Evolutions de l’idée européenne
Si la nécessité politique d'une unification européenne est particulièrement fait sentir au cours
du 20e siècle, l’idée d’une construction européenne est bien plus ancienne. On retrouve déjà
au 13e siècle l’idée d’une association européenne dans les écrits de Dante1. La Révolution
française tenta sans grand succès d'unifier les peuples d’Europe contre les pouvoirs
monarchiques. Mais c’est surtout au 19e siècle, chez V. HUGO2, J. BENTHAM (économiste et
philosophe anglais) ou encore chez I. KANT3 que l’idée trouve un important écho. Unifiés
contre le morcellement de l'Europe, ils développaient des plans d'unification de l'Europe
(c'est-à-dire du « monde civilisé » à cette époque d’intense colonisation).
D’ores et déjà, deux conceptions bien différentes de l'idée européenne font jour :
- La première tend à protéger la souveraineté des Etats4. Sa portée est limitée : elle
propose de simples coopérations gouvernementales dans le cadre d'institutions
permanentes, dépourvues de toute force contraignante.
- La seconde, en revanche, proposait une Europe fédérale dans laquelle les Etats sont
soumises à une autorité supranationale
On retrouvera ces deux pôles (la coopération vs. l’intégration) au cours de l’histoire de la
construction européenne, avec une remarquable pérennité.
1 Le portrait de l’écrivain italien DANTE ALIGHIERI orne d’ailleurs aujourd’hui la face des euros italiens.
2 Le politicien soutiendra à plusieurs reprises la nécessité de la création des Etats-Unis d’Europe
avec la verve de l’écrivain. C’est le cas en 1849, au congrès de la paix : « Un jour viendra où vous France,
vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos
qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et
vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la
Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. Un jour viendra où il n'y aura plus
d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. Un jour
viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le
vénérable arbitrage d'un grand sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le parlement est à l'Angleterre, ce que
la diète est à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France ! »
3 Dans son Essai sur la paix perpétuelle (1795), IMMANUEL KANT propose une fédération d'États libres :
« Ce serait là une "Fédération" de peuples, et non pas un seul et même État, l'idée d'État supposant le rapport
d'un souverain au peuple, d'un supérieur à son inférieur. Or plusieurs peuples réunis en un même État ne
formeraient plus qu'un seul peuple, ce qui contredit la supposition, vu qu'il s'agit ici des droits réciproques des
peuples, en tant qu'ils composent une multitude d'États différents qui ne doivent pas se confondre en un seul. »
4 La souveraineté est l’élément classique de définition de l’Etat sur la scène internationale. Chaque Etat
est autonome ; il gère seul et sans immixtion étrangère aucune l’ensemble de ses affaires internes. Ses
obligations internationales sont librement consenties et exécutées. C’est le respect réciproque de la
souveraineté de chaque Etat qui permet la négociation internationale et fonde le droit international ;
c’est sur cette base qu’il se développe à partir – dit-on – des accords de Westphalie (1648).