ACTION CULTURELLE de l’ACADEMIE DE CAEN SERVICES EDUCATIFS
I La relation entre l’image et l’écrit :
La place du texte dans les trois grandes religions monothéistes est fondamentale, c’est le recueil de la parole, il garantit
le lien entre le croyant et le créateur. Le judaïsme est fondé sur la Torah, la révélation de Dieu faite à Moïse ; dans le
christianisme, l’Évangile prolonge cette révélation et étend la promesse de salut à toute l’humanité. Enfin l’Islam elle
aussi est fondée sur un texte sacré, le Coran, révélé par l’ange Gabriel à Mahomet.
La forme et la place du texte dans la pratique religieuse des chrétiens ont varié avec le temps ; d’abord présenté sous
forme de rouleaux de papyrus pendant l’Antiquité, ainsi que le sont toujours les rouleaux de la Torah, le texte va évoluer
très tôt vers la forme d’un livre appelé codex constitué de feuillets manuscrits assemblés qui permettent d’accéder aux
chapitres et de faire une lecture collective de la Bible. Au IIIème siècle avant Jésus-Christ, la Bible hébraïque est traduite
en grec et au IVème siècle après Jésus-Christ, saint Jérôme est chargé par le pape de traduire la Bible en latin d’après
des versions grecques et des manuscrits hébreux qu’il consulte en Palestine. Après trente ans de travail, il rédige la
Vulgate qui est une version reconnue pendant des siècles.
La Bible est alors un objet précieux des monastères et des abbayes ; l’enseignement monastique est fondé sur la lecture
et la méditation de l’Ancien et du Nouveau testament, comme le veut la règle bénédictine. C’est dans les monastères
aussi que les bibles sont produites, les grandes abbayes possèdent un scriptorium dans lequel les moines recopient les
manuscrits, on les appelle les copistes. La relation des croyants avec le texte a varié avec le temps, vers la fin du Moyen
Age, les chrétiens se sont parfois éloignés des textes sacrés, craignant la mort et recherchant le salut dans la
superstition. Avec la Renaissance, la Bible reprend toute son importance. Comme elle représente l’autorité et la vérité de
la parole de Dieu elle fait l’objet de nouvelles recherches et de nouvelles traductions à partir des textes
anciens. L’imprimerie transforme le rapport à l’écrit en diffusant le texte imprimé auprès d’un plus large public et Luther
publie en 1522 la première Bible en allemand. Le texte en langue vulgaire doit permettre à chacun de comprendre le
message de Dieu. C’est dans ce contexte de la Renaissance que la division entre catholiques et protestants va prendre
forme et affecter le rapport de chacun avec le texte. Pour les luthériens, la relation de l’homme à Dieu repose sur
l’écriture seule, d’ailleurs les foyers protestants possèdent une Bible et en font la lecture quotidiennement. La position de
l’Église catholique est différente, elle reste fidèle à la version latine de saint Jérôme et considère que la parole de Dieu
se transmet par l’Écriture appuyée sur la tradition.
Les images tiennent une grande place dans la religion chrétienne, elle se distingue ainsi des deux autres religions
monothéistes. En effet, les religions juive et musulmane sont aniconiques, pour elles, le divin est infini donc forcément
indescriptible ; toute image serait réductrice ou mensongère. Dans la religion chrétienne, le dogme de l’incarnation, le
mystère de l’union intime de la nature divine et humaine du Christ donne le droit de représenter l’image du Très Haut. Le
verbe s’est fait chair, c’est à la fois le fils et la parole de Dieu adressée aux hommes.
Les images religieuses sont souvent allégoriques, elles sont alors des représentations complexes qui renvoient à autre
chose qu’elles mêmes, elles permettent de représenter un concept abstrait pour qu’il soit compris par le plus grand
nombre. De nombreuses images se basent sur les textes des saintes écritures et avec le temps et la tradition, elles ont
crée des codes visuels stables et compris par le plus grand nombre. Ainsi les attributs des personnages renvoient
toujours à une interprétation, le calice est le sacrement de l’autel et le symbole de la foi ; le crâne, l’attribut des ascètes
et des ermites, il renvoie au caractère caduc des choses terrestres.
Dans le contexte de la réforme catholique élaborée lors du concile de Trente, une nouvelle spiritualité apparaît chez les
catholiques et les images y ont une fonction majeure. Celles-ci doivent servir à la propagation de la foi, célébrer le
triomphe de l’Église pour renouveler la foi des fidèles. Les personnages les plus représentés sont les saints et la Vierge
alors que la façon de les peindre est plus maniériste, les feuillages et les anges donnant une vision joyeuse du paradis.
Ainsi l’Église exerce-t-elle un strict contrôle des images auxquelles elle reconnaît une fonction pédagogique.