Axe 3. Études cliniques des représentations familiales et transmission.

Axe 3. Études cliniques des représentations familiales et
transmission.
Ce programme de recherche s'interroge sur les processus de transmission des représentations
familiales identitaires. Comment la transmission des savoirs, des croyances et des liens subjectifs de
filiation vient-elle construire l'identité de l'individu et de son groupe familial immergés dans un
contexte socioculturel ? Nous éclairerons selon une approche pluriréférencée les représentations
familiales de la transmission psychique. Celles-ci peuvent prendre forme sur des objets culturels tels
que la généalogie, les valeurs idéologiques, les objets patrimoniaux tels que l'habitat, les objets
légués... ou encore à travers des actions rituelles ou institutionnelles telles que l'adoption, la
reconnaissance en paternité...
Les travaux menés sous cet axe concernent plus particulièrement les dysfonctions de
l’intergénérationnel et les représentations du corps familial, les modalités de l’éducation familiale
dans la construction et la transmission des représentations, les retentissements des processus du
vieillissement, et l’usage des méthodologies projectives pour appréhender les troubles et les
pathologies.
a. Dysfonctions de l'intergénérationnel et représentations du corps familial.
Les représentations de la transmission familiale peuvent s'appréhender à plusieurs niveaux
d'interprétation selon qu'on se place dans l’interpsychique, l'intrapsychique, ou le transpsychique.
Une approche clinique des failles de la filiation montre ses effets dans la psychopathologie
tant de l'individu que du fonctionnement familial. L'hypothèse, que l'équipe de psychopathologie
clinique propose, est qu'une transmission inadéquate de l'héritage psychique familial (secrets de
famille, deuils non faits, honte filiative...) aurait une action inhibitrice sur les capacités de penser, de
rêver, d'inventer. Du fait de ce blocage collectif ou individuel, les sujets n'auraient comme solution
d'expression que le dysfonctionnement psychique ou comportemental ou encore la maladie
somatique. Dans le prolongement de cette hypothèse, nous voyons que le sujet dans sa singularité ne
peut se comprendre que dans l'intersubjectivité du groupe dont la famille est un lieu princeps.
La transmission d’un héritage psychique familial ne peut se penser sans les liens de
consanguinité qui expriment la présence massive du corps et de ses interdits, qui régulent les
relations intra et extra familiales. La taphore d’un corps familial porteur de mémoire identitaire
montre quelles représentations chaque membre d’une famille, d’un clan, d’une société porte sur
l’héritage transmis par les autres générations ; mais aussi comment, il pourra plus ou moins se
l’approprier. Car la transmission ne se subit pas passivement, mais elle doit être sollicitée et demande
un véritable travail d’élaboration des donataires. Ainsi, les rites, les codes sociaux sont des
contenants formels qui préfigurent par l’aide de la loi les modalités de passage d’un bien, d’un
savoir, d’une croyance …. L’acquérant peut alors s’enraciner dans son origine en s’enrichissant de
représentations symboliques et identitaires. L’étude des procédures conscientes et des processus
inconscients pourrait permettre de mieux comprendre et d’aider les familles avec et face à leur
patrimoine biologique, affectif, culturel et social. Les champs d’investigations concernent les temps
de crises et de réaménagements de la structure familiale : naissance, mariage, maladie,
vieillissement, mort ; ils interrogent les rapports entre corporéité et filiation : psychopathologie du
corporel (troubles des conduites alimentaires, obésité, stigmatisation, handicap …)
- Un chantier de recherche, déjà largement ouvert (Cuynet, Mariage et al.) porte plus
précisément sur l’Espace habi et transmission identitaire et utilise le dessin de la maison
imaginaire. La famille, dans sa quête d’éléments identificateurs pour lutter contre les fantasmes
archaïques d’éparpillement ou d’atomisation, cherche à se tisser une enveloppe délimitante et
contenante qui s’étaie sur un habitat réel. Ce cadre externe agit en retour et influence la manière
affective de vivre ce lieu. Partant de ce besoin vital pour le groupe familial de se projeter dans une
forme contenante qui sera à l’image du vécu narcissique commun d’être ensemble, nous avons
souhaité mettre au point une épreuve visant à recueillir les effets psychiques du groupe familial dans
sa façon d’être ensemble dans cet espace maison qui le contient. Le dessin libre d’une Maison de
rêve apparaît alors comme un outil de médiation permettant la projection de l’attitude inconsciente
du corps familial déposé dans l’ici et le maintenant de l’habitat.
L’objectif de ce projet est de valider une épreuve projective standardisée qui exploite le
versant de l’espace topographique de l’image du corps spécifique au groupe familial. Plus de 200
protocoles ont été recueillis auprès de familles « tout venant » à partir de la consigne « Dessinez
ensemble le plan d’une maison imaginaire on pourrait vivre toute une famille ». Une grille
d’analyse quantitative est en cours d’élaboration afin d’objectiver le matériel projectif obtenu.
L’interprétation qualitative de l’aspect formel de la maison permettra enfin d’envisager les relations
avec le discours verbal et la sémiologie groupale.
- Un deuxième chantier, lui aussi ayant déjà donné plusieurs communications publications
internationales (Cuynet, Mariage et al.) porte sur la génographie projective familiale : une épreuve
projective du générationnel. L’arbre généalogique est la représentation d’un groupe qu’un individu
ou une famille porte en lui. C’est une figure apte à contenir et à révéler les liens dynamiques et
structuraux de l’interfantasmatisation du groupe, tant sur l’axe vertical de la filiation que sur l’axe
horizontal des liens d’alliance.
Une étude systématique avec une population normale ouvre la possibilité de pratiquer des
diagnostics différentiels dans l’optique de la création d’une épreuve projective spécifique au groupe
familial. Nous disposons déjà de 250 protocoles d’arbres généalogiques réalisés en famille à partir de
la consigne « Dessinez ensemble l’arbre généalogique de votre famille. Vous pouvez le faire selon
votre imagination, vous êtes libre de lui donner la forme que vous voulez ». Une grille de
dépouillement est élaborée afin de mener l’analyse de l’aspect formel des arbres. Le matériel verbal
reste à exploiter. travail est envisagé dans le cadre de collaborations internationales avec l’Université
de Santiago du Chili ( Dr Horacio Foladori) et l’Université de Bueno Aires (Pr Roberto Loss) et au
niveau national celles de Paris V :(Pr Edith Lecourt ), du Centre de Recherches en Psychopathologie
et Psychologie Clinique à Lyon II (Pr Bernard Chouvier) et du Laboratoire de Sociologie et
d’Anthropologie de l’UFC ( Pr Dominique Jacques-Jouvenot)
Par ailleurs, dans cet axe de recherche, et avec un éclairage psychanalytique et
psychopathologique, des études sont menées (H. Maïdi, 2003) sur la victimologie clinique,
« victimologie subjective », s’intéressant essentiellement à l’organisation névrotique de destinée et
s’interrogeant sur l’économie de la « position de victime », la transmission inter et
transgénérationnelle, la répétition traumatophilique et victimophilique ainsi que sur le déterminisme
inconscient et primordial sous-jacent qui opère dans ce type de comportement « négatif » et
masochique.
De même, nous poursuivons un travail de réflexion et de recherche centré sur la question du
traumatisme psychique à l’adolescence, ses effets et ses causes à cette période réputée turbulente et
douloureuse. (H. Maïdi) Nous nous proposons de reprendre le concept de « traumatisme » pour
mieux le délimiter d’autres notions ou concepts voisins et sauvegarder sa spécificité sexuelle. Nous
déclinons les sources de souffrance à l’adolescence provenant d’une part du fait qu’elle est en elle-
même traumatisante pour la psyché qui doit gérer des transformations corporelles considérables, le
passage d’une sexualité pulsionnelle prégénitale à une sexualité génitale, le passage des potentialités
sexuelles du pré-pubertaire à l’effectivité sexuelle de l’adolescence qui commande des
aménagements relationnels nouveaux, notamment familiaux et d’autre part du fait qu’elle constitue
une véritable caisse de résonance pour les traumatismes antérieurs : carences narcissiques précoces,
blessures narcissiques et traumatismes sexuels de reviviscence, peut conduire soit à leur élaboration
soit à leur répétition compulsive. (Cf. Communications et publications scientifiques, H. Maïdi,
2003-2007).
b. Education familiale, construction et transmission des représentations
Cette thématique s’inscrit dans la coopération existante entre Laboratoire de Psychologie EA
3188 et le REEFI (Réseau Éducation des Enfants : entre Familles et autres Institutions éducatives).
Ce réseau pluridisciplinaire d’équipes de recherche regroupe aujourd’hui des chercheurs venant de
différentes disciplines des Sciences Humaines et Sociales (sciences de l’éducation, sociologie,
psychologie) et prend appui sur plusieurs associations nationales et internationales de chercheurs
telles que l’Association des Enseignants Chercheurs en Sciences de l’Education (AECSE),
l’Association Internationale de Formation et de Recherche en Éducation Familiale (AIFREF),
l’European Scientific Association For Residential and Foster Care for Children and Adolescents
(EUSARF), l’European Educational Research Association (EERA), le Groupe Francophone d’Études
du Développement Psychologique de l’Enfant Jeune (GROFRED).
Plusieurs thématiques sont développées autour de la socialisation des enfants à l’intérieur de
leurs familles et la « coéducation » entre les familles et les autres institutions socio-éducatives
(crèche, école, internat spécialisé).Il semble possible de s’interroger sur ce qui se joue d’une
transmission dans la construction de la parentalité et du lien familial :
- Fonctions et conceptions des rôles, le couple parental, activité professionnelle et « métier de
parent », Solidarité familiale et nouvelles configurations familiales : PACS, homoparentalité,
familles recomposées, place et fonction des grands-parents dans ces nouvelles organisations
familiale, bientraitance et maltraitance, responsabilité parentale, pauvreté, immigration, handicap.
- Les processus éducatifs intrafamiliaux : Représentations et pratiques éducatives,
Développement cognitif et affectif de l’enfant et de l’adolescent, transmission des normes et des
valeurs : rationalisation des prescriptions d'interdits chez les enfants, soumission engagée,
représentation par les membres de la famille de leur expérience familiale.
- Les relations entre la famille et les intervenants professionnels : Coopération, collaboration,
co-éducation, professionnalité et relation d’aide.
Dans ce cadre, des travaux de recherche sont envisagés sur les rapports entre les liens de
filiation et le rang dans la fratrie (Bonnet, et al.). Parmi les différentes crises traversées par la famille,
celle liée à la maladie dégénérative d’un des parents oblige à penser l’aide apportée au(x) parent(s)
comme largement dépendante, dans sa nature et ses modalités relationnelles, de l’histoire familiale.
Ainsi, la désignation au sein d’une fratrie, voire, l’auto-désignation d’un aidant familial se donne à
voir comme une révélation au groupe familial et au monde extérieur d’un lien particulier préexistant
à la crise. Si chaque famille appréhende la crise selon ses propres modalités relationnelles,
psychiques, fantasmatiques, il semble qu’il existe certains invariants dans cette organisation obligée
pour faire face au déséquilibre. Des études statistiques montrent par exemple que l’aidant principal,
lorsqu’il n’est pas le conjoint, est souvent une fille, et l’aînée de la fratrie. Si on peut aisément
comprendre que les femmes soient davantage attendues dans un rôle de « maternage » pour prendre
soin d’un parent malade, on peut néanmoins s’interroger de façon holistique sur ce rôle d’aidant de
l’aîné : le droit d’aînesse, datant de l’antiquité, aujourd’hui aboli, persiste-t-il de façon plus ou moins
consciente en devoir d’aînesse ? En se désignant comme aidant familial, l’aîné répond-il à une
obligation, un devoir filial suscité par des attentes parentales, par le reste de la fratrie ? On peut
imaginer par exemple que l’aîné s’attribue ce rôle d’aidant parce qu’il a lui-même eu le sentiment
d’être investi par ses parents de façon particulière par rapport au reste de la fratrie. Pourtant, le
contexte actuel de familles moins nombreuses laisse penser à des rôles moins marqués, moins
différenciés au sein de la fratrie.
Ainsi, l’organisation de l’aide autour d’un parent atteint par exemple d’une démence de type
Alzheimer permet d’interroger, dans un contexte de fantasme de renversement des générations, la
relation possible entre le rang de l’enfant dans la fratrie, sa place dans l’aide apportée au parent et sa
représentation du lien de filiation à son parent malade. Pour venir éclairer les modalités
d’investissement de l’enfant aîné plus particulièrement, cette approche psychologique pourrait se
compléter d’une approche sociohistorique de la transmission d’un patrimoine à un héritier selon son
rang dans la fratrie.
Une recherche au Laboratoire de psychologie visant à appréhender les retentissements de la
maladie d’Alzheimer sur les liens familiaux est en cours. Ce recueil de données qualitatives par
entretiens semi-directifs auprès d’enfants de parents touchés par la maladie pourrait constituer une
première phase de l’étude permettant de comprendre comment ces enfants, souvent aînées de fratrie,
inscrivent l’aide apportée à leur parent dans une histoire familiale et une relation particulière à leurs
parents révélés par la crise. Il serait intéressant dans un second temps d’interroger plusieurs membres
adultes d’une même fratrie, non touchée par ce type de maladie d’un parent, pour comprendre dans
une approche psychosociologique, les enjeux du rang de chacun dans la fratrie en terme de
transmission, de lien de filiation et de lien fraternel : qu’en est-il vraiment aujourd’hui des relations
conscientes et inconscientes tissées entre parents et enfants, entre frères et sœurs selon leur rang dans
la fratrie ?
Pour apporter des réponses à ce questionnement sur le lien entre rang dans la fratrie et
modalités d’organisation d’une aide future éventuelle aux parents, une enquête permettant de
recueillir la parole auprès de deux membres adultes d’une fratrie par entretiens semi-directifs,
complétés par une évaluation de la personnalité et un test projectif, semble intéressante. Ces frères et
sœurs pourraient être mobilisés par l’intermédiaire de services à domicile capables d’identifier des
familles dont le parent bénéficie de services à domicile sans pour autant être installé dans une grande
dépendance (Gir 4 à 7). Cette étude doit pouvoir reposer sur une vingtaine de familles (soit au moins
40 entretiens).
- Une autre recherche portera sur les modalités de transmission des savoirs professionnels et
institutionnalisation des métiers relationnels. Si certaines des professions d’aide relationnelle sont
installées dans des activités ment répertoriées et légitimées (éducateur, assistante sociale,
psychologue, médecin, etc.), d’autres émergent ces dernières années à partir de pratiques jusque-là
considérées comme non professionnelles parce que confinées à des travaux d’emblée marqués par les
sphères domestiques et maternelles : assistantes maternelles devenues dernièrement des assistants
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