La prise en charge de la fièvre et des infections à la phase

La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. II - août 1998 177
MISE AU POINT
a fièvre et les infections ont un statut équivoque dans
la survenue d’un accident vasculaire cérébral isché-
mique. Elles peuvent, en effet, être envisagées tour à
tour comme facteur de risque, étiologie, marqueur ou facteur
prédictif de gravité, ou bien comme complication de l’accident
vasculaire cérébral. La localisation cérébrale des centres ther-
morégulateurs rend encore plus complexe l’interprétation d’une
élévation thermique. C’est dire si le symptôme fébrile peut
recouvrir des significations différentes. Après avoir exposé les
interactions physiopathologiques entre fièvre et AVC, détaillé
les différentes significations de la fièvre et de l’infection dans
cette circonstance, nous tenterons de montrer en quoi et com-
ment la survenue d’un épisode fébrile et/ou infectieux, au cours
d’un AVC ischémique, en modifie la prise en charge.
PHYSIOPATHOLOGIE
Physiologie et conséquences neuro-psychiques de l’élé-
vation thermique
La température corporelle résulte d’un subtil équilibre entre
production et dissipation de chaleur. Les surfaces d’échange
sont la peau et les poumons. Le centre thermorégulateur est le
noyau préoptique de l’hypothalamus antérieur.
On distingue classiquement hyperthermie et fièvre. L’hyper-
thermie survient lorsque le système thermorégulateur ne fonc-
tionne pas normalement, qu’il soit dépassé par une production
excessive de chaleur et incapable de la dissiper normalement,
voire en cas de dysfonctionnement hypothalamique. La fièvre,
en revanche, est une réponse normale, nécessitant un système
thermorégulateur intègre à une stimulation pyrogène, en parti-
culier infectieuse. Les signaux pyrogènes sont variés : interleu-
kine 1, TNF alpha, interleukine 6, médiateurs lipidiques comme
la prostaglandine E2, et peut-être le Platelet activating Factor.
La reconnaissance de ces signaux par le système nerveux cen-
tral se fait dans les régions périventriculaires par l’intermédiai-
re de capillaires fenêtrés. De ces régions, le signal pyrogène est
transmis à l’hypothalamus, véritable chef d’orchestre, condi-
tionnant l’élévation de la température corporelle et les réponses
à la fièvre. Dans l’aire préoptique de l’hypothalamus, le noyau
paraventriculaire joue sur la régulation du débit sanguin par la
sécrétion de Cortisol releasing factor (CRF) et de vasopressine ;
le noyau ventro-médial et latéral régule l’appétit (diminué en
cas de fièvre), tandis que l’hypothalamus postéro-latéral modu-
le le rythme veille-sommeil, de même est-il responsable de la
somnolence observée dans l’état fébrile. Par surcroît, l’augmen-
tation du CRF hypothalamique entraîne des réponses de type
stress (élévation du cortisol surrénalien). La fièvre est censée
avantager l’hôte par rapport à la bactérie. Elle augmente l’effi-
cacité des macrophages dans la lutte anti-infectieuse. L’anorexie
et la somnolence diminuent la consommation de glucose et le
métabolisme bactérien.
La prise en charge de la fièvre et des infections
à la phase aiguë des accidents ischémiques cérébraux
M. Logak, G. Rancurel*
* Urgences cérébro-vasculaires, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
L
Plus de 40 % des patients ayant un accident vasculaire
cérébral ischémique présentent un épisode fébrile dans la
première semaine. Les gros AVC sont plus souvent fébriles
que les AVC de faible volume.
La fièvre aggrave le pronostic de l’AVC en contribuant à
augmenter le volume de l’infarctus.
Dans la grande majorité des cas, la fièvre témoigne
d’une complication infectieuse.
La complication infectieuse la plus grave est la broncho-
pneumopathie de déglutition, favorisée par la sévérité de
l’état neurologique et les erreurs thérapeutiques (alimenta-
tion trop précoce).
La fièvre et les infections doivent être systématiquement
et précocement traitées lors de la phase aiguë de l’AVC
ischémique, ne serait-ce que par des mesures symptoma-
tiques.
Le traitement antipyrétique et anti-infectieux doit être
agressif lorsque l’état neurologique est sévère, notamment
pendant la phase critique se situant entre le deuxième et le
sixième jour, qui correspond au développement de l’œdè-
me cérébral.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
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MISE AU POINT
Outre ses conséquences métaboliques, la fièvre a des consé-
quences neuro-psychiques propres : somnolence, altération de
la concentration intellectuelle, crises d’épilepsie, confusion,
délire, stupeur ou coma. Plus que dans toute autre pathologie, la
fièvre peut donc interférer avec l’analyse sémiologique du
patient présentant une pathologie neurologique centrale, tout
particulièrement en cas d’AVC ischémique.
Température et ischémie expérimentale
Toutes les études expérimentales concordent quant à l’affirma-
tion du rôle délétère de l’élévation thermique dans le processus
ischémique cérébral. Menées sur des modèles d’ischémie foca-
le ou globale chez l’animal, elles mettent en évidence la majo-
ration des lésions neuronales irréversibles. Ces études portent
sur la température intra-ischémique et non sur la température
intracérébrale ou la température corporelle qui est moins élevée
(-1 à -2,1°C). Les mécanismes physiopathologiques demeurent
largement méconnus. Néanmoins, des actions multiples souvent
synergiques ont pu être mises à jour lors de l’élévation ther-
mique (1). Ainsi a pu être incriminée une augmentation du relar-
gage de certains neurotransmetteurs, tels le glutamate (multiplié
par 37 dans l’ischémie hyperthermique, par 21 dans l’ischémie
normothermique), le GABA ou la glycine. La production de
radicaux libres neurotoxiques en climat ischémique est multi-
pliée par 5 en cas de température élevée. La perméabilité de la
barrière hémato-encéphalique est également accrue. Les phéno-
mènes de dépolarisation, dans la zone de pénombre ischémique,
pourvoyeurs d’une forte consommation énergétique sont égale-
ment exacerbés lors de l’élévation thermique intra-ischémique.
Enfin, le comportement des protéines kinases est modifié, et la
destruction du cytosquelette par les protéases (comme la calpaï-
ne) favorisée dans ces conditions. Tous ces mécanismes concou-
rent à l’augmentation du volume de l’infarctus cérébral, même
pour de petites différences de température. L’intensité des
lésions est proportionnelle à l’élévation de la température, mais
pas de manière linéaire, avec un caractère très délétère des tem-
pératures très élevées supérieures à 40°C. Elle est également
très dépendante du moment de l’hyperthermie. Plus elle est pré-
coce, plus les lésions sont sévères (2), même si son influence
reste significative dans les 24 premières heures.
Le rôle protecteur de l’hypothermie a été étudié chez l’animal.
Sur les neurones pyramidaux hippocampiques ou dans le stria-
tum dorso-latéral après ischémie focale, les dommages isché-
miques affectaient 100 % des neurones à 36°C, 20 % à 34°C et
aucun à 30°C (3).
Fièvre et AVC chez l’homme
Dans l’accident vasculaire cérébral ischémique chez l’homme,
l’élévation de température résulte bien plus souvent d’une fièvre
que d’une hyperthermie. Celle-ci n’est qu’un phénomène mar-
ginal avéré dans des circonstances très particulières (AVC liés à
la chaleur ou heat strokes) ou dans certaines localisations (AVC
hypothalamiques, certains AVC du tronc). La fièvre est, en
revanche, un phénomène très fréquent témoignant le plus sou-
vent d’une complication infectieuse. L’incidence de la fièvre
dans les AVC ischémiques est estimée à 43 % durant la premiè-
re semaine. Elle débute dans les deux premiers jours dans 64 %
des cas (15 % à J1, 49 % à J2). Dans les AVC supratentoriels, la
survenue de fièvre est dépendante du volume de l’infarctus. Les
petits infarctus lacunaires ne s’accompagnent presque jamais de
fièvre. Les gros infarctus thrombo-emboliques sont souvent
fébriles. Cela est probablement lié à la plus grande incidence
des complications infectieuses et de décubitus, particulièrement
des pneumopathies d’inhalation lors des gros AVC.
FIÈVRE, INFECTIONS ET FACTEUR DE RISQUE CÉRÉBRO-
VASCULAIRE
Les infections, qu’elles soient aiguës ou chroniques, apparais-
sent comme des facteurs de risque vasculaire. Cette hypothèse a
d’abord été avancée chez les adultes dans des études isolées por-
tant sur les abcès dentaires, la bronchite chronique, l’infection à
Chlamydia,Helicobacter ou CMV, et la maladie coronaire.
Pour les accidents vasculaires cérébraux, plusieurs études ont
été menées, notamment chez les patients de moins de 45 ans.
Celle de Syrjänen (4) a montré que la survenue d’un épisode
infectieux dans le mois précédant l’AVC est un facteur de risque
indépendant d’AVC ischémique. Grau et coll. (5) ont établi que,
même chez les patients plus âgés, la survenue d’un épisode
infectieux dans la semaine précédant l’AVC constitue un facteur
de risque. Il s’agit préférentiellement d’infections bactériennes
surtout broncho-pulmonaires, parfois virales. Ces accidents vas-
culaires cérébraux sont souvent de volumineux accidents corti-
caux de mécanisme embolique et de pronostic péjoratif. La phy-
siopathologie du lien entre fièvre, infections et AVC ischémique
reste méconnue, probablement plurifactorielle. Ont été mis en
avant le rôle propre de la fièvre et de l’hémoconcentration, celui
de l’augmentation du fibrinogène et de la viscosité sanguine,
celui de l’inhibition de la protéine S et C et de l’antithrombine
III dans les états inflammatoires (interaction C4b et protéine S),
et enfin le rôle propre des cytokines (IL1, IL6, TNF alpha) sur
l’endothélium avec stimulation de ses fonctions procoagulantes.
Fièvre, infections et étiologie
La fièvre peut dans d’assez rares circonstances (2 à 3 % des cas)
témoigner du processus étiologique à l’œuvre lors de l’AVC
ischémique. Cette fièvre précoce est présente habituellement
avant l’AVC. Le tableau I résume les principales causes des
AVC ischémiques initialement fébriles. Elles sont dominées par
les endocardites et les vasculites. Deux pathologies-frontières
peuvent se présenter comme un AVC fébrile, et elles ont une
sanction thérapeutique spécifique et urgente : thrombophlébite
cérébrale, spasme artériel consécutif à une hémorragie sous-
arachnoïdienne passée méconnue. On conviendra de la bonne
rentabilité diagnostique de la ponction lombaire dans ces cir-
constances, comme dans tout événement neurologique fébrile.
De plus, celle-ci est utile au diagnostic différentiel permettant
d’orienter vers des pathologies infectieuses, dont le début est
parfois pseudo-vasculaire (méningo-encéphalite herpétique, lis-
La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. II - août 1998 179
tériose neuro-méningée, etc.). La survenue d’une fièvre au
début d’un AVC ischémique doit donc faire accélérer le bilan
étiologique, car elle témoigne d’une pathologie potentiellement
grave et accessible à une thérapeutique spécifique.
FIÈVRE, GRAVITÉ ET PRONOSTIC DE LAVC
L’élévation de la température est en soi un signe de gravité et un
facteur de mauvais pronostic. Chez l’homme des études rétros-
pectives ont d’abord établi la signification pronostique péjorati-
ve de la fièvre. Terent et Andersson (6) ont mis en évidence la
surmortalité associée à une température supérieure à 38°C. Une
température supérieure à 37, 5°C dans la semaine suivant l’AVC
ischémique, quelle qu’en soit la cause, est associée à un mau-
vais pronostic évalué deux mois après pour Hindfelt (7).
Plus récemment, une étude prospective (8) portant sur 183
patients a montré que la survenue d’une fièvre dans la semaine
suivant un AVC est un facteur de mauvais pronostic et de sur-
mortalité dans le premier mois. De même, Reith et coll. (9) ont
prouvé que la température corporelle à l’admission était corré-
lée à la sévérité initiale de l’AVC, à la taille finale de l’infarc-
tus, ainsi qu’ à la mortalité. C’est la première étude prouvant la
relation entre température corporelle et évolution péjorative,
indépendamment de la sévérité de l’AVC à l’admission. Le rôle
critique de la première semaine est souligné. Il correspond à la
période où la nécrose ischémique se constitue, et où l’œdème
cérébral vasogénique et/ou cytotoxique est maximal, entraînant
une dégradation clinique qui peut s’avérer mortelle. C’est la
période où les effets conjugués de l’œdème cérébral et de la
fièvre peuvent précipiter les troubles de la vigilance et aboutir
au coma. Ces constatations sont à la base des tentatives théra-
peutiques par hypothermie dans l’accident ischémique cérébral,
inspirées de la réanimation des traumatisés crâniens. Cependant,
aucune étude prospective n’a pu, à ce jour, prouver chez l’hom-
me que le traitement par hypothermie améliore le pronostic de
l’AVC ischémique cérébral.
FIÈVRE, COMPLICATION DE LAVC
La fièvre constitue dans la plupart des cas une conséquence de
l’AVC ischémique. Cette fièvre est le plus souvent liée à une
complication infectieuse, surtout bactérienne. Elle peut parfois
témoigner d’une complication non infectieuse, comme les com-
plications thrombo-emboliques : phlébite ou embolie pulmonai-
re. Elle débute rarement le premier jour, souvent à J2 (dans près
de la moitié des cas). Elle est favorisée par les troubles de la vigi-
lance, de la déglutition et l’immobilisation. Elle est, comme nous
l’avons signalé plus haut, plus fréquente dans les AVC graves,
volumineux que dans les accidents lacunaires. Elle obéit gros-
sièrement à une chronologie représentée sur le tableau II. Les
complications les plus précoces sont broncho-pulmonaires,
dominées par les pneumopathies de déglutition. Elles sont favo-
risées par les troubles de la déglutition très fréquents à la phase
initiale de tous les AVC ischémiques. Le caractère unilatéral et
peu volumineux de l’AVC ne garantit en aucun cas l’absence de
troubles de la déglutition. La pneumopathie de déglutition est
une conséquence très commune, souvent asymptomatique, mais
potentiellement létale de l’AVC ischémique. Sa prévalence a été
estimée à 25 % chez les patients avec un infarctus lacunaire ou
hémisphérique unilatéral, mais elle peut atteindre 70 % chez
ceux présentant un infarctus du tronc cérébral ou un infarctus
hémisphérique bilatéral. Plus de 60 % des pneumopathies de
déglutition ne sont pas cliniquement prévisibles ni par l’absence
du réflexe nauséeux ni par la présence d’une dysarthrie ou d’une
toux anormale. Les infections respiratoires sont parmi les plus
graves complications non neurologiques des AVC. Elles seraient
responsables de 20 à 39 % des décès après AVC ischémique. En
plus des troubles de déglutition, d’autres facteurs de risque de
pneumopathie nosocomiale peuvent être associés : âge avancé,
troubles de la vigilance, pathologie associée, immunodépression,
intubation endotrachéale. De plus, la prophylaxie des ulcères de
stress par antiacides, parfois prescrite lors des AVC, favoriserait
la colonisation par des germes virulents.
Les infections urinaires sont une cause majeure de morbidité,
mais aussi de mortalité, pouvant être responsables de près de
20 % des morts après AVC ischémique. Les patients ayant un
AVC ont souvent un dysfonctionnement vésical, des troubles de
la vigilance ou des troubles cognitifs favorisant le recours au
sondage vésical. La présence d’une sonde ou d’un cathétérisme
vésical est associé à un risque quotidien de 3 à 10 % de bacté-
riurie. Environ 30 % de ces patients présenteront une infection
urinaire.
PRISE EN CHARGE RAISONNÉE
La prise en charge raisonnée de la fièvre dans les AVC isché-
miques suppose d’envisager d’abord les mesures préventives
simples et de bon sens, avant d’étudier les mesures curatives qui
sont conditionnées par le moment de survenue de la fièvre par
rapport à l’AVC.
La prévention de la fièvre nécessite de prendre les mesures sui-
vantes :
1. Cardiopathies
Endocardites infectieuses aiguës ou subaiguës.
Myxome de l’oreillette gauche.
Rarement infarctus du myocarde, surtout étendus.
2. Vasculites
Vasculite isolée du système nerveux central.
Vasculite systémique primitive : Horton, Takayasu, Wegener,
périartérite noueuse, etc.
Vasculites associées à une maladie systémique : lupus, Behçet,
sarcoïdose, Gougerot-Sjögren, etc.
Vasculites infectieuses : syphilis, tuberculose, rickettsiose, chlamy-
diose, herpès, zona, CMV, HIV, cysticercose, toxoplasmose, vasculites
satellites des endocardites, méningites, etc.
Vasculites néoplasiques ou paranéoplasiques : lymphomes, etc.
3. Spasme artériel consécutif à une hémorragie sous-arachnoïdienne
4. Thrombophlébite cérébrale
5. Divers
Syndrome malin des neuroleptiques.
Embolies de cholestérol.
Syndrome catastrophique des antiphospholipides, etc.
Tableau I. Cause des AVC ischémiques fébriles.
La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. II - août 1998
180
- pas d’alimentation orale pendant les premiers jours dès lors
qu’un trouble de la déglutition est suspecté ;
- pose d’une sonde naso-gastrique destinée uniquement à l’ad-
ministration des médicaments indispensables ;
- la nutrition entérale est également à proscrire.
De fait, la sonde naso-gastrique apparaît souvent au stade initial
comme une fausse sécurité ; le décubitus, la béance du cardia,
les troubles de la vidange gastrique et l’administration irrégu-
lière de la nutrition entérale (peu de services de neurologie dis-
posent de nutripompes fiables) rendent la sécurité de telles pra-
tiques illusoires. Un jeûne initial est préférable, avec un soutien
calorique parentéral les premiers jours. La persistance de
troubles de la déglutition nous fait préférer la gastrostomie ou la
jéjunostomie à la nutrition entérale par gavage gastrique. Le
nursing tient une place essentielle, avec prévention des escarres
et des complications thrombo-emboliques par héparine de bas
poids moléculaire et/ou bas de contention. Le sondage vésical
est loin d’être systématique, même en cas de troubles de la vigi-
lance, par crainte de favoriser la survenue d’infections urinaires.
La réflexion étiologique et surtout la prise en charge de la fièvre
au stade aigu de l’AVC ischémique sont conditionnées par le
moment de la fièvre par rapport à celui-ci (tableau II). Il y a une
forte probabilité pour qu’une fièvre présente à l’entrée ou pré-
cédant l’AVC ait une signification étiologique, en tout cas elle
doit conduire à rechercher les causes d’AVC ischémiques
fébriles (tableau I). La fièvre se déclarant entre le deuxième et
le cinquième jour est celle dont le pronostic est le plus péjora-
tif, car elle survient au moment le plus critique, caractérisé par
la poussée œdémateuse cérébrale. Ici, la recherche du mécanis-
me causal de la fièvre passe au second plan; l’urgence est thé-
rapeutique. Le traitement doit associer, après réalisation d’une
radiographie pulmonaire, d’un examen cytobactériologique uri-
naire et de trois hémocultures, des mesures antipyrétiques phy-
siques (glace) et médicamenteuses (paracétamol IV) jointes à
une antibiothérapie probabiliste. On choisira par exemple une
pénicilline A IV (amoxicilline +/- acide clavulanique).
L’évaluation de ces mesures thérapeutiques doit être effectuée
systématiquement 48 heures après leur administration, avant en
cas d’aggravation des troubles de la conscience.
En pareil cas, il nous semble alors licite d’associer un second
antibiotique, par exemple une quinolone, pour tenter de passer
le seuil critique même sans documentation bactériologique. On
pourra également prescrire l’association céphalosporine de troi-
sième génération et aminosides, qui couvre une bonne partie des
infections urinaires ou des pneumopathies, voire l’association
céphalosporine de troisième génération et vancomycine, en cas
de suspicion d’infection à staphylocoque. D’autres prélève-
ments bactériologiques seront effectués, notamment une bron-
choaspiration par fibroscopie en cas de pneumopathie, pour
adapter secondairement l’antibiothérapie.
Après le cinquième jour, lorsque les dégâts ischémiques sont
constitués et que l’œdème cérébral est stabilisé, la prise en char-
ge de la fièvre doit être plus conforme à celle qui prévaut pour
toute autre pathologie : documentation bactériologique,
mesures antipyrétiques si fièvre élevée, pas d’antibiothérapie à
l’aveugle, sauf signe de gravité hémodynamique. La fièvre, pen-
dant cette période, relève le plus souvent d’une complication de
l’AVC : broncho-pneumopathie de déglutition après reprise de
l’alimentation orale ou entérale, infection urinaire, sonde vési-
cale, thrombophlébite, etc.
CONCLUSION
À défaut de traitement spécifique de l’AVC ischémique, la pré-
vention et la prise en charge de la fièvre et des infections consti-
tuent un véritable enjeu thérapeutique. Le pronostic péjoratif,
tant vital que fonctionnel, associé aux états fébriles et infectieux
dans l’AVC ischémique est étayé par de nombreuses études
expérimentales et cliniques. Il apparaît tout particulièrement
que le volume final de l’infarctus est grandement influencé par
la température. La prise en charge très précoce, dès les pre-
mières heures, des états fébriles et infectieux peut modifier le
cours évolutif d’un AVC. Elle repose sur des mesures préven-
tives simples, symptomatiques (antipyrétiques) ou curatives
(antibiotiques). En cas d’extrême nécessité, l’induction d’une
hypothermie, même en l’absence de fièvre, pourrait donner des
résultats prometteurs en vue de limiter le volume de l’infarctus
ainsi que les conséquences induites.
MISE AU POINT
Début de la fièvre J0-J1 >J1 >J5-J6
Signification Étiologique Complication de l’AVC Complication de l’AVC
Risque d’aggravation Peu de risque
Conduite à tenir Enquête étiologique rapide Traitement symptomatique Traitement symptomatique
(PL, IRM, écho-cardiographie, etc.) non spécifique non spécifique
Traitement symptomatique (antipyrétiques) (antipyrétiques)
(antipyrétiques) Antibiothérapie probabiliste Enquête infectieuse
Antibiothérapie documentée
Tableau II. Signification de la fièvre et conduite thérapeutique en fonction de son délai d’apparition.
181
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