La Lettre du Neurologue - n° 4 - vol. II - août 1998 179
tériose neuro-méningée, etc.). La survenue d’une fièvre au
début d’un AVC ischémique doit donc faire accélérer le bilan
étiologique, car elle témoigne d’une pathologie potentiellement
grave et accessible à une thérapeutique spécifique.
FIÈVRE, GRAVITÉ ET PRONOSTIC DE L’AVC
L’élévation de la température est en soi un signe de gravité et un
facteur de mauvais pronostic. Chez l’homme des études rétros-
pectives ont d’abord établi la signification pronostique péjorati-
ve de la fièvre. Terent et Andersson (6) ont mis en évidence la
surmortalité associée à une température supérieure à 38°C. Une
température supérieure à 37, 5°C dans la semaine suivant l’AVC
ischémique, quelle qu’en soit la cause, est associée à un mau-
vais pronostic évalué deux mois après pour Hindfelt (7).
Plus récemment, une étude prospective (8) portant sur 183
patients a montré que la survenue d’une fièvre dans la semaine
suivant un AVC est un facteur de mauvais pronostic et de sur-
mortalité dans le premier mois. De même, Reith et coll. (9) ont
prouvé que la température corporelle à l’admission était corré-
lée à la sévérité initiale de l’AVC, à la taille finale de l’infarc-
tus, ainsi qu’ à la mortalité. C’est la première étude prouvant la
relation entre température corporelle et évolution péjorative,
indépendamment de la sévérité de l’AVC à l’admission. Le rôle
critique de la première semaine est souligné. Il correspond à la
période où la nécrose ischémique se constitue, et où l’œdème
cérébral vasogénique et/ou cytotoxique est maximal, entraînant
une dégradation clinique qui peut s’avérer mortelle. C’est la
période où les effets conjugués de l’œdème cérébral et de la
fièvre peuvent précipiter les troubles de la vigilance et aboutir
au coma. Ces constatations sont à la base des tentatives théra-
peutiques par hypothermie dans l’accident ischémique cérébral,
inspirées de la réanimation des traumatisés crâniens. Cependant,
aucune étude prospective n’a pu, à ce jour, prouver chez l’hom-
me que le traitement par hypothermie améliore le pronostic de
l’AVC ischémique cérébral.
FIÈVRE, COMPLICATION DE L’AVC
La fièvre constitue dans la plupart des cas une conséquence de
l’AVC ischémique. Cette fièvre est le plus souvent liée à une
complication infectieuse, surtout bactérienne. Elle peut parfois
témoigner d’une complication non infectieuse, comme les com-
plications thrombo-emboliques : phlébite ou embolie pulmonai-
re. Elle débute rarement le premier jour, souvent à J2 (dans près
de la moitié des cas). Elle est favorisée par les troubles de la vigi-
lance, de la déglutition et l’immobilisation. Elle est, comme nous
l’avons signalé plus haut, plus fréquente dans les AVC graves,
volumineux que dans les accidents lacunaires. Elle obéit gros-
sièrement à une chronologie représentée sur le tableau II. Les
complications les plus précoces sont broncho-pulmonaires,
dominées par les pneumopathies de déglutition. Elles sont favo-
risées par les troubles de la déglutition très fréquents à la phase
initiale de tous les AVC ischémiques. Le caractère unilatéral et
peu volumineux de l’AVC ne garantit en aucun cas l’absence de
troubles de la déglutition. La pneumopathie de déglutition est
une conséquence très commune, souvent asymptomatique, mais
potentiellement létale de l’AVC ischémique. Sa prévalence a été
estimée à 25 % chez les patients avec un infarctus lacunaire ou
hémisphérique unilatéral, mais elle peut atteindre 70 % chez
ceux présentant un infarctus du tronc cérébral ou un infarctus
hémisphérique bilatéral. Plus de 60 % des pneumopathies de
déglutition ne sont pas cliniquement prévisibles ni par l’absence
du réflexe nauséeux ni par la présence d’une dysarthrie ou d’une
toux anormale. Les infections respiratoires sont parmi les plus
graves complications non neurologiques des AVC. Elles seraient
responsables de 20 à 39 % des décès après AVC ischémique. En
plus des troubles de déglutition, d’autres facteurs de risque de
pneumopathie nosocomiale peuvent être associés : âge avancé,
troubles de la vigilance, pathologie associée, immunodépression,
intubation endotrachéale. De plus, la prophylaxie des ulcères de
stress par antiacides, parfois prescrite lors des AVC, favoriserait
la colonisation par des germes virulents.
Les infections urinaires sont une cause majeure de morbidité,
mais aussi de mortalité, pouvant être responsables de près de
20 % des morts après AVC ischémique. Les patients ayant un
AVC ont souvent un dysfonctionnement vésical, des troubles de
la vigilance ou des troubles cognitifs favorisant le recours au
sondage vésical. La présence d’une sonde ou d’un cathétérisme
vésical est associé à un risque quotidien de 3 à 10 % de bacté-
riurie. Environ 30 % de ces patients présenteront une infection
urinaire.
PRISE EN CHARGE RAISONNÉE
La prise en charge raisonnée de la fièvre dans les AVC isché-
miques suppose d’envisager d’abord les mesures préventives
simples et de bon sens, avant d’étudier les mesures curatives qui
sont conditionnées par le moment de survenue de la fièvre par
rapport à l’AVC.
La prévention de la fièvre nécessite de prendre les mesures sui-
vantes :
1. Cardiopathies
• Endocardites infectieuses aiguës ou subaiguës.
• Myxome de l’oreillette gauche.
• Rarement infarctus du myocarde, surtout étendus.
2. Vasculites
• Vasculite isolée du système nerveux central.
• Vasculite systémique primitive : Horton, Takayasu, Wegener,
périartérite noueuse, etc.
• Vasculites associées à une maladie systémique : lupus, Behçet,
sarcoïdose, Gougerot-Sjögren, etc.
• Vasculites infectieuses : syphilis, tuberculose, rickettsiose, chlamy-
diose, herpès, zona, CMV, HIV, cysticercose, toxoplasmose, vasculites
satellites des endocardites, méningites, etc.
• Vasculites néoplasiques ou paranéoplasiques : lymphomes, etc.
3. Spasme artériel consécutif à une hémorragie sous-arachnoïdienne
4. Thrombophlébite cérébrale
5. Divers
• Syndrome malin des neuroleptiques.
• Embolies de cholestérol.
• Syndrome catastrophique des antiphospholipides, etc.
Tableau I. Cause des AVC ischémiques fébriles.