Téléchargez l`article en PDF

publicité
jdf-602-a:Mise en page 1
19/11/09
16:29
Page 29
Cultures potagères
Un ravageur important
des poireaux
La mouche mineuse du genre Allium
Texte de Michel Javoy*
usqu’alors, les dégâts d’insectes sur
poireau, plus ou moins importants
selon les années, étaient le fait de ravageurs bien connus : la teigne du poireau, Acrolepiopsis assectella, et la mouche
de l’oignon, Delia antiqua. Nous allions
découvrir cette fois un nouveau ravageur
important des cultures, la mouche mineuse des plantes du genre Allium (poireau, ail, oignon, cboulette…), Phytomyza
gymnostoma Loew.
J
Description des dégâts
observés
À ce jour, le poireau semble constituer la
cible principale de l’insecte. Lors des tous
premiers stades de développement, après
M. Javoy
De nombreux jardiniers, depuis
l’année 2005, nous ont
signalé des dégâts inhabituels
dans les cultures de poireaux :
mortalité importante de jeunes
plantes, feuilles déformées,
galeries dans les feuilles…
Galeries sèches et colorées de brun dans les feuilles du fût du poireau.
Aspect éclaté dans les cas extrêmes.
plantation, les jeunes plantes peuvent disparaître en plus ou moins grand nombre.
À mi-développement de la plante, on observe un ramollissement et un affaissement de celle-ci. Ce symptôme général
s’accompagne le plus souvent de feuilles
déformées, de fûts, dans leur partie apparente, boursouflés, d’aspect fendu et éclaté.
Des pourritures secondaires peuvent ensuite envahir la plante et contribuer à sa
destruction.
Une observation plus approfondie des
*Président de la Société d’Horticulture d’Orléans et du Loiret, membre de la section Jardins Potagers & Fruitiers de la SNHF. Article publié dans Jardins de France avec l’aimable autorisation de la Shol.
JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009
plantes atteintes est nécessaire pour aboutir à la reconnaissance du ravageur en cause.
Les feuilles externes qui forment le fût du
poireau sont parcourues par des galeries
verticales descendantes rectilignes, sèches
et légèrement colorées de brun.
À l’extrémité de chacune des galeries, on
observe des logettes contenant une pupe
marron de 3,5 mm de long, orientée verticalement. Cette pupe, qui demeure adhérente au végétal jusqu’à l’émergence de
l’adulte, ne peut pas être confondue avec la
pupe de la mouche de l’oignon, plus grosse,
avec ses 6 à 7 mm de longueur et qui, systématiquement en fin de cycle, se détache
du végétal pour se laisser tomber sur le sol.
29
jdf-602-a:Mise en page 1
19/11/09
16:29
Page 30
Cultures potagères
Origine et répartition
géographique
La mouche Phytomyza gymnostoma, précédemment classée Napomyza gymnostoma, a été décrite pour la première fois
en Pologne, près de Poznan, par un spécialiste des diptères, F. Hermann Loew, en
1858.
De 1858 jusqu’à 1979, cette mineuse
n’avait jamais été signalée comme ravageur des plantes cultivées. Sans que l’on
sache pourquoi, elle est devenue ravageur
significatif des poireaux et des oignons
dans différents pays européens, semblet-il à partir de l’Europe de l’Est.
La mouche mineuse est signalée dans un
nombre croissant de pays avec une migration d’est en ouest :
- 1986 : Hongrie.
- 1990 : Croatie, Slovaquie.
- 1992 : Serbie Monténégro.
- 1994 : Slovénie, Autriche, Allemagne.
- 1997 : Pologne.
- 1999 : Italie.
- Décembre 2003 : France (Alsace), Espagne, Suisse, Turquie, Royaume-Uni.
Importance des dégâts,
évolution
probable
Il faut s’attendre à voir augmenter significativement la présence de cette mouche
en France. Elle doit être considérée comme
un ravageur émergeant, économiquement
important.
Contrairement à d’autres insectes phytophages récemment apparus dans notre
pays, le profil de son origine et de son
évolution ne semble pas être en lien avec
la tendance observée du réchauffement
climatique. Il ne faut pas non plus compter sur des séquences d’hiver plus froid
pour assurer sa destruction.
Les méthodes de lutte
Une stratégie d’observations et des études
sont nécessaires pour mieux connaître le
cycle de l’insecte, son comportement et la
dynamique des populations, dans le but
d’élaborer des méthodes de lutte cohérentes.
Dans un premier temps, la mise en place de
techniques de piégeage permettra de mieux
connaître les périodes de vol des adultes.
• La protection chimique : actuellement ce ravageur n’est pas pris en compte
par la législation européenne et, de ce fait,
aucun produit phytosanitaire ne peut être
préconisé.
• Les ennemis naturels de la mineuse, parasitoïdes ou prédateurs :
en règle générale, les larves de mouches
mineuses sont souvent des hôtes de nombreux insectes parasitoïdes¹, notamment
des hyménoptères. Dans le cas de la
mouche mineuse du poireau, un parasi-
Quelques éléments de description et de biologie
Phytomyza gymnostoma est classée dans les Diptères de la famille des Agromyzidae. Dans cette famille se trouvent essentiellement des mouches mineuses, avec 2 900 espèces connues dans le monde.
L’identification précise de ces mouches est difficile et délicate. Certaines sont des ravageurs polyphages très connus, comme la mineuse serpentine américaine : Liriomyza trifolii. La détermination
est affaire de spécialistes, peu nombreux, à partir d’infimes détails anatomiques tels que la forme des
organes génitaux des mâles.
L’insecte hiverne au stade pupe dans les tissus de la plante. Les premiers adultes émergent des
pupes au printemps et se présentent sous la forme de mouches grisâtres de 3 mm de long, avec une
tête jaune, et une partie ventrale de l’abdomen également jaune. L’envergure des ailes est en moyenne de 2,9 mm chez le mâle,
et de 4 mm chez la femelle. Les pattes de l’insecte sont gris foncé avec des points jaunes aux articulations.
Dans un premier temps, les femelles pratiquent sur les feuilles des piqûres d’alimentation. La distribution de ces piqûres sur le
feuillage du poireau est sans aucun doute pour le jardinier non spécialiste le moyen le plus sûr de savoir que l’on est en présence
de la mineuse. Sur les feuilles, ces piqûres se présentent sous la forme de petits points blancs jaunâtres alignés verticalement.
Après l’acquisition de la nourriture, les femelles pondent dans les points blancs au sein des tissus de la feuille, en partie basse
près du point de division fût/feuille. Les œufs donnent naissance à des larves qui ont la forme d’asticots jaunâtres de 6 mm de
long. À la fin du cycle, en partie basse de la mine, la larve va élargir légèrement la galerie pour former une logette dans laquelle
elle se nymphosera.
Les premiers insectes ayant attaqué très tôt les poireaux en fin de printemps donneront naissance à une seconde génération en
fin d’été début d’automne.
Les premiers vols de début de saison font toujours beaucoup de dégâts, car ils attaquent des plantes très jeunes, pouvant provoquer leur mort (explication des pertes constatées après plantation). À cette période chaude de l’année, le cycle de développement de l’insecte est rapide. En cours de culture, on estime que 20 pupes par plante assurent la destruction de celle-ci.
À l’inverse, le second vol de fin d’été/début d’automne occasionne des dégâts beaucoup moins importants, car il survient sur
des plantes plus développées, avec un cycle adultes/pupes plus lent et plus court en raison de la décroissance rapide des températures moyennes à l’automne.
30 JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009
jdf-602-a:Mise en page 1
19/11/09
16:29
Pour en savoir plus
- Bouchery Y, Martinez M (2004). Un
nouvel ennemi des Allium en France.
La mouche mineuse du poireau Phytomyza gymnostoma. Phytoma-La
Défense des Végétaux n° 574,5-7.
- Lambion J (2005). Lutte contre les
mouches en maraîchage. Alter Agri
n° 75, 15.
- 0EPP Service d’information. Note :
2005/064.
tisme significatif des larves par l’hyménoptère Halticoptera circulus a été observé en 1997. Cela laisse augurer d’une
bonne perspective de lutte biologique,
dans un premier temps à partir du simple
respect des auxiliaires naturels.
• La destruction des déchets végétaux contaminés : l’élimination d’un
Page 31
maximum de végétaux (feuilles et fûts) atteints semble une précaution nécessaire
mais assez difficile à appliquer.
• La protection mécanique des cultures : en attente du résultat des études
en cours qui permettront de mieux déterminer les périodes prédictives de vol des
adultes ; il semble intéressant, au jardin
potager, d’assurer une couverture des
jeunes plantations avec un voile anti-insectes dont la taille maximale des mailles
ne doit pas excéder 0,8 mm afin de bloquer les adultes et ainsi empêcher les
pontes.
Les plantes seront alors protégées au
stade jeune, le plus sensible, contre l’ensemble des ravageurs du poireau incluant
la teigne et la mouche de l’oignon.
de lutte au bénéfice de tous. La voie la
plus intéressante de la protection biologique nécessite le recoupement d’un
maximum d’informations. Les jardiniers
ayant eu des dégâts de mouches mineuses
du poireau dans leur potager devront être
particulièrement vigilants.
Nous accueillerons très favorablement toutes
les observations sur notre site Internet. ¹ Un insecte parasitoïde pond dans le corps de l’insecte ravageur des plantes (adulte ou larve). La larve
du parasitoïde tue l’insecte ravageur et donne naissance à un nouveau parasitoïde au lieu et place de
l’insecte ravageur.
• Un suivi rigoureux des cultures :
par nos observations, nous pouvons
contribuer à enrichir les connaissances générales et ainsi faire évoluer les méthodes
Fredon I-d-F
Fredon I-d-F
M. Javoy
Piqûres de nutrition.
JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009
31
Téléchargement