La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVI - nos 8-9 - octobre-novembre 2001
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MISE AU POINT
Situation du sujet
Le sérotype capsulaire, reflet de la composition de la capsule,
joue également un rôle très important dans la virulence : des
études épidémiologiques, cliniques et fondamentales montrent
que le sérotype capsulaire des souches de pneumocoque est
impliqué dans trois types de relation : une relation sérotype/site
d’infection chez l’homme (14), une relation sérotype/sensibi-
lité aux antibiotiques (15, 16) et, pour finir, une relation séro-
type/virulence expérimentale (15,17).Suivant le sérotype, l’éta-
blissement de ces relations permet de définir deux groupes : les
souches de sérotypes 6, 9, 14, 19 et 23, plus fréquemment
retrouvés à l’état de portage oropharyngé chez l’enfant et
l’adulte en présence d’un terrain immunodéprimé sévère,
sont dans l’immense majorité des cas de sensibilité diminuée
(péni-I, CMI : ≥0,12 et ≤1µg/ml) ou résistantes (péni-R,
CMI ≥2µg/ml) à la pénicilline G et souvent avirulentes dans
un modèle murin de septicémie. Toutefois, ces sérotypes sont
responsables chez l’enfant de moins de 3 ans d’otites moyennes
aiguës et de pathologies invasives, bactériémies et méningites.
À l’inverse, les souches de sérotype 1, 3, 4, 5, 7 provoquent
plutôt des pathologies systémiques et pulmonaires chez l’adulte.
Elles sont majoritairement sensibles à la pénicilline G (péni-S,
CMI < 0,06 µg/ml) et virulentes chez la souris.
Cette répartition préférentielle nous a conduits à penser qu’il
pouvait exister une relation directe entre la résistance à la péni-
cilline G et la virulence expérimentale.
RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
Mise en évidence, étude d’une collection d’isolats cliniques (18)
Afin de mettre en évidence cette relation et d’en définir les
modalités, nous avons étudié les relations existant entre le séro-
type capsulaire, la sensibilité à la pénicilline G et la virulence
expérimentale de 122 isolats cliniques. Les isolats provenaient
d’hémoculture, de prélèvements de sinus, de gorge, d’oreille
moyenne, de liquide céphalo-rachidien, de liquide broncho-
alvéolaire, et de patients âgés de 15 à 90 ans.
Au regard de la virulence et de la sensibilité à la pénicilline G
(figure 1), il s’est avéré que les 32 souches virulentes
(virulence : DL100 ≤105UFC/souris) de la collection étaient
péni-S, alors que parmi les 90 souches avirulentes restantes,
49 étaient péni-S et 41 péni-I ou péni-R.
Le classement des souches en fonction du sérotype (figure 2)
a révélé que les souches de sérotype 1, 3 et 4 étaient toutes
péni-S et plus des trois quarts étaient virulentes ; les souches
de sérotype 6 étaient les seules à présenter des souches viru-
lentes/péni-S, avirulentes/péni-S, /péni-I ou /péni-R ; enfin, les
souches de sérotype 9, 14, 19 et 23 étaient toutes avirulentes
et, dans un peu plus de la moitié des cas, péni-I ou péni-R.
Cette étude met en exergue l’existence d’une relation entre la
sensibilité à la pénicilline G et la virulence expérimentale, et
montre l’incompatibilité des souches de pneumocoque à être à
Facteur déterminant pour la virulence et la pathogénicité
Capsule polysaccharidique Échappement au système immunitaire de l’hôte :
- gêne considérablement l’opsonophagocytose (± efficace suivant le sérotype)
- forte diminution de l’activation de la voie alterne du complément (sans anticorps)
Protéines de surface : Inhibition ou réduction de l’activité du complément (voie alterne) en agissant sur deux protéines du complément :
PspA (8) le fragment C3b (cas de la PspA) ou le facteur H
Protéine liant le facteur H (9) Activité antiphagocytaire
Pneumolysine Effets cytotoxiques (lyse cellulaire, inhibition ou réduction de l’action du système immunitaire spécifique et non spécifique)
Activation de la voie classique du complément au profit de la bactérie
Amplification de la réaction inflammatoire (altération tissulaire)
Paroi cellulaire : Activation de la voie alterne du complément
Peptidoglycane Induction de réactions inflammatoires puissantes
Acides téichoïques/lipotéichoïques Attachement aux cellules hôtes activées (PAF récepteur)
Phosphorylcholine Production de cytokine IL-1 par les monocytes
contribuant à la virulence et à la pathogénicité
Neuraminidase Colonisation du nasopharynx
Participation à la cytotoxicité cellulaire induite par l’action du complément médiée par la pneumolysine
IgA protéase Colonisation et portage oropharyngé
Peptide-perméases : AmiA, PlpA (10) Adhésion aux cellules épithéliales et endothéliales de l’hôte
Adhésines : PsaA (11), CbpA (12) Colonisation du nasopharynx
Hyaluronase Invasion systémique
Sérine protéase Œdèmes et invasion systémique
Radicaux libres (H2O2)Lésions pulmonaires
Autolysines (LytA principalement) Libération dans le milieu extérieur de la pneumolysine, des fragments pariétaux, de la neuraminidase,
de l’IgA protéase et des radicaux libres. Toutefois, la libération de pneumolysine par LytA vient d’être
remise en cause par l’équipe de Briles (13), au moins pour une souche de sérotype 3.
Tableau I. Rôle des facteurs de virulence (4, 5, 7).