analyse des représentations mentales des élèves de CM2 sur les

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P
RENDRE EN COMPTE LES MECANISMES DE CONSTRUCTION
DES CONCEPTS
P
REALABLES PAR LES ELEVES
:
analyse des représentations mentales des élèves de CM2
sur les tremblements de terre à partir des questionnaires
BURÇIN DAL
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Résumé :
Les connaissances sur les séismes constituent donc un savoir complexe, issu d’une longue histoire,
transformé en savoir à enseigner par les choix des programmes officiels, des manuels et par la prise
en compte des processus de construction des savoirs chez les enfants, et des processus d’élaboration
des concepts dans le domaine des sciences de l’espace terrestre, éclairés par J. Piaget et d’autres
chercheurs. La reconnaissance des représentations peut constituer une base d’organisation de
stratégies adaptées aux élèves. Le présent article décrit quelles conceptions personnelles particulières
se font donc les enfants turcs sur les séismes avant tout cours sur ces sujets? Nous avons mené une
série d’enquêtes sur ce thème et analysé les résultats.
Mots-clés : concept, conceptions, représentations, obstacle, tremblement de terre
Les questionnaires sur les conceptions initiales des élèves à propos des tremblements de terre
Dans les sciences sociales ou humaines, un élève aborde rarement un contenu d’enseignement sans une
conception ou représentation initiale. Rien n’est jamais totalement neuf. Les individus, et les élèves en
particulier, ont une opinion sur tout. Ils sont nantis d’un savoir parcellaire qui les dispense de se poser
des questions car ils ont ainsi l’impression de connaître le sujet. Rappelons que ces « idées
préalables », ce « déjà-là », ces « raisonnements spontanés » ont longtemps été, en didactique, appelés
indifféremment « représentations » ou « conceptions ».
Il est donc utile de s’intéresser aux représentations des élèves pour mettre en évidence les obstacles à
surmonter et éviter ainsi les problèmes que ces obstacles posent à l’apprentissage : « faire avec [les
représentations initiales des élèves] pour aller contre » (Giordan A, De Vecchi G, 1989), en profitant
de ce « savoir » et en essayant de l’intégrer ou de le rejeter pendant la procédure de l’apprentissage : en
sachant qu’elles (les représentations) existent, on peut donc choisir de s’en inspirer pour construire son
thème.
1 Université Technique d’Istambul, [email protected]
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Dans le domaine des manifestations de l’activité interne du globe terrestre, nous allons voir que les
conceptions l’irrationnel et l’émotivité nés du spectaculaire sont très fortes. Dans les conceptions
initiales des élèves, l’aspect de spectacle grandiose et catastrophique apparaît très souvent, mais il peut
aussi être mêlé de connaissances plus objectives, plus proches du savoir scientifique.
La méthodologie des recueils d’informations sur les conceptions initiales des élèves
Nous avons suivi 170 élèves en fin de cycle trois dans l’étude des tremblements de terre. Ces élèves
étaient répartis sur cinq classes, dans cinq écoles différentes, et ils ont répondu aux mêmes
questionnaires à des dates différentes. Le contexte pédagogique ne variait pas d’une classe à une autre.
Aucun élève questionné n’avait étudié auparavant les tremblements de terre en classe. La démarche
pédagogique, les objectifs notionnels retenus, la situation de départ étaient communs aux cinq classes.
Les élèves observés étaient pris à un seul niveau du cursus scolaire : à l’Ecole Primaire en classe de
CM2. Le choix de ce niveau se justifie par le contenu des programmes concernant l’enseignement des
tremblements de terre qui s’effectue en fin du cycle trois et par les étapes repérées dans la construction
des savoirs. De plus, ce niveau apporte des éléments sur le degré d’appropriation et de maîtrise des
notions fondamentales en géologie à l’issue des apprentissages scolaires et extra-scolaires de base.
Il paraît important de dire ici comment a été constitué l’échantillon. Pour réaliser cette enquête, il était
intéressant de se déplacer sur la faille Nord Anatolienne, une région très séismique. Les questionnaires
ont été proposés dans quatre secteurs situés sur cette faille, Bolu (100 000 habitants), Düzce (65 000
habitants), Istanbul (15 millions habitants) et Caycuma (30 000 habitants), qui sont tous sous la forte
menace de risques sismiques. Bolu, Düzce et la partie occidentale d’Istanbul sont classées parmi les
zones les plus sismiques de Turquie, alors que Caycuma est dans une zone présentant un peu moins de
risques sismiques que les autres. Il y a eu le 12 Novembre 1999 à Bolu et à Düzce des tremblements de
terre d’une magnitude de 7,2 sur l’échelle de Richter. Ces tremblements de terre ont provoqué des
secousses à Caycuma, sans qu’il y ait eu de catastrophes dans cette ville. La carte ci-dessous nous
montre la localisation des villes où nous avons réalisé nos enquêtes.
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Tableau 1 : Présentation des données de base de cette recherche.
Cinq classes de CM2 ont participé à cette étude. Pour obtenir les cinq classes observées dans cette
recherche, il aura fallu contacter plus d’une quarantaine d’enseignants. Parmi les réponses négatives, la
moitié avait « peur » d’un observateur dans leur classe et du regard sur leur pratique pédagogique. Les
autres n’étudiaient pas le sujet en détail dans leur classes par « manque de temps », pour pouvoir faire
tout le programme de Sciences Sociales, et en conséquence, pour eux, il fallait faire des choix. Dans
les Instructions Officielles, le sujet n’est pas suffisamment détaillé et donc leur paraît peu facile
d’approche. Pourtant, les objectifs de son étude sont bien liés aux finalités déclarées de l’enseignement
des Sciences Sociales à l’Ecole Primaire.
Il est donc nécessaire de préciser a priori que les pratiques de classes observées ne sont certainement
pas représentatives de ce qui ce passe dans chacune des classes de l’Enseignement Primaire en Turquie
puisque les enseignants retenus sont tous des volontaires, et se sentent compétents dans les domaines
spécifiques aux programmes de CM2. Ils ont toujours élaboré et conduit les situations d’apprentissage
en totale autonomie, sans intervention de notre part dans les contenus ou les démarches mises en
œuvre. Aucune pression n’a faussé les relations enseignants-élèves, et l’observation a pu se réaliser en
toute transparence dans un climat de confiance. Les cinq enseignants des classes de CM2 ont le même
diplôme de professeur des Ecoles Primaires, obtenu dans différentes universités. Ce sont des
enseignants chevronnés, qui ont reçu une formation générale pour être maître à l’Ecole Primaire, mais
qui n’ont pas suivi de formation spéciale pour l’enseignement des tremblements de terre.
Le profil des élèves observés, en situation scolaire normale, issus de catégories socioprofessionnelles
variées, soit des zones urbaines, rurales ou semi-rurales, reflète assez bien la population en Turquie.
Le recueil des informations a été réalisé de diverses façons, car selon Pierre Clément (1992), le
chercheur en didactique doit être très prudent quand il travaille sur les conceptions d’une personne : il
est préférable qu’il utilise plusieurs méthodes plaçant la personne interrogée dans différentes
situations, de façon à comparer les diverses conceptions conjoncturelles qui émergent ainsi, pour avoir
une meilleure approximation de l’univers conceptuel de la personne interrogée.
Le questionnaire soumis à 170 élèves de CM2 demandait d’abord aux élèves de finir ce qu’est pour
eux un tremblement de terre, puis d’expliquer pourquoi la terre tremble ; on leur proposait de faire
ensuite un schéma expliquant pourquoi la terre tremble.
Localisation
Classe de CM2
nom de
l’établissement
Nombre d’élèves
concernés
Méthodologie
d’observation
Bolu Ecole Primaire 35 Questionnaire
Caycuma Ecole Primaire 32 Questionnaire
Caycuma Ecole Primaire 35 Questionnaire
Duzce Ecole Primaire 33 Questionnaire
Istanbul Ecole Primaire 35 Questionnaire
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L’utilisation de dessins pour préciser une représentation mentale d’élèves jeunes est très intéressante,
mais elle pose pour le chercheur de redoutables problèmes : tout dessin représente une ou des idées,
mais ne se confond pas avec ce que pense l’élève. Comme toute représentation, elle doit être
interprétée par l’observateur, ce qui peut aboutir à des faux-sens et contresens. En outre, certains
dessins comportent de nombreux éléments. Lesquels sont pertinents et signifiants ? C’est le chercheur
qui va choisir, au risque de tordre la signification que leur accordait l’élève.
Les questionnaires ont été distribués aux élèves juste avant le début du cours intitulé « le séisme et les
moyens de prévention des ismes ». Aucune activité d’apprentissage en géologie n’était menée avec
ces élèves pendant qu’ils réalisaient leurs productions écrites ou dessinées évidemment. Les réponses
ont été analysées manuellement, et contrôlées minutieusement. Une brève analyse de ces résultats est
donnée dans chacun des tableaux suivants.
Avant de procéder à l’analyse de notre questionnaire, nous pensions qu’il pouvait y avoir des
difficultés de compréhension des séismes pour les enfants turcs, car le terme qui signifie tremblement
de terre (deprem) n’a pas la même racine que celui qui signifie trembler (titremek) (de même qu’en
France, le terme « tremblement de terre » n’est pas de la même étymologie que le terme « séisme »).
Cependant, nous avons constaté que pour les élèves turcs de CM2 que nous avons questionnés, les
deux termes ont le même sens, et ils utilisent l’un pour l’autre. Par exemple, à la question « qu’est-ce
qu’un tremblement de terre (yer titremesi nedir) ? », Arda répond par l’autre terme : « le séisme
(deprem), c’est la rencontre entre deux plaques tectoniques ».
Les réponses initiales des élèves à propos des tremblements de terre
Une difficulté à définir un tremblement de terre
A la première question « Qu’est ce qu’un tremblement de terre ? », on est très étonné de constater que
deux élèves sur 170 (soit 1,176 %) répondent par « je ne sais pas ». Nous ne pouvons, d’un point de
vue didactique, interpréter cette dernière observation que comme une absence du terme « tremblement
de terre » dans le vocabulaire de ces deux enfants de 10-11 ans, mais cela paraît peu probable : les
tremblements de terre sont des évènements récurrents et d’actualité en Turquie, de ce fait, toutes les
représentations sociales qui entourent l’enfant en parlent : la famille, les médias…Cette réponse : « je
ne sais pas » peut donc résulter du manque de motivation de ces enfants, ou bien d’une hésitation ou
d’une difficulté à donner une définition précise.
En effet, la majorité des enfants ont une idée plus ou moins précise de ce qu’est un tremblement de
terre. Plus d’un tiers des élèves tentent d’expliquer de façon spontanée l’existence du tremblement de
terre, leurs formulations sont à la fois descriptives et en même temps spontanément explicatives. Il n’y
a pas de différences significatives liées au sexe.
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Sur 168 élèves qui ont répondu à la première question, 26% seulement d’entre eux donnent une réelle
définition, 17% au sens strict, reprenant le terme même de tremblement de terre (« C’est le sol qui
tremble »). La plupart d’entre eux pense tout de suite plutôt à des explications du tremblement de terre,
ce qui n’était pas demandé par la question. Ils évoquent alors sept séries de causes : les manifestations
destructrices et catastrophiques, les causes tectoniques, les volcans, les causes internes au globe
terrestre, des causes atmosphériques, des causes extra-terrestres, et la formation des montagnes. Ces
sept catégories, qui regroupent chacune des réponses variées, fournissent un total de 146 citations.
En éliminant les 22 énoncés (sur 168) qui n’ont été cités qu’une fois, on peut lister les phrases-clés les
plus utilisées par les élèves, et calculer leur pourcentage d’utilisation (voire tableau 2).
Tableau 2 : Réponses des élèves à la question : Qu’est ce qu’un tremblement de terre ?
(avant tout cours sur ce sujet) [Les réponses sont classées selon un ordre décroissant d’utilisation des
citations par les élèves. Ces réponses seront, également, analysées selon les types d ‘explications dans
les paragraphes qui suivent.]
Un tremblement de terre Nombre de citations Pourcentage de
Citations
Les plaques tectoniques bougent, et au bout d’un moment elles
se cognent, ce qui provoque un tremblement de terre.
34
20,2 %
C’est le sol qui tremble et qui s’ouvre en dévastant des
immeubles, des maisons ; il peut même y a avoir des morts
28
16,6 %
Ce sont les plaques terrestres qui se rentrent dedans 22 13,0 %
C’est un volcan éteint sous la terre qui se réveille et qui
provoque un tremblement de terre. 20 11,9 %
Un tremblement de terre est une catastrophe naturelle qui
arrive surtout dans certains pays se trouvant entre deux plaques
tectoniques
16
9,5 %
C’est un réchauffement à l’intérieur de la planète qui crée un
tremblement de terre 10 5,9 %
La chute d’une planète sur la terre 5 2,9 %
C’est une formation des montagnes 4 2,3 %
C’est le gaz qui n’a pas de place, donc il fait des fissures dans
la terre 4 2,3 %
C’est le soleil qui réchauffe la terre, après, cela fait des
fissures 3 1,7 %
C’est une tempête, une tornade 2 1,1 %
Ce sont les continents qui se déplacent dans la mer 2 1,1 %
Des explications imagées des séismes
Si la première question incitait les élèves à donner une définition du tremblement de terre, il était tout
aussi intéressant de les inviter dans une seconde question à en donner la ou les causes. Ainsi, nous
pourrions vérifier si cette conception est isolée dans leurs représentations, ou si les élèves parviennent
à établir quelques relations signifiantes pour eux entre différents éléments susceptibles d’expliquer ce
risque naturel.
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