En 2009, nous avons commencé un long travail de laboratoire autour des tragédies antiques, Electre de Sophocle d’abord, puis Oreste d’Euripide et enn Agamemnon d’Eschyle.
En 2014, la trilogie antique Les Enfants d’Atrée, regroupant ces trois textes, relatant les malédictions, meurtres, vengeances qui affectent un à un les descendants du Roi Atrée,
voit le jour et conclue ainsi un cycle dont la thématique s’est d’elle-même révélée après 5 ans de recherche: L’homme face aux Dieux, face à son Destin.
A travers ces spectacles, mais également des stages, des cours, des laboratoires autour d’autres tragédies (Antigone, Alceste, Médée, Les Troyennes, Andromaque...) se sont
opposées les paroles de ces gures autour des thèmes de la Justice, de la Vengeance, du Destin, de la Foi... pour s’achever sur celui de la Responsabilité. A travers cet Oreste,
meurtrier de sa mère, nous est apparue la première esquisse de l’homme moderne, celui qui commence à prendre conscience, celui qui accepte sa responsabilité, sa culpabilité,
le premier à cesser de se dédouaner sur les Dieux, à interroger sa place d’homme face à ses actes, face aux autres. Dans Oreste ont surgi sans que nous nous y attendions les
gures du Christ, celui qui cherche le salut pour tous et non pour lui seul (Euripide) et celle d’Hamlet, le ls qui doit venger la mort du père et qui s’interroge. Hamlet, le mythe
moderne, le nom est lancé, avec lui, Shakespeare, lui qui a tout emprunté aux poètes grecs, ls d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide.
Lire Shakespeare après avoir tant étudié les tragiques antiques, c’est un peu comme découvrir sur un chemin inexploré les traces d’une architecture familière et pourtant moder-
nisée. Comme si derrière la peinture baroque qui recouvre cette maison, on pouvait encore voir les gouttes de sang du crâne d’Agamemnon, tranché en deux par la hâche de sa
femme Clytemnestre...
Shakespeare est apparu comme une évidence, comme le bruit de la goutte d’eau dans l’évier la nuit qu’on essaye de ne pas entendre mais qui obsède l’insomniaque...
Oui, mais Shakespeare! Hamlet! Brook, Ostermeier, Mesguich, Wilson, Besson, Vitez, Chéreau... Quoi dire après cela? Tant de mises en scène, de livres, d’analyses, quoi dire
de nouveau après cela?
L’insomniaque se bouche les oreilles pour pouvoir enn dormir. Dormir? Rêver peut-être...
«La conscience fait de nous des lâches et ainsi la couleur de la résolution s’étiole au pâle éclat de la pensée et les entreprises de grand essor et de conséquence se détournent
de leur cours et perdent le nom d’action.»
Alors Shakespeare, oui, mais Hamlet...
Un été de lecture, tout Shakespeare, comédies, tragédies, l’intraduisible Shakespeare, quelle galère...
Et puis soudain une pièce retient notre attention, une pièce que l’homme de la rue ne connaît pas, Timon d’Athènes (Athènes, tiens donc...). Premier laboratoire à Avignon.
Shakespeare s’éclaire, on rit, on rééchit beaucoup, on traduit, on chante, on joue de la musique, c’est joyeux, tragique, actuel, piquant.
On aborde aussi Mesure pour mesure, on fait souvent référence à Hamlet et on découvre par le jeu qu’il y a «quelque chose de pourri au royaume d’Athènes. De Vienne. Du
Danemark».
Shakespeare est dans la société, il parle de l’homme dans la société des hommes. Angelo tente de proscrire le sexe dans une Vienne viciée par la prostitution, les bordels et
l’adultère, Timon dépense son argent et s’achète à fort prix l’amitié de ses congènères avides de sa prodigalité, Hamlet prend conscience qu’au delà du meurtre de son père, ce
sont tous les rapports humains qui reposent sur des mensonges. Chacune de ses gures tente à sa manière de répondre à un problème qui concerne la société des hommes. Héros
ou anti-héros, là est la question. Une question qui nous concerne nous aussi, «comment vit-on ensemble?». Doit-on se retirer du monde à la manière de Timon, combattre des
illusions qui sont pourtant nécessaires à la façon d’Hamlet? Retour de la goutte d’eau Hamlet qui suinte au plafond du palais de Timon...
Timon et Hamlet, deux hommes face à la société, face au monde des hommes. Deux réponses possibles à la décadence sociale, l’hypocrisie, le mensonge, l’indifférence.
Nous avons donc décidé de monter conjointement deux projets. L’un autour de Timon d’Athènes que nous allons approfondir ici. Le second autour d’Hamlet, dans une petite
forme à 3 acteurs, destinée aux classes de collège et lycée que nous proposerons dans un autre dossier.
lE PROJET > géNèSE