VIVRE ENSEMBLE À la recherche du père La désagrégation des familles et les faux mythes offerts par la société sont les causes du déclin de la figure du père. C’est à lui d’introduire les enfants dans la vie et aux valeurs qui la rendent belle. de Domenico Volpi ans divers pays (à l’exclusion de l’Italie), la loi sur la fécondation hétérologue permet à ce que la femme soit fécondée par des gamètes de tierce personne, une délicate sentence de justice, un lancinant tourment pour une jeune femme (et pour toutes les autres dans cette situation). Nous faisons allusion à un fait divers: Quand Anna (nom fictif) a su qu’elle était née grâce à la féconda- D 16 tion hétérologue, elle a ressenti le besoin de connaître son père biologique, de retrouver celles qui auraient pu être ses racines et elle s’est adressé aux tribunaux pour le savoir. Un besoin profond des êtres humains et lié à d’autres facteurs: par exemple Anna voulait savoir si son frère était le fruit du même “donneur” ou combien de “donations” avaient été faites. Les tribunaux ont repoussé sa requête mais nous vou- drions faire une remarque qui ne nous semble pas absurde: la diffusion de “donations” dans un milieu restreint pourrait provoquer le cas limite que deux amoureux qui se choisissent pour la vie pourraient être demi-frères. Tout cela sans vouloir mettre en cause l’affection profonde et filiale des parents adoptifs. La recherche du père si commune et dramatique aussi dans les cas des mères célibataires ou des enfants adoptés, devient très douloureuse et presque paradoxale, aussi quand on a formé une nouvelle famille et que le père non biologique a assumé un véritable rôle paternel. Il faut alors concentrer l’attention surtout sur l’adolescence, qui est par définition l’âge de la recherche de l’autre. Il faut avoir un grand équilibre, et une adéquate assistance psychologique afin qu’une personne, et surtout un adolescent, arrive à scinder les deux questions fondamentales: «D’où je viens?» et «Qui suis-je?». Il faut trouver son identité au-delà des origines biologiques. Le cas de chronique que nous venons de citer est significatif du grand besoin de paternité. En contraste, les recherches parlent du “déclin du père” qui comporte aussi la perte d’importance du père et du prêtre qui peuvent être des points de repère quand le jeune se sent étouffé par une vraie ou présumée hostilité à la maison. La désagrégation des familles et les faux mythes offerts par la société sont les causes du déclin de la figure du père. Le père ne devrait pas être seulement celui qui met des limites, qui offre des tremplins de lancement et des points d’appui mais il doit être surtout celui qui aide les enfants à dépasser leurs incertitudes et à trouver les valeurs qui rendent la vie belle. Comment? Plus avec l’exemple qu’avec les paroles, même s’il faut donner quelques indications et quelques avertissements. Jusqu’à l’époque industrielle, dans une société immobile, le père était la plus grande autorité de la maison. Dans la Rome antique, il avait droit de vie et de mort sur les enfants comme cela arrive encore dans les cas de fausses applications des lois islamiques. Pendant des millénaires, le destin de toute la famille a été lié à la terre ou à l’activité artisanale et les enfants suivaient le métier du père. L’industrialisation détacha les hom- TROISIÈME ÂGE mes de leurs familles et l’éducation fut confiée aux mères. Peu à peu, durant les siècles, le père est devenu de moins en moins présent et quand les masses entrèrent dans la vie politique, on la considéra comme «une affaire des hommes», jusqu’à aujourd’hui. Les pères se sont occupés du futur des enfants en dehors de la famille en s’engageant dans la vie sociale et politique. Encore aujourd’hui, dans les crises familiales, les pères sont les premiers acteurs (mais les femmes aussi démontrent la même habilité) et ils sont les premières victimes. Un grand nombre d’hommes séparés se retrouvent sans maison, dans des conditions de pauvreté et avec des visites limités aux enfants. Ainsi naissent les associations de solidarité entre pères séparés. Il faut cependant relancer le rôle paternel. Même si la séparation des parents est toujours traumatique, désormais se diffuse de plus en plus la garde partagée. Ce sont les hommes qui doivent s’engager à retrouver un rôle, non en compétition avec les mères mais en collaborant avec elles. Si les engagements du travail absorbent tant de temps, il faut que le temps passé avec les enfants soit riche en qualité et contenus. Sur la base de mon expérience et de mes erreurs, j’ai rédigé une sorte de décalogue du rôle paternel. Il n’est pas exhaustif mais j’espère qu’il vous sera utile pour réfléchir. 1) Ne pas être toujours présent mais l’être quand c’est nécessaire. 2) Savoir dire de nombreux “oui” mais aussi des “non” utiles. 3) Parler aux enfants de la vie mais savoir écouter aussi leurs expériences sans les juger futiles et sans importance. 4) Savoir être sincère et pouvoir dire «je me suis trompé». 5) Enseigner à reconnaître la réalité et… à exercer la fantaisie aussi. 6) Savoir rire ensemble, et aussi de soi-même. 7) Donner l’exemple de respect et d’estime pour l’autre sexe. 8) Les règles restent des règles mais on peut en parler avec sérénité. 9) Savoir être patient et savoir attendre : ce que nous avons semé donnera des fruits mais nous ne savons pas quand. 10) Avoir et donner confiance dans la vie sans prétendre protéger les enl fants de tous les risques. Offrez-vous un sourire ’occuper de quelqu’un sans arrêter de s’occuper de soi-même. Cela Ssemble facile mais ça ne l’est pas. Ac- compagner un de ses parents dans la salle de chimiothérapie sans lui laisser la main ou le suivre pendant que son cerveau glisse dans le brouillard de la maladie d’Alzheimer, ou encore l’aider “seulement” à vieillir avec dignité, sans se perdre de vue soi-même. Une course à obstacles où les obstacles sont le surmenage, la dépression, le sens d’impuissance. Essayez d’y faire face avec courage et permettez à la personne que vous assistez de faire à son tour quelque chose pour vous, un petit geste qu’elle est capable d’offrir. Celui qui reçoit quelque chose ressent le besoin de rendre pour ne pas se sentir un poids. Préparez-vous. Quand se présentent les premiers problèmes de santé liés au vieillissement, consultez un spécialiste. Les bons gériatres ont une vision d’ensemble des pathologies des personnes âgées et ils peuvent vous aider à dresser un bilan de santé adéquat et à vous prescrire d’éventuels médicaments. Renseignez-vous. Il est utile de savoir quels sont les changements normaux pour une personne âgée et quels sont au contraire les symptômes d’un problème. Donc, demandez aux médecins soignants toutes les informations utiles pour la pathologie dont souffre la personne dont vous vous occupez. Programmez le futur. Renseignezvous sur les services qui pourraient vous être utiles dans le futur: ceux qui sont offerts par la Sécurité sociale (hôpitaux et assistance à domicile), les services privés (auxiliaires de vie, centre pour les personnes âgées et pour les soins palliatifs). Organisez l’aspect économique (les coûts pour l’assistance à long terme peuvent augmenter). Encouragez l’autonomie. Respectez la volonté et la nécessité de la personne assistée de prendre des décisions et de garder le contrôle de sa vie le plus longtemps possible. Demandez de l’aide et apprenez à dire non. Vous ne pouvez pas tout faire tout seul. Partager cet engagement avec d’autres membres de la famille, des amis, des spécialistes et avec les auxiliaires de vie. Demandez de l’aide n’est pas un signe de faiblesse mais de force car vous donnez à la personne aimée l’aide qu’elle mérite. Si les requêtes sont excessives, vous avez le droit et le devoir de dire non. Enfin, offrez-vous un sourire. Le bien-être d’une personne malade ou non autosuffisante dépend aussi du bien-être psychophysique de ceux qui sont à ses côtés Mangez bien, dormez, détendez-vous de manière adéquate. Et puis amusez-vous: rire aide aussi ceux l qui sont en train de nous quitter. 17