M I S E A U P O I N T Interférence de la résistance aux bêtalactamines avec la virulence expérimentale chez Streptococcus pneumoniae ! V. Rieux*, E. Azoulay-Dupuis* RÉSUMÉ. Streptococcus pneumoniae colonise le nasopharynx, induit des pathologies sévères souvent mortelles et devient de plus en plus résistant aux bêtalactamines. L’étude de 122 isolats cliniques révèle l’incompatibilité des souches à être à la fois résistantes à la pénicilline G (péni-R) et virulentes dans le modèle murin de septicémie. La transformation d’un isolat clinique virulent et sensible par des fragments d’ADN correspondant au domaine de la transpeptidase des protéines liant la pénicilline G (PLP) 2b et/ou 2x d’une souche péni-R a permis la sélection respective des transformants isogéniques 23.2b, 23.2x et 23.2b.2x. Ces transformants ont acquis un niveau de résistance restreint, mais confirmé par l’analyse des séquences des PLP 2b et 2x, et ils sont beaucoup moins virulents que la souche d’origine. La perte d'affinité des PLP 2b et 2x vis-à-vis de la pénicilline G est donc corrélée à une perte de virulence importante qui ne peut être expliquée par un changement de sérotype ou de vitesse de croissance. Toutefois, après passage in vivo, des revertants virulents de 23.2b et 23.2b.2x ont été sélectionnés. L’étude du revertant virulent 23.2b révèle la présence de nouvelles mutations au niveau du domaine de la transpeptidase de la PLP 2b et suggère, pour qu’il y ait retour à la virulence, la présence de mutations compensatoires extérieures à ce domaine. Mots-clés : Streptococcus pneumoniae - Virulence - Modèle murin de septicémie - Résistance aux bêtalactamines - PLP. S treptococcus pneumoniae est un cocci à Gram positif, présent à l’état commensal dans les voies respiratoires supérieures dès la prime enfance. Cet agent pathogène est principalement responsable d’otites, de pneumonies, de septicémies et de méningites. Il est la cause la plus fréquente de pneumonies communautaires. La prévalence des infections sévères à pneumocoques (bactériémie) est plus importante chez les enfants de moins de 2 ans (1,6 ‰), les personnes de plus de 60 ans (0,7 ‰) et les personnes immunodéficientes (10‰) que dans le reste de la population (0,05 ‰) (1). Malgré l’existence de thérapeutiques anti-infectieuses disponibles et efficaces, le taux de mortalité des pneumopathies pneumococciques admises en réanimation reste toujours supérieur à 20 % (2). LA VIRULENCE CHEZ S. PNEUMONIAE Facteurs de virulence La virulence est liée aux caractéristiques “intrinsèques” de la bactérie, et réside dans la capacité d’une souche à échapper aux systèmes de défense de l’hôte, à se multiplier et à exprimer une invasivité locale ou systémique (3). En revanche, le pouvoir pathogène d’une souche de pneumocoque, probablement sous * INSERM, EMI-U 9933, hôpital Bichat-Claude Bernard, 75018 Paris. 270 contrôle génétique partiel de l’hôte, s’exprime par la création de lésions tissulaires caractéristiques, secondaires à la réaction inflammatoire engendrée par la libération et l’activation des différents composants bactériens. Les facteurs de pathogénicité peuvent ainsi entraîner une réponse inflammatoire intense et délétère pour l’hôte. Le pneumocoque possède de nombreux facteurs de virulence qui peuvent être regroupés en fonction du type de réponse qu’ils vont induire chez l’hôte ou de leurs rôles au cours de l’infection. Dans le premier groupe, il y a d’une part les éléments de surface du pneumocoque intact (capsule, PspA [Pneumococcal surface protein A]…) qui entravent la phagocytose via l’inhibition du complément et, d’autre part, les facteurs qui s’expriment lors de la destruction ou de la lyse du pneumocoque (pneumolysine, acides téichoïques et lipotéichoïques) et qui, par le biais de l’activation du complément, concourent aux réponses inflammatoires et immunitaires de l’hôte (4). Dans le second groupe, il y a les facteurs de virulence “intrinsèques” (capsule, PspA, pneumolysine), les facteurs de pathogénicité (paroi et éléments associés : acides téichoïques et lipotéichoïques, peptidoglycane) et les facteurs contribuant à la virulence (autolysine majeure LytA, neuraminidases, adhésines, IgA protéase, etc.) (5). Afin d’étudier l’impact de ces molécules dans la virulence, des mutants déficients isogéniques dérivés d’une souche virulente ont été étudiés dans des modèles murins de bactériémie (6). Le rôle des divers facteurs de virulence est résumé dans le tableau I. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001 M I S E A U P O I N T Tableau I. Rôle des facteurs de virulence (4, 5, 7). Facteur déterminant pour la virulence et la pathogénicité Capsule polysaccharidique Échappement au système immunitaire de l’hôte : - gêne considérablement l’opsonophagocytose (± efficace suivant le sérotype) - forte diminution de l’activation de la voie alterne du complément (sans anticorps) Protéines de surface : PspA (8) Protéine liant le facteur H (9) Inhibition ou réduction de l’activité du complément (voie alterne) en agissant sur deux protéines du complément : le fragment C3b (cas de la PspA) ou le facteur H Activité antiphagocytaire Pneumolysine Effets cytotoxiques (lyse cellulaire, inhibition ou réduction de l’action du système immunitaire spécifique et non spécifique) Activation de la voie classique du complément au profit de la bactérie Amplification de la réaction inflammatoire (altération tissulaire) Paroi cellulaire : Peptidoglycane Acides téichoïques/lipotéichoïques Phosphorylcholine Activation de la voie alterne du complément Induction de réactions inflammatoires puissantes Attachement aux cellules hôtes activées (PAF récepteur) Production de cytokine IL-1 par les monocytes contribuant à la virulence et à la pathogénicité Neuraminidase Colonisation du nasopharynx Participation à la cytotoxicité cellulaire induite par l’action du complément médiée par la pneumolysine IgA protéase Colonisation et portage oropharyngé Peptide-perméases : AmiA, PlpA (10) Adhésion aux cellules épithéliales et endothéliales de l’hôte Adhésines : PsaA (11), CbpA (12) Colonisation du nasopharynx Hyaluronase Invasion systémique Sérine protéase Œdèmes et invasion systémique Radicaux libres (H2O2) Lésions pulmonaires Autolysines (LytA principalement) Libération dans le milieu extérieur de la pneumolysine, des fragments pariétaux, de la neuraminidase, de l’IgA protéase et des radicaux libres. Toutefois, la libération de pneumolysine par LytA vient d’être remise en cause par l’équipe de Briles (13), au moins pour une souche de sérotype 3. Situation du sujet Le sérotype capsulaire, reflet de la composition de la capsule, joue également un rôle très important dans la virulence : des études épidémiologiques, cliniques et fondamentales montrent que le sérotype capsulaire des souches de pneumocoque est impliqué dans trois types de relation : une relation sérotype/site d’infection chez l’homme (14), une relation sérotype/sensibilité aux antibiotiques (15, 16) et, pour finir, une relation sérotype/virulence expérimentale (15, 17). Suivant le sérotype, l’établissement de ces relations permet de définir deux groupes : les souches de sérotypes 6, 9, 14, 19 et 23, plus fréquemment retrouvés à l’état de portage oropharyngé chez l’enfant et l’adulte en présence d’un terrain immunodéprimé sévère, sont dans l’immense majorité des cas de sensibilité diminuée (péni-I, CMI : ≥ 0,12 et ≤ 1 µg/ml) ou résistantes (péni-R, CMI ≥ 2 µg/ml) à la pénicilline G et souvent avirulentes dans un modèle murin de septicémie. Toutefois, ces sérotypes sont responsables chez l’enfant de moins de 3 ans d’otites moyennes aiguës et de pathologies invasives, bactériémies et méningites. À l’inverse, les souches de sérotype 1, 3, 4, 5, 7 provoquent plutôt des pathologies systémiques et pulmonaires chez l’adulte. Elles sont majoritairement sensibles à la pénicilline G (péni-S, CMI < 0,06 µg/ml) et virulentes chez la souris. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX Cette répartition préférentielle nous a conduits à penser qu’il pouvait exister une relation directe entre la résistance à la pénicilline G et la virulence expérimentale. Cette étude met en exergue l’existence d’une relation entre la sensibilité à la pénicilline G et la virulence expérimentale, et montre l’incompatibilité des souches de pneumocoque à être à La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001 Mise en évidence, étude d’une collection d’isolats cliniques (18) Afin de mettre en évidence cette relation et d’en définir les modalités, nous avons étudié les relations existant entre le sérotype capsulaire, la sensibilité à la pénicilline G et la virulence expérimentale de 122 isolats cliniques. Les isolats provenaient d’hémoculture, de prélèvements de sinus, de gorge, d’oreille moyenne, de liquide céphalo-rachidien, de liquide bronchoalvéolaire, et de patients âgés de 15 à 90 ans. Au regard de la virulence et de la sensibilité à la pénicilline G (figure 1), il s’est avéré que les 32 souches virulentes (virulence : DL100 ≤ 105 UFC/souris) de la collection étaient péni-S, alors que parmi les 90 souches avirulentes restantes, 49 étaient péni-S et 41 péni-I ou péni-R. Le classement des souches en fonction du sérotype (figure 2) a révélé que les souches de sérotype 1, 3 et 4 étaient toutes péni-S et plus des trois quarts étaient virulentes ; les souches de sérotype 6 étaient les seules à présenter des souches virulentes/péni-S, avirulentes/péni-S, /péni-I ou /péni-R ; enfin, les souches de sérotype 9, 14, 19 et 23 étaient toutes avirulentes et, dans un peu plus de la moitié des cas, péni-I ou péni-R. 271 M I S E A U P O I N T Construction d’un mutant résistant à la pénicilline (19) Afin de valider cette nouvelle hypothèse, nous avons construit un mutant résistant à la pénicilline G, identifié les cibles des bêtalactamines qui étaient altérées [perte d’affinité d’une ou plusieurs protéines liant la pénicilline (PLP)], et évalué le niveau de virulence du mutant généré. 10 9 8 log10DL100 7 Après transformation génétique d’un isolat clinique péni-S et virulent de sérotype 6B (souche réceptrice 23477, CMI : 0,06 µg/ml et DL50 : 2,0 ± 0,6 log10 UFC/souris) par l’ADN génomique d’un isolat clinique hautement résistant de sérotype 19A (CMI : 8 µg/ml), un transformant péni-I (mutant 473A, CMI : 0,125 µg/ml) a été obtenu. Les mutations responsables de cette acquisition de résistance étaient localisés au niveau des PLP 2b et 2x, car ces PLP avaient perdu en partie leur affinité vis-à-vis des bêtalactamines chez le mutant 473A comparé à la souche sauvage 23477. 6 5 4 3 2 1 0,01 0,1 1 10 Les conséquences d’introduction des allèles péni-R dans le génome de la souche 23477 ont été examinées grâce à l’étude de la virulence dans le modèle murin de septicémie par infection intrapéritonéale. L’étude de la mortalité (figure 3) a montré qu’à chaque inoculum, hormis celui de 107 UFC/souris, les groupes de souris infectés par le mutant 473A avaient un taux de mortalité significativement plus faible que ceux infectés avec la souche sauvage 23477. Par exemple, pour un inoculum de 103 UFC/souris, il y avait respectivement 10 et 80 % de mortalité. CMI (mg/l) Sérotype 1, 3, 4 6 9, 14, 19, 23 Autres Figure 1. Relation entre la virulence expérimentale et la sensibilité à la pénicilline G de 122 isolats cliniques de S. pneumoniae dans le modèle murin de septicémie. Souche virulente : log10 DL100 ≤ 105 UFC/souris ; péni-S : CMI < 0,12 mg/l ; péni-I : CMI ≥ 0,12 et ≤ 1 mg/l ; péni-R : CMI ≥ 2 mg/l. la fois résistantes et virulentes. Cependant, cette étude ne remet pas en cause la virulence des souches liée à la nature du sérotype capsulaire et à sa capacité à échapper à l’opsonophagocytose. Ces résultats permettent de confirmer l’existence de la relation résistance/virulence. En effet, l’acquisition d’un faible niveau de résistance, due au transfert des allèles mutés pbp2b et pbpX dans le génome de la souche virulente 23477, entraîne une très forte réduction de la virulence expérimentale qui se traduit par une augmentation significative de la DL50 de 4 log10 UFC/souris. L’extrême diversité des phénotypes péni-S/Vir, péni-S/Avir et péni-I ou -R/Avir observés avec les souches de sérotype 6 suggère fortement que l’acquisition de résistance aux bêtalactamines peut entraîner une perte de virulence expérimentale. Figure 2. Relation entre la virulence expérimentale dans le modèle murin de septicémie et la sensibilité à la pénicilline G des isolats cliniques de S. pneumoniae regroupés par sérotypes. V- (S) V- (I) 3 11 12 16 22 V- (R) V+ (S) 13 Sérotypes 1, 3, 4 (n = 16) 5 4 Sérotype 6 (n = 32) 12 Sérotypes 9, 14, 19, 23 (n = 50) V- : avirulent ; V+ : virulent ; S : sensible ; I : intermédiaire ; R : résistant à la pénicilline G. 272 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001 M Inoculum (UFC/souris) Souche sauvage 23477 I S E A U P O I N T Figure 3. Virulence de la souche sauvage 23477 et de son dérivé 473A dans le modèle murin de septicémie. Dérivé 473 A Cinq souris sont infectées par voie intrapéritonéale à chaque inoculum. La mortalité est suivie durant 10 jours. Pour chaque inoculum, 100 % de mortalité correspond à un cinquième du disque. Avec ce type de présentation, plus le cercle est complet, plus la souche est virulente. Le vide correspond aux animaux survivants. 107 106 105 104 103 2,0 ± 0,6 (n = 10) DL50 (log10 UFC/souris) 6,0 ± 0,6 (n = 6) Analyse du mutant 473A (19) Pour approfondir l’étude de la relation résistance-virulence, nous avons analysé les séquences partielles des allèles péni-R, construit des mutants isogéniques dérivés de la souche 23477, évalué l’impact de l’introduction de chaque allèle sur la résistance aux bêtalactamines et la virulence dans le modèle murin de septicémie ; enfin, nous avons étudié la stabilité des mutants après passage in vivo. tion de leur CMI et de leur DL50. Pour finir, la stabilité de ces souches pour ces phénotypes a été étudiée après passage in vivo. En effet, si des bactéries virulentes apparaissent, il est possible de les sélectionner, car les souris inoculées éliminent la majorité des bactéries avirulentes sans empêcher la multiplication progressive des bactéries virulentes (20). Le passage in vivo permet dans notre cas la sélection de revertants virulents. À la mort des animaux, la CMI et la DL50 des bactéries prélevées dans le sang des animaux ont été évaluées. Pour cela, les fragments d’ADN des gènes pbp2b et pbpX provenant du mutant 473A et correspondant respectivement aux domaines de la transpeptidase des PLP 2b et 2x ont été amplifiés par PCR. Il s’agit d’allèles minimaux mutés dans la mesure où les gènes des PLP ne sont pas complets, seul le domaine cible des bêtalactamines étant présent. Ils ont ensuite été utilisés pour la détermination des séquences et comme source d’ADN lors de la transformation génétique de la souche 23477 qui a conduit à la construction des simples mutants (23.2b et 23.2x) et du double mutant (23.2b.2x) isogéniques. La pipéracilline et le céfotaxime ont été utilisés respectivement comme agent sélectif des fragments pbp2b et pbpX, car ces bêtalactamines sont plus à même de sélectionner spécifiquement les PLP 2b et 2x mutées. Puis les niveaux de résistance et de virulence des mutants isogéniques ont été étudiés grâce à la déterminaA 473A ! Étude des séquences nucléotidiques. L’analyse des séquences des PLP 2b et 2x provenant du mutant 473A montre que les allèles minimaux mutés sont très différents des allèles sauvages (figures 4A et B). En effet, l’étude de la séquence de la PLP 2b altérée montre l’existence de trois mutations faux sens incluant la mutation (Thr-445 " Ala) (21, 22) qui jouxte le motif SXN du site actif (23). Dans le fragment minimal muté de la PLP 2x, 130 substitutions sont répertoriées et révèlent une structure de gène dit mosaïque (24) se traduisant par la substitution de 18 acides aminés, dont la mutation 338 (Thr " Pro), qui est située dans le motif SerThrMetLys du site actif incluant la sérine active du site catalytique. Ces mutations majeures empêchent la liaison à la pénicilline G et, de ce fait, sont impliquées dans l’acquisition de la résistance. 44 45 54 5 6 2 AF T TL I 300 650 23477 S385VVK B 473A S442SN K614TG 33 12 80 33 34 83 3 33 3 667 8 691 4 4 0 5 4 4 6 4 9 8 5 1 4 5 3 1 555 667 576 5 9 5 6 1 2 LK PT VVT G K G V H K TNN F V IAI R Q A I N S VDS Y S 290 Figure 4. Séquences des PLP 2b (A) et 2x (B) de la souche sauvage 23477 et de son dérivé 473A. 614 IE M 23477 S337TMK S395SN La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001 K547SG Seuls les acides aminés mutés (numérotés verticalement) et les boîtes d’homologie SXXK, SXN, KT(S)G correspondant au site actif des PLP 2b et 2x sont présentés. 273 M I S E A U P O I N T L’analyse des séquences provenant des simples mutants a également été réalisée : elle a montré que les allèles minimaux mutés étaient identiques à ceux utilisés lors des transformations génétiques, ce qui validait la construction des mutants isogéniques. Étude de la sensibilité aux bêtalactamines, détermination de la CMI. Lorsqu’ils ont été introduits séparément, les allèles minimaux mutés étaient tous les deux responsables d’une acquisition restreinte de résistance à la pénicilline G (tableau II). Avec les antibiotiques spécifiques, les écarts entre le niveau de résistance de la souche sauvage et des mutants étaient beaucoup plus marqués : la présence de l’allèle pbp2b s’accompagnait d’une augmentation de la CMI à la pipéracilline d’un facteur 4 et celle de l’allèle pbpX d’une multiplication par 16 de la CMI du céfotaxime correspondant à la souche sauvage. ! Quel que soit l’antibiotique étudié, l’introduction de l’allèle pbpX dans le génome du mutant 23.2b permet de restaurer le niveau de résistance de la souche 473A. Ce résultat confirme qu’aucune autre PLP n’est altérée dans le mutant 473A. ! Étude de la virulence expérimentale, détermination de la DL50. L’introduction de chaque allèle péni-R est associée à une perte de virulence significativement importante (figure 5A). La DL50 du double mutant est identique à celle du mutant 473A. Tableau II. Sensibilité aux bêtalactamines de la souche sauvage 23477 et des mutants isogéniques. Souche CMI (mg/l) Pipéracilline Céfotaxime Pénicilline G 23477, souche sauvage réceptrice 0,03 23.2b, mutant avec allèle pbp2b muté* 0,06 23.2x, mutant avec allèle pbpX muté 0,03 0,25 0,06 23.2b.2x, double mutant 0,25 0,25 0,125 473A, souche donatrice 0,25 0,25 0,125 * La transformation a été réalisée à partir de fragments minimaux mutés amplifiés par PCR à partir du mutant 473A. La perte de virulence associée à l’acquisition de résistance reste effective avec les mutants isogéniques et confirme les résultats obtenus lors de la première construction. Cette perte de virulence n’est pas imputable à un changement de sérotype capsulaire ou à une variation de la vitesse de croissance in vitro, car ces deux paramètres sont identiques à ceux de la souche sauvage. A Simples mutants 23.2b Double mutant 23.2x 23.2b.2x Inoculum (UFC/souris) 107 DL50 = 5,7 ± 1,0 DL50 = 4,4 ± 0,2 DL50 = 6,0 ± 0,6 B Simples mutants 23.2b Double mutant 23.2x 23.2b.2x 106 105 104 103 DL50 = 1,9 ± 0,2 274 DL50 = 4,1 ± 0,6 DL50 = 1,9 ± 0,1 Figure 5. Taux de mortalité de la souche sauvage 23477 et de ses dérivés péni-R isogéniques avant (A) et après passage in vivo (B) dans le modèle murin de septicémie. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001 M ! Étude de la stabilité des mutants après passage in vivo. Le mutant 23.2x ne présente pas de changement dans son profil de virulence après passage chez la souris (figure 5B). L’acquisition de résistance reste donc liée à la perte de virulence. À l’inverse, les mutants 23.2b et 23.2b.2x retrouvent le niveau de virulence de la souche sauvage. Les mutants sont instables et, dans ce cas expérimental particulier, il y a dissociation des phénotypes résistance et avirulence. Le retour à la virulence des mutants 23.2b et 23.2b.2x ne peut s’expliquer par une perte de résistance aux bêtalactamines, car la sensibilité à la pénicilline G, à la pipéracilline et au céfotaxime de la souche sauvage et des mutants isogéniques reste inchangée après passage in vivo. De nouvelles mutations responsables de ce regain de virulence sont vraisemblablement apparues chez les mutants concernés. Recherche de mutations compensatoires responsables du regain de virulence. L’étude de la séquence de l’allèle minimal muté de la PLP 2b du revertant virulent 23.2b après passage in vivo révèle la présence d’une nouvelle mutation (Gln-449 " Leu) et la réversion des mutations (Phe-454 " Leu et Thr-562 " Ile) ; la mutation Thr-445-Ala impliquée dans l’acquisition de résistance de la PLP 2b reste présente chez le revertant. ! Toutefois, ces trois mutations compensatoires ne suffisent pas à expliquer le retour à la virulence, car le transfert de l’allèle minimal muté pbp2b amplifié à partir du revertant virulent 23.2b dans la souche sauvage ne permet pas la sélection de mutants résistants et virulents : pour les 500 mutants sélectionnés, les CMI sont plus élevées que celle observée vis à-vis de la souche d’origine (CMI : 0,06 versus 0,015 µg/ml). Parmi eux, trois mutants testés pour la virulence se révèlent avirulents (DL50 : 5,4 ± 0,1 versus 2,0 ± 0,6 log10 UFC/souris). D’autres mutations compensatoires situées à l’extérieur du domaine de la transpeptidase de la PLP 2b sont impliquées dans le retour à la virulence. CONCLUSION, PERSPECTIVES Cette étude montre l’existence d’une relation complexe entre l’acquisition de résistance aux bêtalactamines et la perte de virulence. En effet, l’introduction d’un des allèles minimals mutés (pbp2b ou pbpX) dans le génome de la souche sauvage suffit à entraîner simultanément une augmentation du seuil de résistance aux bêtalactamines et une perte de virulence considérable. Cependant, le comportement de ces allèles diverge après passage in vivo. Avec l’allèle minimal muté pbpX, le phénotype, et donc la relation acquisition de résistance/perte de virulence, reste stable et suggère que la PLP 2x dans sa forme sauvage est indispensable à l’expression de la virulence. À l’inverse, avec l’allèle minimal muté pbp2b, le phénotype “résistance/avirulence” est instable. Le regain de virulence serait associé à des mutations compensatoires intérieures et extérieures à cet allèle. Comme les phénotypes perte de virulence et acquisition de résistance ont été dissociés après passage in vivo, il semble que l’allèle pbp2b ne soit pas simultanément le support génétique de la résistance et de la virulence. Il s'agirait plutôt d'une relation de cause à effet, la PLP 2b jouant indirectement un rôle dans la virulence. Concernant l’allèle pbpX, nous ne pouvons exclure la possibilité de sélectionner des revertants La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001 I S E A U P O I N T virulents du mutant 23.2x dans d’autres conditions expérimentales, car nos conditions ne permettent pas la sélection de mutations dont la fréquence est inférieure à 10-6. Quoi qu’il en soit, le mutant 23.2x se comporte in vivo différemment des mutants 23.2b et 23.2b.2x. Cette relation paraît spécifique des bêtalactamines dans la mesure où un mutant quinolone-R (CMI de la péfloxacine : 32 versus 4 µg/ml) issu de la transformation de la souche 23477 par le QRDR (quinolone resistant determining region) du gène parC reste virulent (DL50 : 1,6 versus 2,1 log10 UFC/souris) et montre que la perte de virulence observée avec les mutants péni-R n’est pas due à un artéfact lié au processus même de la transformation. La possibilité d’obtenir des pneumocoques virulents et de sensibilité diminuée aux bêtalactamines dans notre modèle expérimental pourrait expliquer en clinique l’émergence de souches péni-I invasives (isolée du sang) (18, 25) et leur impact significatif sur la mortalité des patients immunodéficients (26). Avant d’entreprendre l’étude des mécanismes impliqués dans la perte de virulence, il est important d’identifier les facteurs de virulence affectés. Comme nous l’avons vu précédemment, nous pouvons exclure que la perte de virulence soit attribuable à un ralentissement de la vitesse de croissance ou à un changement de sérotype capsulaire. À ce jour, les seules différences observées en microscopie électronique entre la souche sauvage et les simples mutants avant et après passage in vivo portent sur les structures les plus externes des bactéries. Il pourrait s’agir de l’épaisseur de la capsule, de la paroi ou des molécules associées (acides téichoïques et lipotéichoïques, PspA, PsaA…). En effet, l’altération des PLPs 2b et 2x pourrait entraîner une réorganisation de l’ultrastructure de la paroi, modifiant ainsi le comportement des mutants in vivo, les rendant inaptes à échapper au système immunitaire de l’hôte. D’après Kim et al. (27), une altération des acides téichoïques entraîne une diminution de l’expression capsulaire. Or, une capsule amoindrie peut démasquer les antigènes de surface qui seraient de ce fait plus exposés aux anticorps et à l’opsonophagocytose que les antigènes de la souche sauvage. L’étude est en cours de réalisation. La réponse de l’hôte en termes d’afflux des cellules macrophagiques dans le sérum, de sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL-6 et IL-1) ou anti-inflammatoires (IL-10) devra également être envisagée. De même, il sera intéressant de rechercher les mutations compensatoires extérieures à # l’allèle minimal muté de la PLP 2b. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Musher DM. Infections caused by Streptococcus pneumoniae : clinical spectrum, pathogenesis, immunity, and treatment. Clin Infect Dis 1992 ; 14 : 801-9. 2. Moine P, Vercken J, Chevret S, Chastang C, Gasjos P. Severe communityacquired pneumoniae. Etiology, epidemiology, and prognosis factors. French study group for community-acquired pneumonia in the intensive care unit. 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L’autolysine majeure LytA : 276 a. diminue l’activation de la voie alterne du complément b. active la voie alterne du complément au profit de la bactérie c. joue un rôle lorsque la bactérie est lysée c. induisent des réactions inflammatoires puissantes a. joue un rôle dans l’échappement au système immunitaire de l’hôte b. permet la libération de certains facteurs de virulence c. est considérée comme un facteur de virulence“intrinsèque” Voir réponses page 299 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001