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DOSSIER NEURO-ONCOLOGIE
Diagnostic des tumeurs cérébrales:
rôle de la neuroradiologie en 2009
Philippe David, Niloufar Sadeghi et Danielle Balériaux, Clinique de Neuroradiologie,
L’imagerie est utilisée à des fins diagnostiques dès que des
symptômes et signes cliniques font suspecter le diagnostic
de tumeur cérébrale. Le CT scanner et l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) sont les outils utilisés en première intention,
permettant une visualisation directe du parenchyme cérébral.
L’imagerie apporte des informations morphologiques précieuses
permettant d’identifier la (ou les) lésion(s) tumorale(s) et de déter-
miner ses rapports avec les structures cérébrales et les compli-
cations éventuelles (engagements cérébraux, hydrocéphalie…).
Le CT scanner permet d’identifier avec une grande sensibilité les
calcifications et les lésions hémorragiques aigües et s’avère pré-
cieux en cas d’intervention chirurgicale urgente.
L’IRM offre des images d’une plus haute résolution tissulaire et
sera pratiquée dans tous les cas si l’état clinique du patient le
permet. L’imagerie pondérée T1 (bi et tridimensionnelle) et T2
suivies d’une injection de produit de contraste (chélates de
gadolinium) permettent d’obtenir une information morphologique
précise. Des critères sémiologiques permettent d’orienter le
diagnostic et d’aider le neurochirurgien à planifier le traitement
ou la biopsie.
Toutefois, ces éléments sémiologiques, s’ils sont précieux pour
établir des hypothèses quant à la nature histologique de la
tumeur, souffrent de limitations par manque de spécificité dans
de nombreux cas.
De nouveaux progrès technologiques ont permis d’obtenir par
IRM des informations supplémentaires de nature métabolique
(spectroscopie protonique, imagerie de diffusion) et hémodyna-
miques (imagerie de perfusion), permettant d’améliorer l’hypo-
thèse diagnostique et de mieux prédire le grade tumoral et
donc le degré de malignité1.
Le suivi et l’étude de la réponse thérapeutique bénéficient éga-
lement de ces progrès.
De nouvelles avancées technologiques permettent de localiser
des zones fonctionnelles (motrices, sensitives, visuelles, …) et
de déterminer leurs rapports avec la lésion tumorale (IRM
fonctionnelle). Une visualisation de faisceaux d’axones impor-
tants (faisceaux pyramidaux par exemple) est devenue possi-
ble avec l’imagerie par tenseur de diffusion. Ces progrès per-
mettent ainsi aux neurochirurgiens d’être plus audacieux tout
en diminuant la morbidité post-opératoire.
La spectroscopie apporte des informations complémentaires
et non invasives sur le grade de malignité tumorale (Fig 1). Des
rapports de choline sur N-acétyl-aspartate élevés sont ainsi
trouvés dans les gliomes de haut grade2. Les techniques de
spectroscopie multi-voxels rendent compte de l’hétérogénéité
tumorale et permettent d’identifier des zones de haute mali-
gnité tant avant le traitement que dans le cadre de la réponse au
traitement3. La possibilité d’étudier par ce biais l’efficacité de nou-
veaux agents tumoraux est utilisée dans certains protocoles
expérimentaux.
Enfin, le diagnostic différentiel entre récidive tumorale (éléva-
tion de la choline) et radionécrose (pic de lactates) est obtenu
par cette technique.
L’imagerie de diffusion permet aisément certains diagnostics de
lésions extra-axiales comme celui de kystes épidermoïdes qui
présentent le même signal en pondération T1 et T2 que les
kystes arachnoïdiens, mais qui se différencient de ces derniers par
le fait que les coefficients de diffusion apparents sont abaissés4.
Les tumeurs intra-axiales ont des coefficients de diffusion plus
élevés que le parenchyme cérébral sain et des coefficients de
diffusion extrêmement élevés au sein de leurs composantes
nécrotico-kystiques5. Toutefois, certaines tumeurs à cellularité
extrêmement élevée comme les lymphomes (Fig. 2) ont des
coefficients de diffusion diminués.
L’imagerie par tenseur de diffusion permet d’identifier des fais-
ceaux axonaux dans la substance blanche et d’en déterminer
les rapports à la tumeur. Cette technique permet de mieux
orienter la trajectoire d’une biopsie et d’adapter la stratégie
neurochirurgicale6.
L’imagerie de perfusion permet de différencier les gliomes de haut
grade (en démontrant un volume sanguin cérébral élevé au sein
de la tumeur) et peut précéder d’un an la prise de contraste
en cas d’évolution vers un haut grade de malignité7-9.
L’imagerie fonctionnelle permet d’identifier des zones fonc-
tionnelles éloquentes qui apparaissent souvent déplacées par
l’effet de masse tumoral ou voire même déplacées dans d’autres
zones, en raison de la plasticité cérébrale10.
En conclusion, les développements modernes de l’IRM ont per-
mis d’évoluer d’une imagerie strictement morphologique vers
une imagerie plus physiologique et fonctionnelle, permettant
une approche thérapeutique chirurgicale plus audacieuse et
un suivi thérapeutique plus sensible et spécifique.
■
Glossaire
Pondération T1: Le signal RMN d'un tissu varie donc selon ses caracté-
ristiques T1, T2 et sa densité protonique (Rho) (l’air n'a pas de signal RMN
car la densité protonique y est trop faible). Le T1 correspond au temps
nécessaire pour que l’aimantation longitudinale ait retrouvé 63% de son
amplitude initiale, après avoir été basculée de 90°.
On obtient un contraste d’image pondérée en T1 si on utilise un temps de
répétition court et un temps d’écho court (neutralise les différences de
temps T2), pondération dite «anatomique»: en pondération T1 sur le cer-
veau, la substance blanche apparaît plus claire que la substance grise. Le
liquide céphalo-rachidien, situé entre la substance grise et l’os apparaît,
lui, nettement plus «foncé» (hyposignal).
Pondération T2: On obtient un contraste d’image dite pondérée en T2,
dite aussi pondération «tissulaire» en utilisant un temps de répétition long
et un temps d’écho long. La pondération «T2» est fonction du temps d’en-
registrement d’un signal différent entre deux tissus, dû à la différence d’ai-
mantation transversale. L’eau et l’œdème apparaissent «claires» (hypersignal).
Produit de contraste: Chélates de gadolinium: aux doses cliniques habi-
tuellement utilisées, les chélates paramagnétiques de gadolinium donnent
principalement un effet T1: la prise de contraste se traduit par un hypersi-
gnal en pondération T1.
Spectroscopie (SRM): La spectroscopie utilise les propriétés de résonance
des atomes placés dans un champ magnétique: elle repose sur l’étude
des signaux de résonance de molécules situées dans les tissus ou les cel-
lules. En spectroscopie protonique (HSRM) le noyau étudié est l’hydrogène
(1H) présent dans les molécules biologiques. Une accumulation succes-
sive de spectres individuels est obtenue; ceux-ci sont en suite moyennés
afin d’améliorer le rapport signal/bruit. Cette méthode permet d'obtenir des
spectres valables avec de faibles quantités d'échantillons. Le spectre
contient un certain nombre de signaux correspondant aux différents pro-
tons de la molécule et il convient alors de l'interpréter. Dans un champ
magnétique élevé les protons résonnent à une fréquence spécifique à
chaque molécule. Selon leur environnement, les protons diffèrent et ils
résonneront à cette fréquence spécifique. On exprimera cette différence
(très faible) en ppm du champ Bo.
La HSRM permet ainsi l'étude de la présence et concentration de certains
métabolites (par exemple, choline, créatine,N-acétyl aspartate, lactates,
lipides). Son application demande des IRM de haut-champ (1,5 Tesla mini-
mum et 3 Tesla pour obtenir des pics bien différenciés). Il existe des tech-
niques différentes: la single voxel spectroscopy, qui n’étudie qu’un seul
voxel d’à peu près 1 cm3, la technique multivoxel ou CSI (chemical shift
imaging) qui peut alors être bidimensionnelle si elle utilise plusieurs voxels
(une trentaine) sur une seule coupe ou tridimensionnelle pour couvrir pra-
tiquement toute la tumeur (plus de 100 voxels) sur plusieures coupes.
Imagerie de perfusion: L’imagerie de perfusion permet d’accéder à des
informations hémodynamiques concernant le Volume Sanguin Cérébral
Régional, grâce à l'utilisation de produit de contraste présentant une forte
susceptibilité magnétique, tels que les chélates de Gadolinium. Cette
méthode permet de calculer des volumes sanguins cérébraux, des débits
sanguins régionaux et le temps moyen de transit sanguin cérébral régio-
nal. Ses principales indications sont la pathologie tumorale et la détermi-
nation des territoires ischémiés et leur réversibilité. Le rCBV (Cerebral
Blood Volume) désigne la quantité de sang (en ml) qui passe par unité de
temps pour 100 g de tissu cérébral.
IRM fonctionnelle: L’IRMf permet la localisation des zones cérébrales acti-
vées basée sur l'effet BOLD (Blood Oxygen Level Dependant), lié à l’ai-
mantation de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang.
Une seconde environ après le début de l’activité neuronale, une réponse
hémodynamique apparaît avec une augmentation très importante du
débit sanguin cérébral régional.
L’augmentation importante des apports en oxygène entraîne une hyper-
oxygénation du sang veineux reflétée par une augmentation de la concen-
tration en oxyhémoglobine et une diminution de la concentration en
déoxyhémoglobine. Or la déoxyhémoglobine est paramagnétique. En alté-
rant l’homogénéité du champ magnétique intra et périvasculaire, la déoxy-
hémoglobine diminue l’intensité du signal de précession émis (T2*) et
constitue un véritable agent de contraste endogène. Ainsi, en réponse à
une activité neuronale, la diminution de la concentration en déoxyhémo-
globine s’accompagne d’une augmentation de signal qui peut atteindre
jusqu’à quelques pourcents. Pour que ces faibles variations de signal
soient mesurables, il faut répéter de nombreuses fois les tâches d’activation
et de repos.
Pour obtenir cette information, on demande au patient d’alterner des périodes
d’activité (par exemple bouger les doigts de la main droite) avec des
périodes de repos, tout en acquérant des images de l'intégralité du cer-
veau toutes les 1,5 à 6 secondes (correspondant à la résolution tempo-
relle moyenne classiquement utilisée en recherche). On obtient ainsi une
cartographie des zones cérébrales fonctionnelles du patient.
Imagerie de diffusion: L’IRM de diffusion explore les micro-mouvements
des molécules d’eau. La diffusion de ces molécules peut être libre (comme
dans le LCR) ou restreinte (par les membranes cellulaires, les macromolé-
cules, les fibres…). Elle peut s’effectuer dans toutes les directions de l’espace
(diffusion isotrope) ou de façon préférentielle dans une direction donnée
(diffusion anisotrope) comme dans les fibres nerveuses. L’acquisition doit
être répétée avec des gradients orientés dans chacune des 3 directions
de l’espace.
La technique d'imagerie du tenseur de diffusion est une extension de
l'IRM de diffusion, qui permet de quantifier ces mouvements à l’échelle
microscopique. Cette technique permet de visualiser la position, l’orientation
et l’anisotropie des faisceaux de matière blanche du cerveau.
En associant une couleur à chacune des 3 directions de l’espace (rouge:
gauche-droite; bleu: cranio-caudale; vert: antéro-postérieure), on peut
créer une cartographie des faisceaux indiquant leurs positions, directions
et anisotropies. Des algorithmes de «fiber tracking» permettent de suivre
le faisceau sur toute sa longueur, par exemple du cortex moteur à la
moelle épinière pour le faisceau cortico-spinal (qui transmet l’information
motrice). La localisation de tumeurs par rapport aux faisceaux de matière
blanche environnants (infiltration, déflection) est ainsi rendue possible.
Références
1. Al-Okaili et al.,Radiology, 2007; 243 (2):539-550.
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4. Tsuruda et al.,Am J Neuroradiol, 1990; 11:925-931.
5. Tien R. et al.,Am J Roentenol, 1994; 162:671-67.
6. Arfanakis et al.,Oncol Rep, 2006; 15:1061-1064.
7. Law M. et al.,Am J Neuroradiol 2003, 24 :1989-1998.
8. Spampinato et al.,Am J Roentgenol, 2007; 188:204-212.
9. Danchaivijitr N. et al.,Radiology, 2008; 247:170-178.
10.Sunaert et al.,Clin N Am, 2001;11:221-236.
Philippe David
N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009
Figure1: L’IRM met en évidence la présence de lésions plurifocales
frontales et temporo-occipitales gauches, partiellement intraventri-
culaires, hyposignal en pondération T1 avant injection de Gadolinium,
en coupes axiales (A) et coronales (D), discrètement hypersignal
en pondération T2 (B) et FLAIR (C).
Un discret réhaussement est observé après injection IV de Gadolinium
en coupes axiales pondérées T1 (E) et coronales (F).
Figures 1 et 2: Patient de 43 ans présentant des céphalées et une
hémianopsie droite.
Figure 2: L’imagerie de diffusion Trace (A) montre le caractère hypersignal de ces lésions correspondant à une diminution des coefficients de
diffusion, comme le confirme la cartographie des coefficients de diffusion apparents (B). La cartographie du volume sanguin cérébral (rCBV)
ne met pas en évidence d’augmentation de rCBV des lésions tumorales par rapport à la substance blanche normale contralatérale (C,D).
La courbe de signal d’imagerie de perfusion T2* en fonction du temps démontre une surélévation de la ligne de base (courbe bleue) au sein du
tissu tumoral, par rapport à la courbe obtenue au sein de la substance blanche normale du côté contralatéral (courbe jaune), signant une importante
rupture de la barrière hémato-encéphalique (E). Cette sémiologie plaide en faveur du diagnostic de lymphome, confirmé par biopsie.
N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009
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