Infirmier en tabacologie à l`HEGP

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Infirmière en tabacologie à l’HEGP
Prise en charge du sevrage tabagique
Des malades hospitalisés dans le service de médecine vasculaire
du Pr Fiessinger de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP)
de Paris sont pris en charge par une équipe spécialisée en
tabacologie. Méthode pour un sevrage réussi.
L
e nombre de décès attribuable
au tabac, en France, est de
59 700 par an. Les études projectives annoncent 160 000 décès pour l’année 2020, dont
60 000 femmes !
Le risque relatif lié à la consommation de tabac par rapport
au risque chez les non-fumeurs
est, pour les maladies circulatoires, multiplié par trois, et pour
les cardiopathies ischémiques,
multiplié par 2,2. (cf. : E. Jouglas,
INSERM, SC8).
Pour répondre à la prévention du
tabagisme en milieu hospitalier,
qui est l’un des objectifs de santé
publique, une unité de liaison de
tabacologie a été créée, en octobre 2000, à l’hôpital européen
Georges-Pompidou. L’objectif est
de permettre à chaque personne
de bénéficier d’une prise en
charge d’aide à l’arrêt du tabac
pendant son hospitalisation et de
lui proposer une orientation de
suivi à sa sortie.
L’unité de liaison
de tabacologie
L’unité de tabacologie de l’HEGP
comprend les consultations externes de médecins tabacologues
et une unité de liaison de tabacologie dirigée par un médecin tabacologue. Elle est animée par
une équipe permanente : l’infirmière de liaison et la secrétaire.
Au sein de l’hôpital, l’unité de liaison de tabacologie travaille avec
des partenaires. Ce sont l’équipe
d’alcoologie de liaison, le service
de psychiatrie et de psychologie
et le service de diététique. En effet, un patient dépendant du tabac peut avoir une autre dépendance et connaître un mal-être ;
l’un et l’autre doivent être pris en
compte. Les modes de vie, dont
les habitudes alimentaires, doivent également être discutés.
Afin d’orienter les patients au moment de leur sortie et de répondre
à leur demande, l’unité de liaison
de tabacologie a constitué un réseau ville-hôpital Paris, Île-deFrance et province.
Rôle de l’infirmière
de liaison
L’infirmière de liaison intervient
sur appel téléphonique de l’interne ou de l’infirmière du service. Le premier entretien, dans
la chambre du patient, constitue
une phase importante. C’est ce
premier contact qui déterminera
la suite des relations patient/soignant. La compréhension des
schémas psychologiques est essentielle et le premier objectif est
d’éviter les jugements hâtifs.
Lors de cet entretien, l’infirmière
de liaison informe, motive le patient, balaie les idées fausses et
complète le dossier de consultation de tabacologie (validé par
le ministère de l’Emploi et de la
Solidarité, l’Assurance maladie,
l’Hôpital sans tabac, et le Comité français d’éducation pour la
santé). Le dossier de consultation
de tabacologie permet une évaluation de la dépendance physique (test de Fagerström).
Les deux questions essentielles
du test sont le délai entre le réveil et la première cigarette et le
nombre de cigarettes fumées par
24 heures. Les résultats du test
sont notés de 0 à 10 (de 0 à 3 :
pas de dépendance physique ;
de 4 à 6 : dépendance physique
moyenne ; de 7 à 10 : dépendance
physique forte). Le dossier permet également une évaluation de
l’humeur anxieuse et/ou dépressive (test HAD, Hamilton Anxiety
and Depressive Score) et une évaluation de la consommation d’alcool (test DETA, Diminuer, Entourage, Trop, Alcool). A la suite
de cet entretien les patients bénéficient d’une prise en charge
médicale immédiate par la substitution nicotinique pour le sevrage tabagique.
Durant l’hospitalisation
La plupart du temps, la prise en
charge du sevrage tabagique se fait
par l’utilisation des substituts nicotiniques par patch. L’infirmière
de liaison indique les recommandations de dosage nicotinique. Le
suivi durant l’hospitalisation sert
à s’assurer du bon dosage de la
substitution nicotinique et de la
motivation et d’envisager la prise
en charge à la sortie de l’hôpital.
En fonction du premier entretien, des résultats des tests DETA
et HAD, l’infirmière de liaison,
avec l’accord du patient, peut recommander une prise en charge
alcoologique par l’équipe d’alcoologie de liaison et/ou une
prise en charge psychologique
par le psychiatre ou le psychologue de liaison.
Sortie de l’hôpital
Une orientation pour la prise en
charge à la sortie est systématiquement proposée en fonction du
lieu d’habitation ou du lieu de travail du patient. Le suivi d’aide au
sevrage tabagique peut se faire en
consultation de tabacologie externe à l’HEGP ou dans un autre
établissement hospitalier ou encore en consultation de médecine
libérale. Et, afin de proposer le
maximum de possibilités, l’unité
de liaison de tabacologie a constitué un réseau.
Le patient sort de l’hôpital avec
les recommandations de substitution nicotinique en cours, les
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 40 - octobre 2002
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Infirmière en tabacologie à l’HEGP
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coordonnées de l’unité de liaison
de tabacologie, la date du rendezvous de suivi ou les coordonnées
d’une consultation d’aide à l’arrêt du tabac. Après chaque entretien, l’infirmière de liaison fait
un compte rendu oral à l’interne
et à l’infirmière en charge du patient. Ce compte rendu oral est
transcrit dans le dossier informatique du patient. Il peut être
consulté à tout moment par
l’équipe.
Étude dans le service
de médecine vasculaire
Les résultats de l’étude qui sont
présentés concernent 26 patients
hospitalisés et pris en charge pendant leur hospitalisation durant
la période d’avril 2001 à juillet
2001 (4 mois). Parmi l’ensemble
des patients (19 patients sur 26
sont de sexe masculin) : un patient a moins de 20 ans, 7 ont
entre 20 et 40 ans, 16 entre 40 et
60 ans et 4 patients entre 60 et
80 ans. La pathologie la plus rencontrée est l’artérite des membres
inférieurs (15), puis la maladie
de Buerger (6) et d’autres maladies vasculaires (5). Sept fumaient moins de 20 cigarettes
par jour, 17 fumaient entre 20 et
40 cigarettes et deux fumaient
plus de 40 cigarettes.
Cinq patients sur 26 ne présentaient aucune dépendance physique, 13 avaient une dépendance
physique moyenne et 8 une dépendance physique forte. Douze
patients n’avaient jamais tenté
d’arrêter de fumer, 6 avaient effectué une tentative, 5 deux tentatives, et 3 trois tentatives.
Les scores du test HAD (Hamilton
Anxiety and Depressive Score) ont
montré que 6 patients sur 26
présentaient des signes d’anxiété.
Le même test a montré que 23 patients n’avaient pas de signes de
l’humeur dépressive et que 3
en présentaient. Vingt patients
n’avaient pas de traitement de
l’anxiété ou de la dépression,
alors que 4 patients avaient un
6
traitement de l’anxiété et 2 de la
dépression.
Au cours de l’hospitalisation,
18 patients ont bénéficié de la
substitution nicotinique par
timbre transdermique et 8 n’en
ont pas reçu soit par refus,
soit que cela ne se justifiait pas.
Aidés ou non par la substitution
nicotinique, 20 patients ont arrêté de fumer pendant leur hospitalisation et 6 ont diminué
leur consommation de cigarettes,
cette diminution pouvant être
due au contexte particulier de
l’hospitalisation.
A la sortie, différentes orientations ont été proposées : en
consultation médicale externe
de tabacologie avec le médecin
responsable de l’unité (11 patients), en consultation médicale
de tabacologie dans un autre
hôpital – AP-HP (5 patients), hors
AP-HP (3 patients) – ou vers
un médecin libéral (2 patients),
le plus souvent le médecin traitant. Cinq patients n’ont pas
eu d’orientation. Les coordonnées de l’infirmière de liaison
ont été communiquées à tous les
patients.
Évaluation à au moins 6 mois
Tous les patients ont été contactés par téléphone 6 à 9 mois
après le début de leur prise en
charge durant leur hospitalisation. Sept patients ont maintenu
un sevrage tabagique pendant
plus de 6 mois, un patient a arrêté pendant un mois, un pendant deux mois et un pendant
trois mois. Six patients ont diminué leur consommation qui
n’est plus que de 5 ou 6 cigarettes
par jour alors qu’ils en fumaient
au moins 20 par jour. Cinq patients ont été perdus de vue.
L’hospitalisation a été une bonne
opportunité pour avoir une première expérience d’arrêt et de
prise en charge du sevrage tabagique à l’aide de la substitution
nicotinique mise à la disposition
des patients par l’hôpital. Dans ce
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 40 - octobre 2002
cadre, le taux de maintien de l’arrêt de 6 mois au moins est de
23 %. L’intervention systématique,
à la demande du service de médecine vasculaire, de l’infirmière
tabacologue, pendant l’hospitalisation, permet aux patients soit
d’arrêter de fumer pour la première fois et d’avoir une expérience positive, soit de renouveler
un arrêt, sachant que l’accumulation des expériences d’arrêts
conduit à un arrêt définitif.
Les patients n’ayant pas arrêté de
fumer pendant leur hospitalisation ont bénéficié durant l’entretien de conseils, d’informations,
et ils ont pris connaissance des
aides auxquelles ils pourront
avoir recours (tabacologue, psychologue, diététicienne) lorsqu’ils prendront la décision de
l’arrêt.
Chantal Muszynski
Infirmière tabacologue,
unité de liaison de tabacologie HEGP
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