Prise en charge du sevrage tabagique
L
e nombre de décès attribuable
au tabac, en France, est de
compte. Les modes de vie, dont
les habitudes alimentaires, doi-
vent également être discutés.
Afin d’orienter les patients au mo-
ment de leur sortie et de répondre
à leur demande, l’unité de liaison
de tabacologie a constitué un ré-
seau ville-hôpital Paris, Île-de-
France et province.
Rôle de l’infirmière
de liaison
L’infirmière de liaison intervient
sur appel téléphonique de l’in-
terne ou de l’infirmière du ser-
vice. Le premier entretien, dans
la chambre du patient, constitue
une phase importante. C’est ce
premier contact qui déterminera
la suite des relations patient/soi-
gnant. La compréhension des
schémas psychologiques est es-
sentielle et le premier objectif est
d’éviter les jugements hâtifs.
Lors de cet entretien, l’infirmière
de liaison informe, motive le pa-
tient, balaie les idées fausses et
complète le dossier de consulta-
tion de tabacologie (validé par
le ministère de l’Emploi et de la
Solidarité, l’Assurance maladie,
l’Hôpital sans tabac, et le Co-
mité français d’éducation pour la
santé). Le dossier de consultation
de tabacologie permet une éva-
luation de la dépendance phy-
sique (test de Fagerström).
Les deux questions essentielles
du test sont le délai entre le ré-
veil et la première cigarette et le
nombre de cigarettes fumées par
24 heures. Les résultats du test
sont notés de 0 à 10 (de 0 à 3 :
pas de dépendance physique ;
de 4 à 6 : dépendance physique
moyenne ; de 7 à 10 : dépendance
physique forte). Le dossier per-
met également une évaluation de
l’humeur anxieuse et/ou dépres-
sive (test HAD, Hamilton Anxiety
and Depressive Score) et une éva-
luation de la consommation d’al-
cool (test DETA, Diminuer, En-
tourage, Trop, Alcool). A la suite
de cet entretien les patients bé-
néficient d’une prise en charge
médicale immédiate par la sub-
stitution nicotinique pour le se-
vrage tabagique.
Durant l’hospitalisation
La plupart du temps, la prise en
charge du sevrage tabagique se fait
par l’utilisation des substituts ni-
cotiniques par patch. L’infirmière
de liaison indique les recomman-
dations de dosage nicotinique. Le
suivi durant l’hospitalisation sert
à s’assurer du bon dosage de la
substitution nicotinique et de la
motivation et d’envisager la prise
en charge à la sortie de l’hôpital.
En fonction du premier entre-
tien, des résultats des tests DETA
et HAD, l’infirmière de liaison,
avec l’accord du patient, peut re-
commander une prise en charge
alcoologique par l’équipe d’al-
coologie de liaison et/ou une
prise en charge psychologique
par le psychiatre ou le psycho-
logue de liaison.
Sortie de l’hôpital
Une orientation pour la prise en
charge à la sortie est systémati-
quement proposée en fonction du
lieu d’habitation ou du lieu de tra-
vail du patient. Le suivi d’aide au
sevrage tabagique peut se faire en
consultation de tabacologie ex-
terne à l’HEGP ou dans un autre
établissement hospitalier ou en-
core en consultation de médecine
libérale. Et, afin de proposer le
maximum de possibilités, l’unité
de liaison de tabacologie a consti-
tué un réseau.
Le patient sort de l’hôpital avec
les recommandations de substi-
tution nicotinique en cours, les
Des malades hospitalisés dans le service de médecine vasculaire
du Pr Fiessinger de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP)
de Paris sont pris en charge par une équipe spécialisée en
tabacologie. Méthode pour un sevrage réussi.
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Infirmière en tabacologie à l’HEGP
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No40 - octobre 2002
59 700 par an. Les études pro-
jectives annoncent 160 000 dé-
cès pour l’année 2020, dont
60 000 femmes !
Le risque relatif lié à la consom-
mation de tabac par rapport
au risque chez les non-fumeurs
est, pour les maladies circula-
toires, multiplié par trois, et pour
les cardiopathies ischémiques,
multiplié par 2,2. (cf. : E. Jouglas,
INSERM, SC8).
Pour répondre à la prévention du
tabagisme en milieu hospitalier,
qui est l’un des objectifs de santé
publique, une unité de liaison de
tabacologie a été créée, en oc-
tobre 2000, à l’hôpital européen
Georges-Pompidou. L’objectif est
de permettre à chaque personne
de bénéficier d’une prise en
charge d’aide à l’arrêt du tabac
pendant son hospitalisation et de
lui proposer une orientation de
suivi à sa sortie.
L’unité de liaison
de tabacologie
L’unité de tabacologie de l’HEGP
comprend les consultations ex-
ternes de médecins tabacologues
et une unité de liaison de tabaco-
logie dirigée par un médecin ta-
bacologue. Elle est animée par
une équipe permanente : l’infir-
mière de liaison et la secrétaire.
Au sein de l’hôpital, l’unité de liai-
son de tabacologie travaille avec
des partenaires. Ce sont l’équipe
d’alcoologie de liaison, le service
de psychiatrie et de psychologie
et le service de diététique. En ef-
fet, un patient dépendant du ta-
bac peut avoir une autre dépen-
dance et connaître un mal-être ;
l’un et l’autre doivent être pris en
coordonnées de l’unité de liaison
de tabacologie, la date du rendez-
vous de suivi ou les coordonnées
d’une consultation d’aide à l’ar-
rêt du tabac. Après chaque en-
tretien, l’infirmière de liaison fait
un compte rendu oral à l’interne
et à l’infirmière en charge du pa-
tient. Ce compte rendu oral est
transcrit dans le dossier infor-
matique du patient. Il peut être
consulté à tout moment par
l’équipe.
Étude dans le service
de médecine vasculaire
Les résultats de l’étude qui sont
présentés concernent 26 patients
hospitalisés et pris en charge pen-
dant leur hospitalisation durant
la période d’avril 2001 à juillet
2001 (4 mois). Parmi l’ensemble
des patients (19 patients sur 26
sont de sexe masculin) : un pa-
tient a moins de 20 ans, 7 ont
entre 20 et 40 ans, 16 entre 40 et
60 ans et 4 patients entre 60 et
80 ans. La pathologie la plus ren-
contrée est l’artérite des membres
inférieurs (15), puis la maladie
de Buerger (6) et d’autres ma-
ladies vasculaires (5). Sept fu-
maient moins de 20 cigarettes
par jour, 17 fumaient entre 20 et
40 cigarettes et deux fumaient
plus de 40 cigarettes.
Cinq patients sur 26 ne présen-
taient aucune dépendance phy-
sique, 13 avaient une dépendance
physique moyenne et 8 une dé-
pendance physique forte. Douze
patients n’avaient jamais tenté
d’arrêter de fumer, 6 avaient ef-
fectué une tentative, 5 deux ten-
tatives, et 3 trois tentatives.
Les scores du test HAD (Hamilton
Anxiety and Depressive Score) ont
montré que 6 patients sur 26
présentaient des signes d’anxiété.
Le même test a montré que 23 pa-
tients n’avaient pas de signes de
l’humeur dépressive et que 3
en présentaient. Vingt patients
n’avaient pas de traitement de
l’anxiété ou de la dépression,
alors que 4 patients avaient un
traitement de l’anxiété et 2 de la
dépression.
Au cours de l’hospitalisation,
18 patients ont bénéficié de la
substitution nicotinique par
timbre transdermique et 8 n’en
ont pas reçu soit par refus,
soit que cela ne se justifiait pas.
Aidés ou non par la substitution
nicotinique, 20 patients ont ar-
rêté de fumer pendant leur hos-
pitalisation et 6 ont diminué
leur consommation de cigarettes,
cette diminution pouvant être
due au contexte particulier de
l’hospitalisation.
A la sortie, différentes orien-
tations ont été proposées : en
consultation médicale externe
de tabacologie avec le médecin
responsable de l’unité (11 pa-
tients), en consultation médicale
de tabacologie dans un autre
hôpital – AP-HP (5 patients), hors
AP-HP (3 patients) – ou vers
un médecin libéral (2 patients),
le plus souvent le médecin trai-
tant. Cinq patients n’ont pas
eu d’orientation. Les coordon-
nées de l’infirmière de liaison
ont été communiquées à tous les
patients.
Évaluation à au moins 6 mois
Tous les patients ont été contac-
tés par téléphone 6 à 9 mois
après le début de leur prise en
charge durant leur hospitalisa-
tion. Sept patients ont maintenu
un sevrage tabagique pendant
plus de 6 mois, un patient a ar-
rêté pendant un mois, un pen-
dant deux mois et un pendant
trois mois. Six patients ont di-
minué leur consommation qui
n’est plus que de 5 ou 6 cigarettes
par jour alors qu’ils en fumaient
au moins 20 par jour. Cinq pa-
tients ont été perdus de vue.
L’ hospitalisation a été une bonne
opportunité pour avoir une pre-
mière expérience d’arrêt et de
prise en charge du sevrage taba-
gique à l’aide de la substitution
nicotinique mise à la disposition
des patients par l’hôpital. Dans ce
cadre, le taux de maintien de l’ar-
rêt de 6 mois au moins est de
23 %. L’intervention systématique,
à la demande du service de mé-
decine vasculaire, de l’infirmière
tabacologue, pendant l’hospitali-
sation, permet aux patients soit
d’arrêter de fumer pour la pre-
mière fois et d’avoir une expé-
rience positive, soit de renouveler
un arrêt, sachant que l’accumula-
tion des expériences d’arrêts
conduit à un arrêt définitif.
Les patients n’ayant pas arrêté de
fumer pendant leur hospitalisa-
tion ont bénéficié durant l’entre-
tien de conseils, d’informations,
et ils ont pris connaissance des
aides auxquelles ils pourront
avoir recours (tabacologue, psy-
chologue, diététicienne) lors-
qu’ils prendront la décision de
l’arrêt.
Chantal Muszynski
Infirmière tabacologue,
unité de liaison de tabacologie HEGP
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Infirmière en tabacologie à l’HEGP
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No40 - octobre 2002
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