Gène-Ethique - n°32 - août 2002
Ref 1- Y. Yang et al, Nature 2002, July 4 ; 428
(6893) : 41-49.
2- J.H. Kim et al, Nature 2002, July 4 ; 418
(6893) : 50-56.
« La Bioéthique pour tous » - Elisabeth Bourgois
La bioéthique pourrait se résumer en
l’analyse du comportement que l’on
doit avoir vis à vis de la santé et de
la vie des êtres humains, en fonction
des progrès de la science et de la
médecine. Nombreux sont ceux qui
pensent qu’il s’agit d’une discipline
complexe réservée aux seuls
spécialistes. Il est certain qu’il n’est
guère facile de comprendre les
techniques du clonage, des
fécondations in vitro ou encore les
conséquences de l’utilisation de telle
ou telle molécule chimique. Cependant
chacun d’entre nous est ou sera, à un
moment ou l’autre de sa vie, confronté
à une question bioéthique : une
grossesse impossible, l’annonce d’un
handicap, une maladie incurable, des
souffrances longues et épuisantes...
Les décisions prises parfois dans une
apparente urgence, risquent d’être
fortement influencées par l’émotion et
le besoin de supprimer rapidement une
souffrance que l’on ne peut ni
comprendre ni admettre… ce qui est
tout à fait naturel et humain.
Très fortement inspiré du remarquable
« Manuel de bioéthique » de Mgr Elio
SGRECCIA, Président du Centre de
bioéthique de la Faculté de médecine
et de chirurgie A. Gemelli de Rome,
« La bioéthique pour tous » propose
une démarche originale.
D’abord l’auteur cherche à comprendre
comment les idéologies, les
philosophies de vie, les cultures et les
religions influencent de façon très forte
les comportements de chacun : « S’il
veut mourir, pourquoi l’en
empêcher ? » ou bien «La morale
change avec le progrès de la société,
ce qui paraissait mauvais hier peut être
bon aujourd’hui »...
Un second point important, au cœur de
cette étude, est de définir la « vie », de
son apparition, au moment de la fusion
de deux gamètes mâle et femelle, à sa
fin. De nombreuses décisions sont
prises de façon subjective. Si on pense
que la vie ne débute pas dès la
fécondation, mais seulement quand il y
a apparition d’activité cérébrale par
exemple, pourquoi refuserait-on les
manipulations embryonnaires et les
recherches sur ces embryons, puisqu’il
ne s’agit pas d’êtres humains ? Si la
vie humaine tire sa valeur des
échanges avec le monde extérieur,
pourquoi laisser en vie des malades
dans le coma ou des handicapés
mentaux profonds ?
Un troisième axe de réflexion est celui
de la souffrance, cet état qui entraîne
le plus souvent une immense solitude
et une projection négative de sa vie.
C’est au nom de la souffrance que l’on
admet des actes aux conséquences
graves : souffrance de l’infertilité,
souffrance de certaines maladies
incurables, souffrance des handicaps.
Les souffrances morales et physiques
étant intrinsèquement liées les unes
aux autres, quelles sont les réponses
que l’on peut y apporter ?
Le quatrième point traite des
questions éthiques de la conception
à la mort : génétique et diagnostic
prénatal, sexualité et procréation,
techniques de fécondation humaine,
stérilisation, avortement, euthanasie.
La présentation de l’ouvrage se veut
très pédagogique : questions
d’actualité, éléments essentiels à
retenir, propositions de débats à
chaque chapitre... « La bioéthique pour
tous » montre que, derrière des
querelles de spécialistes, il y a une
réalité quotidienne parfois très
douloureuse ainsi que des enjeux à
court et long terme… L’avenir des plus
pauvres et de tous les « blessés de la
vie » dépendra de la sagesse de
chacun, dès aujourd’hui.
Elisabeth Bourgois, La Bioéthique pour
tous, Editions Sarment 2001.
Extension du DPI : le CCNE pour la création de bébés-médicament ?
Le Comité Consultatif National
d’Ethique a rendu le 8 juillet un avis1
sur l’extension éventuelle du Diagnostic
pré-implantatoire (DPI) à la création de
"bébés-médicament ". Le premier cas a
eu lieu aux Etats-Unis en 2000. 15
embryons ont été conçus par
fécondation in vitro, puis 1 parmi eux a
été sélectionné pour sa compatibilité
génétique avec sa soeur qui était
atteinte d'une maladie du sang. En
France, 7 à 8 couples réclament
aujourd'hui de pouvoir bénéficier de
cette technique. La question qui se
pose est donc de savoir si l'on peut
étendre le DPI à la sélection d'un
embryon en vue du traitement d'autrui.
Par la loi de bioéthique de 1994, le DPI
sert à détecter la maladie chez les
embryons fécondés pour ne conserver
que l'embryon sain. Avec l’autorisation
de la création de "bébés-médicament",
le DPI sélectionnerait également les
embryons selon leur "compatibilité"
génétique avec l'aîné malade. Les
membres du CCNE ont estimé que "le
désir légitime d'enfant n'est pas le droit
à l'enfant-objet. Pas plus que l'on ne
doit fabriquer des embryons pour la
recherche et le soin, il n'est légitime
d'envisager d'entreprendre une
grossesse dans un autre but que le
bien de l'enfant lui-même. (... ) ". Puis
le CCNE déclare : "en revanche,
permettre qu'un enfant désiré
représente, de plus, un espoir de
guérison pour son aîné, est un objectif
acceptable, s'il est second". Quant à la
décision des parents et au rôle du
médecin, le CCNE estime que « les
parents doivent aussi être clairement
informés de l'éventualité que des
embryons HLA compatibles ne soient
pas obtenus. Cette information donnée
par la médecine doit anticiper une
éventuelle décision de refus de
transfert d'embryons sains mais non
compatibles, pour permettre aux
parents de réfléchir à ce que serait leur
décision dans une situation de ce
type. » Finalement cet avis du CCNE
entrouvrirait la porte aux bébés
médicaments ? Les commentaires le
laissent entendre…
1 - L'avis n°72 du CCNE, Réflexions sur
l’extension du diagnostic pré-
implantatoire, juillet 2002 : en ligne sur
www.genethique.org
lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune.