Gène-Ethique - n°32 - août 2002
...
Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité scientifique
32 : août
2002
La révélation des MAPCs : les cellules-adultes sont pluripotentes !
Un nouvel article paru en juin vient
révolutionner la perception que nous
avions des cellules souches adultes.
Des travaux précédents montraient
que des cellules souches adultes, bien
que spécifiques de certains tissus,
pouvaient se trans-différencier et
produire des lignées différentes de leur
tissu d’origine.
Pluripotentes
Mais l’article publié dans Nature en juin
par l’équipe de Catherine Verfaillie1
ouvre des perspectives plus larges :
des cellules souches mésenchyma-
teuses (c’est à dire du tissu de soutien)
dérivées de moelle osseuse peuvent
participer à la formation des trois
tissus embryonnaires que sont
l’ectoderme, l’endoderme et le
mésoderme. Ces cellules, appelées
MAPCs ( multipotent adult progenitor
cells ) par les auteurs de l’étude, sont
donc pluripotentes : elles peuvent
donner toutes les différenciations
cellulaires à condition d’être dans un
environnement adéquat. Ces cellules
sont rares mais peuvent être
récupérées de manière reproductive
tant chez le rat et la souris que chez
l’homme. Les expériences présentées
dans l’article ont été réalisées avec
des cellules de souris et de rat.
Capacité de multiplication
Ces cellules se multiplient et se
différencient in vitro. Lorsqu’elles
sont cultivées in vitro, ces MAPCs
peuvent se multiplier au moins pendant
100 générations. En présence de
facteurs de croissance spécifiques des
tissus désirés, elles sont capables de
s’engager dans les différentes voies de
différenciation. Les auteurs ont par
exemple, obtenu des cellules
possédant les caractéristiques
morphologiques et phénotypiques de
neurones ou de cellules de foie.
Développement embryonnaire
Les MAPCs participent au
développement embryonnaire. Leur
capacité à participer à chacun des
feuillets embryonnaires a été montrée
en introduisant ces cellules dans des
blastocystes précoces (embryon aux
premiers stades de développement)
réinsérés ensuite dans des femelles
porteuses. Les animaux chimères
obtenus ainsi ont une taille normale et
ne présentent pas de malformations
apparentes. L’analyse des organes
prélevés sur les animaux de 6 à 20
semaines montre une contribution des
cellules dérivées des MAPCs dans des
tissus très variés.
Possibilité de greffes
Enfin ces cellules peuvent être
greffées dans des organes. Les
auteurs ont regardé la capacité des
MAPCs injectées chez un animal à
coloniser un organe. La présence de
cellules dérivées des MAPCs dans les
tissus hématopoïétiques (sang, moelle
osseuse et rate) et les tissus des
poumons, du foie et de l’intestin est la
même chez les animaux 4 à 24
semaines après l’injection. L’absence
de contribution de ces cellules dans les
muscles et le cerveau pourrait
s’expliquer par le manque de lésions
préalables nécessaires pour que des
cellules atteignent ces organes et s’y
développent.
In vitro et in vivo
Les cellules dérivées des MAPCs sont
donc capables de se différencier tant in
vitro qu’in vivo pour intégrer des tissus
très variés. Elles présentent des
caractéristiques de cellules souches
embryonnaires (cellules ES, pour
« Embryonnic Stem cells »). Mais elles
ne développent aucune tumeur, que ce
soit dans les souris chimères ou dans
les organes qu’elles ont colonisés
après greffe, alors que les cellules ES
sont fréquemment tumorigènes.
Et les cellules embryonnaires ?
Dans le même numéro de Nature,
l’équipe de Ron McKay2 présente les
résultats importants de son étude de
greffe de cellules dérivées de cellules
ES (embryonnaires) dans un modèle
chimique de maladie de Parkinson
chez le rat. Ces cellules se
différencient et acquièrent des
caractéristiques de neurones, mais
elles ne se multiplient pas dans les
zones elles ont été greffées. Aucun
test de comportement indiquant une
amélioration clinique n’est montré dans
cette étude. Ces résultats sont encore
très préliminaires mais, d’après les
auteurs, ils justifieraient d’approfondir
la recherche sur les cellules ES, en
particulier sur leur efficacité et leur
effet tumorigène, pour imaginer un jour
leur utilisation en thérapie.
La comparaison de ces deux articles
confirme que la recherche sur les
cellules souches adultes est très
prometteuse en matière de thérapie
cellulaire alors que la recherche sur les
cellules embryonnaires est très loin de
pouvoir envisager des applications
thérapeutiques. La découverte des
MAPCs est une avancée
prodigieuse dans la recherche sur
les cellules souches adultes .
Gène-Ethique - n°32 - août 2002
Ref 1- Y. Yang et al, Nature 2002, July 4 ; 428
(6893) : 41-49.
2- J.H. Kim et al, Nature 2002, July 4 ; 418
(6893) : 50-56.
« La Bioéthique pour tous » - Elisabeth Bourgois
La bioéthique pourrait se résumer en
l’analyse du comportement que l’on
doit avoir vis à vis de la santé et de
la vie des êtres humains, en fonction
des progrès de la science et de la
médecine. Nombreux sont ceux qui
pensent qu’il s’agit d’une discipline
complexe réservée aux seuls
spécialistes. Il est certain qu’il n’est
guère facile de comprendre les
techniques du clonage, des
fécondations in vitro ou encore les
conséquences de l’utilisation de telle
ou telle molécule chimique. Cependant
chacun d’entre nous est ou sera, à un
moment ou l’autre de sa vie, confronté
à une question bioéthique : une
grossesse impossible, l’annonce d’un
handicap, une maladie incurable, des
souffrances longues et épuisantes...
Les décisions prises parfois dans une
apparente urgence, risquent d’être
fortement influencées par l’émotion et
le besoin de supprimer rapidement une
souffrance que l’on ne peut ni
comprendre ni admettre… ce qui est
tout à fait naturel et humain.
Très fortement inspiré du remarquable
« Manuel de bioéthique » de Mgr Elio
SGRECCIA, Président du Centre de
bioéthique de la Faculté de decine
et de chirurgie A. Gemelli de Rome,
« La bioéthique pour tous » propose
une démarche originale.
D’abord l’auteur cherche à comprendre
comment les idéologies, les
philosophies de vie, les cultures et les
religions influencent de façon très forte
les comportements de chacun : « S’il
veut mourir, pourquoi l’en
empêcher ? » ou bien «La morale
change avec le progrès de la société,
ce qui paraissait mauvais hier peut être
bon aujourd’hui »...
Un second point important, au cœur de
cette étude, est de définir la « vie », de
son apparition, au moment de la fusion
de deux gamètes mâle et femelle, à sa
fin. De nombreuses décisions sont
prises de façon subjective. Si on pense
que la vie ne débute pas dès la
fécondation, mais seulement quand il y
a apparition d’activité cérébrale par
exemple, pourquoi refuserait-on les
manipulations embryonnaires et les
recherches sur ces embryons, puisqu’il
ne s’agit pas d’êtres humains ? Si la
vie humaine tire sa valeur des
échanges avec le monde extérieur,
pourquoi laisser en vie des malades
dans le coma ou des handicapés
mentaux profonds ?
Un troisième axe de réflexion est celui
de la souffrance, cet état qui entraîne
le plus souvent une immense solitude
et une projection négative de sa vie.
C’est au nom de la souffrance que l’on
admet des actes aux conséquences
graves : souffrance de l’infertilité,
souffrance de certaines maladies
incurables, souffrance des handicaps.
Les souffrances morales et physiques
étant intrinsèquement liées les unes
aux autres, quelles sont les ponses
que l’on peut y apporter ?
Le quatrième point traite des
questions éthiques de la conception
à la mort : génétique et diagnostic
prénatal, sexualité et procréation,
techniques de fécondation humaine,
stérilisation, avortement, euthanasie.
La présentation de l’ouvrage se veut
très pédagogique : questions
d’actualité, éléments essentiels à
retenir, propositions de débats à
chaque chapitre... « La bioéthique pour
tous » montre que, derrière des
querelles de spécialistes, il y a une
réalité quotidienne parfois très
douloureuse ainsi que des enjeux à
court et long terme L’avenir des plus
pauvres et de tous les « blessés de la
vie » dépendra de la sagesse de
chacun, dès aujourd’hui.
Elisabeth Bourgois, La Bioéthique pour
tous, Editions Sarment 2001.
Extension du DPI : le CCNE pour la création de bébés-médicament ?
Le Comité Consultatif National
d’Ethique a rendu le 8 juillet un avis1
sur l’extension éventuelle du Diagnostic
pré-implantatoire (DPI) à la création de
"bébés-médicament ". Le premier cas a
eu lieu aux Etats-Unis en 2000. 15
embryons ont été conçus par
fécondation in vitro, puis 1 parmi eux a
été sélectionné pour sa compatibilité
génétique avec sa soeur qui était
atteinte d'une maladie du sang. En
France, 7 à 8 couples réclament
aujourd'hui de pouvoir bénéficier de
cette technique. La question qui se
pose est donc de savoir si l'on peut
étendre le DPI à la sélection d'un
embryon en vue du traitement d'autrui.
Par la loi de bioéthique de 1994, le DPI
sert à détecter la maladie chez les
embryons fécondés pour ne conserver
que l'embryon sain. Avec l’autorisation
de la création de "bébés-médicament",
le DPI sélectionnerait également les
embryons selon leur "compatibilité"
génétique avec l'aîné malade. Les
membres du CCNE ont estimé que "le
désir légitime d'enfant n'est pas le droit
à l'enfant-objet. Pas plus que l'on ne
doit fabriquer des embryons pour la
recherche et le soin, il n'est légitime
d'envisager d'entreprendre une
grossesse dans un autre but que le
bien de l'enfant lui-même. (... ) ". Puis
le CCNE déclare : "en revanche,
permettre qu'un enfant désiré
représente, de plus, un espoir de
guérison pour son aîné, est un objectif
acceptable, s'il est second". Quant à la
décision des parents et au rôle du
médecin, le CCNE estime que « les
parents doivent aussi être clairement
informés de l'éventualité que des
embryons HLA compatibles ne soient
pas obtenus. Cette information donnée
par la médecine doit anticiper une
éventuelle décision de refus de
transfert d'embryons sains mais non
compatibles, pour permettre aux
parents de réfléchir à ce que serait leur
décision dans une situation de ce
type. » Finalement cet avis du CCNE
entrouvrirait la porte aux bébés
médicaments ? Les commentaires le
laissent entendre
1 - L'avis n°72 du CCNE, Réflexions sur
l’extension du diagnostic pré-
implantatoire, juillet 2002 : en ligne sur
www.genethique.org
lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune.
Gène-Ethique - n°32 - août 2002
Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Marie Le Méné
Contact : Aude Dugast - 31 rue Galande 75005 Paris - Tél/Fax : 01.55.42.55.14
adugast@fondationlejeune.org
Gène-Ethique - n°32 - août 2002
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