Pour effective que soit la propagation de la tariqa d’Ahmad al Tijani dans le Sahara
occidental et en Afrique subsaharienne à partir du XIXe siècle, elle ne s’est pas faite sans que
cette Tariqa ne prête flanc aux accusations d’hétérodoxie de toutes sortes. Ces critiques furent
le fait d’Ulemas Salafi dans le Maghreb, en Egypte, en Mauritanie, mais aussi en Afrique
subsaharienne. Sur la masse des traités écrits par les détracteurs de la Tijaniyya, le Mustaha al
harif al jani fi zadd zalaqat al Tijani al Jani – publié par Muhammad khidr Ibn Mayaba en
1925 constitue à ne pas douter, le plus long et le plus polémique. Le long pamphlet de Ibn
Mayaba à fait l’objet de nombreuses réfutations aussi bien auprès des disciples de la Tijanniya
parmi les arabes, les maures, mais aussi les subsahariens. Muhammad Niass a été l’auteur
d’un des plus brillantes de ses réfutations.
Pendant tout le temps qu’il écrivait la réfutation, il laissait l’ouvrage dans le débarras de sa
maison par mépris pour l’auteur et ne le sortait que pour le lire et formuler une critique en
règle. Tout d’abord c’est sous la forme d’un poème constitué de 449 vers dont 407 de son crû,
construit sur le mètre arabe de rajaz et 42 vers empruntés à différents auteurs qu’il conçu la
réplique. Il intitula le poème : al murfahat al-qutta ila Ibn Mayaba akhi al-tanattu (« les
sabres tranchants dirigés contre Ibn Mayaba l’arrogant »)
Différents indices nous poussent à croire qu’il a dû l’écrire en 1929. Le style elliptique de la
réfutation en rendait la compréhension difficile. Pour cette raison, l’auteur entreprit de
procéder à une glose intertextuelle du poème qu’il acheva décrire la même année et qui
présentait de manière plus détaillé, un certain nombre d’arguments d’Ibn Mayaba ainsi que sa
propre réfutation. Il ajouta au titre définitif de sa réfutation, poème et commentaire inclus,
l’expression Al-juyush at tulla. Ainsi l’ouvrage est publié d’abord, en 1930, avec le titre
définitif : Al-juyush at tulla murfahat al-qutta ila Ibn Mayaba akhi al-tanattu (« les armées
d’avant-garde aux sabres tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba l’arrogant »). L’auteur cite,
tout au long de sa démonstration 36 auteurs différents dont des Sufis mais aussi des Sunnites,
afin d’enraciner sa réplique dans la tradition la plus orthodoxe.
Le Juyush al Tulla
L’intérêt principale du juyush al tulla est qu’il permet de s’informer sur le débat doctrinale
entre les critiques dirigées contre la tijaniyya et les réfutations de ces critiques par les Tijanis
eux-mêmes, étant entendu que critiques comme réfutations s’efforcent de s’enraciner dans la
Sunna. La première édition a été postfacée par un certains nombres de poèmes que les leaders
des zawiyas de la tijaniyya marocaines ont écrits pour rendre hommage à Muhammad Niass.
Parmi ceux-ci, on peut noter le qadi Sukayridj’ iyashi dont les hommages attestent des liens
beaucoup plus étroits qu’on ne le pense. Une grande partie de la polémique, pas seulement de
Ibn mayaba, mais des détracteurs de la tijaniyya est axée autour de la critique de la Salat al
Fatihi (prière de l’ouvrante). Cette prière, qui vient du Cheikh al Bakri (1492 – 1545) est
incluse dans tout les rituels de la Tijanniya : Le lazim récité individuellement après de l’aube
(fadjr) et celle de la fin d’après midi (asr), la wazifa récitée collectivement après la prière du
Maghrib, en enfin la hadra également récitée collectivement au crépuscule tous les vendredis.