contemplons aujourd’hui le monde à vol d’oiseau et ne nous bornons pas à analyser à la loupe ce qui se passe sur
quelques kilomètres carrés pendant une saison.
Pour que l’Autorité repose sur quelque chose de solide, il faut qu’elle repose sur le Droit divin. Il n’y a que cela de
solide et de permanent, comme Dieu lui-même.
Le Droit divin, comme son nom l’indique, ce n’est pas le droit des rois, ce n’est pas le droit du pape. C’est le droit du
Dieu chrétien, tel qu’il a été manifesté par Sa loi. Les chefs d’États n’en sont que les vicaires, le pape n’en est que le
premier vicaire. Joseph de Maistre, contemporain du Congrès de Vienne, n’a eu, lui aussi, raison qu’à demi, lorsqu’il a
suggéré que le pape doit être le Modérateur des Rois.
Le pape et les rois ne sont que les interprètes de la loi, chacun dans son domaine et dans ce sens ils en sont
souverainement les exécuteurs ; Mais le pape n’en est pas moins le seul signe visible de ralliement, puisqu’il est celui de
l’unité dans la diversité, c’est-à-dire de ce qui est vrai et immuable dans l’espace et dans le temps.
C’est en cela que consiste l’essence du Droit divin.
On nous répliquera que les monarchies de Droit divin ont à leur origine des coups de force. Assurément, mais si ces
coups de force sont devenus des Droits divins, ou plutôt le Droit divin, c’est qu’ils se sont subordonnés à ce droit qui est
un devoir en même temps qu’un droit. Ils sont par cela rentrés dans l’ordre universel et immuable de la grande bergerie,
du même credo et du catéchisme uniforme qui est le credo en action. En faut-il davantage dans la pratique ?
A l’antipode du Droit divin se trouve la Volonté nationale, qui est précisément vérité ici, erreur là, vérité aujourd’hui,
erreur demain.
Les rois qui ont opté pour la Réforme ont voté pour ce qui devait éliminer le principe en vertu duquel ils règnent par la
grâce de Dieu. Voulant se libérer du joug de la Parole de Dieu, ils sont tombés sous le joug des paroles incohérentes des
hommes. Sans s’en apercevoir, ils ont donné leur droit d’aînesse pour un plat de lentilles en troquant leur Droit divin
contre la Volonté nationale.
L’œuvre de démolition commencée par le protestantisme sera continuée par le philosophisme, l’athéisme, le
démocratisme, le civisme, le socialisme, le nationalisme et le capitalisme.
Avec l’avènement de la Réforme le Droit divin aura vécu. Pendant quelque temps il sera encore une virtualité, pareil à
ces astres éteints ou disparus, dont la lumière nous arrive encore ; mais il ne sera plus une réalité.
La révolution était déjà contenue dans la Réforme, l’une et l’autre étant dans le rapport direct de cause à effet. Dans
les pays où la Réforme a triomphé, il n’y a même pas eu de révolution apparente, mais une évolution latente et
progressive qui a abouti au même résultat, à l’adoration des abstractions et des idées, se substituant à Dieu en une sorte
de Droit divin mythologique.
Le sommet de ce Droit nouveau n’étant pas ce qui est le plus haut, mais bien ce qui est le plus bas, c’est exactement
et textuellement le manoir à l’envers.
LA SAINTE ALLIANCE NATIONALISME ET UNIVERSALISME
Pas plus que nos arrière-grands-pères, nos contemporains et ceux même qui sont personnellement les plus menacés
par la subversion, ne comprennent encore que pour réagir efficacement contre le péril mondial, ce n’est pas à la mentalité
du XVIIIè siècle, ni à celle du XVIIè ou du XVIè qu’il faut revenir, mais à l’esprit des croisades.
Est-il nécessaire d’ajouter que ce n’est pas aux chandelles de suif, aux diligences, au servage des paysans et aux
persécutions des sorcières qu’il faut revenir, mais à cet esprit qui avait su faire pour le bien ce que la subversion sait faire
aujourd’hui pour le mal : un seul front de la chrétienté présidée par son chef, un seul bloc hérissé de lances, formé en
carré et tourné contre l’Infidèle, qui est un, bien qu’il soit partout et que, pareil à ces insectes tropicaux, il sache prendre la
couleur spécifique des feuilles qu’il ronge et des milieux où il se trouve.
La Restauration, et c’est là sa faiblesse, n’a pas été, à proprement parler, une contre-révolution qui fait table rase de
tout ce qui a été fait.
Tout au contraire, oublieuse de l’avertissement évangélique, cette pâle et prudente réaction s’est évertuée à mettre le
vieux vin de la royauté traditionnelle, qui avait sculpté le royaume de France, dans les outres neuves et ensanglantées
qu’avaient laissé les régicides.
Le résultat, comme nous le savons, a été celui que prévoit l’évangile. C’était déjà ce programme, principalement
défensif, qui n’a pas fêté de triomphes, seulement des désastres, ce programme des "modérés" qui freinent, qui se font
lourds, mais ne font jamais carrément volte face et machine arrière, de sorte que ceux qui les suivent finissent toujours
par leur marcher sur le corps.
Seule, l’Autriche, en 1815, était dans la vérité pratique et réaliste de l’histoire. Elle seule voyait, par les yeux de son
chancelier, que contre un plan de conspiration historique qui date de bien plus loin que 1789, et de conspiration totale,
puisqu’il était religieux et profane, il fallait une réaction totale et non partielle, réaction qui ne soit pas dirigée seulement
contre le symptôme immédiat.
On ne guérit pas d’un poison en administrant ce même poison délayé dans de l’eau sucrée.
La Maison qui appelle aujourd’hui à son secours les descendants spirituels des assassins de Louis XVI, pour qu’ils la
défendent contre les assassins de Nicolas II, comment peut-elle ne pas périr ? Et de même la Maison européenne de
1815, qui a appelé à son secours les descendants spirituels des meurtriers de Charles Ier, pour la défendre contre les
assassins de Louis XVI, comment aurait-elle pu, finalement, ne pas s’écrouler ?
Depuis que la robe sans couture du Christ a été déchirée par la réforme sur laquelle sont venues se greffer les
xénophobies aiguës des nationalismes modernes, avec leurs égoïsmes myopes dont ne profite que l’ennemi commun,
l’Europe chrétienne est devenue inorganisable. Elle ne peut plus devenir une unité dans la diversité, quel que soit le soin
que l’on prenne pour respecter ces diversités d’ailleurs respectables. Les imbéciles ont beau crier sur les toits que la
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