Montassar BenMrad est un
homme très occupé. Ces
dernières semaines, les
sollicitations médiatiques ont
même atteint des sommets… Dernière
aaire en date: deux élèves musulmans qui
ont refusé de serrer la main de leur
enseignante dans un établissement scolaire
de Bâle-Campagne. «C’est regrettable qu’une
aaire, isolée comme celle-ci, ne puisse être
résolue au sein de l’école, estime le président
de la dération des organisations
islamiques de Suisse (FOIS). De tels cas
concernent le plus souvent des ados
potentiellement en crise et ne sont
aucunement représentatifs d’un problème
d’intégration des musulmans de Suisse.
D’autres sujets seraient tellement plus
importants à traiter dans les médias!»
Quinze jours plus tôt, ce sont les attentats
de Bruxelles, opérés au soi-disant nom
d’Allah, qui mettaient l’homme d’aaires de
49 ans sur le devant de la scène. Comme
c’était déjà le cas en novembre dernier lors
des précédentes attaques à Paris, quelques
mois seulement après son entrée en
fonction. «Les musulmans de Suisse n’ont
pas à entretenir de sentiment de culpabilité
face à ces actes criminels, commis par des
terroristes qui dénaturent complètement le
message de l’islam, estime le manager d’une
multinationale. Pourtant, il est de notre
devoir, en tant qu’organisation musulmane,
de condamner fermement ces crimes
abjects, qu’ils soient perpétrés à Paris,
Bruxelles ou Istanbul.»
Car chaque nouvelle attaque djihadiste
est un coup dur pour les musulmans vivant
en Occident. «Nous aussi sommes victimes
de ces attentats, poursuit-il. D’abord parce
que ces attaques visent une population non
ciblée, comprenant également des victimes
musulmanes potentielles. Mais aussi parce
qu’après chaque attentat les cas d’islamo-
phobie ont malheureusement tendance à
augmenter
Montassar BenMrad est né à Tunis. A
l’âge de 4 ans, il déménage en Allemagne, où
il est scolarisé dans une école française. Plus
tard, il retourne en Tunisie pour suivre une
formation d’ingénieur en informatique, qu’il
complète par un master puis un doctorat à
l’EPFL. A l’exception d’une parenthèse de
quatre ans à Dubaï pour le compte de son
employeur actuel, il n’a plus quitté la région
lausannoise où il réside en compagnie de son
épouse et de ses trois enfants.
Pas de dichotomie entre science et religion
Un scientique à la base d’une organisation
religieuse, n’est-ce pas contradictoire?
«Pour les musulmans, il n’y a jamais eu de
ritable dichotomie entre science et
religion. La recherche de la science est
même un devoir», dit celui dont le grand-
père et l’arrière-grand-père étaient tous
deux professeurs à l’Université religieuse
Zitouna à Tunis.» En homme pragmatique,
c’est par le dialogue qu’il espère apaiser les
tensions entre les diérentes confessions.
Si la communication est primordiale
entre les religions, elle l’est aussi au sein
même des communautés musulmanes, a
rapidement remarqué Montassar BenMrad.
En 2005, il cofonde alors l’Union vaudoise
des associations musulmanes (UVAM)et un
an plus tard la FOIS.«La tâche est
particulièrement ardue, reconnaît-il.
Parce qu’en Suisse cohabitent des
musulmans de multiples origines: Bosnie,
Albanie, Kosovo, Turquie, Maghreb... Et
puis, contrairement aux protestants et
catholiques, nous ne recevons aucune
subvention de l’Etat et devons trouver des
solutions pour nancer les multiples
activités que nous entreprenons.» Sa
fonction de président de la FOIS est
d’ailleurs bénévole…
Autre embûche: les langues nationales hel-
tiques. Heureusement pour le Vaudois, il
maîtrise le français, l’allemand, l’anglais et
l’arabe. «Mon prédécesseur ne parlait pas
français. Ce qui explique que les médias
romands ont pris l’habitude de donner
la parole à d’autres structures, notamment le
Conseil central islamique suisse – réputé pour
sa communication provocante bien que re-
présentant un très faible nombre de musul-
mans de Suisse.» Le président de la FOIS,qui
défend lui un «islam du milieu», compte bien
changer la donne. Dans ce but, Pascal Gem-
perli, président de l’UVAM, a été désigné
comme porte-parole pour la région romande.
La FOIS représente un peu plus de 160
associations islamiques disséminées à
travers tout le pays. Comment donc prendre
position, lorsqu’on parle au nom d’un
ensemble de communautés aussi diverses?
«Ce n’est pas toujours simple, mais nous
poursuivons tous le même but: la
cohabitation entre toutes les communautés
religieuses de Suisse. Si l’islam pouvait
paraître exotique il y a encore une vingtaine
d’années, il fait aujourd’hui simplement
partie de notre environnement», estime
celui qui se dénit comme un «citoyen
helvétique de tradition musulmane».
La Suisse pourrait d’ailleurs servir de
modèle à ses voisins, estime Montassar
BenMrad. «Notre pays n’a pas de tradition
dominante, avec une répartition variée des
protestants, des catholiques et de la
communauté juive selon les cantons. Notre
diversité religieuse, combinée à une forte
capacité à intégrer localement des migrants
d’origines diverses, nous a permis
d’échapper à des phénomènes de
ghettsation envers les musulmans, comme
en connaît par exemple la France. Il nous
faut éviter la polarisation confessionnelle
qui nère des réexes de replis et renforcer
encore le vivre ensemble.» MM
Portrait
La voix de
«l’islam du milieu»
Le Vaudois d’origine tunisienne Montassar BenMrad a repris il y a
un an la présidence de la ration des organisations islamiques de Suisse.
Une fonction que l’actualité rend parfois complexe...
Texte: Alexandre Willemin Photo: Mathieu Rod
20 |MM17,25.4.2016 | SOC
C’est par le dialogue que Montassar
BenMrad espère apaiser les tensions
entre les diérentes confessions en
Suisse.
SOC|MM17,25.4.2016 | 21
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !