« Jérémie a cessé de gémir »
Le maquis ARETE-SAULES, 1943-1945
Premiers refus
L’Aveyron est progressivement occupé par les troupes allemandes à
partir du 11 novembre 1942, date qui marque l’occupation de la zone
dite « libre ».
A Sévérac-le-Château, en janvier 1943, une poignée d’hommes constitue
un premier groupe de résistants. Le docteur Yves TESTOR (voir
notice) en prend la direction à partir de juillet. Ce groupe est rattaché
à l’Armée Secrète,
favorable au Général
de Gaulle. Il est
renforcé au cours de
l’année 1943 par
quelques réfractaires
du Service du Travail
Obligatoire instauré
par le gouvernement
de Vichy. Le groupe
se prépare à la lutte
armée en formant des
équipes de sabotage
et en établissant des
terrains de parachutage. Le 1er mars 1944, ce réseau est fragilisé avec
l’arrestation de l’un de ses responsables, Auguste GAZAGNES, hôtelier
à Sévérac. Il est déporté et meurt à Auschwitz en mai 1944.
Le maquis Libération
Après l’arrestation d’Auguste GAZAGNES, le réseau est en partie
à reconstruire. Il se concentre sur la préparation de terrains
de parachutage
d’hommes, d’armes
ou de matériel : les
terrains Valseur
(Maisonneuve, près de
Vezins) et Tricycle (à
Engayresque, près de
Verrières) sont retenus
par les responsables
régionaux. « Jérémie a
cessé de gémir » est
l’une des phrases
codées utilisées par
Radio Londres pour
annoncer les parachutages sur ces terrains.
Le 1er juin 1944, est créé le maquis « Libération ». Le docteur TESTOR en
reste le chef. Il comprend une quinzaine d’hommes à peine dont André
JOYES et Gabriel GREZES. Ce maquis est presque immédiatement choisi
pour accueillir la Mission Interalliée envoyée par Londres. Dans la nuit du
12 au 13 juin sont parachutés le commandant René DINOMAIS (dit
Commandant ARETE), le Major écossais
STANSFIELD (dit commandant HUBERT), le
lieutenant Edouard PAYS, chef de sabotage
et instructeur et le radio Bernard WEIL. Le
maquis s’installe rapidement à la ferme de
Gandaliès, sur la commune de Lavernhe. Sa
mission est importante : il abrite les deux
commandants de la Mission interalliée
départementale qui doit unifier les
mouvements, connaître les besoins des
autres maquis du département (en armes
notamment) et coordonner leurs actions.
Le maquis Libération passe lui-même à
l’action : le 28 juin, quelques hommes s’em-
ploient efficacement à saboter le tunnel de la
Souques (près d’Engayresque) rompant
ainsi les communications ferroviaires vers
Béziers. Le 23 juillet, près de la gare de
Sévérac, le maquis tue 7 soldats allemands
et fait 13 prisonniers. Ce même jour, une section du maquis, placée sous
le commandement du Capitaine SOLANET (dit MARTINET), s’installe à la
ferme des Albusquiés (Recoules-Prévinquières). Le 31 juillet, au lieu-dit La
Muraillasse, sur la route de Sévérac à Millau, le maquis attaque une
colonne de ravitaillement,faisant 52 morts dans les troupes d’occupation.
Le drame de Cantaranne
Depuis quelque temps, des négociations ont
lieu entre le commandant ARETE, le comman-
dant RICHARD (voir notice) et les autorités
militaires allemandes pour effectuer un
échange de prisonniers. Ces pourparlers visent
la libération du commandant BIREBENT (dit
LAROQUE), responsable départemental de la
Résistance, contre 3 sous-officiers allemands,
prisonniers du maquis Libération. Cet échange,
placé sous la neutralité du vice-consul
d’Espagne, doit avoir lieu le 1er août au Bois du
Four, sur la route de Rodez à Millau. Un premier
rendez-vous est fixé à Cantaranne, tout près de
Rodez. S’y rendent, dans deux voitures,
le commandant ARETE et son chauffeur, Roland
SAULES ; suit le commandant RICHARD conduit par Jean-Marie
CRANSAC. Arrivés à Cantaranne, les quatre
hommes tombent dans une embuscade et
sont immédiatement pris pour cibles. Très
rapidement, le commandant ARETE et Roland
SAULES sont tués tandis que le commandant
RICHARD et son chauffeur sont arrêtés.
Interrogés, ils sont finalement libérés et les
corps du Cdt ARETE et de R. SAULES remis au
Cdt RICHARD.
Pendant ce temps, le Cdt TESTOR se rend
au Bois du Four avec les trois prisonniers
allemands. Cherchant sans doute à porter un
coup fatal au maquis, une colonne allemande
est envoyée sur le lieu. Attaquée au Bois des
Tries par le maquis Du Guesclin et le maquis Antoine, la colonne est
contrainte de faire demi-tour, laissant de nombreux morts.
Le maquis ARETE-SAULES
Après l’embuscade de Cantaranne, le maquis est rebaptisé maquis
ARETE-SAULES en hommage aux deux résistants. Le Cdt britannique
STANFIELD devient le chef de la Mission interalliée. Le maquis compte
désormais environ 700 hommes. Le 6 août, le maquis quitte Lavernhe et
s’installe à Coursac.
Dans la nuit du 13 au 14 août, une colonne allemande encercle Sévérac-
le-Château. A la recherche des responsables du maquis, elle se livre à de
nombreuses exactions et à quelques exécutions sommaires. A Lavernhe,
quatre maisons, deux fermes et le château du Comte de Lescure sont
incendiés. Averties du débarquement de Provence, ces troupes quittent le
département via Millau et les routes du Larzac. Les combats ne cessent
pas pour autant. Le 18 août, le maquis attaque une colonne allemande au
Bois des Tries et le lendemain, une seconde colonne au Bois du Four. Les
pertes ennemies sont nombreuses.
Le 22 août 1944, le lieutenant Edouard PAYS, qui avait été parachuté avec
le Cdt ARETE, est tué avec 22 autres hommes du maquis Paul Clé à La
Pezade au retour d’un sabotage au Pas de l’Escalette.
Le combat continue
Au total, le maquis aura réceptionné environ 80 parachutages
d’hommes, d’armes et de matériel durant toute l’année 1944.
Après la libération du département, les hommes du maquis ARETE-
SAULES, comme ceux de la plupart des maquis de l’Aveyron, s’engagent
pour la poursuite de la guerre. Ils intègrent la Brigade Légère du
Languedoc formée par Gilbert de CHAMBRUN dont ils constituent le
2ebataillon. Devenu le 80eRégiment d’infanterie de la 1re Armée
Française, il est durement éprouvé pendant la campagne d’Alsace de
l’hiver 1944-1945. Beaucoup d’hommes restent mobilisés jusqu’en avril
1946, date de la dissolution, en Autriche, du 80erégiment d’infanterie.
Quelques hommes du maquis Arête-Saules.
Sans lieu ni date.
Le Major écossais
Walter STANSFIELD
(dit commandant HUBERT).
Après-guerre, il conserve des liens
d’amitié très forts avec le docteur
TESTOR. A sa mort, sa fille remet
ses cendres à la ville de Sévérac.
Elles reposent désormais
au cimetière municipal.
Ouverture des containers après un parachutage.
Sans lieu ni date.
Le commandant
René DINOMAIS
(dit Commandant ARETE).
Tué à Cantaranne le 1er août 1944.
Roland SAULES,
chauffeur du commandant
René DINOMAIS, tué avec lui.
NOTICES BIOGRAPHIQUES
Le docteur Yves TESTOR
Né à Gaillac d’Aveyron le 31 mars 1908, Yves
TESTOR devient médecin en 1933 et s’installe à
Sévérac l’année suivante. Mobilisé en qualité de
médecin militaire, Yves TESTOR est fait prisonnier
lors de l’évacuation des troupes britanniques à
Dunkerque. Rapatrié en 1943, il prend la direction
du maquis Libération qui devient ARETE-SAULES à
partir d’août 1944. A la libération, Yves TESTOR est
élu conseiller général (fonction qu’il exercera sans
interruption, de 1945 à 1982) puis maire de Sévérac-
le-Château (de 1947 à 1959 puis de 1965 à 1985).
Yves TESTOR a été distingué par le grade de
Commandeur de la Légion d’Honneur en 1986 et a
reçu au total 12 décorations dont la médaille King’s
medal of Courage et la croix de guerre russe.
Bernard BONNAFOUS,
dit Commandant RICHARD
Bernard BONNAFOUS est né le 18 avril 1918 à Paris.
Prisonnier en 1940, évadé, il rejoint la Résistance
en octobre 1941 et est chargé pour le secteur de
Bédarieux (Hérault) de la diffusion des tracts, le
recrutement de nouveaux éléments et le noyautage
des administrations. Début 1943, à Montpellier, se
retrouvent quelques responsables importants de la
Résistance dont Henri FRENAY (fondateur de
Combat), Gilbert de CHAMBRUN (Combat) et Francis
MISSA (chef régional de Libération). Au cours de cette
réunion, Raymond CHAULIAC est nommé
responsable régional de l’Armée Secrète (Région R3
comprenant les départements Aude, Aveyron,
Hérault, Lozère, Pyrénées orientales). Bernard
BONNAFOUS devient son adjoint. Devenu le
commandant RICHARD, Bernard BONNAFOUS prend
le commandement des Forces Françaises de
l’Intérieur de l’Aveyron à partir de juin 1944.
« J’ai trouvé en Aveyron des conditions pour le combat exceptionnelles :
une nature permettant facilement l’implantation des maquis, une
richesse de l’agriculture permettant de nourrir les hommes et une
vitalité résistante exceptionnelle, une force de convictions dans le
combat ».
Bernard BONNAFOUS
Le docteur
Yves TESTOR,
responsable du maquis
ARETE-SAULES.
Bernard
BONNAFOUS
(dit commandant
Richard), chef des
Forces Françaises de
l’Intérieur de
l’Aveyron.
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