Faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d`art

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RAPPEL DU SUJET
SUJET 2 : FAUT-IL ETRE CULTIVE POUR APPRECIER UNE OEUVRE D'ART ?
LE CORRIGÉ
I- Analyse du sujet
Le sujet propose d’examiner l’idée selon laquelle il faut être cultivé pour apprécier une œuvre d’art. Une telle position
sous-entend que l’appréciation d’une œuvre d’art, qu’elle soit positive ou négative (qu’on l’apprécie ou pas) suppose
comme sa condition une culture artistique. Autrement dit, que le jugement esthétique (celui par lequel on déclare
qu’une œuvre plaît ou non) ne saurait s’exercer sans que des connaissances relatives au domaine de l’art viennent
l’éclairer ou l’accompagner. Dans cette perspective, il n’y aurait pas de jugement esthétique valable sans une culture
artistique : celui qui en serait dépourvu serait incapable d’apprécier une œuvre d’art, et il n'aurait pas la capacité de
discerner le beau.
Le verbe apprécier renvoie ici à ce qu’on appelle le jugement esthétique ou le goût, c’est-à-dire la capacité à
discerner, reconnaître le beau.
La culture s’entend ici comme ce qui n’est pas donné mais acquis. Etre cultivé, c’est avoir reçu une éducation artistique
que l’on peut définir à la fois comme un ensemble de connaissances mais aussi comme une expérience issue de la
fréquentation des œuvres d’art.
Il faut aussi souligner que le recours au verbe "falloir" souligne le caractère de nécessité de cette culture. Sans elle, le
rapport aux œuvres d’art serait aveugle et sans valeur.
II- La problématique du sujet
Une telle perspective, qui relie de manière nécessaire le goût et la connaissance, semble aller à l’encontre d’une idée
courante selon laquelle l’art serait affaire de sensibilité ou d’émotion, et qu’il n’aurait donc rien à voir avec la
connaissance ou la culture. Le jugement du néophyte n’aurait alors pas plus de valeur que celui de l’amateur : chacun
serait la norme de son propre goût. On dit ainsi "à chacun ses goûts", ce qui sous-entend que tous les goûts se valent,
qu’aucun n’a d’autorité sur un autre.
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Etablir un lien nécessaire entre l’appréciation esthétique et la culture, c’est peut-être s’exposer aussi à une forme de
conformisme, si l’on définit la culture comme la possession de normes et de valeurs établies, reconnues à un certain
moment de l’histoire. Détenir la culture permettrait de reconnaître les véritables œuvres d’art, de faire le tri entre ce qui
est digne d’être qualifié d’art et ce qui ne l’est pas.
On voit donc que la thèse que le sujet propose à l’examen s’expose à un risque : si elle évite le relativisme du "à chacun
ses goûts" (tous se valent, le jugement éclairé et celui qui ne l’est pas), elle s’expose à un rapport intellectualisé et
conformiste aux œuvres, qui ne laisse aucune place à la spontanéité de l’émotion ou du plaisir esthétique.
Mais il est peut-être tout aussi contestable de considérer que l’œuvre d’art n’est susceptible d’aucun rapport d’ordre
cognitif. Si l’œuvre d’art n’est pas seulement ce qui suscite des émotions, si elle est aussi ce qui donne à penser le
monde, ce qui permet de le connaître, si en particulier, les œuvres nous font réfléchir sur ce qu’est l’art, alors il n’est pas
exclu de lier appréciation esthétique et culture artistique (ne serait-ce que parce que les œuvres d’art dialoguent entre
elles, se répondent les unes aux autres).
Est-il donc légitime d’affirmer qu’il faut être cultivé pour apprécier une œuvre d’art ? Le goût ne gagne-t-il pas à être
formé ? Mais s’il peut l’être, est-ce par l’acquisition de connaissances ? Comment définir la culture artistique et comment
s’acquiert-elle ?
III- La boîte à outils : idées et connaissances utiles pour traiter le sujet
On peut convoquer avec profit la distinction kantienne entre le beau et l’agréable qui permet de distinguer la spécificité
du plaisir esthétique et de montrer pourquoi il peut échapper au relativisme et prétendre à l’universalité. Dans
Critique de la faculté de juger, Kant montre que l’agréable relève de préférences subjectives alors que le beau est "ce
qui plaît universellement sans concept".
On soulignera avec Kant cette absence de concept qui signifie que le jugement de goût n’est déterminé par aucune
conception a priori du beau, que le jugement esthétique n’est pas un jugement de connaissance et qu’aucune culture
spécifique n’est requise pour apprécier une œuvre d’art.
Il n’empêche, la fréquentation des œuvres d’art affine et enrichit la perception que nous en avons, tout comme une
certaine connaissance de l’histoire de l’art peut ouvrir les points de vue que nous avons sur les œuvres. Si chacun
nourrit un rapport éminemment singulier avec les œuvres, il peut aussi renouveler ce rapport à la lumière des autres
œuvres. Cela vaut spécialement pour l’art contemporain qui joue souvent de la reprise, de la parodie de chefs d’œuvre
et repose sur la référence à des artistes du passé.
Et même pour les chefs d’œuvre de l’histoire de l’art, on saisit d’autant mieux ce qui fait leur originalité en les mettant en
perspective avec d’autres œuvres. Si notre rapport aux œuvres n’est pas réductible à la seule intellectualité, il se tient
dans ce va et vient entre le sensible et l’intelligible : l’art dit Hegel "est la manifestation sensible du vrai".
(Leçons sur l'esthétique)
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