Pour penser une notion (autrui), c’est-à-dire un mot de la langue relativement vague, il faut
chercher à le conceptualiser, c’est-à-dire lui donner un sens plus précis au terme d’un
processus de réflexion. On peut alors tenter de le définir
- en compréhension (ce qui permet de comprendre son sens), en déclinant ses attributs, ses
caractéristiques essentielles. Ex : c’est « un moi qui n’est pas moi » (Sartre), l’autre, le
différent, mais aussi mon prochain, mon semblable (Rousseau);
- ou en extension (ce à quoi le concept peut s’appliquer). Ex pour moi : Socrate ou Platon, et
tous les autres hommes.
Quelles notions alors nous semblent fondamentales à creuser pour éclairer qui et ce qu’est
l’autre, et mon rapport à l’autre, aux autres ? Quelle est la carte conceptuelle de la notion
d’autrui, les notions qui permettent de penser cette notion ?
Ce qui peut appuyer une pensée qui tente de penser à partir du langage est la convocation :
- de synonymes de la notion, ou de mots voisins : autre, altérité, distinct, différent,
dissemblable, séparé, étrange, étranger, inhabituel, original, nouveau, inconnu, insolite,
effrayant ; avec des connotations de divers, multiple, collectif ; et les notions d’écart,
contraste ; et aussi les mots-notions d’indifférence, contraire, discordance, disparité,
divergence, opposition, conflit, lutte ; mais aussi (et paradoxalement au premier abord
puisqu’il s’agit de l’autre) prochain, semblable, même, etc. ;
- de mots contraires, opposés, antonymes : moi, unique (autrui c’est les autres), particulier,
singulier, et aussi congénère, semblable, pareil, similaire, analogue, équivalent, comparable,
identique, égal, commun…
- de notions qui apparaissent essentielles dans la relation avec autrui dans notre expérience
humaine vécue (renvoyant moins au langage qu’au réel) : désir, séduction, amour, amitié,
don, charité, respect, reconnaissance, confiance, droit, devoir, promesse ; mais tout autant
intérêt, pouvoir, dépendance, domination, soumission, rivalité, conflit, lutte, guerre, haine,
mépris, et aussi indifférence etc.
7) Questions à creuser
Quelles sont les questions à (se) poser sur notre rapport à l’autre, aux autres ?
- Autrui est problématique en soi dans sa définition même, car il est à la fois le même et le
différent : comment penser cette dualité ?
- Notre rapport à autrui est problématique dans son ambivalence : ce peut être le meilleur
comme le pire ! Pourquoi et comment ?
L’autre, ami ou ennemi ? Trop proche ou trop lointain (Des hommes que l’on entasse
pourrissent comme des pommes, dit Descartes ; des hérissons qui veulent se tenir chaud se
piquent, dit Schopenhauer) ? Avec l’autre j’étouffe, sans lui je m’ennuie. « L’homme n’est
pas fait pour vivre seul » ou « Mieux vaut vivre seul que mal accompagné » ?
- Comment organiser ma coexistence avec l’autre (ex : le couple) ; d’autres (dans la famille,
l’école, l’entreprise, le hors travail, la société, l’Etat, le monde etc.) ? Qu’en est-il du lien
social de moi aux autres et des autres entre eux dans les sphères :
- de l’intersubjectivité, du privé, de l’intime, de l’affect ;
- du juridico-politique (loi, droits et devoirs) ;
- de l’économico-social (utilité sociale, contribution/rétribution) ?
6) Les penseurs de l’altérité
- Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme » (Léviathan). D’où l’exigence d’un
pouvoir fort pour assurer une coexistence pacifique.
- Rousseau : l’autre c’est mon semblable, cet être qui vit et souffre auquel je m’identifie dans
l’expérience privilégiée de la pitié (Discours sur l’origine de l’inégalité).