inscrite dans certaine s co nstitutions ou textes à valeur constitutionnelle.
Il en est ainsi de la Déclara tion unive rselle de s droits de l'Homme et de la Déclara tion des libertés et des droits
fonda mentaux adoptée par le Pa rleme nt europé en le 12 avril 1989 (11).
La Charte québécoise des droits et libe rté s des personnes e xprime le droit à la dignité (12). L'article premier de la Loi
fonda mentale de République fédé ra le d'Allemagne précise que la dignité de l'être humain e st intangible. L'article 23 de la
Constitution be lge du 17 fé vrier 1994 prévoit que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. En
Espagne (art. 10 de la Constitution), comme au Portugal (art. 1e r de la Constitution), la dignité de la pe rsonne humaine
est l'un des fonde ments du systè me politique e t social. En revanche, en Italie, la notion de dignité est évoquée dans un
sens un peu différent, il s'a git de la dignité sociale (13). En Suisse , la protection de la dignité humaine a été introduite
da ns la Constitution fédérale le 17 mai 1992.
En France, le droit à la dignité ne figure expre ssément dans aucun texte co nstitutionnel et le Conseil constitutionne l ne
s'y éta it jusqu'à présent jamais réfé ré. Da ns la perspe ctive , notamment de l'évolution du droit de l'éthique biomédicale, le
Comité consultatif pour la révision de la Co nstitution avait souha ité inscrire dans le texte constitutionnel le droit de
cha cun à la dignité de s a personne (14), preuve, s'il en est be soin, que ce droit ne figurait pas dé jà, de manière
évide nte, dans le bloc de constitutionnalité. Lors des dé bats sur le proje t de loi relatif a u respe ct du corps humain, le
respect de la dignité humaine est invoqué comme l'un de s objectifs du te xte (15).
Fo nde r sur la phrase préliminaire du Préa mbule de 1946 le principe de la sauvegarde de la dignité de la pe rsonne
humaine peut se mbler quelque peu audacieux. En effet, les droits inaliénables et sacrés à nouveau proclamés renvoient
(dans une conception plus large que cette qui prévaut en 1789) a ux droits reconnus pa r la Déclaration de 1789, par les
lois de la République et à ceux particulière ment nécessaires à notre temps (16). Or, aucun de ces droits n'e st relatif aux
que stions de bioéthique dont il s'agit. Cepe ndant la dé marche est historiquement concevable. En effet, la dé gradation de
la personne humaine invoquée dans le Préa mbule de 1946 renvoie né cessa ireme nt et e ntre autre s, aux expériences «
médicales » et eugéniques conduites sous l'égide de l'Allemagne nazie. En outre, c'est la dignité de la pe rsonne humaine
plus que celle de l'homme ou de l'individu qui doit être a ffirmée (17). Enfin, la condamnation constitutionnelle de la
dé gra dation de la personne humaine entraîne nécessaire ment la reconnaissance de sa dignité .
Alors même qu'en l'espèce , le Conseil tire de cette reconnaissance de s conséquences re lative ment limité es (cf. infra),
l'affirmation est cependa nt importante car elle permettrait, dans l'ave nir, au juge constitutionnel de censurer des dé rive s
qu'il estimerait manifestement e rronée s.
La liberté individuelle
La reconnaissa nce de la liberté individuelle comme principe constitutionnel fait partie d'une jurisprudence clas sique du
Conseil constitutionnel. Elle est expre sséme nt affirmée dans la dé cision 75 DC du 12 juin 1977 (18). Les fondements de
cette liberté sont de s lois de la Ré publique (que le juge ne cite pa s) et l'article 66 de la Constitution de 1958 qui prescrit
que sa prote ction est assurée par l'autorité judiciaire .
Dans la pré se nte dé cision le juge constitutionnel affirme que la libe rté individuelle est proclamée par les articles 1, 2 et 4
de la Déclaration de 1789. Cette substitution de source n'est pas dé pourvue d'effets potentiels et suscite un ce rta in
nombre d'inte rrogations (19).
En ne se bornant pas à interpréter la notion de liberté individuelle, inscrite à l'article 66 de la Constitution comme
traduisant le concept de sûreté, le juge constitutionne l avait retenu une acception large de cette no tion. Puis sa
jurisprudence avait peu à pe u distingué la libe rté individue lle, dont la protection incombe au juge judiciaire, d'autres
libertés de l'individu, telle la liberté pe rsonne lle ou la liberté d'entreprendre, fondée s quant à elles sur l'article 4 de la
Déclaration de s droits de l'homme e t du citoye n e t dont la prote ction ne re levait pas né cessairement du juge judiciaire
(20). Cette distinction a pu sembler être remise en cause par la dé cision 325 DC (relative à la loi sur la maîtrise de
l'immigration) (21).
L'article premier de la Déclaration de s droits de l'homme e t du citoyen proclame l'égalité en droit, l'article 2 le ca ractère
naturel e t imprescriptible de la libe rté e t l'article 4 définit la libe rté comme le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à
autrui. Affirmer que la liberté dont il s'agit e st la liberté individuelle conduit a lors à ce que ce tte liberté englobe l'ense mble
de s libe rté s de l'individu, tout du moins celles qui ne sont pa s expre ssément pré vue s par un a utre te xte constitutionne l,
et perde toute spécificité, notamment qua nt à sa protection par le juge judiciaire. Ainsi, par e xemple la libe rté
d'e ntreprendre (22) de vrait être incluse dans la libe rté individuelle.
On re lèvera qu'il existe une filiation entre la prése nte décision e t celle du 15 janvier 1975 (54 DC), re lative à l'interruption
volontaire de grosse sse. Dans ce tte de rnière décision, le Conseil constitutionne l avait affirmé que la loi soumise à son
examen respecte la liberté des personnes dès lors qu'e lle ne porte pas atteinte a u principe de liberté posé pa r l'article 2
de la Dé claration de 1789. Mais alors, le Conse il constitutionnel parle de libe rté e t non de liberté individue lle. La notion de
liberté, en cause dans ces deux décisions, est aussi bien celle de liberté individuelle (dans le se ns que le Conse il
constitutionnel lui donnait da ns sa précé dente jurisprude nce), que celle de liberté personnelle (c'est-à-dire le droit de ne
pa s subir de s contraintes exce ssives). Or, dans la décision commentée, la liberté individuelle pe ut ê tre considérée comme
l'expre ssion de la liberté telle que le te rme e st employé da ns la Déclaration de 1789. Sauf à considé re r, ce qui o béira it à
une certaine logique, mais la rédaction de la dé cision (la liberté individuelle e st proclamée pa r...) n'y incite guère , que la
liberté te lle qu'elle est proclamée en 1789 enge ndre la liberté individuelle, mais aussi d'autre s libe rté s de l'individu
distinctes. Le recours à la Déclaration de 1789 plutôt qu'à un principe fondame ntal reconnu par le s lois de la Ré publique
solennise l'affirmation de la libe rté individuelle mais pose un ce rta in nombre de problèmes. En effe t, la pré cédente
jurisprudence du Conse il avait reçu l'ava l de nombreux commentate urs qui affirmaient qu'e lle respectait le texte de 1789
(23) et qu'elle dissipait to ute équivoque en montra nt que l'autorité judiciaire protè ge non seulement la sûreté , mais
aussi une libe rté individuelle de portée plus large (24).
Si l'on trace des pe rspe ctive s, ha sardeuses, à pa rtir de cette nouvelle jurisprudence , o n pe ut considére r qu'une
interpré tation stricte de l'article 66 de la Constitution e t une interpré tation trè s large de la libe rté individuelle, pourra ient,
au terme d'une évolution jurisprude ntielle imaginée , conduire à limiter la compétence exclusive du juge judiciaire aux
atte inte s à la sûreté au sens de la Dé claration de 1789. Ou e ncore , e t la pe rspective est pe ut-être moins aléatoire, à
réserve r a u juge judiciaire la connaissance de s a tteinte s graves à la libe rté individuelle, comme le Conse il constitutionne l
l'a dé jà admis po ur les étrange rs (25), e t comme il le fait en matière de propriété (26). Cette évolution, qu'il est
prématuré de dessine r, s'inscrirait alors dans le sens de l'atténuation de l'exige nce d'une intervention du juge judiciaire et
du re nforce ment de l'exigence d'une inte rvention d'une autorité juridictionne lle en matière de libertés.
En re va nche, l'affirmation se lon laque lle la liberté individuelle doit être conciliée avec d'autres principe s à valeur
constitutionnelle est classique (27). Elle pourra it s'appuyer sur l'article 5 de la Déclaration de 1789 (que le Conseil ne
cite pas). Elle ré sulte plus généra lement du fait qu'aucun principe constitutionnel n'est absolu e t que le législateur doit
opérer une conciliation e ntre eux. On re lèvera cependa nt que ce rappel n'e st formulé qu'en ce qui conce rne la liberté