AUBRY-LE-PANTHOU
Pendant l’occupation allemande
GUERRE 1939-1945
Le Traité qui suivit la guerre de 1914-18 n’apporta pas dans les esprits la confiance en une paix
durable que l’on en attendait : chacun avait le pressentiment que, tôt ou tard, il faudrait subir un
nouveau conflit dû à l’imperfection de cet acte diplomatique. Aussi, ceux qui avaient été les héros
de cette guerre, ne voyaient-ils pas sans crainte l’avenir de leurs enfants !
Lorsque le tocsin sonna le 2 septembre 1939 et que les affiches apposées en hâte annoncèrent la
mobilisation suivant les déclarations de guerre faites à l’Allemagne par l’Angleterre et la France, il
fallut bien se rendre à l’évidence et se préparer à partir. Le départ des hommes ne manqua pas
d’élan, chacun voulant faire son devoir et en finir une bonne fois avec ce belliqueux voisin d’Outre-
Rhin !
Les armées ennemies ayant pris place en face l’une de l’autre sur la frontière, l’on crut à une
nouvelle guerre de position. Il n’en était rien, ce ne fut que la préparation à une guerre de
mouvement. Au printemps de 1940, les Allemands entrèrent en Belgique où ils rencontrèrent les
armées belges et françaises, trop faibles pour arrêter leur poussée. Après de rudes combats,
rapidement dans le Sud de la France après avoir laisser prisonnière une partie de son objectif.
L’armistice signée le 22 juin arrêta cette retraite. Ceci exposé en quelques mots, nous passerons
en revue maintenant la situation de notre commune pendant presque six années de guerre.
Dans les débuts de juin 1940, plusieurs, batteries française d’artillerie à cheval, sans canons,
bivouaquèrent dans la Sapaie d’Osmond. Ils la quittèrent peu avant l’arrivée des Allemands et se
dirigèrent vers Sées. C’est tout ce que notre commune vit de l’armée française.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes allemandes avaient franchi la Seine en plusieurs endroits
entre Rouen et Paris, et s’avançaient vers notre région. A 16 heures et quart, un avion allemand
lança deux bombes sur le carrefour de la Fauvetière à Vimoutiers, sans l’atteindre. Ce fut le signal
de départ en exode pour beaucoup de familles.
Le dimanche 16 juin, le Conseil municipal d’Aubry-Le-Panthou s’était réuni à la Mairie dans la
matinée, mais le bruit de la canonnade du combat de Gacé troublant sa réunion et l’artillerie
allemande prenant position aux Burets, la séance fut levée sans hésitation. Gacé, prise entre les
troupes allemandes et françaises, fut sérieusement endommagée par les combats d’artillerie.
Le mardi 18 juin 1940, à 8 heures du matin, seize officiers et cent cinquante soldats environ, avec
motocyclettes et voitures, occupèrent le château d’Osmond et partirent le lendemain, à 10 heures
du matin.
Pendant la journée du 19 juin, de nombreuse motocyclettes et voiture allemandes sillonnèrent
nos routes sans arrêt, marquant ainsi l’emprise totale de notre région. Le jeudi 20 juin, à midi, un
général, trente-deux officiers et trois cents soldats occupèrent de nouveau le château d’Osmond
et partirent le lendemain, seul, le général resta jusqu’au 2 juillet.
Beaucoup de personnes épouvantées par le combat de Gacé et craignant que les mouvements de
troupes ne provoquassent de nouveaux combats, partirent en hâte vers le sud abandonnant
maison, emportant seulement avec elles leurs objets les plus précieux. Il importait d’arrêter cet
exode qui aurait pu être désastreux pour notre commune s’il s’était généralisé. A cet effet, dans
l’après-midi du 19 juin, le Maire accompagné de M. Bruneaux, conseiller municipal, fit une
tournée dans toute la commune, encourageant ceux qui étaient restés chez eux et envisageant
aussi les mesures à prendre pour la sauvegarde des biens de ceux qui étaient partis. Cette panique
ne dura pas très longtemps et voyant que les Allemands ne faisaient de mal à personne, quelques-
uns ne tardèrent pas à rentrer ; les autres les suivront de semaine en semaine.
Le 22 juin 1940, dans la matinée, un fort détachement motorisé, accompagné d’officiers en
voiture, monta la route de Saint-Denis ; dans l’après-midi huit avions allemands protégeant les
troupes se déplaçant vers le Sud-ouest, survolèrent notre commune. Ce furent les premiers avions
qui apparurent dans notre ciel et malheureusement pas les derniers, car pendant cinq ans des
milliers d’autres de tous genres, suivront leur sillage.
C’est le 24 juin 1940, que fut signé l’armistice avec l’Italie, mettant fin aux derniers combats. Des
réfugiées, mis en confiance, reprirent les routes du Nord, rentrant à pied chez eux. Et l’on vit de
nouveau de pauvres gens voyageant, à pied, portant de lourdes valises ou poussant des véhicules
à bras de tous genres, chargés de bagages de toutes sortes, quelquefois même, de jeunes enfants
ou de vieillards extenués ! Ces convois inspiraient la compassion et trouvaient assez facilement sur
leur route le ravitaillement qui leur était nécessaire.
Les journées de 24, 25 et 26 juin 1940 furent calmes. Le passage des troupes se ralentit beaucoup
en même temps qu’augmentait celui des réfugiés.
Le 27 juin, une grande canonnade se fit entendre dans la direction du Nord-Ouest ; de nombreux
avions allemands prirent cette direction.
Du 29 juin au 2 juillet 1940, l’on entendit de fréquent bombardement vers le Nord. Le Havre,
paraît-il, en était l’enjeu. Un matériel de guerre imposant, passant par Vimoutiers, allait dans cette
direction. Le mois de juillet resta assez calme, mais une grande activité d’avions se fit remarquer
journellement dans toutes les directions.
Le mois d’août débuta par la même activité et le 5 août deux cents avions protégèrent des troupes
passant à La Bruyère-Fresnay et se dirigeant vers le Nord. Le 6 août, une école de Cadets s’installa
au château d’Osmond et n’y resta que peu de temps. Un phare tournant, installé dans la direction
de Gacé, fonctionna chaque nuit jusqu’au 15 août, balayant le ciel de ses grands rayons lumineux.
Le 17 août, un avion en difficultés mécaniques, se délesta de deux bombes dans une cour du
Bocage, à Roiville, sans causer de grands dégâts.
Du 28 août au 5 septembre 1940, le château d’Osmond fut occupé par un poste de quatre soldats
allemands, radio-télégraphistes de l’aviation, chargés d’opérations de repérage d’avions. Le 6
septembre, une avant-garde de soixante-cinq soldats arriva au château. Leur nombre augmenta
rapidement ; le 10 octobre, ils étaient deux cent dix, toujours employés à la radio. (Ils quittèrent
Osmond, le 27 octobre, à neuf heures du matin.) L’activité de l’aviation, qui s’était ralentie les
jours précédents, reprit de nouveau, surtout pendant la nuit.
Le lendemain, 28 octobre 1940, le château reçut, à 10 heures du matin, une dizaine d’hommes et
cinq camions de la Formation L 22606. Le 16 août, un nouveau contingent de cent dix hommes vint
renforcer le premier. Pendant ce temps, l’arrivée à Osmond de soldats allemands augmentait
graduellement, si bien qu’à leur départ, les 5 et 11 mars 1941, ils étaient trois cents. Le château,
devenu vacant, fut mis sous la surveillance des Allemands de Gacé qui venaient le visiter
journellement. Il restera réquisitionné, à cause du mobilier allemand qu’il renfermait, jusqu’au 1er
novembre 1943, jour de son enlèvement par une Formation cantonnée à Argentan. Les Allemands
ne reparaîtront pas dans notre commune pendant plus d’un an.
Entre temps, les Allemands, cantonnés au château d’Osmond, avaient fait construire dix-neuf
garages, destinés à remiser leurs voitures et deux ateliers de réparations dans l’herbage situé en
face l’entrée de la Sapaie du château. Leur construction, commencée en septembre 1940, se
poursuivait rapidement quand cinq d’entre eux furent culbutés par une tempête. Ces
constructions, avaient coûté plus de 500.000 francs, furent démolies par les soldats allemands ; le
23 mai 1944, il n’en restait plus, alors que quelques charpentes qu’une nouvelle tempête abattit
fin novembre 1944. Une ligne électrique, prenant son courant à Survie, fut construite le 15
décembre 1940 et mise en service le 22 décembre suivant, uniquement pour les besoins de
l’armée allemande. Cette ligne, admirablement bien placée au centre de la commune, servira
ultérieurement à son électrification.
Le 15 janvier 1941, vers 8 heures du soir, des bombardements intenses, comme l’on n’en avait pas
entendu depuis plusieurs mois, se firent entendre dans direction du Nord-Ouest, suivis d’une
nouvelle activité d’avions.
Le 6 août 1942, le Conseil municipal se réunit à la Mairie, sur l’ordre du Préfet, à l’effet
d’organiser, dans notre commune, un poste de guet contre les parachutistes anglais dont
quelques-uns avaient était signalé dans la région. Un endroit ayant été choisi par le Maire, au haut
de la côte du Colombier, au tournant de la crête de vallon du Val-Fortin, sous un bosquet d’arbres
et de pins, le Conseil municipal dressa la liste des hommes valides de dix-huit à soixante ans qui
devaient assurer individuellement ce service de 23 heures à 5 heures du matin, à partir du
vendredi 14 août 1942. La Gendarmerie trouva cet emplacement inaccessible et éloigné d’une
route. Elle demanda que le poste fût ramené au château. Le 13 août 1942, un avis fut publié pour
annoncer que le nouveau poste de garde serait établi dans le vestibule de l’ancien château jusqu’à
nouvel ordre. Il n’y resta pas longtemps non plus et fut transféré dans une petite maison isolée,
située entre l’ancien château et son jardin. Enfin, ce poste fut installé dans une chambre à feu, au
second étage de l’ancien château, jusqu’au 23 mars 1944, date de l’arrivée d’une compagnie de
soldats allemands SS qui le supprimèrent définitivement.
Le 14 juin 1943 (lundi de Pentecôte), à 11 heures du soir, un camion plein de soldats allemands et
une voiture d’officiers et de sous-officiers s’arrêtèrent à Aubry-Le-Panthou, chez le Maire. Ils
entourèrent sa maison et frappèrent rudement à sa porte, demandant le Maire qui leur ouvrit
aussitôt. Entrés dans sa maison, entourée de sentinelles, un lieutenant déclara que deux
parachutistes descendus de l’avion anglais tombé en flammes à l’Egreffin (Coudehard), étaient
réfugiés dans les alentours ; que des postes de garde étaient de ce fait établis chez tous les Maires
des communes environnantes ; que deux sentinelles, qu’il devait nourrir et coucher, lui seraient
laissées pour faire une tournée dans toutes les maisons de la commune et prévenir les habitants,
afin de signaler immédiatement au Maire la sous peine de mort. A minuit, l’officier se retira après
avoir donné ses consignes aux deux sentinelles qui partirent aussitôt dans la commune pour faire
la tournée prescrite, accompagnées de M. Bruneaux. Elles entrèrent à 6 heures du matin,
harassées de fatigue. Après avoir absorbé un peu de lait, elles se couchèrent dehors jusqu’à midi.
Au déjeuner, elles mangèrent peu et firent une nouvelle sieste. A 4 heures, le convoi de veille vint
reprendre ces sentinelles, la consigne ayant été levée après l’arrestation d’un parachutiste à Saint-
Pierre-la-Rivière.
Le 1er octobre 1943, l’officier chargée des services agricoles à la Feldkommandantur d’Alençon,
réunit la Mairie de Roiville, les Maire et Syndics des communes voisines pour étudier, avec eux, les
statistiques agricoles communales et examiner ensuite les possibilités de production. Il prit note
des observations qui lui furent présentées au sujet des difficultés rencontrées dans la production
agricole, en raison de la déclivité du terrain. Il termina la réunion par une conférence agricole
comparative entre la Russie et l’Allemagne, à l’avantage des méthodes de cette dernière, bien
entendu ! Le 23 mai 1944, semblable conférence sera faite à la Mairie d’Aubry-Le-Panthou par le
capitaine Knupe, de la Feldkommandantur, suivit d’une visite des bovins dans la commune. Cet
officier, cultivateur des bords de la Baltique, avait des connaissances très étendues en zoologie
et agriculture en général. Sa conférence fut intéressante.
L’hiver qui suivit se passa sans incident important à signaler ; la guerre s’étant transportée en
Russie, notre pays se trouva dans le calme relatif, précurseur des grands événements qui suivront.
Le 15 mars 1944, à 11 heures du soir (heure solaire), un avion allemand isolé, suivant un groupe
d’avions, se dirigeant vers le Sud-est, laissa tomber deux bombes de fort calibre sur notre commune :
l’une, dans l’herbage de la Bruyère, à 80 mètres environ de la route de l’église aux Burets, sur le haut
d’un talus, en un point située dans l’axe du bâtiment d’exploitation de la cour « Moutier ». Cette
bombe creusa un cratère de 10 mètres de diamètre sur 2 mètres de profondeur et projeta plusieurs
mètre cubes de terre et de pierres aux alentours ; la deuxième bombe tomba dans le couchis «
Chaustier », à 15 mètres du bâtiment d’exploitation qui s’y trouve, creusant un cratère de 8 mètres
de diamètre sur 2 mètres de profondeur, projetant du sables et des pierres en abondance sur un
rayon de 100 mètres. Les toitures des maisons Mousse et Le May furent endommagées ; cette
dernière notamment fur percée de cinq trou énormes. Heureusement, il n’y eut accident de
personne !
Le lendemain, quarante SS, tous de la Landsturm, s’installèrent au château d’Osmond, commandés
par un lieutenant et un adjudant, également réservistes (tous deux étaient ingénieurs dans une
usine métallurgique de la frontière de Tchécoslovaquie). Leur séjour à Aubry fut très paisible. Ils
espéraient bien y rester jusqu’à la fin des hostilités. A leur départ le 3 avril, l’officier et son
adjudant vinrent trouver le Maire pour le remercier de la correction des habitants de la commune
et lui exprimer leur regret de partir.
Le 6 avril, dix soldats allemands arrivèrent au château, suivis de cent soixante autres soldats
allemands avec officiers, tous SS de la Waldmuller 2-58068. A 9 heures du soir, l’officier-
commandant envoya une sentinelle chercher le Maire qui se présenta au château. L’accueil fut
correct, mais un peu froid. Après leur présentation, l’officier-commandant contesta l’authencité de
ses papiers d’identité. Craignant une mystification, il envoya cherché les autres officiers et adjudants
de la formation. Ensemble, ils discutèrent longuement, trouvant que les photographies de ces pièces
d’identité ne correspondaient pas avec l’âge du Maire présent devant eux, etc. Ils finirent par
abandonner cette question et l’officier donna lecture des règlements de police de sa Division
cantonnée en Normandie. Un règlement draconien fut aussitôt préparé, son exécution aurait mis
notre commune en véritable état de siège. Le Maire en discuta l’âpreté et obtint quelques
adoucissements. Entre autres ce règlement comportait en résumé les points suivant :
1°) La circulation était interdite après 9 heures et demie du soir, malgré que ce ne fût qu’à
11 heures dans les autres communes ;
2°) Ordre de s’arrêter à l’injonction de « halte » prononcée par les sentinelles allemandes ;
3°) Défense de traverser la « Sapaie » la nuit ;
4°) Interdiction faite aux médecins de pénétrer la nuit sur le territoire de la commune
d’Aubry-Le-Panthou, sans un laissez-passer délivré par les Autorités allemandes.
5°) Fournir quatre bicyclettes, d’hommes ou de femmes, choisies chez les jeunes gens
6°) Dix ouvriers, munis de pelles et pioches, devaient se tenir à la disposition du château
pendant trois jours, à partir du 11 avril.
7°) Tenir à disposition tous les deux jours, une voiture avec conducteur, pour le transport
des provisions.
Les possesseurs d’attelages devaient être prévenus la veille par les soins des autorités allemandes.
En outre, l’officier allemand promit la plus grande correction des ses hommes envers les habitants
et déclara qu’il réprimait impitoyablement les actes de sabotages possibles exercés contre sa
Formation. Cet entretien fait par le truchement d’un interprète, avait duré plusieurs heures. Le
Maire fut à son domicile avec la garde du corps qu’à l’arrivée. Heureusement, car les nombreuses
sentinelles postées sur son chemin n’auraient pas manqué de l’arrêter.
L’avenir ne tarda pas à montrer la mauvaise foi des Allemands et l’incorrection de leur conduite.
Plusieurs fois par semaine, plus qu’il n’avait été convenu, il leur fallait des hommes pour leurs
travaux de terrassements d’abris dans la Sapaie et des voitures pour aller chercher leurs provisions à
Vimoutiers ou ailleurs et … promener ces indésirables.
Pendant ce temps, des soldats libres allaient dans les maisons se faire servir à boire et à manger et
coupaient sur leur passage les ronces artificielles des haies, si bien que les cultivateurs de notre
commune étaient occupés à chercher leurs animaux et à réparer leurs clôtures. Le Maire s’en plaignit
amèrement à l’officier-commandant qui lui promit de punir sévèrement les coupables. Il tint parole
et les punissait souvent, mais deux jours après, ils recommençaient les mêmes larcins,
méconnaissant les lois de la guerre et se croyant tout permis.
Ce désordre s’aggravant de jour en jour, le Maire eut recours à la Feldkommandantur qui lui
répondit que les SS étaient des « Voyous » et qu’elle n’avait aucune autorité sur les troupes de
cette formation. A la suite de cette réponse peu rassurante, le Maire et informa le Préfet et lui
demanda de faire participer les communes voisines à ces prestations de toutes sortes, de façon à
alléger le sort des ses administrés. Le préfet admit cette réclamation et promit de s’en occuper, mais
la lenteur des décisions administratives ne permit pas à cette nouvelle organisation de fonctionner
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