Plus ce malentendu règne, plus les Jeux
deviennent absolus, comme une fin en eux-
mêmes, privés de leur signification, fonction
et portée plus profondes, n’étant plus que le
souvenir d’une valeur humaine bien plus
élevée que le simple concours de force.
Cette situation nous oblige à accorder plus
d’importance à l’origine et au principe (le
mot grec « arché ») de I’Olympisme. Nous
sommes appelés aujourd’hui non pas pour
traiter simplement des principes du Mouve-
ment olympique mais pour approfondir
l’essence de I’Olympisme, créateur des prin-
cipes spécifiques de la communauté mon-
diale à travers la compétition pacifique.
I
Les Jeux Olympiques sont un événement, un
phénomène dans le temps et l’espace. Ce
phénomène porte la marque d’un système
de valeurs pouvant être localisé par la
raison humaine. L’esprit humain est ainsi
incité à étudier ce système de valeurs et à
en saisir la racine.
La Philosophie cherche par l’abstraction à
pénétrer dans la substance de toutes les
choses, tous les événements, toutes les
émotions et impressions causés par le
monde extérieur, c’est-à-dire à pénétrer
dans leur forme qualitative d’existence. C’est
ainsi qu’est définie leur signification ou idée
stable, invariable, exemplaire et unique, qui
maintient les choses dans leur ordre, leur
fonction et leur attribue un but.
La plus profonde idée de l’être n’est pas
quelque chose de caché dans l’objet. II
s’agit de quelque chose se révélant dans la
conscience de l’homme, lorsqu’il dépasse
par sa raison l’apparence des choses et
essaie de communiquer avec leur sens, qui
devient partie de sa conscience. L’homme
entier est alors réorienté vers une nouvelle
réalité attribuant une signification à sa vie et
au monde entier. C’est ce qu’on nomme
Vérité. C’est quelque chose qui
« ne peut
pas ne pas se révéler »,
une fois que
l’homme s’est décidé à pénétrer dans la
réalité par la raison et à se consacrer au
sens qualitatif maximal des choses et des
événements se déroulant autour de lui.
L’homme partage ensuite cette Vérité et il
est
renouvelé par une transformation
existentielle continue de lui-même et de ses
rapports avec les autres hommes, avec le
monde et l’histoire.
Les hommes sont d’habitude réticents pour
procéder à cette opération difficile. Ils sont
satisfaits des rapports extérieurs avec les
choses. Ils se contentent de l’attachement
aux seules valeurs esthétiques et ils ne
s’orientent pas en direction d’un être
supérieur ou d’un mode d’existence nou-
veaux. Ils sont captifs des événements eux-
mêmes portés par leur apparence exté-
rieure, leur fonction matérielle ou méca-
nique.
Leur dimension spirituelle plus
profonde demeure inexploitée.
Cette attitude superficielle s’est intensifiée
par la croissance fantastique de la civilisa-
tion et de la culture moderne à l’intérieur
des Etats-providence et des sociétés de
production et de corruption ainsi que par le
fort appel extérieur de toutes sortes
d’attractions. L’homme est ainsi privé de sa
valeur intérieure. II est à la recherche de sa
valeur et de son bonheur dans le partage
immédiat des biens matériels.
Dans le cadre de cette orientation générale
moderne, l’homme est de plus en plus
accaparé par la valeur esthétique des Jeux
Olympiques et par leur démonstration de
pouvoir. II n’est plus guère fait appel à la
capacité de pénétrer dans la dimension
profonde de la signification des Jeux. Sa
raison et sa conscience, son aptitude à
découvrir un principe de valeur face à
l’admiration du pouvoir et le plaisir du
spectacle face à la fascination de la beauté
objective sont devenus de faibles parte-
naires des mass media et de la propagande
de la puissante structure des Jeux. Ceci est
sans nul doute la raison pour laquelle les
Jeux sont devenus la totalité du Mouvement
oympique, dominant sa signification profon-
de.
II incombe à la philosophie du Mouvement
olympique de prendre à nouveau le chemin
difficile de la pénétration dans l’essence de
I’Olympisme à une époque de besoin comme
la nôtre et de faire la révélation de la vérité
possible à ceux qui désirent à nouveau com-
muniquer avec elle. La Vérité, cet être de
I’Olympisme, doit être révélée comme « quel-
que chose » unissant les principes de valeur
de I’Olympisme avec les aspirations plus
profondes vers le bien le plus élevé possible
de notre conscience. II s’agit de quelque
chose qui n’est pas simplement théorique
ou visionnaire. La Vérité représente l’Idée
Olympique authentique et I’accomplit parmi
ceux qui y croient et desquels ressortent et
mûrissent de nouvelles personnalités.
Afin de découvrir la racine de l’existence de
la Vérité de I’Olympisme, nous devons
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