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Introduction
La crise qui actuellement affecte en profondeur l’identité de l’Argentine est
multidimensionnelle. Elle affecte à la fois la compétitivité, la solvabilité et la fiabilité au
plan économique, mais aussi la gouvernabilité du pays, la cohésion sociale, jusqu’à
l’imaginaire national conduisant à ruiner l’idée même d’identité nationale.
Comment cela s’est-il produit ? Nombres d’explications, elles aussi nécessairement
multiples, s’attachent aux erreurs persistantes et aux politiques à contre-courant en
matière économique. Celles-ci avaient notamment conduit le Prix Nobel d’Économie
Paul Samuelson à considérer qu’à côté des trois grands types de pays dans le monde
l’Argentine constituait une catégorie à elle seule : celle des pays qui avaient tout pour être
développés et qui sont aujourd’hui sous-développés.
L’accumulation des richesses n’a malheureusement bénéficié en priorité qu’à une mince
classe, à savoir l’élite marginalisée qui, en cherchant à s’enrichir toujours davantage, a
gouverné le pays en prenant des décisions concordant avec ses seuls intérêts. L’Argentine
est ainsi un pays qui a souffert de l’emprise du néolibéralisme international depuis la
chute du péronisme, mais parce qu’on a favorisé cette emprise, et qui a connu un
désastre économique du simple fait que les gouvernements successifs corrompus ont
d’abord et avant tout été soucieux de satisfaire à la fois leurs intérêts personnels et les
impératifs du FMI, sans donc se soucier ni des intérêts du capital national ni de la
condition des travailleurs argentins. La complète ruine des entreprises d’État a rendu
récemment encore plus aigus les problèmes du favoritisme et de la corruption, problèmes
fondamentalement liés en Argentine.
Deux ans donc après la crise sans précédent à la fois d’ordre économique, politique,
social et institutionnel de l’automne 2001 en Argentine, et ce, malgré l’apparente stabilité
retrouvée, près de 50% de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté (soit un peu
plus de 15 millions de personnes pour un total d’environ 37 millions d’habitants). Le taux