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sont déclarées et Alexandre repart les réprimer. L’amour attendra !
Le troisième acte voit Clitus emprisonné alors que Cléon l’enjoint d’aller se prosterner devant
leur commandant pour retrouver ses faveurs. Leonato arrive pour délivrer Clitus en enfermant
Cléon tandis que les deux hommes partent pour défier Alexandre. Des partisans de Cléon
viennent le délivrer pour rejoindre Alexandre qui pourra ainsi se venger de Clitus et Leonato
qui, de leur côté, rassemblent des partisans et fomentent un soulèvement. Les deux princesses
décident de mettre fin à leur rivalité et de laisser agir le destin ou le hasard. Les chefs félons,
Clitus et Léonato, entrent. Alexandre les défie. Taxile, resté fidèle à Alexandre, annonce qu’il
a capturé les rebelles. Alexandre à la surprise générale mais pour montrer la noblesse de ses
sentiments leur accorde la grâce. Dans le temple de Jupiter, tous -c’est le seul chœur de
l’opéra- louent le dieu et prient pour la paix. Alexandre demande son amitié à Lisaura, que
Taxile aime en secret, et demande sa main à Roxane.
Mais ne nous y trompons pas : cette intrigue fertile en rebondissement ne doit pas donner
l’illusion que nous assistons à une sorte de « western » antique. Au contraire, les différents
rebondissements du drame permettent de multiples effets psychologiques où les personnages,
tant masculins que féminins, utilisent les innombrables arias pour traduire leurs
interrogations, leurs inquiétudes et la palette fort étendue de leurs sentiments. Ainsi, par
exemple, Lisaura chante à l’acte 1 : « Que l’amour serait doux/si la jalousie/ne distillait pas
son poison glacé !/Ce qu’espère la constance/Et promet l’espérance/N’est qu’amertume pour
mon cœur affligé. »
La réalisation : Lucinda Childs, chorégraphe américaine célèbre qui règle maintenant de
nombreuses mises en scène à travers le monde, transpose l’action sur un plateau de cinéma où
l’on est censé tourner un péplum sur la vie d’Alexandre. Le « théâtre dans le théâtre » est
décidément fort à la mode sur de nombreuses scènes opératiques. Les scènes alternent donc
des lieux différents, des décors antiques, et les coulisses d’un plateau de tournage tels qu’on a
pu les voir dans de nombreuses productions filmiques américaines. Les personnages de
l’opéra deviennent alors les protagonistes qui réalisent un film puis se retrouvent, entre les
scènes filmées, autour d’un bar ou dans des loges pour poursuivre le déroulé de l’action,
comme s’il y avait une continuité entre ce qui se passait entre les acteurs jouant leurs rôles et
les relations humaines et amoureuses qu’ils entretiennent entre les prises de vue. Ce parti pris
respectable, mais à vrai dire pas très original tant il a été exploité dans de nombreuses
productions, introduit malgré tout des ruptures dans le déroulement de l’œuvre puisque, çà et
là, apparaissent des techniciens, un clapman… Les décors minimalistes et les costumes
somptueux de Paris Mexis mélangent les années 30 -Alexandre apparaît en costume à veston
croisé-, et la référence à l’Antiquité puisque le même personnage séduit dans la tenue
d’apparat de général romain, même s’il conserve une chemise sous son armure !
Heureusement, Lucinda Childs n’a pas oublié la grande chorégraphe qu’elle a été et nous
gratifie, grâce à la complicité de Bruno Benne, chorégraphe baroque, de nombreux intermèdes
de danse fort bienvenus, illustrant les intermèdes musicaux qui émaillent la partition.
La distribution est emmenée dans le rôle-titre par le célébrissime contre-ténor Max Emmanuel
Cencic. On ne compte plus les scènes nationales et internationales où il est apprécié,
ovationné. Même si sa virtuosité est incontestable dans les innombrables fioritures et
vocalises qui émaillent la partition, il m’a semblé que, ce jour-là, il manquait de la puissance
qui peut sembler aller de pair avec le rôle d’un conquérant. Vivica Genaux, qui devait assurer
le rôle de Rossana, indisposée fut remplacée par Blandine Staskiewicz qui fût révélée par le
premier « Jardin des Voix » que dirige W.Christie. Outre ses qualités vocales, cette mezzo-
soprano possède un sens théâtral, comme sa rivale, Lisaura, interprétée par Adriana Kucerova,
originaire de Slovaquie. Les deux interprètes, à l’unisson de l’histoire de cette partition,
rivalisent d’adresse et de virtuosité dans leurs arias comme leurs vénérables ancêtres dans ces