nom de la poursuite de ces objectifs (ex : liberté d’entreprendre, droit de propriété). Quant au
principe de précaution, outre le fait qu’il pourra justifier des atteintes à d’autres exigences
constitutionnelles (ex : liberté contractuelle, liberté d’entreprendre, droit de propriété…), il
pourrait entraîner un alourdissement des contraintes législatives pesant sur les entreprises
et les services publics, mais sa mise en œuvre reste pour l’heure encore très timide. Le
Conseil n’a en effet pas encore décidé s’il le traitait comme un simple principe procédural
(comme la CJCE ou le juge administratif) ou s’il en faisait un principe porteur
d’obligations substantielles, choix qui pèsera fortement sur l’influence jurisprudentielle
du principe. De manière général, la Charte ne devrait pas laisser totalement immobile les
lignes de la jurisprudence constitutionnelle, même si les deux premières années de mise
en œuvre attestent une réelle timidité. De fait, le législateur devrait intégrer plus
globalement les préoccupations environnementales, en ne les prenant plus seulement en
compte dans les lois spécifiques au secteur, mais en les intégrant à l’ensemble de sa
politique législative. A cet égard, l’usage de la Charte dans le cadre de la jurisprudence
permettant, à titre exceptionnel, au Conseil de contrôler la constitutionnalité d’une loi
promulguée « à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la
complètent ou affectent son domaine » (CC n° 85-187 DC, 25 janvier 1985, Etat d’urgence en
Nouvelle-calédonie) pourrait être une arme essentielle, à condition de l’utiliser…
Mais la jurisprudence constitutionnelle n’est pas la seule à pouvoir faire application de
ce texte, même si elle est essentielle dans la mesure où elle est susceptible d’influencer les
prises de position des juges ordinaires. S’agissant de ces derniers, ils font parfois
directement application du Préambule de la Constitution, même si la théorie de la loi
écran perdure et les conduit donc souvent à refuser d’opérer un contrôle de constitutionnalité
de la Loi : Cass. Civ. I, 1er octobre 1986 ; CE, 23 avril 1997, GISTI. C’est pourquoi ils
appliqueront certainement des normes législatives contraires à la Charte, mais
généralement après un effort de conciliation. Pour autant, des applications de la Charte ne
sont pas inenvisageables, même si elles seront certainement plus le fait du juge
administratif que du juge judiciaire (celui-ci étant moins quotidiennement aux prises avec
le droit de l’environnement, sauf en matière de responsabilité civile et pénale). Pour le
premier, la Charte pourrait jouer un rôle en matière de référé, notamment dans le cadre du
référé-liberté, mais aussi dans le contentieux de l’annulation (même si la compétence
administrative s’est réduite en 2005 et si des conciliations avec d’autres principes ou textes
internationaux sont nécessaires) et de la responsabilité. Ainsi, une appropriation de la
Charte par les requérants tentant d’en mobiliser directement les dispositions est à
prévoir et on ne saurait exclure qu’elle puisse produire dans le temps plus d’effets que sa
rédaction initiale pouvait le laisser penser (cf. à titre d’exemple d’usage CE, 19 juin 2006,
Association Eau et rivière de Bretagne)… Ainsi, pour l'heure, le texte n'apporte donc
guère de changements, mais il pourrait un jour être mobilisé plus fréquemment et de
manière plus contraignante.
§2 – UNE CONSTITUTIONNALISATION MATERIELLEMENT INCERTAINE
A – L’absence de définition de l’environnement
- Absence de définition de l’environnement dans la Constitution : quelle signification ?
Renvoi aux définitions des normes législative (article L. 110-1 du Code de
l’environnement : « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la
qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques
auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation ») et internationale