u NA1 17 36 4x10 34 17 32 30 2x10 uB2 NA2 -200 0 0 200 400 600 z (Å) 800 1000 1200 Surface Figure 2 Variation de u et du taux de dopage fonction de z pour une structure contenant un puits quantique à z=280 Å (T=293 K, calcul simple dans le puits, voir A2.3.2). A2.2 Description des barrières Le niveau de Fermi étant constant dans un semiconducteur à l'équilibre, nous allons étudier la variation du potentiel électrostatique dans la couche par rapport au potentiel du niveau de Fermi en fonction de la profondeur z dans une structure contenant plusieurs couches de dopages différents. La couche la plus profonde, nommée région 1, que nous allons considérer comme semi-infinie, est dopée avec un taux de dopage NA1. La couche au dessus de la région 1 est nommée région 2, de dopage NA2 et d'épaisseur d2, et ainsi de suite jusqu'à la surface. Nous allons considérer les variations de u, variable sans dimension, en fonction de la profondeur z. L'équation de Poisson s'écrit alors : 2 q 1 d E i kT d 2 u ( p( z ) − N A ( z ) ) = =− 2 2 εε 0 q dz q dz 222 On définit uB par la relation N A = p i e u B . Dans la région 1, l'équation de Poisson devient : d 2 u1 ( z ) 1 (e u B1 − e u1 ( z ) ) = 2 2 dz 2 LD où p1 ( z ) = p i e u1 ( z ) , avec u1 ( z ) = (E F − E i )1 ( z ) kT LD est la longueur de Debye intrinsèque : εε 0 kT 2q 2 p i LD = L'intégration de l'équation de Poisson dans la région 1 avec les conditions aux limites u1(z)→up1 et du1/dz→0 quand z→-∞ donne : 2 ( 1 du1 u u ( z) u = 2 e B1 − e 1 − (u B1 − u1 ( z ) )e B1 LD dz ) (1) Soit ud la valeur de u1 à l'interface entre les régions 1 et 2 (z=d). Par continuité, à z=d, on a : u 2 (d ) = u 1 (d ) = u d ( 1 du 2 du = 1 = 2 eu B1 − eu d − (u B1 − u d )eu B1 dz z = d dz z = d LD ) (2) ud est la seule variable ajustable pour l'ensemble du calcul. On dispose donc de la valeur de u et de sa dérivée (déduite de l'équation (1)) en z=d, et on peut intégrer numériquement l'équation de Poisson jusqu'à la surface, soit pour la région i de dopage NAi : d 2 ui 1 (e uBi − e ui ( z ) ) = 2 2 dz 2 LD 223 Remarques (i) Nous avons réalisé l'intégration numérique par la méthode de Runge et Kutta [PRE88], en décomposant l'équation de Poisson, équation différentielle du second degré, en deux équations différentielles du premier degré couplées. Le pas d'intégration a été choisi de 1 Å. Nous n'avons pas constaté de différences de précision entre un pas de 0,1 Å et un pas de 20 Å. Un pas inférieur à l'angström induit un temps de calcul inutile et n'apporte donc pas de précision supplémentaire. Le pas de 1 Å est le mieux adapté à l'échelle des couches étudiées. On peut cependant avoir recours à un pas plus grand lors de la description de couches simples. (ii) Le fait de considérer la région 1 comme semi-infinie signifie que l'on considère que son épaisseur est plus grande que la largeur de désertion dans cette région. En pratique, si tel n'est pas le cas, nous ajoutons après la dernière zone dopée une couche de quelques milliers d'angströms non dopée, suivie d'une couche légèrement dopée, et on vérifie que la largeur de la couche épaisse non dopée n'influe pas sur le résultat de la couche étudiée. (iii) Nous ne considérons pas de variation de la constante diélectrique ε en passant des barrières aux puits quantiques. A2.3 Modélisation du puits quantique Comme rappelé au chapitre 4.1.2.2, la densité 2D de trous dans le puits, pW, se calcule, pour un niveau de confinement p, en utilisant une statistique de Fermi-Dirac : dE E − EP = ρ 2 D kT ln1 + exp F EP E − EF kT 1 + exp kT pWP = ρ 2 D ∫E P f ( E )dE = ρ 2 D ∫ ∞ ∞ où f(E) est la distribution de Fermi, EP l'énergie du niveau de confinement considéré, et ρ2D la densité de charges bi-dimensionnelle par unité d’énergie : ρ 2D = 224 m* π! 2 Lorsque l'on somme sur tous les niveaux de confinement, soit cinq niveaux de trous lourds et deux niveaux de trous légers dans le cas de nos échantillon (voir au chapitre 1 la figure 5), on obtient, en ignorant toute variation de masse transverse, et donc de densité d'état, d'un niveau à l'autre : E − E hh1 E − E hh 2 hh pW = ∑ pW p = ρ 2 D kT ln1 + exp F + ln1 + exp F kT kT p E − E lh1 E − E lh 2 lh + ρ 2 D kT ln1 + exp F + ln1 + exp F kT kT + ... La densité de charges 2D ainsi calculée est alors répartie sur l'épaisseur du puits quantique, pour lequel on réalise le même calcul de l'intégration de l'équation de Poisson que pour les couches épaisses. La répartition des charges sur l'épaisseur du puits a été réalisée par deux approches différentes. A2.3.1 Approche quantique Nous avons calculé la répartition exacte des charges dans le puits quantique en prenant en compte la fonction d'onde et le niveau de confinement des cinq niveaux de trous lourds et des deux niveaux de trous légers (pour un décalage de bande de valence d'environ 130 meV, voir la figure 5 du chapitre 1). Ce programme est donc une résolution autoconsistante de l'équation de Schrödinger, qui fixe la répartition des charges dans le puits quantique, et donc la courbure de bande dans le puits, et de l'équation de Poisson, qui calcule la courbure de bande, et qui influe donc sur la répartition des charges dans le puits. Un exemple correspondant à la structure de la figure 2, avec une tension à la surface équivalente, est donné à la figure 3 pour T=293 K. La répartition des charges, dont la densité est calculée de la même façon que précédemment, n'est considérée que sur l'épaisseur du puits quantique ; nous ne considérons pas la pénétration des fonctions d'ondes dans les barrières. Les densités de charges 2D calculées pour chaque niveau de confinement dans ce cas sont résumées à la figure 4. On constate que seulement 57 % des trous sont répartis sur le premier niveau de trous lourds, à la température de 293 K, et pour une 225 tension à la surface de 5,3 V. Il est donc nécessaire de considérer les autres niveaux de trous pour obtenir une bonne description du puits quantique. 41 40 0 EF 39 hh1 Fond du puits des hh hh2 Fond du puits u 50 Fond du puits des lh lh1 hh3 37 100 36 hh5 35 lh1 hh5 34 150 33 32 -100 E-EF (meV) 38 200 -50 0 50 z (Å) 100 150 0 1 f(E) Figure 3 Niveaux de confinement de trous lourds et de trous légers pour un puits de 137 meV de profondeur, de 80 Å de largeur, et pour T=293 K. Les fonctions enveloppe sont tronquées sur l'épaisseur du puits. Le niveau de Fermi est représenté par une ligne horizontale pointillée. La configuration correspond à une tension appliquée en surface de 5,3 V, telle que le profil C(V) est au maximum du "pic" du puits quantique. A droite, fonction de distribution de Fermi-Dirac à 293 K. La densité p3D se calcule par : p3 D ( z ) = ∑ p3 Di Ψi ( z ) 2 i où la somme porte sur les niveaux de confinement i, et où Ψi(z) est la fonction d'onde du niveau i au point z. Les fonctions enveloppe des niveaux sont normalisées sur l'épaisseur du puits quantique seulement. Lorsque l'on trace la répartition totale des charges sur l'épaisseur du puits quantique, c'est-à-dire la densité 3D p3D en chaque point du puits, on obtient la figure 5. 226 -2 Population (cm ) hh lh 10 10 10 1 9 10 1 2 3 4 Pourcentage de la charge totale (%) 100 11 10 0.1 5 Niveau de confinement Figure 4 Densité de trous 2D contenue par chaque niveau de confinement de trous lourds (carrés), et de trous légers (cercles) pour une tension à la surface de 5,3 V. Le pourcentage de population totale pour chaque niveau est indiqué par l'ordonnée de droite (concentration totale de 1,43×1011 cm-2 dans ce cas). 17 3x10 -3 p3D (cm ) 17 2x10 17 1x10 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 z (Å) Figure 5 Répartitions des charges 3D sur l'épaisseur du puits quantique de 80 Å de largeur (tension à la surface de 5,3 V). 227 La répartition des charges sur l'épaisseur du puits est à peu près uniforme ; on ne constate pas de déséquilibre majeur des charges d'un côté du puits quantique. Ceci permet d'envisager une simplification qui consiste à considérer une répartition uniforme des charges sur l'épaisseur du puits quantique. En effet, la résolution simultanée des équations de Poisson et de Schrödinger induit un temps de calcul de l’ordre de 6 heures (sur un PC de type Pentium cadencé à 233 MHz) pour un seul profil C(V). Le paragraphe suivant montre qu’il est possible de ne considérer que l’équation de Poisson pour déduire du calcul une valeur approchée de la profondeur du puits et de sa population. A2.3.2 Approche simple Cette approche est celle que nous avons utilisée pour les calculs sur des structures réelles. Nous allons considérer dans cette approche simplificatrice que le puits ne contient qu'un seul niveau de confinement, ES, fixe par rapport à la position en énergie du milieu du puits de potentiel (voir figure 17, chapitre 4). Nous ne calculons donc pas ici de façon quantique la position en énergie de ce niveau. La population sur ce seul niveau est donc : E − ES pWS = ρ 2 D kT ln1 + exp F kT La deuxième simplification que nous réalisons, et qui découle du fait que nous ne calculons pas le confinement quantique, et donc la fonction enveloppe, est de considérer la répartition des charges comme uniforme sur la largeur LW du puits. La figure 5 montre que cette approximation est raisonnable. La densité de charges 3D est donc égale à pW/LW sur l'ensemble du puits quantique. Il faut remarquer que l'énergie pour laquelle on calcule pW dépend du calcul de la courbure de bande dans le puits, donnée par l'équation de Poisson, qui dépend de pW... . On est donc amené à calculer de façon autoconsistante la densité pW et la courbure de bande dans le puits. On obtient une convergence assez rapide (environ trente itérations) sans précaution particulière. 228 A2.4 Calcul de la capacité et de la tension Le calcul va donc consister à fixer une valeur ud de départ, et à calculer u(z) jusqu'à la surface. De la valeur de u à la surface (z=s), on déduit le potentiel V de surface : V= kT u (s ) q du et de , on tire la charge totale Q : dz z = s Q=− εε 0 kT du q dz z = s On recommence alors le calcul entièrement en prenant une valeur de départ ud légèrement différente de la première. On obtient ainsi un deuxième couple de valeurs (V,Q). De deux mesures successives de V et de Q pour des valeurs de ud proches, on déduit une capacité C par unité de surface : C= ∆Q ∆V Il n'est pas évident à priori de choisir ud. On procède dans un premier temps par dichotomie jusqu'à atteindre une valeur de tension en surface de l'ordre de 10 V par exemple, puis on diminue lentement ud à chaque calcul. On ajuste le pas de décroissance en ud de façon à obtenir un pas constant en tension à la surface. On obtient de bons résultats en utilisant la formule suivante : ud n+2 = ud n+1 − α ud n+1 − ud n us n+1 − us n où l'indice n indique le nième calcul. En pratique, α est de l'ordre de l'unité. On procède ainsi jusqu'à obtenir une tension nulle en surface. Des exemples de résultats de calculs sont présentés au paragraphe 3.4.3.2.1. 229 A2.5 Discussion et conclusion La figure 23 du chapitre 4 montre les courbes obtenus par les deux modes de calcul du puits quantique qui rendent compte du profil expérimental, en particulier au niveau du "pic" du puits. Les descriptions de l'échantillon utilisées dans les deux calculs sont identiques, mis à par la profondeur du puits : elle est de 137 meV dans le cas du calcul complet, et de 160 meV dans le cas du calcul simple. On constate un recouvrement quasiment parfait entre les positions du pic du puits calculées avec les deux méthodes (à zeff=2580 Å). Ceci valide l'approximation que nous avons faite sur la répartitions des charges dans le puits. En effet, si les charges n'avaient pas été relativement uniformément réparties sur l'épaisseur du puits lorsque celui-ci est sondé, on aurait constaté un décalage en position du pic du puits entre les deux calculs La densité de charges calculée par le calcul complet, à tension de surface nulle, vaut 3,2×1011 cm-2, contre 3,05×1011 cm-2 dans le cas du calcul simple. A tension de surface de 5,3 V (cas des figures 2, 3, 4 et 5), le calcul complet donne une densité de charges dans le puits quantique de 1,43×1011 cm-2, contre 1,31×1011 cm-2 dans le cas du calcul simple. On obtient donc sensiblement les mêmes densités 2D dans le puits par les deux calculs différents, à tension de surface égale. Les deux calculs, calcul simple et calcul complet, sont proches quand à la répartition des charges sur l'épaisseur du puits (voir figure 5), ce qui se traduit par des profils très proches (figure 23 du chapitre 4). Cependant, lorsque l'on ne considère qu'un niveau de confinement, on sous-estime la densité de trous que contient le puits, et la profondeur de puits déduite du calcul simple est alors faussée. Le calcul complet permet d'obtenir une profondeur de puits plus proche de la profondeur réelle. On peut comprendre cet effet si l'on se place dans l'approximation de Boltzmann, qui peut être appliquée car ES est à environ kT=25 meV audessus du niveau de Fermi (en terme d’énergies de trous). La densité de charges 2D, pWS, calculée pour le niveau ES en utilisant la statistique de Boltzmann, s'écrit donc : E − ES hh pWS = ρ 2 D kT exp F kT Dans la même approximation de Boltzmann, on peut écrire dans le cas du calcul complet : 230 E − E hh1 E − E hh 2 hh pW = ρ 2 D kT exp F 1 + exp hh1 kT kT E − E hh 3 + exp hh1 kT E − E hh 4 E − E hh 5 + exp hh1 + exp hh1 kT kT lh ρ 2D E − E lh1 E − E lh 2 exp hh1 + + exp hh1 hh kT kT ρ 2D Or, pW est contenu, dans le cas que nous avons montré dans cette annexe, à environ 60 % sur le niveau hh1 pour une tension de surface de 5,3 V, de sorte que l'on peut écrire : E − E hh1 1 hh pW ≈ ρ 2 D kT exp F kT 0,6 pW et pWS sont équivalents à tension appliquée égale. On a donc : E − ES ρ 2 D hh kT exp F kT E − E hh1 1 hh ≈ ρ 2 D kT exp F kT 0,6 soit : E S ≈ E hh1 − 0,51 kT = E hh1 − 13 meV Pour le cas de la figure 3, le niveau Ehh1 se situe à environ 11 meV au-dessous du fond du milieu du puits de potentiel, soit à 137+11=148 meV des barrières (voir figure 6). Si l'on ajoute les 13 meV que l'on a trouvé, et qui rendent compte de la différence de population entre le niveau hh1 et la population totale du puits, on obtient 148+13=161 meV. Cette valeur correspond tout à fait à la profondeur de puits de 160 meV utilisée dans le calcul simple, comme montré figure 7. 231 41 40 0 EF 39 11 meV 50 u 37 100 137 meV 36 35 E-EF (meV) 38 150 34 33 32 -100 200 -50 0 50 100 150 0 15 3.5x10 -2 -1 ρ (cm meV ) z (Å) Figure 6 A gauche, figure 3 simplifiée sans la représentation des fonctions enveloppe. A droite, densité de charges par unité de surface, et par unité d'énergie. 41 40 0 EF 13 meV 39 50 u 37 160 meV 100 36 35 E-EF (meV) 38 150 34 33 32 -100 200 -50 0 50 z (Å) 100 150 0 15 3.5x10 -2 -1 ρ (cm meV ) Figure 7 A gauche, forme du puits dans le cas du calcul simple, pour la même tension de surface que pour la figure 5 (5,3 V). A droite, densité de charges par unité de surface, et par unité d'énergie, pour le calcul simple (traits pleins), et pour comparaison, avec le calcul complet de la figure 5 (pointillés). Les aires, et donc les densités 2D, sont identiques. 232 Le calcul complet permet donc une meilleure description des niveaux du puits quantique par la mesure de C(V). Cependant, le calcul simple suffit lorsque l'on veut estimer la population du puits, puisque les deux calculs en donnent une valeur cohérente. On remplace la distribution de niveaux par un niveau unique équivalent en terme de population, ce qui est possible lorsqu'on est suffisamment proche d'une distribution de Boltzmann. 233 Références [ABR65] M. Abramowitz and I. Stegun, “Handbook of mathematical functions.” Dover Publications, 1965. [AND94] R. André “Effet piezo-électrique dans les puits quantiques CdTe/CdMnTe et CdTe/CdZnTe.” Thèse de l’Université J. Fourier, Grenoble I, III, 86 (1996). [ARI90] J.M. Arias, S.H. Shin, D.E. Cooper, M. Zandian, J.G. Pasko, E.R. Gertner, R.E. DeWames, J. Singh, “p-type doping of CdTe and HgTe/CdTe superlattices grown by photoassisted and conventional molecular-beam epitaxy.” J. Vac. Sci. Technol. A 8, 1025 (1990). [ARN95] A. Arnoult and J. Cibert “Surface dynamics during CdTe growth by molecular beam epitaxy.” Appl. Phys. Lett. 66 (18), 2397 (1995) [BAR94] T. Baron, S. Tatarenko, K. Saminadayar, N. Magnea and J. 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Le dopage par modulation d'hétérostructures de semiconducteurs II-VI à base de tellure en épitaxie par jets moléculaires n'avait été réalisé jusqu'à notre étude que pour un dopage de type n, sur des structures comportant du CdMgTe comme matériau barrière, avec peu de magnésium. Or cet alliage est la clef de la réalisation d'un bon confinement quantique dans les tellurures, surtout pour le dopage de type p où la concentration en Mg doit être augmentée. L'utilisation d'une source d'azote ECR, dopant de type p, et l'optimisation des paramètres de la croissance ont permis l'obtention d'un gaz de trous 2D de bonne densité, comme le montrent la spectroscopie optique, l'effet Hall et la capacité-tension. L'étude de structures interdiffusées par SIMS, diffraction de rayon X et spectroscopie optique, nous a de plus permis de mieux comprendre les mécanismes de dégradation en cours de croissance de nos couches comportant du magnésium, et dopées à l'azote. Un modèle basé sur la diffusion de l'azote a été proposé. Il a ensuite été possible de réaliser des structures semimagnétiques dans lesquelles l'interaction entre un gaz de trous 2D et des spins localisés de manganèse a permis la mise en évidence de la transition de phase ferromagnétique attendue théoriquement. Par ailleurs, un nouveau dopant de type n pour l'épitaxie par jets moléculaire des tellurures a été testé avec succès sur des couches épaisses, ainsi que pour des hétérostructures. Il s'agit de l'aluminium, dont le domaine d'utilisation est plus étendu que les autres dopants utilisés jusqu'à présent, puisqu'il permet d'obtenir une bonne efficacité même sur des couches comportant du magnésium. Mots clés : semiconducteurs II-VI ; dopage par modulation ; épitaxie par jets moléculaires ; semiconducteurs semimagnétiques ; gaz de trous ; puits quantiques ; interdiffusion Abstract A theoretical preliminary study to this thesis has shown that when a two-dimensional (2D) hole gas is introduced in a semimagnetic semiconductor quantum well, the interaction between the localised spins and the charge carriers induce a ferromagnetic phase transition. We have elaborate such heterostructures, based on tellurides, by molecular beam epitaxy. We have also characterised the interfaces at microscopic level, and we have controlled the doping levels and the charge transfer into the quantum wells. This allowed us to elaborate samples on which a series of physical studies could be done. Modulation doping of II-VI tellurium based semiconductor heterostructures by molecular beam epitaxy had been realised only for n-type doping on CdMgTe barriers with low magnesium content until our study. This alloy is however a key to obtain of a good quantum confinement in tellurides, especially for ptype doping, where higher Mg contents are needed. The use of an ECR nitrogen plasma source, which is a ptype dopant, and the optimisation of growth parameters allowed us to obtain a 2D hole gas of good density, as confirmed by optical spectroscopy, Hall effect and capacitance-voltage measurements. The study of interdiffused structures by SIMS, x-ray diffraction and optical spectroscopy allowed us to understand the degradation mechanisms during the growth of our layers containing both magnesium and nitrogen. A model based on nitrogen diffusion has been proposed. It has then been possible to realise semimagnetic structures in which the interaction between a 2D hole gas and localised manganese spins allowed us to put into evidence the theoretically foreseen ferromagnetic transition. In parallel, we have been testing with success aluminum as a new n-type dopant for molecular beam epitaxy, in thick layers and heterostructures. It can be used more widely than other dopants used until now. In particular, it allows good doping levels even in magnesium-containing layers. Keywords : II-VI semiconductors ; modulation doping ; molecular beam epitaxy ; semimagnetic semiconductors ; hole gas ; quantum wells ; interdiffusion