La prise en charge du patient d`âge pédiatrique victime d`un

259Paediatr Child Health Vol 18 No 5 May 2013
Le traumatisme crânien responsable de lésions cérébrales est une
cause importante de morbidité et de mortalité pendant
l’enfance. Les évaluations de son incidence chez les patients d’âge
pédiatrique varient selon la définition et la méthodologie, mais la
plage de taux annuels varie de 130 à 200 cas sur 100 000 habitants,
ce qui suscite au moins 20 000 visites au département d’urgence
(DU) des hôpitaux pédiatriques canadiens par année.(1-3) Aux
États-Unis, on estime que les traumatismes crâniens sont
responsables de plus de 470 000 visites au DU et 35 000 hospi-
talisations par année.(4) Ainsi, les traumatismes crâniens sont
l’une des principales raisons de consulter au DU.
On décèle une lésion cérébrale traumatique seulement chez
une petite proportion de patients victimes d’un traumatisme
crânien. Ce terme désigne les signes et symptômes découlant d’un
traumatisme au cerveau lui-même, qui peuvent ou non s’associer à
des lésions lors des études d’imagerie. En cas de commotions liées
aux sports, il est bien admis que des symptômes marqués et une
altération du fonctionnement peuvent subsister très longtemps
après l’événement traumatique. L’importance clinique des lésions
intracrâniennes peut se définir de diverses façons, telles que le
besoin d’hospitalisation ou d’intervention neurochirurgicale. Dans
une vaste série d’enfants qui se sont présentés au DU d’hôpitaux
pédiatriques de l’Italie, le risque de lésion cérébrale traumatique
fatale ou non fatale s’élevait respectivement à 0,5 et à 5,2 cas sur
1 000 enfants victimes d’un traumatisme crânien fermé.(5)
L’anatomie particulière des enfants les rend plus susceptibles à
une lésion intracrânienne causée par un traumatisme crânien. Le
ratio entre leur tête et leur corps est plus élevé, leur boîte crânienne
est plus mince et ils ont moins de tissus neuraux myélinisés.(6) Les
patients d’âge pédiatrique victimes d’une lésion cérébrale trauma-
tique présentent plus souvent un profil de lésion axonale diffuse et
d’œdème cérébral secondaire que les adultes. Les lésions exigeant
une intervention neurochirurgicale, telles que l’évacuation d’un
hématome, sont relativement rares.
Les principales causes de traumatisme crânien chez les enfants
et les adolescents qui se présentent au DU au Canada
s’établissent comme suit :(2)
• Chutes
• Lésionsliéesàunsport
• Coupsurlatête,parunobjetouunecollisionavecun
obstacle
• Blessuresimpliquantl’utilisationd’unvélo
• Blessuresimpliquantunvéhiculeautomobile,notammentà
titre de piéton
Les lésions intracrâniennes sont plus fréquentes après une chute
d’une hauteur de plus de 91 centimètres (trois pieds, ou deux fois
la taille de l’individu), un accident impliquant un véhicule auto-
mobile (à titre de passager ou de piéton) ou un impact causé par un
projectileàfortevélocité.(7)
LES MANIFESTATIONS CLINIQUES
Les enfants victimes d’un traumatisme crânien peuvent présenter
divers symptômes, y compris les suivants :
• Céphalée
• Amnésie
• Altérationduniveaudeconscience,désorientationou
confusion
• Vomissements
• Pertedeconnaissance
• Embrouillementdelavision
• Convulsions
Les enfants plus jeunes peuvent présenter une léthargie ou une
irritabilité. D’après les études publiées, il est difficile de conclure
quel signe ou symptôme clinique, s’il y a lieu, est un prédicteur
fiable de lésion intracrânienne.
Cependant, les signes suivants s’associent particulièrement aux
lésions intracrâniennes :
• Pertedeconnaissanceprolongéeoualtérationduniveaude
conscience
• Désorientationouconfusion;amnésie
• Accentuationdescéphalées
• Vomissementsrépétésoupersistants
LA CLASSIFICATION DE LA GRAVITÉ
DES TRAUMATISMES CRÂNIENS
L’échelle de Glasgow (ÉG) (tableau 1A)(8) est un outil validé
utilisé pour évaluer le niveau de conscience. L’échelle de Glasgow
pédiatrique(tableau1B)serévèleparticulièrementutilechezles
enfants qui n’ont pas encore acquis la parole.(9)
Pour les besoins des présentes lignes directrices, les trauma-
tismes crâniens se classent comme suit d’après l’ÉG :
• ÉGde14à15:Traumatismecrânienmineur
• ÉGde9à13:Traumatismecrânienmodéré
• ÉGde8oumoins:Traumatismecrâniengrave
Les patients victimes d’un traumatisme crânien mineur représentent
lamajoritédespatientsd’âgepédiatriquequiseprésententenvue
de subir une évaluation médicale pour cette éventualité. Les
patients victimes d’un traumatisme modéré ou grave risquent
davantage de présenter une pathologie intracrânienne qui exige des
soins de soutien ou un traitement particulier en milieu hospitalier.
La prise en charge du patient d’âge
pédiatrique victime d’un traumatisme
crânien aigu
Catherine A Farrell; Société canadienne de pédiatrie, comité des soins aigus
Do c u m e n t D e p r i n c i p e s D e l a scp
English on page 253
Résumé en page 253
Correspondance : Société canadienne de pédiatrie, 2305, boulevard St Laurent, Ottawa (Ontario) K1G 4J8, courriel : [email protected], site Web : www.cps.ca
©2013Sociétécanadiennedepédiatrie.Tousdroitsréservés
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Document de principes de la SCP
Paediatr Child Health Vol 18 No 5 May 2013
LES PRIORITÉS INITIALES DE PRISE EN CHARGE
La priorité consiste à stabiliser les signes vitaux. Un objectif
important de la stabilisation consiste à éviter les lésions secondaires
au cerveau traumatisé attribuables à une hypoxie, à une hypoten-
sion, à une hyperthermie ou à une accentuation de la pression
intracrânienne. Une approche structurée de l’évaluation des voies
aériennes, de la respiration, de la circulation et des incapacités
figure au tableau 2.(10) Il faut parfois procéder à un traitement
rapide et définitif de la lésion intracrânienne primaire, p. ex., dans
certains cas d’hématome épidural.
Il faut également obtenir des antécédents pertinents. Les
éléments à inclure sont :
• lemécanismedutraumatismecrânien,qu’ilaiteulieudevant
témoinounon;
• l’étatdanslequellepatientaététrouvé,ycomprislapertede
connaissanceoulesconvulsions;
• lessymptômesàlaprésentation,notammentunealtérationdu
niveau de conscience, la désorientation ou la confusion,
l’amnésie, l’accentuation des céphalées ou les vomissements
répétés;
• lesantécédentsmédicauxdelalésioncérébrale,destroubles
neurologiques, de l’utilisation de médicaments et de la
diathèse hémorragique.
Il faut envisager la possibilité de traumatisme crânien non
accidentel chez les nourrissons et les enfants, particulièrement
dans les situations d’altération du niveau de conscience sans cause
évidente, ou lorsque les résultats cliniques ne sont pas compatibles
avec les antécédents fournis.(11) On ne reconnaît pas toujours
immédiatement les traumatismes crâniens non accidentels, en
raisondesdiversmodesdeprésentationetdujeuneâgehabituel
des victimes.(12) Dans ce contexte, un délai à diagnostiquer
une lésion cérébrale traumatique peut s’associer à des issues
relativement sombres.
L’intensité des explorations, y compris l’imagerie cérébrale, et
la nécessité d’une mise en observation, d’une hospitalisation ou
d’une intervention particulière, dépend largement de l’état clinique
du patient au moment de l’évaluation initiale (figure 1).
L’IMAGERIE
Les indications de radiographie crânienne
La présence d’une fracture du crâne linéaire semble être un facteur
de risque indépendant de lésions intracrâniennes,(13) mais il n’est
pas nécessaire d’effectuer systématiquement une radiographie
crânienne chez tous les patients.(14,15)
Les enfants de moins de deux ans qui sont victimes d’un
traumatisme crânien présentent des problèmes particuliers.
L’évaluation clinique de leur état neurologique peut être limitée
par l’étape de leur développement, notamment avant l’acquisition
de la parole. L’incidence de fractures du crâne après une lésion
cérébrale mineure peut atteindre 11 % dans ce groupe d’âge,(16)
mais il faut parfois recourir à la sédation pour obtenir des études
d’imagerie, notamment la tomodensitométrie. Il existe des lignes
directrices pour évaluer les enfants de moins de deux ans victimes
d’un traumatisme crânien qui semble mineur.(17) Elles appuient
la recommandation d’effectuer une radiographie crânienne en
présence d’un gros hématome œdémateux chez un enfant de moins
de deux ans.(14,16,17)
TABLEAU 1A
Échelle de Glasgow standard
Ouverture des
yeux Réponse verbale Réponse motrice
Spontanée 4Orientée 5Obéissance aux
ordres
6
À la parole 3Confuse 4Douleur localisée 5
À la douleur 2Inappropriée 3Retrait à la douleur 4
Nulle 1Incompréhensible 2Flexion à la douleur 3
Nulle 1Extension à la douleur 2
Nulle 1
Traduit et adapté de la référence 8
TABLEAU 1B
Échelle de Glasgow pédiatrique
Ouverture des
yeux Réponse verbale Réponse motrice
Spontanée 4Gazouillis, babillage 5Mouvements
spontanés, dirigés
6
À la parole 3Irritabilité, pleurs 4Retrait au toucher 5
À la douleur 2Pleurs à la douleur 3Retrait à la douleur 4
Nulle 1Gémissements à la
douleur
2Flexion anormale 3
Nulle 1Extension anormale 2
Nulle 1
Traduit et adapté de la référence 9
TABLEAU 2
Évaluation et stabilisation (ABCD)
A. Voies respiratoires
Envisager une lésion possible de la colonne cervicale.
Maintenir la tête et le cou dans une position neutre.
Immobiliser : sacs de sable, sacs de solution intraveineuse, serviettes
enroulées (patients plus jeunes).
Mettre un collier cervical rigide adapté à l’âge ou effectuer une
immobilisation manuelle alignée (patients plus âgés).
Procéder à une intubation orotrachéale en cas d’incapacité à maintenir les
voies respiratoires bien ouvertes par la mise en position après la succion.
B. Respiration
Intuber en cas d’incapacité à maintenir une oxygénation et une ventilation
convenables, malgré l’oxygène d’appoint.
Utiliser la technique d’induction à séquence rapide.
Maintenir les précautions relatives à la colonne cervicale.
C. Circulation
L’instabilité hémodynamique est peu susceptible d’être causée par une
lésion intracrânienne seule (sauf une hémorragie intracrânienne ou du
cuir chevelu importante chez un nourrisson).
Si elle est présente :
•explorer la possibilité de lésions extracrâniennes responsables d’un
choc hémorragique ou hypovolémique.
•insérer deux cathéters intraveineux de grand diamètre; bolus liquidien
de 20 mL/kg de soluté physiologique normal.
•répéter jusqu’à l’amélioration des signes vitaux.
D. Incapacité
Procéder à une évaluation rapide, y compris :
l’échelle de Glasgow adaptée à l’âge,
•la dimension des pupilles et la réactivité à la lumière,
•le tonus, les réflexes et les mouvements des quatre membres,
•la fontanelle (nourrissons),
les signes de fracture de la base du crâne : ecchymoses périorbitales
(yeux au beurre noir), ecchymose sur l’os mastoïde (signe de
Battle), écoulement évident de LCR par le nez ou les oreilles,
hémotympan. En présence d’au moins l’un de ces signes, il ne faut pas
insérer de sonde par voie nasale.
Traduit et adapté de la référence 10. LCR Liquide céphalorachidien
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Une lésion pénétrante évidente ou une présomption de fracture
enfoncée du crâne chez un patient plus âgé est une indication de
radiographie crânienne, mais la tomodensitométrie est plus
courante.
Si des éléments des antécédents ou de l’examen physique
soulèvent une présomption de maltraitance, les radiographies
crâniennes sont indiquées dans le cadre de l’exploration. Un
exposé détaillé des traumatismes crâniens non accidentels dépasse
la portée du présent document de principes, mais ce sujet a été
approfondi dans d’autres documents.(11)
Les indications de tomodensitométrie
Tous les patients victimes d’un traumatisme crânien modéré
ou grave devraient subir une tomodensitométrie crânienne.
Toutefois, uneimportantecontroverse sévit ausujetdes patients
victimes d’un traumatisme crânien mineur à qui il faut faire subir
une tomodensitométrie, compte tenu du potentiel de détérioration
tardive découlant d’un diagnostic retardé de lésion intracrânienne
et de la non-fiabilité relative des signes cliniques pour prédire ce
type de lésion.(18) Le faible taux de résultats positifs à la tomo-
densitométrie, la nécessité d’administrer des sédatifs à certains
patients pour effectuer l’examen et les inquiétudes quant au risque
d’exposition aux radiations(19) ont suscité l’élaboration de règles
de prédiction afin d’aider les cliniciens à déterminer qui devrait
subir une tomodensitométrie. Toutes ces règles s’associent à une
certaine combinaison de variables fondées sur le mécanisme du
traumatisme, les signes et symptômes à l’évaluation initiale ou l’état
après une période d’observation. De récentes analyses systéma-
tiques ont critiqué leur hétérogénéité et l’absence de validation
prospective dans le cadre de cohortes multicentriques.(20,21)
Laplusgrandeétudepubliéejusqu’àmaintenantsurlaquestion
provient du Pediatric Emergency Care Applied Research Network.(22)
Elle portait sur 42 412 patients provenant de 25 établissements.
La démarche du groupe différait de celle adoptée dans les études
antérieures pour déterminer les éléments dont l’absence permettrait
d’éviter une tomodensitométrie. Bien que ces algorithmes soient
hautement sensibles et relativement spécifiques, leur application
généralisée pourrait entraîner une plus grande utilisation de la
tomodensitométrie plutôt que la limiter.(23)
Les membres du groupe d’étude sur les traumatismes crâniens
de Pediatric Emergency Research Canada(2) ont dérivé la règle
CATCHdel’évaluationcanadiennedelatomographieencasde
traumatisme crânien chez l’enfant, à partir d’une étude de cohorte
prospective auprès de 3 886 enfants victimes d’un traumatisme
crânien mineur symptomatique qui se sont présentés à l’un des
dix établissements d’enseignement pédiatrique canadiens. La
règleCATCHestexposéeautableau3.Uneétudedevalidation
prospective a démontré que les sept facteurs de risque élevés et
Figure 1) Algorithme pour la prise en charge du patient pédiatrique d’au moins deux ans ayant un traumatisme crânien mineur. DU Département
d’urgence; ÉG Échelle de Glasgow
Pa�ent d’au moins deux ans vic�me d’un impact aigu à la tête
Prendre les antécédents
Effectuer l’examen physique et neurologique
Déterminer l’ÉG
Encadré 5 Encadré 6
ÉG = 14 ou 15 OUI Toutes ces observa�ons OUI Déterminer si d’autres OUI
Admere en observaon
Paent asymptomaque indicaons médicales ou Envisager une consultaon
Examen général normal sociales jusfient en traumatologie ou
neurochirurgie
Examen neurologique normal l’hospitalisaon
Cause de traumasme
à faible risque
NON
ÉG = 15
NON
Quier l’algorithme Envisager le congé
Donner des direcves écrites
aux parents ou aux personnes
qui s’occupent de l’enfant
OUI Au moins l’une de ces
observa�ons
OUI
Effectuer
une tomodensitométrie
État mental anormal
Examen neurologique anormal
Encadré 12
Présompon de fracture
du crâne
La tomodensitométrie
OUI Hospitaliser
est-elle posive?
Prendre contact avec
la neurochirurgie
NON
Aller à l’encadré 6
OUI Au moins l’une de ces observa�ons OUI
Observer au DU pendant 4 à 6 heures
Antécédents de perte de connaissanceEnvisager une tomodensitométrie
Amnésie
Confusion
Léthargie ou irritabilité La tomodensitométrie Aller à l’encadré 12
Vomissements répétés ou persistants est elle posive?
-
Céphalées graves ou persistantes NON (ou non obtenue)
Convulsions post
immédiates
-traumaques
Amélioraon des
symptômes et ÉG = 15
OUI
OUI
Considéraons du médecin
Aller à l’encadré 5
NON
Aller à l’encadré 6
Envisager une tomodensitométrie
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modérés étaient sensibles à 98 % (95 % IC 95 % à 99 %) pour pré-
dire une lésion cérébrale aiguë et exigeraient que 38 % des patients
subissent une tomodensitométrie.(24)
Les éléments des antécédents ou de l’examen physique qui
devraient inciter le clinicien à demander une tomodensitométrie
Indications absolues
• Déficitneurologiquefocalàl’examenphysique
• Présomptioncliniquedefractureducrâneouverteouenfoncée
ou fracture du crâne élargie ou diastatique à la radiographie
Indications relatives
• Étatmentalanormal:ÉGinférieureà14entouttempsà
compter de l’évaluation initiale, ou ÉG inférieure à 15 deux
heures après l’incident
• Détériorationcliniquependantlesquatreàsixheures
d’observation d’un patient symptomatique au DU, y compris
une accentuation des céphalées ou des vomissements répétés
• Signesévocateursd’unefracturedelabaseducrâne
• Groshématomeœdémateuxducuircheveluchezunenfant
d’aumoinsdeuxans;chezlesenfantsplusjeunes,envisager
d’effectuer d’abord une radiographie crânienne
• Mécanismedetraumatismelaissantcroireàunelésiongrave
(p. ex., chute d’une hauteur, collision de véhicule automobile
impliquantlavitesseouimpactavecunprojectile,telqu’une
blessure par balle ou par un fragment de métal)
• Irritabilitépersistantechezunenfantdemoinsdedeuxans
• Convulsionsaumomentdel’événementouparlasuite
• Troubledecoagulationconnu
LA PRISE EN CHARGE
APRÈS L’ÉVALUATION INITIALE
Les traumatismes crâniens mineurs (ÉG de 14 ou 15)
Les patients asymptomatiques peuvent retourner à la maison,
confiés aux soins de parents ou de tuteurs fiables, à qui il faut
remettre des directives écrites décrivant les signes à surveiller
(p. ex., accentuation de la céphalée, vomissements persistants, dif-
ficulté à se réveiller), qui appeler s’ils se manifestent et quand
prévoir un suivi.
Si, après l’évaluation initiale, l’enfant a une céphalée ou des
vomissements répétés ou s’il a perdu connaissance au moment
du traumatisme, il est indiqué de le mettre en observation
clinique et de le réévaluer. Si ses symptômes diminuent et que
l’ÉG se situe à 15, le patient peut retourner chez lui, tandis que les
parents reçoivent les directives précisées plus haut. Si son état ne
s’améliore pas, le patient doit être hospitalisé et faire évaluer ses
signes vitaux et son niveau de conscience toutes les deux à quatre
heures. Il faut fournir une réhydratation intraveineuse aux patients
ayant des vomissements persistants. Des symptômes qui persistent
au bout de 18 à 24 heures d’hospitalisation peuvent être indica-
teursd’unetomodensitométriecrânienne,siellen’apasdéjàété
exécutée. Il est important de discuter de la tomodensitométrie aux
résultats positifs avec un neurochirurgien, et de consulter un
clinicien expérimenté dans la prise en charge des traumatismes
crâniens à l’égard des patients dont la tomodensitométrie est néga-
tive, mais dont les symptômes sont persistants.
Chez l’enfant de moins de deux ans, surtout s’il a moins de
12 mois, il faut faire preuve de plus de prudence. Les difficultés
liées à son évaluation clinique et l’importance de déceler les
traumatismes non accidentels doivent inciter le clinicien à le met-
tre en observation plus longtemps et à le réévaluer plus souvent.
Un traumatisme crânien banal chez un « trottineur » asymptoma-
tiquejustifieuncongéduDU,maispastoujourschezunnourris-
son ou un bébé. La présence d’une fracture du crâne élargie ou
diastatique (de plus de 4 mm) accroît le risque de kyste leptomé-
ningé. Il faut assurer le suivi de ces patients.(25) En cas de
présomption de traumatisme crânien non accidentel,
l’hospitalisation peut être indiquée, tandis qu’un aiguillage vers
l’agencelocaledeprotectiondel’enfanceesttoujoursrequis.
Les traumatismes crâniens modérés (ÉG de 9 à 13)
Tous les patients victimes d’un traumatisme crânien modéré
devraient subir une tomodensitométrie. La radiographie crânienne
peut également être indiquée. Il faut les hospitaliser, et il est con-
seillé de prévoir une consultation avec un neurochirurgien ou un
clinicien expérimenté dans la prise en charge des traumatismes
crâniens. Selon les résultats de la tomodensitométrie et l’évolution
de l’état neurologique, il peut être nécessaire d’hospitaliser ces
patients à l’unité de soins intensifs pédiatriques pour assurer une
surveillance plus étroite. C’est particulièrement nécessaire pour les
patients qui se situent au seuil inférieur du spectre de l’ÉG (ÉG de
9 à 10). La décision de transférer un patient victime d’une lésion
cérébrale modérée à un centre de soins tertiaires dépend de chaque
cas,selonlejugementcliniqueetlesressourceslocales,etilfauten
discuter avec l’équipe de soins intensifs pédiatriques, avec une
équipe de traumatisme ou avec ces deux équipes.
Les traumatismes crâniens graves (ÉG de 8 ou moins)
Lorsque le patient victime d’un traumatisme crânien grave est
stabilisé, y compris l’intubation, il faut effectuer une tomoden-
sitométrie crânienne. Les lésions cérébrales traumatiques graves
constituent une urgence complexe et exigeante. Les patients vic-
times d’un traumatisme crânien grave sont vulnérables à une
accentuation de la pression intracrânienne, qui peut découler soit
de l’effet massif du saignement local, dans le cas d’hématomes
épiduraux ou sous-duraux, par exemple, soit d’œdèmes vasogènes
attribuables à une lésion axonale diffuse. Dans les cas aigus, il con-
vient de prendre des mesures visant à maintenir une pression
intracrânienne et une pression d’irrigation cérébrale normales.
(26)
TABLEAU 3
L’évaluation canadienne de la tomographie en cas de
traumatisme crânien chez l’enfant : la règle CATCH
Il faut effectuer une tomodensitométrie de la tête chez les enfants victimes
d’une lésion cérébrale mineure* associée à au moins l’un des éléments
suivants :
Risque élevé (besoin d’intervention neurologique)
1. Échelle de Glasgow inférieure à 15, deux heures après un traumatisme
2. Présomption de fracture ouverte ou enfoncée du crâne
3. Antécédents d’accentuation des céphalées
4. Irritabilité à l’examen
Risque moyen (lésion cérébrale à la tomodensitométrie)
1. Tout signe de fracture de la base du crâne (p. ex., hémotympan, yeux
au beurre noir, otorrhée ou rhinorrhée de liquide céphalorachidien,
signe de Battle)
2. Gros hématome œdémateux du cuir chevelu
3. Mécanisme de blessure dangereux (p. ex., collision de véhicule
automobile, chute d’une hauteur d’au moins 91 cm [trois pieds] de
cinq marches ou d’un vélo sans casque)
Traduit et adap de la rence 2. *La lésion cérébrale mineure se définit comme
une blessure subie dans les 24 heures précédentes, assoce à une perte de
connaissance dont quelqu’un a été témoin, à une amnésie définie, à une
sorientation dont quelqu’un a é témoin, à des vomissements persistants (plus
d’une fois) ou à une irritabilité persistante (chez un enfant de moins de deux ans)
chez un patient dont le résultat à l’échelle de Glasgow se situe entre 13 et 15
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Document de principes de la SCP
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La prise en charge inclut les éléments suivants :
• Assurerunesurveillancecontinuedessignesvitauxet,dansla
mesure du possible, du CO2 en fin d’expiration.
• Fourniruneventilationmécaniquepourmaintenirune
oxygénation et une ventilation normales.
• Maintenirunetempératurecentralenormale.
• Assurerunesédationetuneanalgésie,surtoutpendantles
interventions et le transport.
• Administrerlesliquidesnécessairespourmaintenirune
normovolémie et éviter l’hypotension.
Les patients victimes d’un grave traumatisme crânien doivent
être aiguillés vers un centre de traumatologie offrant des servi-
ces de neurochirurgie et de soins intensifs pédiatriques.(27)
Pendant le transport, il est essentiel d’assurer une surveillance
continue de l’état neurologique, respiratoire et hémodynamique
ainsi que de prévoir les modalités thérapeutiques nécessaires en cas
de prise en charge urgente de l’augmentation de la pression
intracrânienne.
LES CONVULSIONS POST-TRAUMATIQUES
Chez les enfants, la majorité des convulsions post-traumatiques
se produisent dans les 24 premières heures suivant l’incident,
et rarement plus de sept jours après l’incident. Les facteurs qui
accroissent le risque de convulsions post-traumatiques incluent
un âge plus jeune,(28) un grave traumatisme crânien (ÉG de
8 ou moins), un œdème cérébral, un hématome sous-dural et des
fractures crâniennes ouvertes ou enfoncées.(29) L’incidence de
convulsions post-traumatiques précoces oscille entre 5 % et 6,5 %,
mais elle peut atteindre les 30 % à 35 % en cas de traumatisme
crânien grave.(29,30) Il est possible qu’un état mental anormal
lors de l’évaluation initiale suivant un traumatisme crânien soit
attribuable à un état post-ictal.
Les convulsions post-traumatiques peuvent contribuer à des
lésions cérébrales secondaires, à l’exception de celles qui se pro-
duisent immédiatement après le traumatisme crânien, c’est-à-dire
après un impact. Les patients victimes de ce type de convulsions
ou de convulsions post-traumatiques isolées peu après l’incident
et dont les examens neurologiques et l’imagerie sont normaux
risquent peu de présenter d’autres complications et peuvent
obtenir leur congé.(31)
Le traitement aigu des convulsions post-traumatiques est iden-
tique à celui des convulsions aiguës qui se manifestent dans
d’autres contextes. La prise en charge urgente des patients d’âge
pédiatrique en état de mal épileptique convulsif généralisé est
décritedansunrécentdocumentdeprincipesdelaSCP.(32)
L’efficacité de la phénytoïne en prophylaxie des convulsions
post-traumatiques chez les patients d’âge pédiatrique n’est pas
démontrée(33,34), mais demeure souvent utilisée en traitement
des convulsions post-traumatiques et en prophylaxie chez les
patients victimes d’un grave traumatisme crânien.(27)
LE PRONOSTIC
La majorité des patients victimes d’un traumatisme crânien
mineur ne présentent pas de pathologie intracrânienne, et leurs
symptômes se résorbent rapidement. Néanmoins, les publications
relatives aux commotions liées aux sports démontrent clairement
que certains patients continueront de ressentir des symptômes de
diverses intensités pendant les jours ou les semaines suivant la
commotion, lesquels auront des effets sur leur fonctionnement
global et leur rendement scolaire.(35)
En présence de lésion intracrânienne démontrée, les indica-
teurs de mauvais pronostic incluent la gravité clinique au moment
de la présentation initiale, notamment une ÉG ne dépassant pas 5,
et la présence d’une pression intracrânienne élevée. Des recher-
ches sont en cours pour évaluer la validité des marqueurs du sérum
ou du liquide céphalorachidien (LCR) sur la gravité des blessures,
de même que les examens rapides de la physiologie cérébrale, tels
que la saturométrie cérébrale et les potentiels évoqués somato-
sensoriels. (36,37)
D’autres éléments influent sur le pronostic après une
lésion cérébrale traumatique, soit la présence et la gravité
des blessures à d’autres foyer du corps, le trouble de déficit
de l’attention avec hyperactivité avant le traumatisme et la
situation socioéconomique.(38) Les troubles de concentration,
d’attention et de comportement peuvent entraîner des problèmes
de fonctionnement social longtemps après la lésion.(18)
LA PRÉVENTION
Les dispensateurs de soins ont de nombreuses possibilités de don-
nerdesconseilspréventifsadaptésàl’âgeausujetdesfacteursde
risquedetraumatismecrânienchezlesenfants.LaSCPprônedes
politiques publiques et des lois pour garantir, par exemple, le port
du casque pendant les activités sportives, l’installation de sièges
d’auto dans les véhicules et le bannissement des marchettes au
Canada. Il est démontré que ces mesures réduisent à la fois
l’incidence et la gravité des traumatismes crâniens chez les patients
d’âge pédiatrique.(39) Les cliniciens qui soignent des nourris-
sons, des enfants et des adolescents devraient inclure la préven-
tion des blessures dans leurs conseils aux familles.
CONCLUSIONS
Les traumatismes crâniens sont fréquents pendant l’enfance et
l’adolescence, et la plupart sont mineurs et ne causent pas de
séquelles. Il est recommandé d’adopter une approche systémique
de l’évaluation clinique du patient qui se présente en raison d’un
traumatisme crânien et d’effectuer les examens compte tenu des
signes et symptômes et de la probabilité estimative de pathologie
intracrânienne. La plupart des patients peuvent soit obtenir leur
congé, soit être maintenus en observation à l’hôpital pendant une
courte période. Les enfants gravement malades ont besoin d’une
stabilisation immédiate, d’une étroite surveillance et d’un
monitorage continu afin de prévenir les lésions secondaires sus-
ceptibles d’aggraver les conséquences de la lésion primaire.
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