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Quelques pistes pour améliorer le système de santé
Marc-André RaetzoMédecin, Groupe médical d’Onex (GE).
Il anime depuis vingt ans ce groupe ainsi que le réseau Delta
Le système actuel bute sur d’importantes difficultés: les caisses ne peuvent prédire l’état de santé de leurs
assurés et les pratiques médicales sont à coût variable. Pour faire baisser les coûts d’une médecine à la docteur Knock, une médecine de réseau intégrant le patient pourrait s’avérer efficace Le système de santé est
un secteur florissant, avec 8-13% du PNB. C’est une véritable industrie, mais une industrie très particulière,
avec des règles de fonctionnement souvent libérales et un financement en grande partie public. L’efficience
et la coordination des différents acteurs sont rarement maximales. Les coûts augmentent régulièrement.
Plusieurs réactions à l’augmentation des coûts de la santé sont possibles:
– Le problème des coûts de la santé est un faux problème, il est normal que chacun dépense davantage pour
un bien très précieux (la santé), nous sommes beaucoup mieux soignés actuellement qu’il y a cent ans.
– C’est la faute des médecins, des pharmaciens, de l’industrie, des hôpitaux, des infirmières, des assurances,
etc.…
– Il faut rationner, en limitant la liste des prestations.
– Il faut introduire des mécanismes économiques de responsabilisation des individus, en exportant les principes de l’économie dans le domaine de la santé.
La recherche d’un bouc émissaire ou le rationnement devraient être le dernier recours possible dans une
société riche et raisonnable. Si on veut gérer le système de santé par des mécanismes économiques, on doit
affronter le fait qu’il existe des malentendus majeurs pour deux choses importantes: la compensation des
risques et le «produit système de santé».
Tél. : 022 879 50 55
E-mail : [email protected]
Adresse : Réseau de soins Delta 3 route de Loex - 1213 Onex
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La recherche d’un bouc émissaire ou le rationnement devraient être le dernier recours possible dans une société riche et raisonnable. Si on veut gérer le système de santé par des mécanismes économiques, on doit affronter le fait qu’il existe des malentendus majeurs pour
deux choses importantes: la compensation des risques et le «produit système de santé».
Avec une compensation des risques efficace, les caisses maladies qui prendraient en charge des patients
en mauvaise santé seraient à égalité avec les caisses maladie qui ont sélectionné des assurés en bonne
santé, ces dernières devant leur reverser de l’argent. Les mécanismes économiques habituels (concurrence, etc.) seraient donc possibles. Malheureusement, le calcul actuel de la compensation des risques basé
uniquement sur le sexe et l’âge ne prédit pas les coûts d’un collectif (il existe des personnes âgées en
très bonne santé et des jeunes très malades). Il est possible de rassembler dans une caisse maladie un
pourcentage élevé d’assurés en bonne santé, avec des primes artificiellement basses. La compensation des
risques actuelle ne garantit pas la solidarité, la concurrence se fait sur les «bons risques». Le politique
en a pris conscience avec des projets d’amélioration (prise en compte de l’état de santé dans la compensation des risques), mais ces projets restent insuffisants pour garantir une vraie concurrence entre caisses.
Une autre raison de la difficulté d’utiliser des mécanismes économiques est certainement que le «produit santé»
n’est pas facile à définir. Dans la plupart des esprits, le parcours d’un patient est simple. Il est malade, il consulte,
le soignant pose un diagnostic, un traitement est prescrit et le patient est guéri. En fait, la chose est plus complexe.
Le patient qui consulte ne vient pas avec une maladie, mais avec un symptôme. Ce symptôme peut être
associé à différentes maladies, avec pour chacune une probabilité et un risque associé. Le travail consiste
à rechercher les informations (interrogatoire, examen physique, examens complémentaires) qui permettent
d’exclure une affection grave ou d’affirmer que l’affection est bénigne. Puis le médecin prend des décisions
le plus souvent sans avoir de diagnostic précis. Il doit obligatoirement affronter et assumer un certain degré
d’incertitude et de risque, sinon il devrait envoyer, par exemple, toutes les personnes qui ont mal à la tête
à l’hôpital pour des investigations radiologiques et une ponction lombaire… C’est le monde du raisonnement clinique et de l’analyse décisionnelle, avec ses incertitudes et ses risques, impossibles à éliminer.
Certains vont demander des analyses qui débouchent sur un diagnostic qui n’a pas de traitement, d’autres
vont faire «trop souvent» des analyses à la recherche d’un diagnostic très peu probable et d’un intérêt thérapeutique discutable. On trouve donc une importante variabilité des pratiques et des coûts. Comme il est
impossible de normaliser l’acceptation d’un risque, il devient difficile d’utiliser des outils économiques.
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Une fois posé un diagnostic, le médecin prescrit un traitement. Malheureusement, tous les traitements ne
sont ni totalement efficaces ni totalement anodins. Il faut décider en pesant les probabilités d’effets secondaires, tout en tenant compte de l’utilité du traitement, ce qui nous éloigne d’une médecine mécanique,
d’un processus «protocolé», industrialisé, car chacun a une vision différente des risques et des bénéfices.
Lorsque l’on dit que le médecin prescrit un traitement, et le patient est guéri, on est ici dans l’illusion de la médecine
patriarcale, où le patient obéirait au médecin. Beaucoup de patients ne suivent pas les conseils de leur médecin.
Les théories actuelles du changement insistent sur le fait qu’on ne change pas simplement par la connaissance, mais par le fait qu’on se sent concerné. «Avant je savais, maintenant, je le sais…», disent ceux qui
s’impliquent dans leur prise en charge.
Nos systèmes de santé, hérités du passé, fragmentés, travaillant «en silo», sont organisés pour prendre en charge des maladies aiguës. Or, on est de plus en plus dans le monde de la maladie chronique. Il est de plus en plus rare de «guérir». Avec de petits entrepreneurs dispersés (les médecins),
payés à l’acte, en concurrence avec un service public hospitalier, financé par un budget public, l’organisation d’une médecine en réseau autour des maladies chroniques est très difficile à organiser.
Depuis Jules Romain et son docteur Knock, on sait qu’une personne en bonne santé est un malade qui s’ignore. C’est la mode du check-up, qui s’adresse aux personnes en bonne santé. L’individu, qui n’est pas malade,
pourrait le devenir, ce qui peut impliquer une prise en charge au long cours, souvent sans tenir compte du niveau
de risque. La bonne santé devient donc une maladie chronique massivement investie par l’industrie pharmaceutique, alors qu’il est maintenant établi que c’est le plus souvent notre mode de vie qu’il faudrait modifier.
En fait, il faudrait gérer sa santé comme on gère des actifs financiers, en tenant compte des risques. Les théories du changement discutées ci-dessus sont aussi absolument nécessaires,
car ce sont nos comportements qui sont concernés, or quoi de plus difficile que de changer?
Si on accepte les raisonnements ci-dessus, les pistes à creuser sont évidentes:
1) revoir la compensation des risques (décision politique);
2) développer le raisonnement clinique et l’analyse décisionnelle (politique de formation)
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3) communiquer sur l’absurdité du «risque zéro» et l’impossibilité d’éviter une certaine dose d’incertitude
et de risque (politique de communication);
4) enseigner l’entretien motivationnel aux soignants (politique de formation);
5) réconcilier les acteurs privés et publics autour de la prise en charge des maladies chroniques (décision
politique);
6) investir dans la prévention. Utiliser les théories pédagogiques sur le changement et privilégier comme
cible les changements de comportements (décision politique).
Les réseaux, dont on parle beaucoup, peuvent certainement être le lieu d’une révolution culturelle, notamment au niveau de la gestion partagée (entre professionnels et avec les patients) du risque et des incertitudes. En fédérant les médecins de premier recours, les réseaux pourraient permettre de construire la gestion
des maladies chroniques en partenariat avec tous les autres acteurs du système de santé, public ou privé.
Il faut utiliser tous les moyens pour obtenir un système de santé le plus efficace possible au moindre coût, car son financement, en concurrence avec d’autres besoins communautaires (éducation, sécurité, transports, etc.) est de plus très mal fiscalisé, donc potentiellement injuste.
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