Gaspard recouvre la raison. Pris de remords, il avoue toute la vérité et prouve ainsi que
Germaine est la véritable héritière des Lucenay.
Tout est bien qui finit bien pour Germaine et Henri. Les cloches peuvent sonner en l'honneur
de la nouvelle châtelaine de Corneville !
3. Des cloches allégoriques
La dramaturgie est baroque. Mais le sujet est intéressant si on l’étudie en pensant à Don
Quichotte et la destinée qui a été réservée à ce livre. En lisant le court scénario de la pièce, l’on
assiste en effet à une allégorie retraçant le parcours de l’œuvre cervantienne.
Un noble doit s’absenter, en compagnie de son petit-fils, laissant ses biens aux soins d’un
fermier. Ce dernier a la charge de Germaine, la fille du comte de Lucenay, qu’il fait passer pour
sa nièce. Mensonge, supercherie, bien évidemment, le fermier s’empare de tout.
Allégorie : Cervantès nous quitte en 1616, son trésor est confié… à un lectorat qui ne voit rien.
Le pillage en règle commence. Corrections de la part des grammairiens et experts qui s’estiment
en droit de perfectionner ce qu’ils jugent imparfait. Une longue lignée de pillards ballornisent
Don Quichotte. La récente réédition à la Pléiade de Don Quichotte, sous la direction d’un Samson
Carrasco moderne présente un maximum de ce que la culture conventionnelle peut produire de
grotesque. C’est Grenicheux qui se prend pour le marquis sous prétexte d’en avoir recueilli la
fille.
Mais un jour, le petit-fils du marquis revient au pays et entend reprendre ce qui lui appartient
de droit. Gaspard est démasqué. La vérité éclate. Les cloches de Corneville retentissent : les
seigneurs de Corneville sont de retour. Gaspard en devient fou. Germaine, qu’il a traitée en
domestique, est en fait l’héritière du comte de Lucenay. Elle peut épouser Henri.
Allégorie : la Culture a été dépossédée de la Connaissance. Don Quichotte a été mis à l’écart.
Mais survient un héros qui démasque mensonges et impostures, qui remet l’héritière en selle. Le
héros qui intervient, c’est Rizal. L’héritière qui reprend le flambeau de la lignée, c’est l’exégète
de Don Quichotte : Dominique Aubier.
Est-ce cette lecture que notre Philippin fit de l’opérette? Toujours est-il qu’il utilise les
planches de M. Planquette pour exposer Cervantès sous les projecteurs tout en le planquant ! Les
Servantes qui montent sur scène sont ici au service de la vérité quichottienne. Germaine est toute
désignée : elle est recrutée par le marquis comme domestique. Un jour, dans une conférence,
Dominique Aubier disait justement d’elle-même qu’elle était une sorte de femme de ménage qui
époussetait et briquait l’ensemble des données de la connaissance afin d’en faire briller les
couverts. Germaine : est-ce sous cette identité que Rizal a vu la préfiguration de celle qui
assumerait l’exégèse quichottienne ? Elle serait française, femme de ménage, et héritière ? Une
Germaine serait donc un jour appelée à monter sur scène, sous la pancarte Cervantès ? Elle
rétablirait l’acte de naissance authentique du héros, réabiliterait le chevalier dans ses droits et
privilèges ? Elle travaillerait au thème de l’Union des Contraires ? Je crois qu’en tous points, le
portrait de Germaine correspond à celui de Dominique Aubier. Un point d’analogie est
saisissant : Corneville. Les douze cloches de Corneville retentiront, dit la légende, le jour où les
seigneurs de la ville seront de retour. Corneville se trouve en Normandie, dans le département de
L’Eure qui est justement celui où réside Dominique Aubier. À Damville. Ce n’est pas un secret,
d’autant qu’elle l’a elle-même indiqué dans certains de ses ouvrages. De Corneville à Damville…
moins de cinquante kilomètres ! Rizal a bien vu : c’est en Normandie que Don Quichotte