Georges GUILLEMIN Président
de « La Bourrée Bourbonnais », de Moulins
Les herbes de la Saint-Jean
En botanique, on comprend sous la dénomination de végétaux herbacés tous ceux de consistance tendre et
d'aspect verdoyant qui n'ont pas, comme les arbres, de parties ligneuses.
Ces herbes sont de toutes sortes : des vénéneuses, des mauvaises, des potagères. Beaucoup sont de
première nécessité pour le genre humain : blé, mais, pomme de terre, riz, haricot, pois, fève, lin, chanvre,
colza, garance, indigo, etc..
C'est aux graminées, en général, que le nom d'herbes est le plus souvent appliqué.
Dans les pays européens, elles sont beaucoup plus nombreuses que les arbres, et nul n'ignore qu'on ne peut
les employer toutes qu'à la Saint-Jean, époque de pleine végétation à laquelle on est sûr de ne pas en oublier,
c'est du moins ce que les anciens prétendaient.
Les campagnards ont ajouté au plus grand nombre de ces herbes un nom qualificatif rappelant certaines
superstitions, ou bien les propriétés médicales particulières à chacune.
Beaucoup de ces herbes étaient recherchées pour la guérison de certains maux dans la médecine empirique
d'autrefois.
On sait que les sorciers, en dépit des poursuites dont ils étaient l'objet, passaient (tout au moins quelques-uns)
pour d'habiles guérisseurs ; c'est dans la nuit du 24 juin, à minuit, qu'ils partaient à la récolte des plantes
guérisseuses, mais aussi de celles dont ils se servaient pour la composition de leurs filtres magiques.
Voyons ce qu'étaient ces herbes.
Le tabac, lors de son introduction en Europe, en 1518, jouit rapidement d'une vogue médicale
extraordinaire, on l'appelait "herbe de tous les maux" ; puis on s'aperçut peu à peu que l'herbe à Nicot
appelée aussi "herbe sacrée" "herbe médicée","herbe à la reine", "herbe à l'ambassadeur", "herbe au
grand prieur", avait une action narcotique puissante et produisait, introduite dans l'estomac à petites doses,
des irritations graves, des vomissements douloureux et, à fortes doses, des accidents pouvant être mortels.
Au XVIIIe siècle, le suc de tabac mélangé avec de la poudre de "dépouille de serpent" et employé en
injection, les ulcères fistuleux guérissait admirablement bien.
Les maquignons s'en servaient pour masquer momentanément les défauts des chevaux viciaux, et les
médecins n'en usent qu'avec la plus grande prudence, en lavements dans certains cas de tétanos d'apoplexie ou
d'asphyxie par submersion.
L'arnica, ou tabac des montagnes fumé par certains paysans autrefois, était "l'herbe vulnéraire" ; sa
teinture alcoolique était autrefois très réputée.
La consoude, genre de borraginacées dite "herbe à coupure" possède des propriétés astringentes dues à
l'acide gallique qu'elle contient. La grande consoude ou consoude officinale produit un sirop employé
contre les diarrhées, les hémorroïdes et certaines hémorragies ; sa racine donne une couleur rouge
carmin, et ses feuilles sont mangées en guise d'épinards.
L'achillée, mille feuilles, est "l'herbe militaire", "l'herbe aux charpentiers" qui sert à guérir les
blessures.
Le sedum acre ou orpin brûlant vermiculaire, pain d'oiseau, poivre de muraille, trique-Madame, était
aussi connu sous les noms "d'herbe aux cors", "herbe à coupure" ; il avait la réputation de cicatriser les
plaies et fut, comme purgatif, la cause de graves accidents...
Le séneçon, également "herbe aux charpentiers", servait autrefois dans l'épilepsie, le choléra morbus, la
gale et l'inflammation des mamelles.
Les différentes espèces de plantin étaient appelées "herbe aux puces "; "herbe aux cinq coutures",
"herbe aux blessures".
La sauge ou "herbe aux plaies" était l'herbe sacrée, à l'odeur aromatique agréable, à la saveur piquante ;
bien déchue aujourd'hui» elle possédait autrefois la propriété d'attirer crapauds et serpents, jointe à celle
de soulager toutes les maladies du cerveau, étant fumée, soir et matin, dans la pipe en guise de tabac.
Les graines de la renouée ou curage, genre de polygonacées, sont astringentes et vulnéraires, c'est
"l'herbe aux panaris", pouvant à la rigueur servir de poivre, et les tiges et feuilles fraîches étant
utilisées comme rubéfiant pour faire rougir la peau. On guérissait certaines hémorragies du nez,
paraît-il, "en appliquant sous les essailes de la malade de la renouée bouillie dans l'eau...", c'est du
moins ce que prétend un nommé Etmulier, dans une étude déjà ancienne.
Ces cataplasmes, appliqués sur les seins, en effaçaient les gerçures.
La joubarbe, ou barde de Jupiter, passait dans certains endroits pour prévenir les maléfices de la sorcellerie,
elle était donc particulièrement respectée, d'autant plus qu'elle était aussi "l'herbe aux cors", "l'herbe aux
hémorroïdes" noms vulgaires qui indiquent assez son emploi. Elle servait également comme rafraîchissement
dans les maladies aiguës, pilée avec du lait de femme - ou du suc d'écrevisse - et attachée à la plante des
pieds.
Certaines autres plantes possédaient des vertus aussi nombreuses qu'infaillibles ; en voici quelques unes dont les
bienfaits étaient reconnus :
La straphysaigre ou "herbe à la pituite" contre les vomissements survenant le matin chez les alcooliques, et
pour soigner des mucosités des fosses nasales.
La scolopendre ou langue de cerf, genre de fougère des régions tempérées à la feuille en fer de lance, était aussi
dénommée "l'herbe à la rate".