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Utilisation de la toxine botulique en pratique
neurologique : indications actuelles et futures
● F. Durif*
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■ La toxine botulique de type A est extraite du clostridium botulinum et provoque un blocage de la transmission neuromusculaire avec comme conséquence une atrophie musculaire responsable d’un déficit moteur transitoire dont la durée est comprise
entre 2 et 4 mois.
■ La toxine botulique est utilisable par voie sous-cutanée et par voie intramusculaire. Les doses injectées sont fonction du volume du muscle visé. L’apparition de l’effet survient en général entre 1 et 8 jours après l’injection et la durée de l’efficacité en
fonction des indications est comprise entre 2 et 6 mois.
■ Il existe actuellement deux toxines botuliques de type A sur le marché : une toxine d’origine américaine, commercialisée par
les laboratoires Allergan (Botox®) et conditionnée en flacons de 100 U ; une toxine commercialisée par les laboratoires Ipsen
(Dysport®) et conditionnée en flacons de 500 U. Les deux formes galéniques ne sont pas équipotentes. Le rapport d’efficacité
Botox®\Dysport® est de 1,4 à 1,6 selon les auteurs.
■ Trois indications sont actuellement officiellement reconnues : le spasme hémifacial, le blépharospasme et les dystonies cervicales (torticolis spasmodique).
■ La toxine est également utilisée par des équipes spécialisées dans le traitement des dystonies de fonction, de la dystonie oromandibulaire, des dystonies de la voix, du pied, etc.
De nouvelles indications vont bientôt faire l’objet d’une extension de l’autorisation de la mise sur le marché : il s’agit du traitement de la spasticité de l’adulte et de l’enfant.
D
epuis sa première utilisation en 1979 par Scott
dans le traitement du strabisme, l’usage de la
toxine botulique s’est généralisé de par le monde
pour le traitement du spasme hémifacial et des dystonies
focales, principalement le blépharospasme et le torticolis spasmodique. A côté de ces indications qui ont été retenues par la
Food and Drug Administration en 1989 et qui ont obtenu, en
France, l’autorisation de mise sur le marché en 1994, de nouvelles indications neurologiques sont actuellement en cours
d’étude comme le traitement d’autres dystonies focales et de la
spasticité.
* Service de neurologie, hôpital Gabriel-Montpied, Clermont-Ferrand
[email protected]
La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. II - juin 1998
PRODUCTION DE LA TOXINE BOTULIQUE
La toxine botulique utilisée en clinique provient de la fermentation du clostridium botulinium. Après extraction, la toxine est
précipitée, purifiée et, finalement, cristallisée. La toxine est
ensuite diluée et lyophilisée, puis conditionnée en flacon à des
concentrations différentes selon le type de laboratoire. La toxine est également mélangée avec du sérum albumine afin de
diminuer sa fixation à la surface du verre.
Après extraction, la toxine présente une structure pseudo-cristalline composée de neurotoxines et d’autres protéines à faibles propriétés hémagglutinantes qui permettraient d’augmenter la toxicité de la neurotoxine en la protégeant de l’effet des enzymes protéolytiques. La neurotoxine pure a un poids moléculaire d’environ
150 000 dalton et est composée d’une chaîne lourde (100 000 dal131
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moléculaire total d’environ 900 000 dalton. Il existe sept toxines
immunologiquement distinctes. A l’heure actuelle, seule la toxine
botulique de type A est couramment utilisée en clinique.
MODE D’ACTION DE LA TOXINE BOTULIQUE (1)
La toxine botulique agit au niveau des jonctions neuromusculaires en bloquant de façon irréversible la libération de l’acétylcholine au niveau de la terminaison nerveuse cholinergique.
L’effet anticholinergique de la toxine provoque une atrophie
musculaire reversible du fait de la repousse axonale et une paralysie transitoire dont la durée varie de 2 à 6 mois.
Le mode d’action à l’échelon cellulaire de la toxine botulique a
récemment été partiellement élucidé. La liaison de la toxine
avec la membrane présynaptique s’effectue par l’intermédiaire
de la chaîne lourde de la neurotoxine alors que la chaîne légère
bloquerait la libération de l’acétylcholine après son passage
dans le cytoplasme de la terminaison nerveuse. La neurotoxine
A interviendrait en coupant la protéine (SNAP-25) associée au
synaptosome qui normalement s’associe de façon transitoire
avec la membrane présynaptique. La neurotoxine interviendrait
donc en empêchant la fusion entre la vésicule synaptique contenant l’acétylcholine, et la membrane présynaptique (figure 1).
PHARMACOLOGIE
La dénervation produite par la neurotoxine est fonction de la
dose injectée dans le muscle. De petites doses produisent une
dénervation proche du site injecté. A plus fortes doses, l’effet
biologique de la neurotoxine dépasse le muscle injecté en franchissant les fascia. Cette diffusion de la toxine peut ainsi expliquer certains effets secondaires comme, par exemple, les
troubles de la déglutition parfois observés après injection dans
les muscles sterno-cléido-mastoïdiens. Une dilution importante
de la toxine favoriserait sa diffusion.
Figure 1. Mode d’action des toxines botuliques. Fixation : la chaîne
lourde est responsable de la fixation et de l’internalisation de la toxine
alors que la chaîne légère est responsable de l’action toxique.
Internalisation : c’est un processus actif associant une endocytose (1, 2)
à la circulation de la toxine dans le cytoplasme (3, 4). Les deux chaînes
de la toxine pourraient être dissociées dans le cytoplasme avant que la
chaîne légère ne provoque son action toxique (5).
Action toxique : la syntaxine est une protéine fixée dans la membrane
cytoplasmique et la SNAP 25 est une protéine cytoplasmique s’associant
transitoirement avec la membrane. La synaptobrevine-2 est une protéine
fixée à la surface de la membrane des vésicules synaptiques. La lésion de
ces protéines par les toxiques botuliques bloque la fusion des vésicules
synaptiques avec la membrane cellulaire et empêche la libération de
l’acéthylcholine dans la fente synaptique.
FORMES GALÉNIQUES DISPONIBLES
L’effet pharmacologique de la neurotoxine est habituellement
retardé alors que la liaison de la neurotoxine au muscle est mise
en évidence in vitro dans les 30 minutes suivant l’injection.
Après injection dans le muscle droit horizontal du singe rhésus,
un strabisme apparaît au bout de 2 à 3 jours et n’atteint son
maximum qu’au 5e ou 6e jour, puis régresse au bout de 2 mois.
Cet effet clinique retardé est probablement lié au temps nécessaire à ce que la paralysie musculaire se constitue.
La toxine d’origine américaine (Botox®) commercialisée par
les laboratoires Allergan est la plus ancienne. Elle est disponible
en flacons contenant environ 100 U de toxine (40 ng de neurotoxine). Une unité de neurotoxine est la quantité de toxine permettant de tuer 50 % d’un groupe de souris après une injection
intrapéritonéale (dose létale 50). La toxine botulique initialement produite par les laboratoires Porton (Dysport®) est actuellement commercialisée par les laboratoires Ipsen et elle est disponible sous forme de flacons contenant 500 U de neurotoxine,
ce qui correspond à environ 12,5 ng de toxine botulique.
Le complexe toxine botulique-sérum albumine est immunogène
et peut entraîner la production d’anticorps antitoxine inhibant
son effet pharmacologique. Trois à 10 % des patients développeraient des anticorps antitoxine. Les facteurs favorisant leur
apparition sont les injections fréquentes et trop rapprochées
(< 1 mois) et les doses élevées.
La puissance d’efficacité des deux neurotoxines est donc différente puisque 1 ng de toxine d’origine américaine correspond
environ à 2,5 U alors que 1 ng de toxine d’origine anglaise correspond environ à 40 U. La toxine d’origine anglaise a donc une
efficacité intrinsèque par ng plus importante que la toxine d’origine américaine (16 fois plus). Cependant, en pratique clinique
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quotidienne, il apparaît qu’une unité de toxine américaine correspond à environ 4-6 U de toxine d’origine anglaise. Selon
mon expérience, et bien que ceci soit encore à l’origine d’une
controverse, un flacon de 100 U de toxine Botox® correspond à
un flacon de 500 U de toxine Dysport®. Cette différence est
probablement en rapport avec le mode de purification différent
pour les deux toxines et aussi avec la méthode de calcul de la
DL50.
Une autre neurotoxine A est actuellement en cours d’étude,
de même que des neurotoxines de sérotypes différents (B
et F).
TECHNIQUES D’INJECTION
Après dilution de la toxine avec du sérum physiologique, l’injection se fait par voie sous-cutanée dans les muscles de la face
ou par voie intramusculaire dans les autres muscles. Dans les
muscles de la face, l’injection s’effectue avec de fines aiguilles
de calibre 27G ou 30G. Pour les muscles plus volumineux, des
aiguilles de plus gros calibre sont utilisées. Les sites injectés par
voie musculaire sont très variables et fonction des écoles et des
pratiques de chacun. La première dose utilisée est une dose
“moyenne faible” afin de limiter au maximum les effets secondaires, puis les doses sont adaptées à chaque patient. Le rythme
des injections est fonction de la durée d’amélioration provoquée
par la toxine, compris le plus souvent entre 2 et 4 mois.
INDICATIONS
Indications recommandées par l’AMM
L’autorisation de mise sur le marché, datant de 1994, a reconnu
trois indications officielles de l’utilisation de la toxine botulique : le spasme hémifacial, le blépharospasme et les dystonies
cervicales.
• Spasme hémifacial (2) : Bien que le nombre de sites d’injection soit variable, le plus souvent deux sites sont injectés
dans le muscle orbiculaire supérieur, un site interne et un site
externe, puis un site dans la partie externe du muscle orbiculaire inférieur. Les doses injectées sont variables, en moyenne
15 U pour les trois sites avec Botox® et 80 U avec Dysport®.
Les muscles du massif facial inférieur peuvent également être
injectés à des doses souvent plus faibles que dans les muscles
orbiculaires afin d’éviter une parésie faciale inférieure. Les
muscles les plus souvent injectés sont le zygomatique, le risorius et le carré du menton (figure 2). Le délai d’apparition de
l’effet de la toxine est souvent bref, parfois inférieur à 24 heures
et la durée moyenne d’efficacité est de l’ordre de 3 mois.
Certains patients peuvent cependant bénéficier de l’effet de la
toxine pendant plus de 6 mois. L’amélioration subjective est
souvent spectaculaire, souvent chiffrée à plus de 80 %.
Les effets secondaires sont directement liés à une dose trop
importante pour le patient ou à une diffusion de la toxine : ptosis, parésie faciale, diplopie, larmoiements, brûlures oculaires.
L’injection peut entraîner des hématomes palpébraux.
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Figure 2. Muscles habituellement injectés dans le blépharospasme et le
spasme hémifacial.
• Le blépharospasme (3) : Les injections de toxine sont effectuées le plus souvent dans les parties interne et externe des
muscles orbiculaires supérieurs et dans la partie externe des
orbiculaires inférieurs. Les doses utilisées par site d’injection
sont proches de celles utilisées dans le traitement du spasme
hémifacial. Le délai d’amélioration est en général rapide et survient dans la semaine suivant l’injection. La durée d’efficacité
maximale moyenne est de l’ordre de 3 mois conditionnant ainsi
le rythme des injections. Les effets secondaires les plus fréquents sont un ptosis souvent partiel, un larmoiement, plus rarement une diplopie. Au moment de l’injection, comme dans le
cas du spasme hémifacial, des hématomes sous-cutanés peuvent
être observés.
• Dystonies cervicales (4) : L’amélioration provoquée par les
injections de toxine botulique dans les dystonies cervicales est
variable en fonction de la complexité de la dystonie. Le traitement des torticolis spasmodiques, à l’origine d’une rotation de
la tête liée à une dystonie des muscles splénius-complexus
homolatéral au mouvement et au sterno-cléido-mastoïdien
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controlatéral au mouvement, donne souvent les meilleurs résultats (figure 3).
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cales. Il s’agit le plus souvent de dysphagie dont la fréquence est
d’autant plus importante que la dose injectée dans les muscles
sterno-cléido-mastoïdiens est élevée. L’injection bilatérale des
muscles sterno-cléido-mastoïdiens est déconseillée. En cas d’injection bilatérale de la musculature cervicale postérieure (traitement des rétrocolis), des paralysies musculaires limitant l’extension du rachis cervical peuvent être observées. Rarement
(5 % environ), l’efficacité de la toxine peut s’atténuer, voire disparaître après plusieurs injections, en rapport avec la présence
d’anticorps antitoxine qui peuvent être détectés à partir d’un
prélèvement sanguin.
Indications non reconnues par l’AMM
• Autres dystonies : depuis la généralisation de l’utilisation de
la toxine botulique, d’autres dystonies focales ont été traitées
par la toxine botulique.
1. Crampe de l’écrivain (5) : Plusieurs travaux ont montré l’intérêt de l’utilisation de la toxine dans le traitement de cette dystonie de fonction. Les muscles le plus souvent injectés sont les
muscles de l’avant-bras : fléchisseurs commun superficiel et
profond des doigts, extenseur propre de l’index, muscles
radiaux. Plus rarement, d’autres muscles peuvent être injectés
(muscle pronateur, court et long fléchisseurs du pouce, etc.).
L’injection se fait habituellement sous repérage EMG. Les
doses injectées sont habituellement faibles afin de limiter au
maximum la complication majeure représentée par une parésie
des muscles de l’avant-bras. L’amélioration porte surtout sur les
douleurs accompagnant la dystonie et à un moindre degré sur la
qualité de l’écriture. L’apparition d’une amélioration est en
général inférieure à une semaine et la durée de l’amélioration de
l’ordre de trois mois.
Figure 3. Les muscles entourés sont les plus souvent injectés dans les
dystonies cervicales.
Le traitement des dystonies plus complexes, qui font intervenir
d’autres muscles que ceux déjà cités (angulaire de l’omoplate,
chef supérieur du trapèze, scalène), est souvent plus décevant.
Les injections sont faites en général dans un seul site au niveau
des muscles cervicaux postérieurs et selon les équipes en un ou
plusieurs sites dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien. Les
doses sont variables, comprises, pour les muscles cervicaux
postérieurs, entre 70 et 150 U pour Botox® et 250 et 750 U pour
Dysport®. Pour le muscle sterno-cléido-mastoïdien, elles sont
comprises entre 25 et 50 U pour Botox® et 100 à 200 U pour
Dysport®. Le choix des muscles injectés est fonction des données de la clinique (type de dystonie) et de l’existence d’une
hypertrophie musculaire. Parfois, on peut s’aider de l’électromyographie en utilisant des aiguilles creuses à usage unique
permettant l’injection du produit. Le délai d’apparition de l’efficacité est, en général, d’une semaine et se prolonge pendant 2
à 3 mois. L’efficacité est souvent spectaculaire sur les douleurs
cervicales accompagnant la dystonie. Les complications liées à
l’effet de la toxine botulique sont rares dans les dystonies cervi134
2. Dystonies du pied (6) : Elles sont principalement observées
dans les dystonies généralisées idiopathiques et dans la maladie
de Parkinson. Lors d’attitude en varus prédominante, le muscle
injecté est principalement le jambier postérieur à une dose
moyenne de 100 U de Botox® ou de 500 U de Dysport®. Lors
d’une flexion plantaire forcée des orteils, le muscle fléchisseur
commun des orteils peut être injecté ainsi que les muscles
intrinsèques du pied. L’hyperextension du gros orteil nécessite
une injection dans l’extenseur propre du gros orteil (50 U de
Botox®). La durée d’efficacité est variable, peut-être davantage
prolongée que dans les dystonies cranio-faciales, supérieure à
trois mois. Même à des doses relativement fortes, les complications paraissent exceptionnelles.
3. Dysphonie spasmodique (7) : L’utilisation de la toxine botulique dans le traitement des dysphonies spasmodiques nécessite
une équipe multidisciplinaire associant un neurologue, un otorhino-laryngologiste et un orthophoniste. La toxine botulique
donne des résultats spectaculaires dans le traitement des dysphonies spasmodiques en adduction. L’injection se fait dans le
muscle thyro-aryténoïde, le plus souvent sous repérage électromyographique. Une amélioration significative de la voix est
observée chez 75 à 95 % des patients. La toxine peut également
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Applications en neurologie de la toxine botulique
• Dystonies focales
• Blépharospasme
• Dystonie cervicale
• Dystonie oromandibulaire
• Dysphonie spasmodique
• Dystonies de fonction
(crampe de l’écrivain, du musicien, etc.)
• Dystonies focales secondaires (L-dopa, neuroleptiques)
• Autres mouvements anormaux
• Tremblements de la voix, tête, membres
• Myoclonies du voile du palais
• Spasme hémifacial
• Tics
• Autres applications
• Spasticité
• Nystagmus
• Myokimies
• Bruxisme
• Hypertrophie massétérine
• Vessie neurogène
être utilisée dans les dysphonies spasmodiques en abduction
avec injection dans le muscle crico-aryténoïde postérieur. Les
résultats obtenus sont habituellement d’une qualité moindre.
Les effets secondaires le plus souvent observés sont une hypophonie transitoire et parfois une dysphagie.
4. Dystonies oro-mandibulaires (8) : Les dystonies en fermeture responsables d’une occlusion plus ou moins complète de la
cavité buccale répondent bien à une injection de toxine dans les
muscles masséters à une dose comprise entre 25 et 75 U de
Botox® par muscle. Les dystonies en ouverture sont d’un traitement plus difficile à cause du risque de troubles de la déglutition provoqués par les injections de toxine dans les muscles sushyoïdiens. Certains proposent l’injection des muscles ptérigoïdiens internes.
5. Autres dystonies : En fonction des caractéristiques d’une dystonie focale, ou bien du fait d’une gêne spécifique observée
dans le cadre d’une dystonie généralisée, il est possible d’effectuer des injections de toxine botulique dans d’autres muscles,
par exemple dans le muscle de l’épaule en cas de dystonie prédominant sur la racine d’un membre ou dans le muscle grand
pectoral lors de mouvements dystoniques provoquant une
adduction-rotation interne du bras, etc.
• Autres mouvements anormaux : La toxine botulique a été
essayée dans le traitement de nombreux mouvements anormaux
avec une efficacité variable. Seules certaines équipes spécialisées et très habituées au maniement de la toxine l’utilisent dans
ces indications. La toxine a également été utilisée pour traiter
les tremblements de la voix, de la tête et des membres supérieurs (essentiel, cérébelleux). Des résultats intéressants ont été
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obtenus pour traiter certains tics moteurs. Les dyskinésies
bucco-faciales post-neuroleptiques peuvent être améliorées par
la toxine.
• Spasticité : Depuis le début des années 90, de nombreux travaux ont montré tout l’intérêt que pouvait apporter la toxine
botulique de type A dans le traitement des spasticités de l’adulte et de l’enfant.
Chez l’adulte (9), l’efficacité de la toxine botulique A a été
démontrée dans la sclérose en plaques, les accidents vasculaires
cérébraux et les traumatismes crâniens. La plupart des travaux
ont été effectués en cas de spasticité des membres inférieurs
avec injection de toxine dans les muscles adducteurs des
cuisses. Les résultats montrent une diminution de la spasticité
facilitant le nursing. En revanche, l’amélioration des scores
fonctionnels et de la qualité de vie est encore discutée. La toxine donne des résultats remarquables dans le traitement des spasticités distales, par exemple lors d’un équinisme gênant la
marche. Les résultats sont d’autant meilleurs qu’il n’y a pas de
rétraction tendineuse. L’intérêt de la toxine botulique dans le
traitement de la spasticité du membre supérieur est plus discuté,
car si la toxine peut entraîner une diminution de la spasticité,
elle n’améliore que très partiellement la fonction motrice. La
toxine peut, néanmoins, être utilisée en cas de spasticité digitale importante responsable d’une attitude vicieuse à l’origine de
blessures (hyperflexion des doigts et du pouce blessant la face
palmaire de la main, etc.). Les résultats sont d’autant meilleurs
que la toxine est injectée tôt, c’est-à-dire dès l’installation de la
spasticité.
Actuellement, des études sont en cours afin de déterminer
exactement la place de l’utilisation de la toxine botulique
d’une part dans le traitement de la spasticité de l’adulte, et
d’autre part concernant son effet sur l’amélioration de la
qualité de vie. En effet, ces traitements sont contraignants
(injections répétées) et particulièrement onéreux du fait du
coût de la toxine, les doses injectées étant élevées dans les
muscles de gros volume (100 à 300 U de Botox®, 500 à
1500 U de Dysport®).
La toxine botulique a également montré une efficacité remarquable dans le traitement de l’infirmité motrice cérébrale
(paraplégie, hémiplégie spastique) (10). Les injections sont
surtout réalisées dans la musculature du membre inférieur,
soit dans les muscles de la jambe pour diminuer l’équinisme,
soit dans les muscles adducteurs de la cuisse. Les doses de
toxine utilisées sont souvent importantes, variables selon le
type de muscle injecté. La plupart des études montre une
amélioration de la marche, les résultats étant d’autant
meilleurs que les injections sont faites avant l’âge de six ans.
Là encore, d’autres travaux doivent être réalisés afin de déterminer la place exacte de l’utilisation de la toxine botulique
chez l’enfant. La toxine botulique devrait permettre de retarder
de plusieurs années la chirurgie et ainsi d’éviter la multiplicité
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des interventions chirurgicales rendue nécessaire de par la croissance des enfants.
Une des interrogations concernant l’utilisation de la toxine
botulique dans le traitement de la spasticité est de savoir si l’utilisation de fortes doses de toxine ne risque pas d’entraîner l’apparition d’anticorps antitoxine avec une fréquence relativement
élevée aboutissant à une perte d’efficacité de la toxine chez les
patients traités au long cours.
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CONCLUSION
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La toxine botulique a permis de révolutionner le traitement de
certains mouvements anormaux, en particulier les dystonies cervicales, le blépharospasme, le spasme hémifacial, ainsi que
d’autres dystonies plus rarement observées. Sa place dans le
traitement de la spasticité est actuellement en cours d’étude,
mais devrait faire bientôt l’objet d’une autorisation de mise sur
le marché. Il est par ailleurs probable que, du fait de son mode
d’action et de sa relative innocuité, la toxine botulique connaîtra une extension de ses indications dans les années à venir. ■
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