Le Triceratops constitue indéniablement l’un des taxons fossiles les plus appréciés du grand
public, au même titre que son non moins célèbre contemporain Tyrannosaurus rex. Les différentes
reconstitutions représentant les redoutables affrontements de ces deux adversaires potentiels ont
beaucoup apporté à cette fascination naturelle que le Triceratops, de par ses dimensions et sa
morphologie si caractéristique, ne manque pas de faire naître en chacun de ses « visiteurs ».
Mais le Triceratops, à côté de cet aspect purement « médiatique », constitue également l’un
des « dinosaures » les mieux représentés actuellement, tant d’un point de vue de l’abondance de ses
enregistrements fossiles que du niveau de préservation de ceux-ci. On en dénombre en effet à
l’heure actuelle pas moins de 50 crânes plus ou moins complets, ainsi qu’une importante quantité de
matériel postcrânien, et ce, même si à ce jour aucun squelette complet n’a encore été découvert.
Cependant, il est également intéressant de constater que ce taxon, malgré sa notoriété et le
fort intérêt scientifique qui en découle, pose encore de nombreux problèmes quant à sa
compréhension d’un point de vue classification. De sa création en 1889 par Marsh aux dernières
théories en cours à l’heure actuelle, la systématique du genre Triceratops a ainsi connu une
constante évolution, sans pour autant qu’une réelle compréhension du taxon ne s’en dégage. Au
centre de ce débat, la question très controversée du nombre d’espèces.
En effet, il est apparu au cours des nombreuses études précédentes que cette morphologie si
caractéristique, basée sur le schéma général d’une « tête à trois cornes », présentait toutefois une
importante variabilité de formes et de dimensions. Or, de par l’absence de matériel juvénile et donc
d’hypothèses sur l’évolution de ces formes, la compréhension de cette variabilité a été soumise à
tout type d’interprétations, allant du modèle à espèces multiples à celui d’une espèce unique à
variabilité intraspécifique forte et dimorphisme sexuel.
C’est dans ce contexte de controverses et d’hypothèses nouvelles que nous allons à présent
nous pencher sur le réexamen du spécimen de Triceratops calicornis du Muséum National
d’Histoire Naturelle de Paris, ce spécimen n’ayant jamais fait l’objet d’une réelle étude depuis son
arrivée au sein de la galerie de paléontologie en Octobre 1912, sous l’impulsion du Docteur Boule.
Celui-ci, désirant ardemment acquérir un tel spécimen, s’adressa alors à l’un des plus prolifiques
« chasseurs de dinosaures » de l’époque, à savoir Mr. Sternberg, avec qui il fit déjà « affaire » à de
nombreuses reprises par le passé. Pour l’histoire, la correspondance de l’époque entre les deux
hommes nous dévoile deux forts caractères se livrant à un commerce acharné, plusieurs spécimens