Angiogenèse tumorale dans un modèle de mélanome Pauline Hämmerli, Lycée Denis-de-Rougemont, Neuchâtel Marie-Michelle Manga, Gymnase français, Bienne Supervision : Olivier Dubey, EPFL Introduction Le mélanome est un cancer de la peau très agressif qui apparaît lorsque les mélanocytes, cellules localisées dans l’épiderme, contractent trop de mutations génétiques. L’importance des mélanocytes réside dans le fait qu’elles sont les cellules qui nous protègent contre les rayons UV du soleil grâce à la mélanine qu’elles contiennent et produisent au sein de petites vésicules appelées mélanosomes. La mélanine est une molécule capable d’absorber le surplus de rayons UV lorsque nous sommes exposés trop longtemps au soleil. L’angiogenèse, est un processus à la fois physiologique et pathologique, à travers lequel la formation de nouveaux vaisseaux sanguins est rendue possible, à partir de vaisseaux sanguins préexistants. Comme toutes les cellules saines de notre corps, les cellules cancéreuses ont besoin d’un apport de nutriments et d’oxygène afin de produire l’énergie dont elles ont besoin pour survivre et continuer à se développer. Le transport de ces éléments étant assuré par les vaisseaux sanguins, les cellules tumorales doivent donc être capables de procéder à l’angiogenèse. L’activin-A est une protéine de la famille des facteurs de croissance transformant (TGF-ß transforming growth factor en anglais). Les TGF-ß ont énormément de rôles physiologiques dont un étant d’inhiber la croissance cellulaire lorsque cela est nécessaire ; et théoriquement, si la croissance cellulaire n’a pas lieu, les cellules cancéreuses ne peuvent pas se diviser. Ces TGF-ß sont donc des voies de signalisation suppresseur de tumeur mais seulement au début de la progression cancéreuse. Après un certain nombre d’études les chercheurs ont découvert qu’INHBA, le gène codant de la protéine activin-A était surexprimé dans certains mélanomes. Le rôle de l’activin-A en tant que suppresseur de tumeur devient paradoxal. Pour essayer de déterminer le rôle exact de l’activin-A, d’autres expériences ont été menées à bien ; Dans la première, une lignée cellulaire de mélanome humain a été injecté dans une souris dépourvue de son système immunitaire afin d’éviter le rejet des cellules cancéreuses. En réalité deux types cellulaires ont été injectés, le premier ; sans surexpression d’act-A, aussi appelée tumeur GFP et le deuxième avec surexpression d’actA. A la surprise générale, aucune différence dans le développement n’a été observée entre les deux types cellulaires (les deux tumeurs ont grandi à la même vitesse et aucune des deux n’a métastasé). Ces résultats ont mené les chercheurs à se demander s’il n’y avait pas un problème au sein de la voie de signalisation ; ils ont alors procédé à une autre expérience qui a confirmé que la signalisation fonctionnait tout à fait et que le problème ne venait pas de là. Pour finir, les chercheurs ont pu en déduire que le rôle de l’act-A n’était pas de nature autocrine (elle ne réactive pas ces propres récepteurs). Ils en sont venus à se demander si le système immunitaire n’était pas en cause car l’un des rôles de TGF-ß est de réguler le système immunitaire. Pour le vérifier, ils ont procédé à la deuxième expérience, sur les mêmes bases que la première mais à la seule différence que la souris avait pu conserver son système immunitaire (ce qui les a aussi contraints à utiliser des tumeurs de souris et non des tumeurs humaines). Les observations ont montré que la tumeur sans act-A s’est développée normalement et n’a pas formé de métastases. Par contre, la tumeur avec act-A a été beaucoup plus agressive. Elle s’est développée beaucoup plus vite (tumeur plus grosse) et a en plus formé des métastases. Les chercheurs en ont donc conclut que le système immunitaire était en cause et que l’act-A, en interagissant avec celui-ci, contribuait indirectement à la croissance tumorale. Elle a donc une fonction exocrine. Aujourd’hui on sait que c’est par le recrutement de certaines cellules du système immunitaire, qui elles vont faire grandir la tumeur plus rapidement que l’act-A exerce son rôle de signalisation exocrine. Le but de l’expérience à laquelle nous avons participé, était de déterminer si la présence de la protéine Activin-A a une influence sur le développement des vaisseaux sanguins d’un mélanome. Méthodes Le western blot est une technique utilisée pour détecter la présence de protéines spécifiques dans un échantillon de tissu. Nous avons personnellement utilisé cette méthode afin de vérifier la présence d’activin-A dans les échantillons de tumeur que nous voulions étudier. La première étape pour un Western Blot, est la préparation des échantillons de tumeur avec activin-A et sans activin-A (GFP) afin de procéder à l’électrophorèse. Pour ce faire, nous avons d’abord procédé à leur dilution afin d’assurer la même concentration de protéines dans chaque échantillon. Et pour finir nous avons attribué une charge électronique négative aux protéines en ajoutant une solution de SDS dans chaque échantillon (tampon Laemmli). Gel en cours de polymérisation (avec moule à puits au-dessus Echantillons des protéines disposés dans les puits Nous avons commencé par mélanger un certain nombre de substances, la principale étant l’acrylamide polymérisé, afin de constituer un stacking gel et un running gel. Les deux forment ensemble le support de migration des protéines. Le running gel est coulé en premier et représente environ les 3/4 du gel. C’est lui qui permet la séparation des protéines lors de l’électrophorèse. Le stacking gel quant à lui, est coulé audessus du running gel. Il est responsable du maintien des protéines au même niveau, lors de leur disposition dans les puits, afin que l’électrophorèse commence de manière homogène. Une fois que les deux gels ont été coulés dans le gel cassette et que le moule à puits a été disposé au-dessus du système, il ne reste plus qu’à attendre que le gel polymérise. Une fois que le gel a polymérisé, on verse tout autour du gel cassette, une solution tampon. Ensuite on enlève le moule à puits et on dispose les échantillons contenants les protéines tumorales dans les puits. (un échantillon par puits). Pour démarrer l’électrophorèse, il faut simplement brancher le gel caster à un générateur de manière à ce que la charge positive se trouve à l’opposé des puits ; c’est-à-dire au pied du gel. La charge positive attirant les protéines chargées négativement, celles-ci vont migrer vers le bas. Chaque protéine a sa propre taille et son propre poids et lors d’une électrophorèse, les protéines les plus légères migrent plus rapidement. C’est de cette manière Electrophorèse sur gel en cours que leur séparation se fait. L’unité de mesure utilisée pour le poids des protéines est le kDa (kilo dalton). Après l’électrophorèse, nous avons procédé à une manipulation nous permettant de transférer les protéines sur une membrane organique. A l’aide d’un générateur, la membrane se charge positivement. La charge positive attirant les protéines chargées négativement, celles-ci vont migrer sur la Migration sur le gel terminée, (preuve : membrane. Ce transfert ligne horizontale bleue tout en bas) permet de rendre les protéines accessibles aux anticorps qui leur sont spécifiques. Sur la Transfert sur membrane en cours de membrane, les protéines se trouvent exactement au même endroit préparation qu’après leur migration sur le gel. Dans un premier temps, nous déposons des anticorps primaires sur la membrane qui vont se lier à leur protéine spécifique. Nous procédons à un lavage afin d'éliminer les anticorps primaires qui n’ont pas pu se lier à des protéines. Dans un deuxième temps, nous déposons des anticorps secondaires spécifiques aux anticorps primaires ainsi que dotés d’un fluorophore. Nous procédons de nouveau à un lavage. Et finalement nous faisons développer les résultats sur des films, dans une chambre noire pour pouvoir analyser les résultats. Avant de procéder à l’immunofluorescence, nous avons préparé des coupes de tumeurs que nous voulions observer grâce à une machine à cryosection (Des coupes de tumeur GFP et des coupes de tumeur ActivinA). L’immunofluorescence est une méthode de marquage qui permet de mettre en évidence à travers un microscope des cellules ou des tissus particuliers en les rendant fluorescents. Cette méthode tire profit de la spécificité d’un anticorps à un antigène. Notre but étant de mettre en évidence les vaisseaux sanguins tumoraux, nous avons déposé un premier anticorps spécifique à la protéine CD31 (= présente sur les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins). Ensuite nous avons déposé un second anticorps spécifique au premier et doté d’un fluorophore. La protéine GFP est fluorescente par elle-même, un marquage n’était donc pas nécessaire pour observer les cellules tumorales. La microscopie à immunofluorescence confocale consiste à stimuler les fluorphores présents dans la coupe de tumeur avec un laser de longueur d’onde définie. La longueur d’onde sera d’abord absorbée et ensuite relâchée par un fluorophore dans une longueur d’onde plus grande (énergie plus faible). Cette longueur d’onde émise peut être détectée et traduite sous forme de couleur par le microscope. Chaque couleur met en évidence la présence d’une protéine particulière, car chaque couleur correspond à un fluorophore spécifique étant lié à un anticorps spécifique à une protéine. Ainsi, on peut facilement mettre en évidence des tissus. La particularité d’un microscope confocal par rapport à un microscope à immunofluorescence ordinaire est qu’il comporte un plan focal beaucoup plus mince, permettant des observations plus précises et de meilleure qualité. Résultats Protéines des tumeurs GFP : absence de la protéine Activin-A Protéines des tumeurs Activin-A : présence de la protéine Activin-A Le Western Blot confirme que les tumeurs act-A contenaient bien de l’activin-A et que les tumeurs GFP n’en contenaient pas. On peut s’en apercevoir en observant la ligne correspondant à la protéine act-A, sa taille attendue étant 24 kDa. On remarque alors que du côté des tumeurs GFP aucune ligne noire n’est visible. Il n’y avait donc pas d’act-A dans ces tumeurs. Par contre, du côté des tumeurs act-A, on peut clairement observer trois lignes noires qui nous indiquent que ces tumeurs contenaient effectivement de l’act-A. Ces colorations noires sont dues au fait que les récepteurs de l’act-A se sont agglutinés à ces endroits à cause de sa présence à. Les résultats du western blot confirment aussi les différences notables entres les images des tumeurs GFP et act-A, obtenues lors de la microscopie confocale. Les photos prises lors de l’observation des coupes de tumeurs en microscopie immunofluorescente démontrent que les tumeurs GFP (A, C) contiennent beaucoup plus de vaisseaux sanguins que les tumeurs act-A (B, D), où ceux-ci sont difficilement détectables. On peut faire la différence grâce à la protéine CD31 présente dans les cellules épithéliales des vaisseaux sanguins. Celle-ci est mise en évidence en vert et cette couleur est plus abondante sur les images A et C que B et D. Il faut noter que les vaisseaux sanguins des tumeurs avec GFP sont entremêlés de façon spéciale et ne sont pas organisées de façon hiérarchique, ce qui est typique des vaisseaux sanguins tumoraux. La couleur rouge met en évidence la présence de GFP, une protéine présente dans les cellules tumorales. Les quatre images contiennent du rouge car elles représentent toutes des coupes de tumeurs. Ceci nous permet de délimiter la tumeur et savoir si on observe quelque chose se trouvant à l’intérieur ou à l’extérieur de celle-ci. Sur les photos C et D, nous nous situons à la limite de la tumeur définie par le trait-tillé bleu. La partie noire est donc la partie à l’extérieur de la tumeur et la rouge à l’intérieur. On constate que le nombre de vaisseaux sanguins et plus important à l’extérieur de la tumeur qu’en son centre. Leur densité importante à l’extérieur de la tumeur est due au fait qu’il est plus difficile pour les vaisseaux sanguins d’atteindre le cœur de la tumeur en raison du chemin à parcourir. On observe également une différence quant à la répartition de la protéine GFP dans les cellules tumorales. Elle est répartie de façon homogène dans les tumeurs GFP (A, C) alors que dans la tumeur act-A (B, D) on observe une agglutination près de la membrane plasmique des cellules. A Tumeur GFP (sans activin-A) C Tumeur GFP (sans activin-A) B Tumeur avec activin-A D Tumeur avec activin-A Les zones rouges mettent en évidence la présence de la protéine GFP dans les cellules tumorales Les zones vertes mettent en évidence la présence de la protéine CD31 dans les cellules épithéliales des vaisseaux sanguins Le trait bleu désigne la limite entre l’intérieur et l’extérieur de la tumeur Conclusion Il semblerait donc que l’Activin-A ne permet pas un développement des vaisseaux sanguins, au contraire on dirait que celle-ci produit l’effet inverse et inhibe leur développement. Un résultat intéressant et inattendu qui ouvre de nouvelles pistes. Comment se fait-il que l’Activin-A inhibe le développement des vaisseaux sanguins alors que l’on a pu prouver qu’elle avait un rôle dans la croissance de la tumeur ? Comment explique-on ces deux rôles paradoxaux ? Quel mécanisme utilise-t-elle pour obtenir de tels résultats ? Les réponses à ces questions et à bien d’autres encore sont en cours de recherche dans les laboratoires de recherche de l’EPFL. Remerciements Nous tenons à remercier la SAJ pour nous avoir donné l'opportunité de participer à cette semaine d’étude qui a été une expérience très enrichissante. Nous remercions également l’Ecole Polytechnique de Lausanne pour son soutien et tout particulièrement Olivier Dubey qui nous a accueillies chaleureusement, fait découvert le monde du laboratoire et guidé durant cette semaine incroyable avec patience et motivation.