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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Thèse pour l’obtention du grade de
docteur de l’Université Paris 1
Présentée et soutenue publiquement par :
ERIC TREMAULT
STRUCTURE ET SENSATION DANS LA PSYCHOLOGIE DE
LA FORME, CHEZ MAURICE MERLEAU-PONTY ET
WILLIAM JAMES
Directeur de thèse :
M. Jocelyn Benoist, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Composition du jury :
Mme Christiane Chauviré, Professeure émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
M. François Clementz, Professeur à l’Université de Provence
M. Denis Fisette, Professeur à l’Université du Québec à Montréal
M. Etienne Bimbenet, Maître de Conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Date de soutenance :
le 22 mars 2013
Salle 106, Centre Michelet, 3 rue Michelet 75006 Paris
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Résumé :
Nous nous opposons dans cette thèse à la tentative de Maurice Merleau-Ponty pour réduire toute
forme de qualia à des prédicats structuraux, tentative par laquelle nous comprenons l’ontologie de
la « chair » qu’il nous semble mettre en place dès ses premiers travaux sur « l’expression ». Nous
visons cependant à travers lui plus généralement toute théorie « structurale » de la sensation,
désignant par là toute théorie qui soutient qu’on ne peut pas déterminer relationnellement un
contenu de sensation sans le modifier intrinsèquement. La tâche est cependant rendue difficile par le
grand nombre de faits empiriques que Merleau-Ponty convoque à l’appui de sa théorie structurale.
En particulier, il s’appuie sur l’interprétation structurale de ces faits qui avait déjà été réalisée avant
lui par Kurt Koffka au sein de la psychologie de la forme. Nous commençons donc par examiner
cette interprétation et les faits sur lesquels elle repose, en montrant qu’ils ne peuvent paraître
corroborer une théorie structurale que si l’on confond « abstraire » et « séparer réellement » une
qualité de son contexte. Nous convoquons alors William James à l’appui de ces conclusions, en
rappelant qu’il avait déjà montré contre les théories néo-hégéliennes de son époque l’illégitimité de
leur prétention à se clamer de faits psychologiques similaires, et qu’il avait soutenu contre eux
une théorie de la connaissance par accointance que nous cherchons à reprendre à notre compte, pour
esquisser une défense de l’introspection pure et simple.
Summary :
We are trying here to object to Maurice Merleau-Ponty’s attempt to reduce qualia to structural
predicates, which is the way we understand his ontology of the “flesh”, as he seems to us to develop
it already in his first works on “expression”. We are more generally objecting through him to any
kind of “structural” theory concerning sensation, meaning by this any theory which claims that one
cannot attribute a relation to a sensorial content without intrinsically altering it. Our task is
complicated by the great number of empirical facts that Merleau-Ponty calls for to prove his
structural theory. He notably finds great help in the structural interpretation Kurt Koffka had already
laid down for these facts as a Gestalt psychologist. Consequently, we begin with the examination of
this theory and of the facts that support it, showing that they cannot seem to corroborate a structural
theory unless one confuses “abstraction” and “real separation” of a quale from its context. We then
call for William James to support these conclusions, reminding that he had already showed the
illegitimacy of the claim by the neo-Hegelian writers of his time to find empirical proof for their
own structural theories in similar psychological data. He had also suggested a “knowledge by
acquaintance” theory against those writers that we are trying to use in defense for introspection pure
and simple.
Mots-clés : Discipline :
Maurice Merleau-Ponty
Philosophie
William James
Psychologie de la forme
UFR 10 (philosophie)
Structures
17, rue de la Sorbonne, 75005 Paris
Perception
Sensations
Ecole Doctorale 280
Relations internes
1, rue d’Ulm, 75005 Paris
Introspection
Expression
EA 3562 (PhiCo)
Emotions
Equipe ExeCo
Prégnance
3
Remerciements :
Au premier chef évidemment à Jocelyn Benoist, pour le soutien permanent (et toujours
étonnant pour moi) qu’il m’a témoigné dès le début de mes travaux de doctorat, et pour l’aide
décisive qu’il m’a toujours apportée.
Je dois beaucoup également à la clar des travaux de François Clementz sur la question
complexe des relations internes, et je lui suis redevable de la gentillesse qu’il m’a témoignée lors
des échanges que nous avons pu avoir, ainsi que des réticences qu’il a alors manifestées à l’encontre
de mes tendances initialement « structurales ».
Je remercie également très chaleureusement Charles-Edouard Niveleau pour son amitié, pour
sa générosité à partager son savoir, ainsi que pour le séminaire très riche qu’il a mis en place à l’Ens
lors de ces deux dernières années.
De même, l’amitié, le soutien et l’aide que Mathias Girel m’a très généreusement offerts au
cours de ces dernières années m’ont été extrêmement précieux.
Les résistances opposées par Jean-François Lavigne et Ronan de Calan à ma compréhension
initialement structurale des sensations, lors des conférences qu’ils ont pu donner à l’Ens, ont
également joué le rôle d’un aiguillon important dans la mise en place du point de vue que je défends
ici.
Enfin, c’est avec Raphaël Kunstler que j’aurai eu le plus d’échanges philosophiques, souvent à
bâtons rompus, et sur les sujets les plus divers, au cours de ces années de doctorat. Sa ténacité et sa
franchise dans la discussion, nourries d’une amitié indéfectible, auront été les meilleures alliées du
développement et de l’articulation de ma pensée.
Je remercie également tous les doctorants avec qui j’ai pu échanger et nouer des amitiés au
cours de ces années passées dans l’atmosphère réellement vivifiante (en fin de compte) de
l’Université Paris 1 : Romain Mollard, Federico Boccaccini, Pierre Fasula, Pauline Nadrigny,
Raphaël Ehrsam, Roberta Locatelli, Thibaut Trochu, notamment.
Laurent, Julien, Caroline, Vincent, Grégory, Benjamin, Nordine, Sidoine, que serais-je sans
vous ? Je vous aime, les amis.
Arnaud, Isabelle, Nicolas, Valérie (Valoche), je suis fier d’être de votre confrérie. Merci pour
votre enthousiasme moteur.
Maman, Papa, je mesure la chance que j’ai de vous avoir comme parents. Merci pour votre
soutien moral et... « logistique ». Pareil pour toi, frangin.
Enfin, Laure... sans toi je n’y serais pas arrivé.
4
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 10
1
ERE
PARTIE : LA SENSATION DES STRUCTURES DANS LA PSYCHOLOGIE DE LA
FORME 20
Chapitre 1 : La psychologie de l’interprétation et la distinction sensation/perception 20
I. L’hypothèse de constance 20
II. La distinction de la sensation et de la perception dans la psychologie de
l’interprétation 24
III. Objections de la psychologie de la forme 33
Chapitre 2 : Vers une conception structurale de la sensation 47
I. Le fondement empiriste de l’unité sensible : l’association par contiguïté 47
1. L’association par contiguïté et ses problèmes 47
a. Insuffisance de la contiguïté pour l’association 54
b. Irréductibilité des totalités associées à des unités collectives : les arguments
d’Ehrenfels 56
c. Irréductibilité de l’association par similarité 60
2. Problème de l’évocation : elle suppose des structures et non des sensations 62
II. Le fondement intellectualiste de l’unité sensible : l’aperception des formes 65
1. Les « qualités de forme » et « l’intellectualisme des psychologues » 65
2. Objections de la psychologie de la forme 71
a. Une appréhension formelle ne suffit pas à expliquer les unités sensorielles 71
Attraction réelle des stimuli unifiés 80
Modification existentielle des parties par le tout 88
Modification existentielle (qualitative et dynamique) des stimuli unifiés 88
Modification existentielle des stimuli séparés : l’attention analytique 96
5
b. Antériorité phénoménale du tout sur les parties dans les unités sensorielles 102
Les structures mentales 110
Le développement mental 125
Chapitre 3 : L’isomorphisme gestaltiste 140
I. L’idée d’isomorphisme structural 140
1. Structures physiologiques et structures psychologiques 140
2. Fondements physiologiques de la perception des différences 144
3. Les structures psychophysiques comme ensembles de « relations internes » ? 148
a. Les « structures » du point de vue physique 152
b. Les structures du point de vue phénoménal 162
II. La résistance phénoménologique de la catégorie de substance à la réduction
structurale 169
1. La résistance des figures à la réduction structurale 169
2. Conception atomiste de la sensation chez Köhler 172
3. La ségrégation des figures comme organisation silencieuse 175
4. Les qualités de forme comme organisation silencieuse 181
III. L’organisation manifeste 190
1. Sans elle, l’unité du champ phénoménal ne pourrait être que formelle 190
2. Les phénomènes d’organisation manifeste 193
3. Caractères expressifs et émotions 197
4. Caractères de demande et besoins 208
5. La causalité manifeste et ses effets 215
IV. Conclusion 224
1. Résumé et perspectives 224
2. Les phénomènes de constance 232
3. Qu’est-ce qu’une structure ? 234
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