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Conférence débat et controverses
Signal et neurones
Mardi 3 mars 2009
Ouverture
ODILE MACCHI
Directeur de recherche émérite au CNRS
L’ambiance générale actuelle est à la suspicion envers la science, les nouvelles possibilités
qu’elle offre suscitant souvent la crainte d’un usage illégitime. Au contraire bien utilisée la
recherche scientifique sert l’humanité. Cette conférence le montrera par des exemples concrets
où des travaux scientifiques issus de plusieurs disciplines ouvrent des pistes thérapeutiques
exaltantes, par exemple dans le cas de l’épilepsie, ou des handicaps moteur.
Souvent le grand public, spécialement les jeunes, perçoit la science comme dans un miroir brisé :
morcelée et cloisonnée, impression qui joue un rôle dans le phénomène de désamour pour la
science. La séance de cet après-midi est au contraire une belle illustration d’interdisciplinarité.
Elle montre comment l’interaction entre les deux disciplines du signal et des neurones, qui se
croisent au niveau du traitement de l’information, fertilise chacune de ces disciplines. Elle
recolle les morceaux du miroir.
Le mot même de signal évoque une réalité dynamique, mouvante avec le temps. C’est justement
la caractéristique de la vie, et spécialement des signaux d’influx nerveux émis, traités, ou reçus
par les neurones. Ils comptent parmi les plus beaux signaux naturels. S’ils sont modestes par leur
niveau électrique, ils sont très variés dans leur allure et puissamment efficaces par leur action et
leur coordination. En communiquant avec leurs voisins au niveau des synapses, les neurones
forment de proche en proche des ensembles cohérents qui interagissent. C’est ainsi qu’est
véhiculée l’information de la vie. Cela nous fait rêver car la vie est mouvement imprévisible et
intercommunication.
Du côté du signal, les progrès des deux dernières décennies se sont attachés à lever des
restrictions sur les conditions d’application des théories. C’est le nouveau domaine des ‘non’ :
signaux non stationnaires, signaux non gaussiens, traitements non linéaires, signaux spatiaux
multi-sources (non ‘mono source’) et traitements dits MIMO (multiple input, multiple output).
Du côté des neurones, principalement ceux du cerveau, les acquis expérimentaux récents ont
précisément mis en évidence de nombreuses situations de ce type : non stationnarités et
transitoires des signaux d’enregistrements épileptiques, statistique non gaussienne des signaux de
décours temporels, interactions non linéaires entre les signaux d’aires corticales distantes,
traitement spatial lors de processus cognitifs, tout cela mis en évidence par des enregistrements
multiples et simultanés.
Dès lors on comprend que des progrès spectaculaires en neurosciences se fassent en interaction
avec le traitement du signal. Par l’observation des signaux recueillis en surface ou en profondeur,
et qui résultent de toute une assemblée de neurones, les nouveaux paradigmes en signal
permettent d’inférer des connaissances sur les neurones, sur les assemblées de neurones, sur les
interactions entre ces assemblées, et donc sur le fonctionnement du cerveau. Dès lors le
traitement du signal ouvre une fenêtre sur le code neural utilisé par le cerveau.