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les dieux, les démons et les héros – selon un ordre que nous retrouverons dans la théologie
de Proclus. Elle comprend aussi, entre les dieux et les démons, les archanges et les anges,
et après les démons, les archontes. Les démons, réalités médianes et médiatrices, ont
principalement en charge le cosmos, tandis que les héros s’occupent, dit Jamblique, de
disposer les âmes.
Non moins importante que cette hiérarchie intermédiaire entre les dieux et les âmes des
vivants, est la notion capitale d’apparition ou
é
piphanie. Le monde supérieur offre au
contemplatif un spectacle merveilleux. Les dieux ont pour propriétés l’ordre et la tranquillité,
les archanges l’ordre et la tranquillité, mais qui possède un caractère actif, les anges, avec
l’ordre et la tranquillité présentent les marques du mouvement, les visions des démons nous
les présentent dans une sorte de trouble bachique, les archontes se manifestent de façon
stable, ou, au contraire, liés à la matière, de façon tumultueuse, les héros, enfin, « se
pressent dans leur mouvement et ne manquent pas de changement » (Myst
è
res, II, 3). Ainsi,
de l’Un ineffable, principe du tout, jusqu’au multiple matériel, de déploie une procession
d’êtres qui enchante l’âme du sage initié à leurs apparitions. Tout n’est qu’ordre et beauté.
Le monde néoplatonicien des archanges, des anges, des démons est la manifestation
mobile, de plus en plus mobile et multiple, selon que l’on descend vers le monde inférieur, de
l’impassibilité ineffable des dieux. Tout est plein d’anges – n’est-ce pas ici le cas de le dire,
comme si les degrés de l’intelligible, les processions qui vont de l’unité absolue jusqu’aux
unités dérivées, se donnaient à voir et à célébrer dans les personnalités déterminées d’êtres
hypercosmiques, dont le rôle providentiel et gouvernemental va de pair avec l’effusion d’une
lumière divine infinie.
Nous allons montrer maintenant, autant que possible, comment ces traits esquissés
sommairement ici, nous les retrouvons, modifiés, dans certains systèmes de la pensée
shî’ite. Ce que l’on nomme « islam shî’ite » est caractérisé par un petit lot de croyances
fondamentales et par une très grande diversité d’écoles, d’embranchements et de
confessions. Ce qui les unit est la conviction selon laquelle la révélation divine a été
recueillie par les prophètes, dont le dernier dans le temps est le premier par dignité et par
essence, Muhammad, et que la lumière de cette révélation est reçue, aussi bien, par l’alter
ego du prophète, ‘Alî ibn Abî Tâlib, son épouse Fâtima, la fille du Prophète, et par leurs
descendants, les Imâms. Les diverses confessions de l’islam shî’ite divergent sur la série et
la dénomination de ces Imâms. Les shî’ites « duodécimains » ou « imamites » reconnaissent
douze Imâms, dont le premier est « le Prince des croyants », ‘Alî ibn Abî Tâlib, et le
Douzième est l’Imâm entré en occultation jusqu’à la fin des temps, l’Imâm attendu, portant le
même nom que le Prophète, Muhammad, surnommé « le Bien-guidé », al-Mahdî.
La philosophie, telle qu’elle s’est développée en terre d’islam, est principalement et presque
exclusivement connue en Occident, par les œuvres de ceux qui ont commenté Aristote ou lui
ont été grandement fidèles, al-Fârâbî, Avicenne au Xe siècle, ou Averroès au XIIe siècle.
Mais, sans entrer dans le détail d’une histoire de la philosophie islamique dont la courbe
conduit jusqu’à l’aube de notre époque, relevons que la figure de Platon et celle de Plotin