La DMO remise en cause
Si la densité minérale osseuse (DMO) est un para-
mètre à prendre en compte dans la prise en charge
de l’ostéoporose, de plus en plus de spécialistes recon-
naissent que ce critère est insuffisant pour mesurer
précisément l’efficacité antifracturaire d’un traitement
et s’accordent à dire que la qualité de l’os doit égale-
ment être évaluée.
L’os doit être suffisamment rigide pour résister à la
déformation induite par les contraintes liées aux
charges et à la propulsion tout
en gardant une certaine flexi-
bilité, qui lui permette d’absor-
ber l’énergie et de la restituer
pour retrouver sa forme et sa
taille initiales. Il doit par
ailleurs être léger pour facili-
ter la rapidité du mouvement
et en même temps solide pour
supporter les charges. C’est
par sa composition et ses pro-
priétés structurelles qu’il peut
répondre à ces exigences
paradoxales. La minéralisa-
tion de l’os, qui est de 65%
chez l’homme, détermine sa
rigidité. Un taux de remode-
lage trop élevé la diminue,
rend l’os trop flexible et favo-
rise sa déformation et sa frac-
ture. A l’inverse, une trop grande minéralisation
induite par la suppression du remodelage le rend
trop rigide et cassant.
Avec l’âge, les propriétés matérielles et structurelles
de l’os se dégradent. Le remodelage osseux répare les
microdommages osseux. Après la ménopause, ce
processus augmente mais le bilan entre formation
et résorption devient négatif. Les travées osseuses
s’affinent, perdent leur connexion, l’épaisseur de l’os
cortical diminue et sa porosité s’accroît. Des micro-
dommages apparaissent dans l’os interstitiel ancien
tandis que l’os nouvellement formé est moins minéra-
lisé, ce qui réduit sa résistance.
Les traitements antiostéoporotiques doivent corriger
ces différents processus pour avoir un effet antifractu-
raire optimal. Les médicaments
qui inhibent la résorption
osseuse en diminuant le remo-
delage osseux favorisent la
minéralisation et le comble-
ment des unités de remodela-
ge, ils préservent le volume
osseux trabéculaire et sa micro-
architecture ainsi que l’épais-
seur de l’os cortical. Pour
autant, il existe un seuil (50%)
au-delà duquel l’inhibition de
la résorption n’apporte pas
de bénéfice et peut même favo-
riser l’apparition de microdom-
mages osseux ou ralentir leur
réparation.
Par ailleurs, la mesure de la
densité minérale osseuse utili-
sée pour apprécier l’efficacité
des inhibiteurs de la résorption a une valeur discuta-
ble. Sous bisphosphonates, la diminution du risque
fracturaire est en effet précoce, maximale au terme de
la première année, alors que l’augmentation de la
densité osseuse est plus lente, et n’atteint après un an
que la moitié du gain obtenu à plus long terme. De
fait, de récentes études en microradiographie ont
révélé que l’essentiel sinon la totalité de l’augmenta-
tion de densité observée sous bisphosphonate était
liée à un accroissement de la densité minérale par
unité de volume osseux plutôt que par un gain de
masse osseuse proprement dite et que seule une
petite fraction (moins de 30%) de l’efficacité anti-
fracturaire des bisphosphonates était expliquée par
des modifications de la DMO. Cela est encore plus
vrai avec le raloxifène. L’étude de plusieurs modèles
statistiques a en effet permis de montrer que le gain
de densité intervenait pour moins de 10% dans
l’effet antifracturaire de ce modulateur sélectif de
l’activation des récepteurs aux estrogènes (Serm).
DRCATHERINE BAILLY
D’après les communications d’Ego Seeman (Melbourne,
Australie) et Pierre Delmas (Inserm U 403, hôpital
Edouard-Herriot Lyon), au cours du symposium organisé
par les laboratoires Lilly.
En Savoir Plus
. La plupart des
médicaments contre
l’ostéoporose réduisent de
30 à 50% le risque de
survenue d’une nouvelle
fracture vertébrale chez les
femmes ostéoporotiques,
mais leur capacité à
augmenter la DMO est très
différente, allant de 1 à 7%
selon le médicament.
.Les inhibiteurs de la
résorption induisent, en 3 à
6 mois, un ralentissement
du remodelage objectivé
par la modification du taux
des marqueurs osseux.
22 /PANORAMA DU MÉDECIN / 05 JUIN 2003 / N°4895
La valeur de la DMO ne reflète qu’en partie le
risque fracturaire.
DOSSIER OSTÉOPOROSE
Doser les marqueurs du remodelage osseux
➥ Un meilleur moyen de juger de l’effet antifracturaire
des traitements antirésorptifs est le dosage des marqueurs
de formation et de résorption osseuses, bon reflet du
remodelage osseux.
➥ Dans l’étude More (Multiple Outcome Raloxifène Evaluation),
chez les patients qui avaient bénéficié d’un dosage des marqueurs
osseux, il existait en effet une relation significative entre la
décroissance du remodelage osseux observée sous raloxifène et
le risque de fracture vertébrale
(voir aussi page 26)
. Des résultats
similaires ont été observés avec le risédronate et l’alendronate.
➥ D’autres mécanismes d’action des inhibiteurs de la résorption
osseuse incluant notamment leurs effets sur la structure des
différentes enveloppes de l’os mériteraient d’être explorés de
manière non invasive (tomodensitométrie quantitative).
Phanie