LM 201 2010/2011 M. NGUYEN PHU QUI Correction du partiel du 28/10/10 Exercice 1 Soit K un corps commutatif et n un entier naturel. Soient x0 , ..., xn n + 1 éléments de K. On pose, pour tout 0 ≤ j ≤ n, Y X − xi lj (X) = . xj − xi 0≤i≤n, i6=j 1. Montrer que la famille (lj )0≤j≤n est une base de Kn [X]. Quel est le degré de lj ? Pour un polynôme P ∈ Kn [X], écrire la décomposition de P dans la base (lj )0≤j≤n . 2. En utilisant la question précédente, montrer que si un polynôme P ∈ C[X] vérifie P (n) ∈ Z pour tout entier positif n, alors P est à coefficients rationnels. Montrer que si d = deg P , alors d!P est à coefficients entiers. 3. Soit d un entier ≥ 1. Montrer que le polynôme P (X) = X(X − 1)...(X − d + 1)/d! est de degré d et vérifie P (n) ∈ Z pour tout entier positif n. 4. Quels sont les polynômes à coefficients entiers P tels que P (n) soit premier pour presque tout entier n ? Correction : 1. On commence par remarquer que pour tout 0 ≤ i ≤ n, on a lj (xi ) = δi,j où δi,j est le symbole de Kronecker (δi,j = 0 si i 6= j, δi,i = 1). On va montrer que la famille (lj )0≤j≤n est libre ; comme elle est de cardinal n + 1 = dimK Kn [X], cela prouvera que c’est une base de Kn [X]. Soient donc c0 , ..., cn des éléments de K tels que c0 l0 (X) + ... + cn ln (X) = 0. Evaluons l’égalité précédente en xi pour tout 0 ≤ i ≤ n ; comme lj (xi ) = δi,j , l’évaluation en xi donne que ci = 0. Ceci étant valable pour tout 0 ≤ i ≤ n, les coefficients ci sont tous nuls et la famille (lj )0≤j≤n est libre. Pour les raisons expliquées précédemment, c’est une base de Kn [X]. Comme chacun des polynômes lj est le produit de n polynômes de degré 1, ces polynômes sont tous de degré n. Enfin, comme la famille (lj )0≤j≤n forme une base de Kn [X], tout polynôme P ∈ Kn [X] peut s’écrire de façon unique sous la forme P (X) = p0 l0 (X) + ... + pn ln (X) où p0 , ..., pn sont des éléments de K. En évaluant l’égalité précédente en xi pour tout 0 ≤ i ≤ n, on trouve pi = P (xi ) pour tout 0 ≤ i ≤ n. Ainsi n X P = P (xk )lk k=0 est la décomposition de P dans la base (lj )0≤j≤n . 2. Soit P ∈ C[X] tel que P (n) ∈ Z pour tout entier positif n. Soit d le degré de P , notons x0 = 0, ..., xd = d. On considère les polynômes lj associés aux éléments x0 , ..., xd , et on décompose P dans la base (lj )0≤j≤d comme dans la question 1 : d X P (X) = P (k)lk (X). k=0 Par définition des lj , ces polynômes sont à coefficients rationnels ; comme P (0), ..., P (d) sont tous entiers par hypothèse, P (X) est donc à coefficients rationnels comme combinaison linéaire (à coefficients entiers) de polynômes à coefficients rationnels. Montrons maintenant que d!P est à coefficients entiers ; pour ce faire, il suffit de montrer que d!lj ∈ Z[X] pour tout 0 ≤ j ≤ d, et pour ce faire il suffit de voir que d! (j − 0)(j − 1)...1.(−1)...(j − d) est entier. Or, à un signe près, cet élément est exactement Cdj , qui est un entier. Ainsi d!P est à coefficients entiers. 3. P est de degré d en tant que produit de d polynômes de degré 1. Si 0 ≤ n ≤ d − 1, alors P (n) = 0 ∈ Z ; si n est plus grand que d, alors on peut écrire n = d + j avec j un entier ≥ 0, et P (n) = P (d + j) = ainsi P (n) ∈ Z pour tout entier positif n. (d + j)(d + j − 1)...(j + 1) (d + j)! j = = Cd+j ∈ Z, d! j!d! 4. Il est clair que les polynômes constants égaux à un nombre premier conviennent. Montrons, par l’absurde, que ce sont les seuls. Soit P un polynôme non constant à coefficients entiers vérifiant la propriété de l’énoncé ; par hypothèse, il existe un entier N tel que pour tout n ≥ N , P (N ) soit premier. Notons p le nombre premier P (N ). Alors on peut écrire deg P X P (N + dp) = a0 + a1 (N + dp) + ... + adeg P (N + dp)deg P k=0 pour tout entier d ≥ 0, avec a0 , ..., adeg P les coefficients (entiers) de P . Sur cette égalité, on voit que P (N + dp) est congru à P (N ) = p modulo p, c’est-à-dire que P (N + dp) est divisible par p. Or P (N + dp) est premier car N + dp > N ; ceci impose P (N + dp) = p pour tout d ≥ 0. Le polynôme P (N + dp) − p aurait alors une infinité de racines, donc P serait constant égal à p, ce qui est exclu. Le résultat est prouvé. Exercice 2 On dit qu’un corps K est algébriquement clos si tout polynôme de K[X] de degré d admet d racines (comptées avec multiplicité) dans K. 1. Montrer que K est algébriquement clos si et seulement si tout polynôme de K[X] de degré ≥ 1 admet une racine dans K. 2. On admet que C est algébriquement clos. Quels sont les polynômes irréductibles de R[X] ? R est-il algébriquement clos ? Le corps des fractions rationnelles à coefficients complexes C(X) est-il algébriquement clos ? 3. Soit K un corps fini. Montrer que K n’est pas algébriquement clos. Correction : 1. On va démontrer le résultat par double implication. Supposons que K soit algébriquement clos ; alors, par définition, tout polynôme de K[X] de degré d ≥ 1 admet d racines dans K, or d ≥ 1 donc P admet au moins une racine dans K. Supposons, réciproquement, que tout polynôme de K[X] de degré ≥ 1 admette une racine dans K. Soit P un polynôme de K[X]. Montrons par récurrence la propriété suivante : tout polynôme P ∈ K[X] de degré d ≥ 1 admet d racines dans K. Pour d = 1, la propriété résulte immédiatement de l’hypothèse. Supposons maintenant la propriété prouvée pour un entier d. Soit P ∈ K[X] un polynôme de degré d + 1. Par hypothèse, P admet une racine α dans K, et on peut écrire P (X) = (X − α)Q(X) avec Q de degré d. Par hypothèse de récurrence, Q admet d racines dans K ; ainsi P admet d + 1 racines dans K, et le résultat est prouvé par récurrence. Ainsi K est algébriquement clos si et seulement si tout polynôme de K[X] de degré ≥ 1 admet une racine dans K. 2. Montrons que les polynômes irréductibles de R[X] sont les polynômes de degré 1 et les polynômes de degré 2 de discriminant strictement négatif. Il est clair que de tels polynômes sont irréductibles, car un polynôme de degré 2 est irréductible si et seulement s’il n’admet pas de racines. Réciproquement, un polynôme de degré 2 de discriminant positif admet au moins une racine réelle, et est donc réductible sur R, et un polynôme réel P de degré ≥ 3 est réductible, soit en effet α une racine complexe de P (on sait qu’il existe une telle racine d’après le théorème de d’Alembert-Gauss). Si α est réel, P est divisible par X − α donc est réductible sur R ; si α est complexe, en conjuguant l’égalité P (α) = 0 on voit que α est aussi racine de P , par conséquent P est divisible par le polynôme à coefficients réels de degré 2 (X − α)(X − α), et est donc réductible sur R. Le corps R n’est pas algébriquement clos ; en effet le polynôme à coefficients réels X 2 + 1 est de degré 2 et n’admet aucune racine réelle. Le corps C(X) n’est pas algébriquement clos ; montrons que le polynôme T 2 − X ∈ C(X)[T ] n’admet aucune racine dans C(X). Il est clair que 0 n’est pas une racine de ce polynôme. Soit R = P/Q ∈ C(X) − {0} une fraction rationnelle non nulle telle que R2 = X, cette égalité peut se récrire P 2 = XQ2 (avec P, Q deux polynômes non nuls). Prenons alors le degré dans l’égalité précédente, on trouve 2 deg P = 1 + 2 deg Q, ce qui est impossible (on a à gauche un entier pair, à droite un entier impair). Ainsi le polynôme T 2 − X, de degré 2, n’admet aucune racine dans C(X), et C(X) n’est pas algébriquement clos. 3. Soit K un corps fini de cardinal n ≥ 2 (un corps contient au moins deux éléments, le neutre de l’addition et le neutre de la multiplication). Notons x1 , ..., xn ses éléments. On considère le polynôme Y P (X) = 1 + (X − xi ). 1≤i≤n Le polynôme P est de degré n ≥ 2 mais n’a aucune racine dans K puisque P (xj ) = 1 pour tout 1 ≤ j ≤ n. Ainsi un corps fini n’est jamais algébriquement clos. Exercice 3 √ Soit (un )n∈N la suite réelle définie par u0 > 0, u1 > 0, et la relation de récurrence un+2 = 2 un+1 un . 1. Montrer que la suite (vn ) de terme général vn := log un est bien définie. Donner une relation de récurrence d’ordre 2 2 satisfaite par (vn ). 2. Soit λ un réel. A quelle condition sur le réel α la suite (wn ) de terme général wn = αn vérifie t-elle wn+2 = (wn+1 + wn )/2 + λ ? 3. Déduire de ce qui précède une expression du terme général de la suite (un ) en fonction de n pour tout n ≥ 0. Correction : 1. On a un > 0 pour tout entier n ≥ 0 par une récurrence immédiate. Ainsi, la suite (vn )n∈N est bien définie, et on a √ vn + vn+1 vn+2 = ln(un+2 ) = ln(2 un+1 un ) = ln 2 + 2 en utilisant les propriétés usuelles du logarithme (ln(ab) = ln a + ln b). 2. On remplace wn par αn dans l’égalité wn+2 = (wn+1 + wn )/2 + λ ce qui donne immédiatement 3α =λ 2 soit α = 2λ/3. Ainsi la suite (wn ) vérifie la relation de récurrence de l’énoncé si et seulement si α = 2λ/3. 3. Soit α = 2 ln 2/3, de sorte que la suite (wn ) de terme général αn vérifie wn+2 = (wn+1 + wn ) + ln 2. 2 Alors, la suite (zn ) de terme général zn := vn − wn vérifie zn+2 = (zn+1 + zn ) . 2 Ainsi, cette suite vérifie une relation de récurrence d’ordre 2 à coefficients constants. Soit P (X) = X 2 − X +1 2 le polynôme caractéristique de la récurrence. Ce polynôme P admet deux racines distinctes, 1 et −1/2. Par théorème, on peut donc trouver des réels a et b tels que n 1 zn = a + b − . 2 Pour trouver a et b, on utilise les conditions initiales z0 = ln u0 et z1 = ln u1 − 2 ln 2/3. Après calculs, on trouve a= 3 ln u0 + 6 ln u1 − 4 ln 2 6 ln u0 − 6 ln u1 + 4 ln 2 ,b= . 9 9 Avec ces valeurs de a et b, on obtient ln un = zn + wn soit n 1 2n ln 2 ln un = a + b − + 2 3 ce qui donne immédiatement un en appliquant la fonction exponentielle dans l’égalité précédente. Exercice 4 1000 1. Quel est le reste de la division euclidienne de 12485 par 7 ? 2. Montrer que tout entier naturel N est congru à la somme de ses chiffres (en base 10) modulo 9. 3. Soit A la somme des chiffres de 44444444 et B la somme des chiffres de A. Montrer que la somme des chiffres de B vaut 7. 1. On commence par remarquer que 1248 = 7.178 + 2 est congru à 2 modulo 7. Comme 7 est premier et que 2 ∧ 7 = 1, on a 26 ≡ 1[7], d’après le petit théorème de Fermat. Ceci incite à chercher le reste dans la division euclidienne de 51000 par 6 ; or 5 ≡ −1[6], ainsi 51000 = 6k + 1 avec k ∈ N. On peut donc écrire 12485 ainsi le reste de la division euclidienne de 12485 1000 1000 ≡ 26k+1 ≡ 2[7], par 7 est 2. 2. Soit N un entier naturel, qu’on écrit en base 10 sous la forme N = a0 + 10a1 + ... + 10k ak . 3 Comme 10 ≡ 1[9], pour tout entier k ≥ 0 on a 10k ≡ 1[9], ainsi N ≡ a0 + a1 + ... + ak [9] donc N ≡ δ(N )[9], en notant δ(N ) la somme des chiffres en base 10 de N . 3. Par définition, B = δ(A) = δ(δ(44444444 )). D’après la question précédente, B ≡ A ≡ 44444444 [9]. Montrons que 44444444 ≡ 7[9]. On a 4444 ≡ 4 + 4 + 4 + 4 ≡ 7[9], et on calcule aisément que 73k ≡ 1[9], 73k+1 ≡ 7[9], 73k+2 ≡ 4[9] pour tout k ∈ N. On cherche donc la congruence de 4444 modulo 3 ; on trouve que 4444 = 3.1481 + 1, ce qui implique que 44444444 ≡ 7[9] donc que B est congru à 7 modulo 9. Ainsi δ(B) est aussi congru à 7 modulo 9 d’après la question 2. Pour voir que δ(B) = 7, nous allons majorer δ(B) (qui est évidemment un entier strictement positif). On commence par observer que comme 4444 < 10000, 44444444 possède moins de 4.4444 < 20000 chiffres. Ainsi, A vaut au plus 9.20000 = 180000. Mais alors B vaut au plus 6.9 = 54, et on vérifie facilement que δ(B) vaut alors au plus 4 + 9 = 13. Or le seul entier strictement positif inférieur ou égal à 13 qui est congru à 7 modulo 9 est 7 lui-même. Ceci prouve que δ(B) = 7. 4